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Décisions | Chambre civile

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C/16405/2020

ACJC/869/2024 du 01.07.2024 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16405/2020 ACJC/869/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 1ER JUILLET 2024

 

 

Pour

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 mars 2024, représentée par Me Nicolas MOSSAZ, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 24 août 2020, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, non motivée, à l'encontre de B______.

b. Par décision DTPI/8844/2020 du 26 août 2020, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a imparti à A______ un délai au 25 septembre 2020 pour fournir une avance de frais de 25'000 fr. en relation avec ses conclusions au fond.

c. Par pli du 9 septembre 2020, A______ a formé une demande de provisio ad litem, concluant à ce que B______ soit condamné à lui verser une somme de 50'000 fr. à ce titre et à ce que le délai fixé pour le paiement de l'avance de frais soit suspendu jusqu'à droit jugé sur la question de la provisio ad litem.

d. B______ s'est opposé au principe du divorce et a fait valoir que les parties n'étaient pas séparées depuis plus de deux ans, de sorte que le Tribunal a ouvert les débats sur la question de la durée de la séparation des parties.

e. Le 25 novembre 2020, A______ a pris des conclusions sur le principe du divorce, a requis le versement d'une provisio ad litem de 50'000 fr. de la part de B______ et a pris des conclusions sur les effets accessoires du divorce.

f. Dans sa réponse du 15 janvier 2021, B______ a conclu au rejet de la demande en divorce, sous suite de frais et dépens.

g. Par jugement sur partie du 23 février 2021, le Tribunal a déclaré la demande en divorce recevable, réservé la suite de la procédure au fond et mis les frais de la décision à la charge de B______, le condamnant, en outre, à verser 2'000 fr. à A______ à titre de dépens.

Dans ses considérants, le Tribunal a notamment indiqué qu'il serait statué ultérieurement sur la demande de provisio ad litem de A______.

B______ a formé appel contre ce jugement auprès de la Cour de justice (ci-après : la Cour).

h. Le 5 novembre 2021, A______ déposé une requête de mesures provisionnelles devant le Tribunal. Elle a conclu à ce qu'une provisio ad litem de 30'000 fr. lui soit versée par B______, à ce qu'il soit ordonné à ce dernier de produire des pièces, dont elle a dressé la liste, et a pris des conclusions portant sur le versement de contributions d'entretien pour la durée de la procédure.

Dans son écriture, elle a fait valoir que, compte tenu de ses finances, les conditions étaient réunies pour qu'elle se voie octroyer une provisio ad litem pour les besoins des mesures provisionnelles.

i. Dans sa réponse sur mesures provisionnelles du 21 février 2022, B______ a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais et dépens.

j. Par arrêt du 15 mars 2022, la Cour a confirmé le jugement sur partie du 23 février 2021.

B______ a formé recours contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral.

k. Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 24 mars 2022, le Tribunal a débouté A______ de sa requête, l'a condamnée à s'acquitter des frais judiciaires de la procédure sur mesures provisionnelles, qui ont été fixés à 2'000 fr., et a compensé les dépens.

Le Tribunal a considéré que A______ n'avait pas démontré qu'elle ne disposait pas des moyens nécessaires aux frais de procès, de sorte que sa demande de provisio ad litem devait être rejetée.

l. Le 13 juillet 2022, B______ a, à son tour, requis le prononcé de mesures provisionnelles, sollicitant l'attribution du domicile conjugal et la suppression de la contribution d'entretien due à A______ et à la diminution de celles dues aux enfants, qui avaient été fixées sur mesures protectrices de l'union conjugale.

m. Dans sa réponse sur mesures provisionnelles du 20 septembre 2022, A______ a conclu au déboutement de B______ de sa requête, sous suite de frais et dépens.

n. Par arrêt du 5 octobre 2023, le Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt de la Cour du 15 mars 2022 confirmant la recevabilité de la demande en divorce.

o. Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 20 octobre 2022, le Tribunal a ratifié les conclusions d'accord partielles prises entre les parties, mis les frais de la décision à la charge de B______ et dit qu'il n'était pas alloué de dépens.

p. Lors de l'audience du 30 novembre 2023, le Tribunal, à la demande de A______, qui avait déclaré que sa situation financière avait changé, a imparti à cette dernière un délai pour actualiser sa demande en divorce.

q. Dans sa demande en divorce motivée du 19 février 2024, A______ a pris des conclusions sur les effets accessoires de celui-ci, concluant notamment au versement de contributions de l'ordre de 7'000 fr. par mois à chacun des deux enfants et à 9'000 fr. pour elle-même et au versement d'un montant provisoirement chiffré à près de 2'200'000 fr. à titre de liquidation du régime matrimonial.

Elle a également conclu, à titre préalable, au versement par B______ d'une provisio ad litem de 30'000 fr., faisant valoir qu'elle ne réalisait pas un revenu suffisant pour faire face à ses charges mensuelles et que ses comptes bancaires affichaient à ce jour un solde total de "seulement" 40'000 fr., si bien qu'elle ne disposait pas d'une fortune suffisante pour faire faces aux frais du procès.

r. Par décision DTPI/2296/2024 du 4 mars 2024, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 15 avril 2024 pour fournir une avance de frais de 20'000 fr. pour la procédure de divorce et a réservé la suite de la procédure.

s. Par courrier 7 mars 2024, A______ a demandé au Tribunal que le délai pour payer l'avance de frais soit suspendu jusqu'à droit connu sur le versement de la provisio ad litem.

t. Par ordonnance du 14 mars 2024, le Tribunal a maintenu son ordonnance du 4 mars 2024 et octroyé à A______ un délai supplémentaire au 31 mai 2024 pour fournir l'avance de frais, la suite de la procédure étant réservée.

