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Décisions | Chambre civile

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C/18881/2021

ACJC/1025/2024 du 19.08.2024 sur JTPI/9442/2023 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CO.398; LTVA.21
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18881/2021 ACJC/1025/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 19 AOÛT 2024

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 août 2023, représentée par Me Claudio FEDELE, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Gabriel RAGGENBASS, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/9442/2023 du 25 août 2023, le Tribunal de première instance a débouté A______ SARL de ses conclusions en paiement prises à l'encontre de B______ SA (chiffre 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 10'400 fr., à la charge de A______ SARL (ch. 2), condamné cette dernière à payer à B______ SA 10'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 27 septembre 2023 à la Cour de justice, A______ SARL forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Cela fait, elle conclut à ce que B______ SA soit condamnée à lui payer la somme totale de 379'926 fr. 69, plus intérêts à 5% dès le 11 mai 2021, à titre de dommages et intérêts, avec suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances.

b. Dans sa réponse, B______ SA conclut à ce que A______ SARL soit déboutée de toutes ses conclusions d'appel, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis de la Cour du 21 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ SARL est une société fondée en ______ 2017 et dont le but est l’exploitation d’un centre de médecine ______ [spécialité] (ci-après également désigné : la clinique).

C______ en est la fondatrice et la gérante avec signature individuelle. Elle est au bénéfice d’un diplôme de médecine, délivré par l'Université de D______ (Chine), et pratique en Suisse depuis 2007. Son compte LinkedIn mentionne qu’elle a obtenu un diplôme de médecine ______ [spécialisation] et de médecine ______ [spécialisation] en Chine, qu'elle est arrivée en Suisse en 2004 et qu'elle a travaillé dans un centre médical en médecine ______ à Genève (2007-2017), avant de fonder sa propre clinique en 2017.

E______, son compagnon, et F______, un ami de longue date, sont associés gérants avec signature collective à deux. Ces derniers sont tous les deux actifs dans de nombreuses sociétés genevoises, F______ étant notamment Président de la FONDATION G______ et Président du Conseil d’administration de H______ SA.

b. B______ SA propose des services de courtage en assurance, des services d’externalisation des fonctions de support et de placement de personnel, ainsi que des solutions informatiques.

I______ est une des administratrices avec signature collective à deux.

La société se présente sur son site internet comme spécialiste notamment en matières de comptabilité et de fiscalité et dans l'accompagnement des entrepreneurs.

c. En juillet 2017, F______ a pris contact avec B______ SA dans le cadre de la mise en place de la clinique.

Une première réunion s'est tenue lors de laquelle le projet et les besoins de A______ SARL ont été exposés à B______ SA, représentée par I______.

d. Par courriel du 6 juillet 2017, le dossier de présentation de la clinique a été transmis à B______ SA. Ce document s'intitulait "Dossier de présentation d'une clinique de médecine ______ à Genève" et contenait un descriptif, ainsi qu'un business plan. Il était notamment indiqué, sous le chapitre "Autorisation de pratiquer", ce qui suit :

"Doctoresse C______, futur médecin responsable de la clinique A______ est enregistrée auprès du département de la santé pour le droit de pratiquer la médecine ______, depuis Avril 2007 (copie des autorisations en annexe)".

Les annexes n’ont, quant à elles, jamais été transmises à B______ SA, ni demandées par celle-ci.

e. Le lendemain, B______ SA a adressé une offre de services à A______. Ce document, signé par les deux parties, inclut un poste intitulé Gestion de la fiscalité : "affiliation au registre des contribuables TVA et analyses" et le coût de cette prestation de 500 fr.

f. Lors d’un rendez-vous entre les parties, la question de la soumission ou non de A______ SARL à la TVA a été abordée.

f.a Entendue devant le Tribunal, I______ a déclaré avoir expliqué que pour ne pas être soumis à la TVA, il fallait être au bénéfice d'une autorisation de pratiquer la médecine. On lui avait dit que C______ était au bénéfice d'une telle autorisation et celle-ci était d'ailleurs mentionnée dans le business plan. Elle n'avait jamais reçu les annexes mentionnées dans le dossier de présentation, à savoir les autorisations de pratiquer. Elle ne les avait jamais demandées car lors des discussions ce point paraissait clair pour tout le monde et elle n'avait aucun doute sur leur réalité. Comme C______ travaillait depuis des années dans un autre cabinet, ça lui avait paru logique que ce point soit clair pour ses interlocuteurs.

Elle avait ensuite expliqué que la soumission à la TVA était dès lors optionnelle, que la soumission volontaire à la TVA permettait de récupérer la TVA payée sur les investissements, la non-soumission simplifiait la facturation car il n’y avait pas de décompte à faire et permettait d’aligner les prix sur les prix du marché.

Lors de l'audience du 29 mars 2023, I______ a relevé que le dossier de présentation mentionnait "le droit de pratiquer la médecine ______" et pas le droit de pratiquer la médecine. A ses yeux, il n'y avait pas de différence puisqu'on lui avait assuré que le droit de pratique était autorisé. Cette question n'avait pas été creusée plus en avant. Elle a confirmé n'avoir mené aucune enquête de son côté pour vérifier si C______ était inscrite au Registre fédéral des professions de la santé.

f.b F______ a déclaré devant le Tribunal que les représentants de A______ SARL avaient dit à B______ SA que C______ était au bénéfice d'une autorisation de pratiquer la médecine ______ et pas la médecine.

B______ SA leur avait alors demandé s'ils voulaient être soumis à la TVA, sans leur expliquer pourquoi ils avaient le choix et quelles étaient les conditions à remplir. Les représentants de la clinique avaient compris qu'ils avaient le choix et que les tarifs demandés aux patients avec TVA seraient moins concurrentiels dès lors qu'ils seraient de 140 fr. sans TVA et de 150 fr. avec TVA.

C______ a ajouté qu’elle n’avait jamais été questionnée sur ses diplômes et qu'elle faisait entièrement confiance à B______ SA car elle n'y connaissait rien.

g. A la suite des discussions échangées au sujet de la TVA, A______ SARL a opté pour la non soumission à la TVA afin de s’aligner sur les prix du marché. Entre 2017 et 2020, la clinique n'a pas facturé de TVA à ses patients et n'a payé aucun montant à ce titre auprès de l'Administration fiscale.

h. En octobre 2020, A______ SARL a consulté Me J______ pour des questions en lien avec la crise sanitaire du COVID 19 et, dans le cadre de leurs discussions, lui a indiqué que son activité n'était pas soumise à la TVA.

Ayant des doutes à ce sujet, Me J______ s'est renseigné auprès de l'Administration fédérale des contributions et est parvenu à la conclusion que l'assujettissement à la TVA était obligatoire. En effet, à teneur de la réponse obtenue, par courriel du 13 novembre 2020, de l'Administration fédérale des contributions, les conditions d'une exemption n'étaient pas réunies (art. 21 al. 2 ch. 3 LTVA). En particulier, le prestataire (i.e C______) n'était pas détentrice d'une autorisation de pratiquer au sens des art. 21 al. 2 ch. 3 LTVA et 35 OTVA.

i. A______ SARL a aussitôt régularisé sa situation en s'annonçant spontanément auprès de l’Administration fédérale des contributions, avec effet au 1er octobre 2017.

Selon le décompte reçu de l’Administration fédérale des contributions du 21 juillet 2021, les montants réclamés totalisaient 355'307 fr. 07, au 31 décembre 2020.

A______ SARL a payé ce montant.

j. A partir du 1er avril 2021, le tarif horaire de A______ SARL est passé de 140 fr. à 160 fr. afin d'intégrer la TVA.

k. Par acte du 28 septembre 2021, A______ SARL a formé une demande en paiement, déclarée non conciliée et introduite le 7 septembre 2022 par-devant le Tribunal, réclamant à B______ SA la somme de 371'136 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 11 mai 2021 et demandant à être autorisée à amplifier ses conclusions en fonction des intérêts moratoires réclamés par l’Administration fédérale des contributions, avec suite de frais et dépens.

Elle lui a reproché une mauvaise exécution du contrat de mandat en lui ayant confirmé qu'elle avait le choix de s'assujettir à la TVA alors que son assujettissement était en réalité obligatoire.

l. Par réponse du 22 décembre 2022, B______ SA a allégué que C______ avait affirmé être au bénéfice de l’autorisation de pratiquer la médecine, que cela était également indiqué dans le business plan qui lui avait été transmis, que celle-ci se prévalait de l’existence physique d’une telle autorisation et qu'elle n’avait aucune raison de croire que toutes ces affirmations étaient fausses. Par conséquent, il n’y a pas eu mauvaise exécution du contrat de sa part, dans la mesure où elle s'était légitimement basée sur les informations qui lui avaient été communiquées par A______ SARL et ses organes.

m. Les parties ont plaidé lors de l'audience de plaidoiries finales du 10 mai 2023, persistant dans leurs conclusions respectives.

n. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé que seule la question de la soumission volontaire à la TVA avait été évoquée entre les parties et que cette question ne se posait que pour les médecins. A teneur du dossier, il ne faisait aucun doute que les parties considéraient C______ comme médecin. L’information concernant le statut de médecin de celle-ci avait été communiquée à B______ SA, figurait dans le business plan transmis à celle-ci, C______ y étant définie comme "médecin responsable de la clinique A______" et se décrivant elle-même comme "Doctoresse C______". A aucun moment C______ n’avait démenti cette information.

Au vu de ces éléments, le Tribunal a considéré que B______ SA pouvait avoir confiance dans les informations transmises par sa cliente et les considérer comme exactes, sans devoir vérifier les informations concernant les diplômes de C______. La notoriété de F______ et E______ ne faisait que renforcer la confiance que B______ SA pouvait avoir dans les affirmations qui lui avaient été communiquées. En conséquence, il ne pouvait être reproché à B______ SA de ne pas avoir vérifié le statut professionnel de C______ ni, par conséquent, aucune violation de ses obligations contractuelles.

La première condition de la responsabilité contractuelle faisait ainsi défaut et conduisait au rejet de la demande en indemnisation.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce.

Interjeté en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.3 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'appel ne contient pas de faits nouveaux. A l'appui de son mémoire d'appel, l'appelante expose et discute les faits qui ressortent des écritures, des pièces et de la procédure de première instance. L'intimée ne précise d'ailleurs pas quels faits n'auraient pas été présentés en première instance, sous réserve de la question des compétences des associés gérants de la société appelante. Or, à cet égard, l'appelante ne fait que discuter et contester l'appréciation du Tribunal.

Il n'y a ainsi pas de fait irrecevable à écarter de la procédure.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés et suffisamment motivés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir rejeté sa demande en niant toute violation du devoir de diligence de la part de l'intimée.

2.1 Il n'est pas contesté que l'appelante est liée à l'intimée par un contrat soumis aux règles du mandat (art. 394 ss CO).

2.1.1 La responsabilité du mandataire suppose la réunion de quatre conditions cumulatives: une violation d'un devoir de diligence, une faute, un dommage et une relation de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation fautive du devoir de diligence et le dommage survenu. Il appartient au demandeur d'apporter la preuve des faits permettant de constater que chacune de ces conditions est remplie (art. 8 CC), sauf pour la faute qui est présumée (art. 97 al. 1 CO) (ATF 133 III 121 consid. 3.1; 132 III 379 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_480/2021 du 9 novembre 2022 consid. 3.2).

2.1.2 S'agissant du devoir de diligence, le mandataire doit exécuter avec soin la mission qui lui est confiée et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son cocontractant (art. 321a al. 1 CO applicable par le renvoi de l'art. 398 al. 1 CO). Il est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution de sa mission (art. 398 al. 2 CO), qui comprend le devoir d'informer et de conseiller le mandant, ainsi que le devoir de respecter les instructions de ce dernier.

L'obligation d'information implique pour le mandataire d'aviser l'autre partie de tout ce qui est important pour cette dernière en relation avec l'exécution du contrat. Afin d'être utile au mandant, l'information doit être complète, exacte et dispensée à temps. Le mandataire doit notamment renseigner le mandant des risques (y compris des risques financiers) et avantages des mesures et des actes envisagés, ou de l'exécution du mandat en général. L'information doit ainsi rendre le mandant à même de dispenser des instructions adéquates (Werro, Commentaire romand CO I, 3ème éd., 2021, n. 17 ad art. 398 CO et les références citées).

L'obligation de conseil exige une intervention active du mandataire, qui doit, d'une part, indiquer laquelle des mesures correspond (à son avis) le mieux à l'intérêt du mandant et, d'autre part, mettre celui-ci en garde contre les risques que comportent certaines mesures, notamment lorsqu'il est lui-même un spécialiste et que le mandant ne l'est pas (Werro, op. cit., n. 18 ad art. 398 CO).

L'obligation de diligence impose au mandataire de mettre en œuvre des moyens d'action raisonnables pour atteindre le résultat voulu par les parties (Werro, op. cit., n. 12 ad art. 398 CO).

Le degré de diligence qui incombe au mandataire ne doit pas se déterminer une fois pour toutes, mais en fonction des capacités, des connaissances techniques et des aptitudes propres de ce dernier que le mandant connaît ou aurait dû connaître. Ce sont les circonstances concrètes de l'affaire qui importent à cet égard (ATF 134 III 354 consid. 3.2.2; 127 III 357 consid. 1c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_148/2022 du 21 décembre 2022 consid. 3.2). On cherchera à déterminer comment un mandataire consciencieux, placé dans la même situation, aurait agi en gérant l'affaire en cause. Les exigences seront plus sévères à l'égard du mandataire qui exerce son mandat à titre professionnel, moyennant rémunération (ATF 127 III 357 consid. 1c; 115 II 62 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5.3.1).

2.1.3 En vertu de l'art. 18 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20), les prestations fournies sur le territoire suisse par des assujettis moyennant une contre-prestation sont soumises à la TVA; ces prestations sont imposables pour autant que la présente loi ne l’exclue pas.

Les traitements médicaux dans le domaine de la médecine humaine dispensés dans certains secteurs de la santé sont exclus du champ de l'impôt, si les prestataires de ces services sont détenteurs d'une autorisation de pratiquer (art. 21 al. 2 ch. 3 LTVA).

A cette fin, trois conditions cumulatives doivent être réalisées, à savoir 1) le prestataire doit faire partie des professions du secteur de la santé énumérées à l'art. 35 al. 2 OTVA; 2) être détenteur de l’autorisation cantonale de pratiquer la profession à titre indépendant ou autorisé à dispenser des traitements médicaux conformément à la législation cantonale (art. 35 al. 1 OTVA); et 3) le traitement doit être un traitement médical au sens de l'art. 34 OTVA.

Selon le droit cantonal genevois, les médecins sont soumis à autorisation de pratiquer (art. 73 de la Loi sur la santé [LS; K 1 03] et art. 1 du Règlement sur les professions de la santé [RPS; K 3 02.01]. En revanche, l'exercice des pratiques complémentaires (telle que la médecine ______) n'est pas soumis à autorisation, mais à inscription au registre des pratiques complémentaires (art. 97 LS et art. 1 de l'ancien Règlement sur les pratiques complémentaires [aRPrC, K 3 02 03], en vigueur au moment des faits).

Un document attestant que la profession peut être exercée sans autorisation ou l'inscription dans le registre des pratiques complémentaires, dont le but est le recensement de ces pratiques, ne vaut pas autorisation de pratiquer. Par conséquent, les thérapeutes en médecine ______ ne remplissent pas la deuxième condition susmentionnée relative à l'art. 35 al. 1 OTVA et tous les traitements qu'ils dispensent sont dès lors soumis à la TVA (informations envoyées aux parties par l'Administration fédérale des contributions, Division TVA, les 13 novembre 2020 et 30 novembre 2021 et figurant au dossier).

2.2 En l'espèce, l'intimée a fourni une information qui s'est avérée erronée - à savoir que l'appelante n'était pas assujettie de manière obligatoire à la TVA -, sur la base d'une appréciation inexacte des faits en considérant que C______ avait le statut de médecin au bénéfice d'une autorisation d'exercer l'exemptant de la TVA.

Selon la thèse de l'intimée, suivie par le Tribunal, les informations relatives au statut de médecin et à la possession de l'autorisation de pratiquer lui ont été communiquées par l'appelante elle-même et ne suscitaient pas de doute quant à leur véracité, de sorte qu'elle pouvait légitiment s'y fier.

La question qui se pose est dès lors celle de savoir si l'intimée a fait preuve de la diligence requise ou si elle aurait dû procéder à des vérifications supplémentaires, ce qui doit être examiné au regard de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce.

En premier lieu, il sied de relever que la question de l'assujettissement à la TVA de l'appelante relève de la mission confiée à l'intimée, laquelle a été mandatée en sa qualité de spécialiste en matière de fiscalité et dans l'accompagnement des entrepreneurs pour répondre à cette question.

En deuxième lieu, selon les informations du dossier dont l'intimée avait connaissance, C______ a obtenu son diplôme de médecine auprès de l'Université de D______, en Chine. Depuis son arrivée en Suisse, elle a exercé uniquement dans le domaine de la médecine ______. Le dossier de présentation soumis à l'intimée porte du reste spécifiquement sur cette seule activité, dont le titre "Dossier de présentation d'une clinique de médecine ______ à Genève" est sans équivoque. A aucun moment, que ce soit lors des discussions menées entre les parties ou dans la documentation échangée, il n'est fait ne serait-ce qu'allusion à une pratique dans un autre domaine. L'intimée ne pouvait en déduire que C______ exerçait ou avait exercé une profession de la santé au sens de l'art. 1 RPS qui lui aurait permis d'obtenir une autorisation de pratiquer.

En troisième lieu, lors de l'audience du 29 mars 2023, l'appelante a exposé qu'elle avait toujours précisé à l'intimée que l'"une autorisation de pratiquer" détenue par C______ était limitée à la médecine ______, sans être contestée sur ce dernier point. S'agissant du dossier de présentation qui a été transmis à l'intimée, force est également de constater qu'il n'indique pas que l'appelante serait au bénéfice d'une autorisation de pratiquer la médecine ______, comme le soutient l'intimée. Si un chapitre s'intitule certes "autorisation de pratiquer", il y est spécifiquement indiqué que C______ est enregistrée auprès du département de la santé pour le droit de pratiquer la médecine ______, ce qui se distingue précisément de la délivrance de l'autorisation de pratiquer.

Ainsi, selon le langage courant, les représentants de l'appelante pouvaient légitiment alléguer que C______ était autorisée à pratiquer la médecine ______ puisque tel était effectivement le cas. De même, on ne saurait leur reprocher de décrire cette dernière comme "médecin responsable de la clinique A______" ou comme " Doctoresse C______", dès lors qu'elle dispose d'un diplôme universitaire de médecine, étant relevé qu'il était précisé et que l'intimée savait qu'il s'agissait d'un diplôme étranger.

Les informations données au sujet de C______ n'étaient ainsi pas contraires à la réalité et ne supposaient pas forcément qu'elle était au bénéfice d'une autorisation de pratiquer au sens des dispositions applicables à la TVA. En effet, le système de la TVA ainsi que le droit cantonal sur les professions de la santé sont complexes et comportent de nombreuses nuances et exceptions, qui échappent à un profane en la matière. Il ne revenait pas à l'appelante de faire la distinction entre une "autorisation de pratiquer" et un "droit de pratique de la médecine ______", ou respectivement une "inscription dans le registre des pratiques complémentaires", et encore moins de connaître les répercussions qui en découlent au niveau de la TVA. Le fait que C______ a travaillé plusieurs années avant de fonder sa propre clinique n'y change rien dès lors qu'elle était salariée sans être concernée par ces questions. De plus, cette dernière n'a pas suivi son cursus de médecine en Suisse et n'a pas pratiqué dans les domaines de la médecine ______, de sorte qu'elle ne peut être tenue comme familière avec ces différentes qualifications. L'intimée ne peut pas non plus tirer argument du fait que les gérants de l'appelante sont rompus aux affaires et impliqués dans de nombreux conseils d'administration de sociétés, dans la mesure où on ne peut leur imputer de ce fait des connaissances spécifiques en matière d'imposition de la TVA dans le domaine médical, raison pour laquelle ils ont d'ailleurs fait appel à l'intimée.

Cette question s'avère en effet technique et d'une certaine complexité. En tant que spécialiste, il revenait à l'intimée - et non à l'appelante - de connaître les nuances relatives aux autorisations de pratiquer et inscriptions d'un droit de pratique eu égard aux répercussions que cela avait à l'assujettissement à la TVA et d'attirer l'attention de l'appelante sur ce point. Ce constat s'impose d'autant plus que l'intimée savait que l'appelante exerçait dans le seul domaine de la médecine ______, laquelle n'était pas soumise à autorisation, avait connaissance du parcours professionnel de sa fondatrice, en particulier de ses diplômes obtenus à l'étranger, et avait reçu la documentation selon laquelle cette dernière était enregistrée pour un droit de pratique, et non pas détentrice d'une autorisation de pratiquer. Ainsi, quand bien même l'appelante a pu faire référence à une "autorisation de pratiquer" la médecine ______ en lieu et place d'un droit de pratique, l'intimée ne pouvait, au vu des circonstances d'espèce, en déduire sans autre examen qu'elle détenait une autorisation de pratiquer la médecine ______. L'appelante ne pouvait en effet détenir une telle autorisation pour son activité de médecine ______ puisque celle-ci n'est pas soumise à autorisation et n'exerçait aucune autre activité. L'ensemble de ces éléments auraient dû éveiller des doutes quant au statut professionnel de C______.

Par ailleurs, au vu des enjeux et des intérêts en cause, le devoir de diligence commandait une intervention active de l'intimée, ce d'autant plus qu'une simple demande à sa cocontractante des annexes du dossier de présentation ou une consultation sur le site internet du registre fédéral des professions médicales aurait rapidement permis de vérifier ce point.

Par conséquent, l'intimée se devait de mettre en œuvre des moyens d'action raisonnables pour vérifier le statut professionnel de C______ dans la mesure où il s'agissait d'un point capital et que les déclarations de l'appelante devaient susciter des doutes quant à la détention de "l'autorisation de pratiquer" au sens de la LTVA, dont les conditions d'application relevaient de la mission confiée à l'intimée.

Or, l'intimée a admis ne pas avoir fait de distinction entre l'autorisation de pratiquer la médecine dont les bénéficiaires ne sont pas obligatoirement assujettis à la TVA et le "droit de pratiquer la médecine ______" dont bénéficie C______. Elle n'a entrepris aucune démarche pour vérifier l'autorisation, respectivement le droit de pratique détenu par C______ et si les conditions pour ne pas être assujetti à la TVA, telles que prévues par la LTVA et l'OTVA, étaient remplies.

L'argument de l'intimée selon laquelle son examen juridique était correct ne lui est d'aucun secours. En effet, sa mission ne consistait pas à exposer les conditions juridiques relatives à l'assujettissement obligatoire à la TVA, mais de déterminer in concreto si l'appelante les remplissait.

Au vu de ce qui précède, l'intimée a manqué à son devoir de diligence. L'appel est fondé et le jugement sera dès lors réformé sur ce point.

3. Dans la mesure où le Tribunal ne s'est pas prononcé sur les autres conditions de la responsabilité de l'intimée, soit des éléments essentiels de la demande, il se justifie de lui renvoyer la cause pour suite d'instruction si celui-ci l'estime opportun et nouvelle décision afin de garantir aux parties un double degré de juridiction (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC).

Le jugement attaqué sera ainsi annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour suite d'instruction éventuelle et nouvelle décision.

4. 4.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

La cause étant renvoyée au Tribunal, les frais judiciaires et dépens de première instance seront réservés et devront être fixés par le Tribunal dans le jugement final à prononcer après le présent arrêt de renvoi (art. 104 al. 1 CPC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 4'000 fr., la Cour ne rendant qu'une décision incidente qui ne met pas fin à la procédure (art. 23 RTFMC), entièrement compensés avec l'avance de frais versée à concurrence de 18'000 fr. par l'appelante et mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC). L'intimée sera, en conséquence, condamnée à verser 4'000 fr. à l'appelante à titre de frais judiciaires et l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, invités à restituer le solde de l'avance fournie en 14'000 fr. à l'appelante.

L'intimée sera, par ailleurs, condamnée aux dépens de l'appelante (art. 95 al. 3 let. b, art. 105 al. 2, art. 96 CPC), qui obtient gain de cause sur ses conclusions d'appel, fixés à 4'000 fr. (art. 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 septembre 2023 par A______ SARL contre le jugement JTPI/9442/2023 rendu le 25 août 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18881/2021.

Au fond :

Annule ce jugement et, cela fait, renvoie la cause au Tribunal pour suite d'instruction éventuelle et nouvelle décision sur le fond, dans le sens des considérants.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'000 fr., dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance versée et les met à la charge de B______ SA.

Condamne en conséquence B______ SA à verser à A______ SÀRL 4'000 fr. à titre de restitution partielle de l'avance fournie, ainsi que 4'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Invite l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à restituer à B______ SA le solde des frais en 14'000 fr.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.