Il a considéré que la demande de provisio ad litem avait déjà été rejetée par ordonnance du 24 mars 2022 et qu'il devait traiter une demande de 47 pages et 858 pages de pièces, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de dispenser A______ de fournir une avance de frais.

B. a. Par acte expédié le 28 mars 2024 à la Cour, A______ a recouru contre cette décision, qu'elle a reçue le 18 mars 2024. Elle a conclu à son annulation, à ce que le délai de paiement qui lui a été fixé pour s'acquitter de l'avance de frais soit suspendu jusqu'à droit connu sur la requête de versement de la provisio ad litem et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de statuer sur la requête de provisio ad litem formée dans le cadre de sa demande motivée du 19 février 2023, sous suite de frais et dépens. A titre préalable, elle a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à son recours.

b. Par décision du 3 avril 2023, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision entreprise.

c. Invité à se déterminer sur le recours, le Tribunal a conclu à son rejet dans la mesure de sa recevabilité pour les motifs développés dans l'ordonnance querellée.

d. A______ a été informée par pli du greffe de la Cour du 16 mai 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours, dirigé contre une décision relative aux avances de frais (art. 103 CPC) – laquelle constitue une ordonnance d'instruction au sens de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 4 ad art. 103 CPC) – est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), dans le délai utile de dix jours prévu pour les ordonnances d'instruction (art. 321 al. 2 CPC) et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 321 al. 1 CPC).

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

2. La recourante reproche au Tribunal de l'avoir condamnée à s'acquitter d'une avance de frais sans avoir statué sur sa requête de provisio ad litem.

2.1.1 L'art. 98 CPC prévoit la possibilité pour le tribunal d'exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

Le tribunal impartit un délai pour la fourniture des avances et des sûretés (art. 101 al. 1 CPC).

Si les avances ou les sûretés ne sont pas fournies à l'échéance d'un délai supplémentaire, le tribunal n'entre pas en matière sur la demande ou la requête (art. 101 al. 3 CPC).

2.1.2 La requête d'assistance judiciaire suspend le délai imparti pour payer l'avance de frais judiciaires et, en cas de rejet de cette requête, le tribunal doit accorder un délai supplémentaire pour effectuer cette avance. Tant qu'une décision d'assistance judiciaire n'a pas été prise, le tribunal ne peut exiger d'avance de frais et fixer de délai à cette fin (ATF 138 III 163 consid. 4.2 ; 138 III 672 consid. 4.2.1 et les références citées).

Il s'agit là de principes généraux, qui doivent également s'appliquer lorsqu'une partie requiert une provisio ad litem. En effet, la partie qui ne dispose pas des moyens suffisants pour assumer les frais d'un procès, mais dont le conjoint est en mesure de prendre en charge ces frais, ne peut pas requérir de l'Etat l'octroi de l'assistance judiciaire. La partie qui doit requérir une provisio ad litem de la part de son conjoint pour financer les frais du procès se trouve dans une situation identique à celle de la partie qui doit demander l'assistance judiciaire; sans cette aide financière, elle est privée de son droit à l'accès à la justice, garanti par la Constitution. Il s'ensuit que la requête de provisio ad litem suspend le délai pour faire l'avance de frais (ATF 138 III 672 consid. 4.2.1 et 4.2.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal n'a pas statué sur la requête de provisio ad litem tendant à la couverture des frais de la procédure au fond formée par la recourante dans sa demande du 9 septembre 2020, puisque dans son jugement sur partie du 23 février 2021 il a choisi de statuer ultérieurement sur ce point.

C'est à tort que le premier juge considère que la décision rendue à la suite de la requête de provisio ad litem formée par la recourante sur mesures provisionnelles a définitivement réglé la question de son droit à un tel versement pour l'ensemble de la procédure. La procédure au fond et la procédure sur mesures provisionnelles sont deux procédures distinctes et les requêtes de provisio ad litem formées par la recourante dans ses conclusions au fond et sur mesures provisionnelles portent sur des sommes devant couvrir des frais différents. Ainsi, le Tribunal devait rendre deux décisions, l'une sur mesures provisionnelles et l'autre sur la procédure au fond.

En tout état, même s'il avait déjà été statué sur sa demande de provisio ad litem au fond, ce qui n'est pas le cas, la recourante était en droit d'en former une nouvelle au motif que sa situation financière s'était détériorée.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal, saisi d'une requête de provisio ad litem sur le fond du litige, devait suspendre le paiement de l'avance de frais tant qu'il n'avait pas statué sur cette question.

Par conséquent, le recours sera admis et il sera dit que le délai pour verser l'avance de frais, imparti par le Tribunal dans la décision querellée, est suspendu jusqu'à droit définitivement connu sur la requête de versement d'une provisio ad litem.

3.      Au vu de l'issue du recours, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'Etat (art. 107 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront, dès lors, invités à restituer à la recourante l'avance de frais qu'elle a versée.

L'art. 107 al. 2 CPC ne s'appliquant pas en matière de dépens, la recourante conservera en revanche à sa charge ses dépens de recours (ATF 140 III 385 consid. 4.1)

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 28 mars 2024 par A______ contre l'ordonnance rendue le 14 mars 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16405/2020.

Au fond :

L'admet.

Dit, en conséquence, que le délai pour verser l'avance de frais, imparti par le Tribunal de première instance à A______ dans la décision DTPI/2296/2024 du 4 mars 2024, est suspendu jusqu'à droit définitivement connu sur la requête de provisio ad litem formée par A______.

Invite le Tribunal de première instance à statuer sur ladite requête.

Sur les frais :

Laisse les frais à la charge de l'Etat.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 600 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr