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Décisions | Chambre civile

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C/10568/2021

ACJC/859/2024 du 13.06.2024 sur JTPI/12415/2023 ( OO ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10568/2021 ACJC/859/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 13 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 31 octobre 2023, représenté par Me Patrick SPINEDI, avocat, SPINEDI AVOCATS SÀRL, rue Saint-Léger 2, Case postale 107, 1211 Genève 4,

et

1) B______, sise ______ [ZH], intimée,

2) C______ SARL, sise c/o Madame D______, ______ [GE], autre intimée, toutes deux représentées par Me Marco ROSSI, avocat, SLRG AVOCATS, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12415/2023 du 31 octobre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a rejeté la demande de A______, dans la mesure de sa recevabilité (ch. 1 du dispositif), mis les frais, arrêtés à 6'440 fr., à la charge de A______ et compensé ceux-ci à due concurrence avec les avances fournies par les parties (ch. 2 et 3), ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ le solde de son avance, soit 200 fr. et de restituer à [la compagnie d'assurances] B______ son avance de frais de 100 fr. (ch. 4 et 5), condamné A______ à verser à B______ et C______ SARL un montant de 8'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch.7).

En substance, le Tribunal a retenu que les conclusions prises par A______ devaient être déclarées irrecevables faute d'être suffisamment déterminées. Cela étant, entrant malgré tout sur le fond, il a considéré que la demande devait être quoiqu'il en soit rejetée dans la mesure où le demandeur n'avait pas démontré le lien de causalité naturelle entre l'atteinte à l'intégrité corporelle subie suite à l'accident en question et la perte de gain alléguée. Par ailleurs et quoiqu'il en soit également, A______ n'avait pas non plus prouvé l'étendue de son dommage. Enfin, il n'y avait pas lieu à dédommagement d'un tort moral, les conditions pour ce faire n'étant pas réalisées.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 1er décembre 2023, A______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation (chiffres 1, 2 et 6 du dispositif) et à ce que B______ ou C______ SÀRL soient condamnées à lui payer la somme de 11'561 fr. 15 à titre d'indemnité pour perte de gain pour le mois de janvier 2021 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 janvier 2021, 10'442 fr. 30 pour le mois de février 2021 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2021, 11'561 fr. 15 pour le mois de mars 2021, avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mars 2021, 11'188 fr. 20 pour le mois d'avril 2021 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 avril 2021, 11'561 fr. 15 pour le mois de mai 2021 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mai 2021, 8'204 fr. 70 pour le mois de juin avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 202, 5'780 fr. 60 pour le mois de juillet 2021 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 juillet 2021, 5'407 fr. 64 pour le mois d'août 2021 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 août 2021, et 20'000 fr. à titre de tort moral avec intérêts à 5% l'an dès le 18 septembre 2018, sous suite de frais et dépens.

Il fait, en substance, grief au Tribunal, d'une part, d'avoir constaté les faits de manière inexacte en "relayant" un témoignage de manière incorrecte et en datant erronément un certificat médical produit. Il fait grief d'autre part au Tribunal, d'avoir violé les articles 59 et 60 CPC en considérant que ses conclusions étaient irrecevables car insuffisamment déterminées. Celles-ci étaient parfaitement recevables dans la mesure où elles étaient chiffrées et dirigées contre deux responsables solidaires. Le Tribunal avait en outre, sur le fond, violé les art. 58 al. 1 et 62 al.1 LCR, ainsi que l'art. 41 al.1 CO, en ne retenant pas le lien de causalité naturelle entre l'accident et sa perte de gain, "l'accident étant la condition sine qua non de l'atteinte à sa santé". Par ailleurs, le Tribunal avait violé les art. 46 al.1 CO et 62 al.1 LCR en ayant reproché au recourant de ne pas avoir justifié le calcul des indemnités journalières, prenant uniquement pour référence le montant de celles versées par B______. Enfin, il lui reproche d'avoir fait une fausse application des conditions du prononcé d'un dédommagement pour tort moral au sens de l'art. 49 CO.

b. Par mémoire réponse du 19 janvier 2024, B______ et C______ SÀRL, (ci-après : les intimées) ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais et dépens. Le reproche de constatation inexacte des faits est infondé et se rapporte à deux détails sans importance. S'agissant de l'irrecevabilité des conclusions de la demande, celle-ci doit être confirmée dans la mesure où les conclusions alternatives prises sont inadmissibles. En ce qui concerne l'absence de causalité naturelle retenue entre l'accident et le dommage allégué, elles relèvent que le Tribunal s'est fondé sur des rapports médicaux pertinents pour conclure de la sorte. Quant au grief relatif à la preuve de l'étendue du dommage, il doit également être rejeté dans la mesure où l'appelant n'avait pas démontré ce dernier, les montants versés par l'assurance n'étant que des "acomptes journaliers à valoir sur la perte de gain", "fixés de manière pragmatique". L'appelant ne fait pas la comparaison entre ce qu'il aurait pu gagner sans l'accident et ce qu'il a gagné suite à l'accident. Enfin, les conditions de l'octroi d'une indemnité pour tort moral ne sont pas réalisées, l'intensité requise en particulier n'étant pas donnée.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions, suite à quoi la cause a été gardée à juger en date du 23 avril 2024.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants, tels que retenus par le Tribunal et non remis en cause par les parties, sous réserve des compléments nécessaires apportés :

a. En date du 18 septembre 2018, A______, peintre en bâtiment indépendant domicilié en France, circulait à E______ [GE] au volant de son véhicule utilitaire de marque F______, lorsque celui-ci a été percuté depuis la droite par un autre véhicule, de marque G______, dont le conducteur n'avait pas marqué d'arrêt au panneau "stop" à l'intersection. Ce véhicule était conduit par H______, associé-gérant à l'époque de la société détentrice de ce véhicule, C______ SARL.

B______ est l'assureur responsabilité civile de C______ SARL.

b. Dans ses écritures de première instance, ainsi que lors de sa déposition en audience, A______ a décrit un choc latéral si violent qu'il s'était retrouvé "comme une balle de ping pong" au sein de l'habitacle. Sa tête était sortie par la fenêtre de la portière conducteur qui, fort heureusement, était ouverte, puis il avait été rabattu à l'intérieur de l'habitacle et avait atterri sur le siège passager. Son véhicule avait été propulsé d'environ cinq mètres sur la voie de circulation inverse.

En audience du Tribunal, confirmant en substance les allégués de son mémoire de demande, A______ a fait le récit suivant du déroulé des faits juste après l'accident :

"Je suis ensuite sorti de l'habitacle. Je voyais les immeubles tourner autour de moi. J'ai eu le réflexe d'appeler la Police. La Police m'a demandé si je souhaitais une ambulance. J'ai refusé car il y avait plein de gens autour de moi qui me demandaient si j'avais besoin d'assistance. […] A la suite immédiate de l'accident, je me suis rendu dans un magasin de peintures à proximité de l'accident pour remplir le constat d'accident. J'étais dans l'incapacité de le faire car j'avais des troubles de la vision. Le propriétaire du magasin a été chercher un carrossier qui se trouvait à proximité en m'expliquant que ce dernier avait l'habitude de remplir des constats d'accident. Sur le lieu de l'accident, plusieurs personnes présentes m'ont déconseillé de reprendre le volant. Ensuite, je suis quand même reparti au volant de ma voiture chez mon garagiste. Ce dernier m'a empêché de repartir avec mon véhicule, en gardant les clés. Il a appelé mon épouse afin qu'elle vienne me chercher. J'étais dans un état second. Je ne me rendais pas compte de ce qui m'arrivait."

Il a également expliqué que, du fait de son état de choc, ce n'était que quelques jours après l'accident qu'il avait commencé à percevoir d'autres symptômes, soit des maux à l'épaule droite, au bras et à la nuque, un engourdissement de la main droite et le blocage de trois doigts sur cette même main.

c. C______ SARL et B______ contestent toutes deux que le choc subi du fait de la collision des deux véhicules ait été violent. Elles se prévalent à cet égard d'un rapport d'expertise technique établi le 11 juin 2019 par I______, ingénieur HES, à la demande de B______. Aux termes de ce rapport, suite à l'impact, le véhicule F______ avait subi un "delta-v" ("différence vectorielle entre la vitesse juste avant la collision et la vitesse juste après la collision") pouvant être estimé entre 5 et 10 km/h. Selon le rapport d'expertise technique, il était "peu vraisemblable que le conducteur de la F______, qui était du côté opposé du choc, ait subi un impact direct de la tête".

d. H______, entendu comme témoin lors de l'audience du 9 novembre 2022 du Tribunal, a déclaré se souvenir qu'une dame était venue après l'accident pour demander s'il y avait besoin d'aide. Un carrossier ou un garagiste était venu par la suite pour l'aider à remplir le constat d'accident. C'était ce carrossier qui avait rempli le constat d'assurance car, vu son métier, ce dernier avait l'habitude de remplir de tel constat. A______ avait signé le constat. Il n'a pas pu dire si A______ avait été étourdi par le choc. Quand il est parti, A______ se trouvait debout. Il n'avait pas l'air blessé. Il n'avait pas cherché par la suite à connaître l'état de santé de A______, car il n'avait pas de contact avec ce dernier.

J______, entendu comme témoin lors de l'audience du Tribunal du 7 décembre 2022, propriétaire du magasin où le constat d'assurance a été rédigé le jour de l'accident, a déclaré ne pas avoir personnellement assisté à celui-ci. Il avait, depuis son magasin, entendu le bruit de l'accident et était alors sorti. La voiture de A______ était touchée sur le côté passager, et celui-ci était en état de choc. Il avait alors fait venir A______ et l'autre conducteur H______ dans son magasin pour boire un café, puis avait laissé A______ avec le carrossier pour faire le constat d'assurance. A______ s'était plaint d'avoir mal au dos.

Entendu comme témoin lors de la même audience, K______, dans le garage duquel A______ se serait, à ses dires, rendu après son accident, a fait le récit suivant : A______ était venu en son garage le jour même de l'accident avec sa voiture. Le trouvant commotionné et estimant qu'il ne pouvait le laisser repartir dans son état, il avait appelé la femme de A______ pour qu'elle vienne le chercher. Le véhicule de A______ était principalement cabossé du côté conducteur, notamment la porte et le montant de la porte. Sur présentation d'une photo dudit véhicule (photo tirée du rapport d'expertise technique), K______ a indiqué que "selon [lui], le choc a[vait] été violent". Il a admis que la F______ avait subi un choc non pas du côté conducteur comme il l'avait indiqué, mais du côté droit. K______ a alors tenté d'expliquer son erreur comme suit : "J'ai dit auparavant que le choc s'était produit du côté conducteur car j'ai le souvenir que A______ avait l'épaule gauche « explosée » ". K______ a, en fin d'audition, expliqué connaître A______ depuis 20 ans. C'était "un client, voire plus". Ils étaient déjà partis pêcher ensemble. K______ a précisé qu'avant l'accident litigieux, l'épaule de A______ était en parfaite santé.

e. Après l'accident, A______ a pris contact avec son médecin traitant en France, le Dr. L______, médecin généraliste et médecin du sport à M______/France, qui l'a reçu pour une première consultation le 28 septembre 2018. Le diagnostic retenu était une tendinopathie post-traumatique de l'épaule droite associée à une névralgie cervico-brachiale droite post-traumatique. Une série de tests et d'examens médicaux ont été ordonnés. A______ a consulté plusieurs fois le Dr L______, ainsi que d'autres spécialistes durant les mois qui ont suivi. Une thérapie plus douce que celle entreprise dans un premier temps a été préconisée et suivie, sans succès au vu de l'absence d'amélioration, de la persistance des douleurs éprouvées par A______ et de la mobilité demeurée réduite de son bras droit. Il a été procédé à une intervention chirurgicale le 16 septembre 2019 au Centre N______ à M______/France. Lors de l'opération, le chirurgien, le Dr O______, a constaté une rupture étendue de la coiffe des rotateurs, un conflit sous-acromial, une tendinopathie du biceps et une arthropathie acromio-claviculaire. A l'issue de l'opération, des complications sont survenues et une capsulite rétractile post-opératoire a été diagnostiquée après une nouvelle consultation auprès du Dr O______ le 11 février 2020.

f. Après l'accident, A______ a été longtemps en incapacité totale de travail; il n'a pu reprendre une activité professionnelle à 50 % que le 14 juin 2021, puis à 100% à compter du 30 août 2021.

g. Dès le 31ème jour après l'accident, B______ a versé à A______ des indemnités journalières d'un montant de 372 fr. 94 pour la perte de gain occasionnée par son arrêt de travail complet. Ces indemnités, calculées sur la moyenne des bilans de l'entreprise individuelle de A______ sur les trois années précédant l'accident, ont été versées jusqu'au 31 décembre 2020.

h. Le 2 mai 2019, A______ a engagé un peintre intérimaire. Il a indiqué avoir dû l'engager pour "tenter de combler la perte de gain liée à son incapacité de travail". A______ a fait valoir que le salaire dudit peintre intérimaire était au minimum de 2'281 fr. par semaine et qu'"[e]n pratique, soit en comptabilisant les travaux à perte ainsi que les opérations blanches", l'employé en question lui avait coûté 10'300 fr. par mois. A______ a ensuite expliqué que le coût de ce peintre intérimaire lui était revenu à 423 fr. 60 par jour, soit environ 8'472 fr. par mois. Il a également expliqué que depuis la date d'engagement du peintre intérimaire jusqu'à ce que lui-même ait recouvré sa pleine capacité de travail le 30 août 2021, il avait versé à l'agence intérimaire lui ayant dépêché le peintre en question une somme totale de 211'197 fr. 60. La société intérimaire aurait émis une pluralité de factures par mois de fin mai 2019 à fin novembre 2021, sous réserve des mois de janvier et février 2021 où aucune facture n'aurait été émise.

i. Courant 2020, B______ a mandaté le Dr P______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique à Q______ [VD], pour "définir la causalité des plaintes actuelles concernant l'épaule droite [de A______], en relation avec l'accident de circulation du 18.09.2018".

Le 7 décembre 2020, le Dr P______ a mené un entretien de deux heures avec A______ qui a abouti à un rapport décrivant notamment le parcours de vie de A______, son accident de la route, ainsi que les interventions médicales qu'il avait subies à la suite de cet accident.

Le Dr P______ a retenu qu'il n'existait pas de lien de causalité naturelle entre l'accident et la capsulite rétractile survenue après l'opération de l'épaule droite,


tout comme aucune incapacité de travail ne résultait plus de l'accident, en ces termes :

Pour ce qui est des investigations effectuées sous forme d'un arthro-CT-scan en février 2019, puis d'une IRM en mai 2019, ces examens permettent d'exclure un problème traumatique. A l'arthrographie et à l'arthro-CT, il n'y a aucune fuite de produit de contraste à travers la coiffe des rotateurs dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne. Il n'est mis en évidence qu'une délamination de la face profonde du tendon du sus-épineux et de la partie supérieure du sous-épineux, associée à quelques petits troubles dégénératifs débutants gléno-huméraux et acromio-claviculaires. Il n'y a cependant pas de diminution de l'espace sous-acromial. Il n'y a pas non plus d'atteinte du sous-scapulaire ou du long chef du biceps.

Vu l'âge du patient (57 ans) associé à son métier de plâtrier-peintre-tapissier depuis l'âge de 15 ans, ces atteintes sont tout à fait banales et même mineures par rapport à la profession qui est très exigeante non seulement dans le port de charges, mais également lors des mouvements répétitifs des membres supérieurs, y compris régulièrement au-dessus de l'horizontale.

On note également qu'entre les deux examens, à 3 mois d'intervalle, il n'y a pas de modification de ces lésions dégénératives, dans le sens qu'il n'y a pas eu d'amélioration ni d'aggravation. Ce fait exclut la survenue d'une lésion surajoutée ou purement traumatique qui aurait pu se modifier, vu l'espace entre ces examens.

On note aussi dans les différents rapports médicaux du Dr R______, chirurgien orthopédiste et traumatologue, que si le traitement de Cortisone et la première infiltration n'ont pas montré d'efficacité quant à la diminution des troubles algiques, par contre la seconde infiltration sous contrôle radiographique gléno-huméral a permis dans un premier temps une nette amélioration, avant qu'une résurgence des plaintes survienne. De plus, cette résurgence est survenue suite à un changement de kinésithérapeute, qui a été assez agressif.

Dans ces conditions, on doit admettre que cet événement a révélé ces lésions dégénératives et les a aggravées, mais de manière transitoire. Il n'a pas induit de lésion déterminante surajoutée.

En conséquence et dans ce contexte, un statu quo sine peut être défini. Un déplacement brutal du corps sans choc au niveau de l'épaule droite entraîne tout au plus une entorse mineure qui normalement aurait dû se guérir en
4-6 semaines, maximum 3 mois.

Sur un état antérieur dégénératif, on peut admettre que cette aggravation dure plus longtemps, mais normalement n'aurait pas dû dépasser 6-9 mois.

C'est pourquoi, si les plaintes étaient toujours perdurantes en juin 2019 et qu'il a été décidé d'effectuer une intervention chirurgicale, on peut admettre que le statu quo sine se situe à ce moment-là.

En effet, l'opération a confirmé qu'on était sur un état dégénératif, non transfixiant au niveau de la coiffe des rotateurs et avec une chondropathie débutante gléno-humérale, associée à une arthrose acromio-claviculaire. Les gestes qui ont été effectués, soit l'acromioplastie, la ténodèse du biceps et la réparation de cette coiffe sont donc des gestes liés à cet état dégénératif.

Pour ce qui est de la suite de cette intervention, qui a débouché sur une capsulite rétractile, ceci n'est malheureusement pas surprenant, car il s'agit d'une complication secondaire connue et relativement fréquente.

Cependant, comme l'intervention n'est pas en relation avec l'accident de la voie publique, il est clair que cette complication ne l'est pas non plus.

C'est pourquoi toute la prise en charge du traitement, au plus tard depuis l'intervention et jusqu'à maintenant n'est plus à la charge de l'assureur accident, mais de l'assureur maladie et l'arrêt de travail lié à la perte de gain maladie.

Par contre, il est clair que cette incapacité de travail totale en tant que plâtrier-tapissier-peintre se justifie encore actuellement, le patient pouvant au mieux effectuer certains travaux administratifs de recherche de clients et surveillance de ses employés.

Pour ce qui est du futur, on note que la capsulite rétractile a quasiment disparu actuellement. Il ne perdure qu'une mauvaise coordination de la musculature de cette épaule, associée à une appréhension. Ceci laisse suspecter qu'avec la poursuite de la kinésithérapie et surtout l'adjonction d'un traitement d'ergothérapie d'hygiène posturale, cette épaule devrait récupérer sans séquelle significative et qu'une reprise du travail même en tant que plâtrier-tapissier-peintre, devrait être envisageable au début de l'année 2021".

j. Le 14 janvier 2021, A______ s'est soumis à une expertise diligentée par le Dr S______, médecin du travail à T______/France, du Pôle d'expertise médicale de son assurance-accident privée française.

A la rubrique "antécédents" de son rapport, le Dr S______ relève l'existence d'une "atteinte de la coiffe dans le cadre de ses activités professionnelles (rupture du faisceau profond non transfixiant du supra spinatus en 2013)".


 

Dans la partie "discussion" de son rapport, il relève par ailleurs ce qui suit :

"Le 18 septembre 2018, Monsieur A______ a été victime d'un accident de la voie publique au cours duquel il a présenté outre des cervicalgies un problème scapulaire qui préexistait plus ou moins puisqu'il a eu un événement en 2013 (...)

Il n'y a pas d'antériorité pouvant interférer avec l'arrêt de travail actuel."

Lors de son audition par le Tribunal, le Dr S______ a confirmé que dans le cadre du rapport qu'il avait effectué pour l'assurance accident de A______ – rapport dont il confirmait le contenu –, on lui avait demandé de déterminer s'il existait des "antériorités à la souscription du contrat d'assurance qui auraient pu engendrer l'arrêt de travail existant au moment de l'examen de A______". Il avait ainsi examiné s'il existait des atteintes à la santé antérieures à la souscription du contrat d'assurance accident [en 1996]. Il ne pouvait en revanche pas dire si les lésions qu'il avait constatées découlaient d'atteinte à la santé antérieures à l'accident subi par A______, ni si les atteintes à la santé qu'il avait constatées étaient en lien de causalité avec l'accident subi par A______. Tel n'avait pas été l'objet de sa mission. Il ne pouvait pas non plus dire si l'arrêt de travail médicalement justifié du 28 septembre 2018 au jour de la rédaction de son rapport était en lien de causalité avec l'accident subi par A______.

k. Par courrier du 15 janvier 2021, B______ a transmis à A______ le rapport d'expertise médicale du Dr P______ et l'a informé qu'elle mettait un terme rétroactivement à ses prestations, soit dès le 1er juillet 2019, sans pour autant lui demander le remboursement des indemnités versées jusqu'au 31 décembre 2020.

A______ a signifié par divers courriers à B______ son opposition à cette décision et sommé, à diverses reprises et en vain, l'assurance de lui allouer à nouveau des indemnités journalières.

l. Le 26 novembre 2021, le Dr L______, médecin traitant de A______, a rédigé un certificat médical à son attention, aux termes duquel celui-ci ne présentait pas, avant son accident de septembre 2018, de séquelles douloureuses ou fonctionnelles au niveau de son épaule droite suite au traumatisme de février 2013 (cf. ci-dessus i).

m. Lors de sa déposition par devant le Tribunal le 1er mars 2022, A______ a déclaré qu'avant son accident, il pratiquait de nombreux sports, à savoir la natation (deux fois par semaine), la marche, le fitness, le ski en hiver, l'aviron, la randonnée (chaque week-end "quelles que soient les conditions météorologiques") et la pêche à la mouche. Il continuait au jour de sa déposition à pratiquer la marche et la natation, laquelle l'avait aidé lors de sa rééducation. Il n'avait pas refait du ski de peur de tomber et ne pouvait plus pratiquer la pêche à la mouche. Ne pouvant plus bouger le bras droit avec la même amplitude, il ne parvenait pas à lancer la ligne de pêche.

n. Par demande formée le 27 août 2021, A______ a conclu à ce que B______ ou C______ SARL soient condamnées à lui payer les montants et intérêts suivants, à titre d'indemnités pour perte de gain pour les mois de janvier 2021 à août 2021 :

-          11'561 fr. 15 avec intérêts à 5% 1'an dès le 31 janvier 2021 (janvier)*;

-          10'442 fr. 30 avec intérêts à 5% 1'an dès le 28 février 2021 (février);

-          11'561 fr. 15 avec intérêts à 5% 1'an dès le 31 mars 2021 (mars);

-          11'188 fr. 20 avec intérêts à 5% 1'an dès le 30 avril 2021 (avril);

-          11'561 fr. 15 avec intérêts à 5% 1'an dès le 31 mai 2021 (mai);

-          8'204 fr. 70 avec intérêts à 5% 1'an dès le 30 juin 2021 (juin);

-          5'780 fr.60 avec intérêts à 5% 1'an dès le 31 juillet 2021 (juillet);

-          5'407 fr.64 avec intérêts à 5% 1'an dès le 29 août 2021 (août)**;

* 372 fr. 94 (montant de l'indemnité journalière versée par B______) x 31 jours (nombre de jours dans le mois concerné) x 100% (taux d'incapacité de travail sur la période concernée). L'ensemble des montants réclamés était calculé selon la même méthode.

** Dans sa demande datée du 27 août 2021, A______ réclamait pour la perte de gain qu'il disait avoir subie en août 2021 le montant de 5'034 fr .70 (372 fr. 94 x 27 jours x 50%). Il a augmenté dite conclusion de 372 fr. 94 (5'034 fr. 70 + 372 fr. 94 = 5'407 fr. 64) au motif qu'il avait également éprouvé une perte de gains durant les journées des 28 et 29 août 2021, sa capacité de travail n'ayant été complètement recouvrée que le 30 août 2021.

A______ a également conclu à ce que B______ ou C______ SARL soit condamnée à lui payer la somme de 20'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral avec intérêts à 5% l'an dès le 18 septembre 2018.

Les conclusions de A______ étaient prises sous suite de frais à charge de B______ et C______ SARL.

o. B______ et C______ SARL ont quant à elles conclu au déboutement, sous suite de frais, de l'intégralité des conclusions prises à leur encontre.

p. A l'issue de l'instruction rappelée ci-dessus diligentée par le Tribunal, les parties ont persisté dans leurs conclusions, suite à quoi le jugement querellé a été prononcé. Aucune des parties n'avait sollicité du Tribunal l'ordonnance d'une expertise judiciaire.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce.

Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 311 al. 1 et 142 al. 3 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La cause est soumise à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et au principe de disposition (58 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).

2. La question de la recevabilité des conclusions déposées en première instance par l'appelant et le grief qui en découle peut rester indécis pour les raisons qui seront exposées ci-dessous.

Le Tribunal entrant en matière et statuant finalement sur le fond a retenu l'absence de causalité naturelle entre l'atteinte corporelle subie suite à l'événement (accident) générateur de responsabilité et le dommage réclamé (perte de gain de janvier à fin août 2021), ce que l'appelant conteste, considérant que le lien de causalité naturelle, donné, a été démontré avec une vraisemblance prépondérante. Il s'agit d'examiner en premier lieu ce grief.

2.1.1 En vertu de l'art. 58 al. 1 LCR si, par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, une personne est tuée ou blessée ou qu'un dommage matériel est causé, le détenteur du véhicule est civilement responsable.

Il s'agit d'une responsabilité civile objective aggravée fondée sur le risque inhérent à l'emploi d'un véhicule à moteur. Le détenteur répond du dommage causé indépendamment de toute faute de sa part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_353/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2; 4A_433/2013 du 15 avril 2014 consid. 4.1; Werro, La responsabilité civile, 3ème éd. 2017, p. 262, n. 901; Brehm, La responsabilité civile automobile, 2ème éd. 2010, p. 2-3, n. 4 et 5).

Le détenteur (ou son assureur de la responsabilité civile) n'est libéré de la responsabilité civile que s'il prouve que l'accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou d'un tiers sans que lui-même ou les personnes dont il est responsable aient commis de faute et sans qu'une défectuosité du véhicule ait contribué à l'accident (art. 59 al. 1 LCR).

Le système instauré par les art. 58 et 59 LCR renverse ainsi le fardeau de la preuve en ce sens que le lésé n'a qu'à prouver que son dommage a été causé par l'emploi du véhicule du tiers, tandis que le détenteur qui conteste sa responsabilité doit, quant à lui, fournir des preuves relatives à son absence de responsabilité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_699/2012 du 27 mai 2013 consid. 3.1; JdT 2000 I 110, Brehm, op. cit., n. 398 ss).

A cet égard, même si l'art. 59 al. 1 LCR ne mentionne que la force majeure ou la faute grave comme étant interruptive de la causalité, le détenteur conserve la possibilité de faire valoir que sa faute éventuelle ou une défectuosité de son véhicule - qui aurait engagé sa responsabilité - n'ont pas pu être une cause du dommage (Brehm, op. cit., n. 492).

Il faut en effet un rapport de causalité entre le préjudice et le fait générateur de la responsabilité du détenteur du véhicule. Un fait est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non. En d'autres termes, il existe un lien de causalité naturelle entre deux événements, lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit. Il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2; 
132 III 715 consid. 2.2; 122 IV 17 consid. 2c/aa).

L'existence d'un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon la règle du degré de vraisemblance prépondérante dès lors qu'en raison de la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée de celui qui en supporte le fardeau (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2; 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1).

Dans une jurisprudence portant sur un accident de type « coup du lapin », le Tribunal fédéral a précisé que les principes applicables à la causalité naturelle en droit des assurances sociales le sont aussi en droit de la responsabilité civile. A cet égard, il a indiqué qu'il n'y avait pas de motif de faire des distinctions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_494/2009 du 17 novembre 2009, consid. 2.2). Ainsi, dans ces deux domaines du droit, pour ce qui est de la relation de causalité naturelle entre une lésion corporelle et un évènement, le lien doit répondre au degré de la vraisemblance prépondérante (haute vraisemblance; Duc, AJP/PJA 5/2010, notion de causalité naturelle en cas de lésions corporelles, p. 644 ss). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 et les arrêts cités).

Plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, au rapport de causalité naturelle doivent être sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2013 du 30 septembre 2014 consid. 3.2).

2.1.2 Si le lésé fait valoir des prétentions à des dommages-intérêts à l'encontre du détenteur, il doit néanmoins d'abord prouver que l'emploi du véhicule de ce détenteur lui a occasionné un dommage (causalité naturelle) et en quoi consiste ce dommage (Brehm, op. cit., n° 10).

La preuve du lien de causalité naturelle incombe au lésé. La jurisprudence n'exige pas de ce dernier qu'il prouve la causalité naturelle avec une exactitude scientifique. Elle admet que le juge apprécie la vraisemblance du déroulement des faits proposés par le lésé selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie. Il appartient donc au lésé d'établir l'existence d'un lien de causalité naturelle selon la vraisemblance prépondérante (Werro, op. cit., n° 258).

Lorsque la responsabilité du détenteur du véhicule est engagée, le lésé peut, dans la limite des montants prévus par le contrat d'assurance, intenter une action directe contre l'assurance responsabilité civile de ce dernier (art. 65 al. 1 LCR), laquelle obéit aux mêmes conditions que celle contre le détenteur (ATF 127 III 580 consid. 2a, JdT 2002 I 626).

2.2 En l'espèce, il doit être constaté tout d'abord que le litige ne porte que sur la période de perte de gain de janvier 2021 à août 2021. L'existence de la causalité naturelle pour la période allant du jour de l'accident à fin juin 2019 n'est pas contestée. La question ne se pose pas non plus dans la présente cause de sa reconnaissance ou non de juin 2019 à fin 2020. Les prestations ont été versées; il a été renoncé à leur remboursement. Ce point excède le cadre du débat du présent procès.

L'appelant reproche tout d'abord au Tribunal de ne pas avoir retenu comme vraisemblable le lien de causalité naturelle entre l'accident et le dommage dont il se prévaut, soit la perte de gain alléguée pour les mois de janvier à août 2021.

Par ailleurs, il considère que l'avis du Dr P______ doit être relativisé au vu de sa situation de potentiel conflit d'intérêts, ayant été requis par l'assurance intimée. Cela étant, même à suivre cet avis, il considère que, dans la mesure où l'accident a été l'élément déclencheur à l'origine des atteintes à la santé ayant nécessité l'intervention chirurgicale à la suite de laquelle les complications ayant engendré l'arrêt de travail jusqu'à fin août 2021 sont survenues, il est en relation de causalité naturelle avec la perte de gain dont le remboursement est requis.

2.2.1 Quant au grief formulé à l'égard de la personne du Dr P______ en premier lieu, la Cour relève d'entrée de cause qu'aucune des parties n'a sollicité du Tribunal l'ordonnance d'une expertise judiciaire dans le cadre de l'instruction de la présente cause. Si tel est le cas, c'est sans doute qu'elles avaient de bonnes raisons de considérer son expertise comme suffisante. Par ailleurs, comme l'a retenu à raison le Tribunal, il ne peut être reproché aucune prévention à l'égard du Dr P______, quand bien-même il a été mis en œuvre par l'assurance intimée. En effet, son rapport est détaillé, aucun élément au dossier ne permettant pour le surplus de douter de sa probité, de simples allégations de partialité non étayées, ne suffisant à l'évidence pas. On relèvera enfin que l'appelant, tout au long de ses écritures de première instance comme de seconde, s'y réfère d'ailleurs. Cela étant, le rapport d'un expert privé n'a que la qualité d'un allégué de partie (contesté en l'espèce) (ATF 141 III 433), de sorte que la Cour ne s'y référera qu'avec réserve sans se sentir liée par lui.

2.2.2 Le Tribunal a retenu, en particulier sur la base de ce rapport d'expertise, conformément à la jurisprudence précitée et à défaut d'un autre au dossier, que la prolongation de l'incapacité de gains du recourant jusqu'à fin août 2021, n'était pas la conséquence naturelle de l'accident mais bien celle des complications survenues suite à l'intervention chirurgicale subie à l'épaule droite par l'appelant en septembre 2019. Le rapport du médecin en question aboutit à la conclusion que l'appelant aurait souffert de lésions dégénératives antérieures à l'accident (non contestées) qui auraient été révélées et aggravées par celui-ci, mais uniquement de manière transitoire, sans induire de lésion déterminante surajoutée. Vu cet état, l'aggravation en question n'aurait pas dû excéder 6 à 9 mois, de sorte que le statu quo sine devait en tous les cas être atteint en juin 2019. L'opération chirurgicale subie en septembre 2019 et les complications qui ont suivi (capsulite), seules à expliquer encore l'incapacité de travail après juin 2019, avaient été induites par cet état dégénératif préexistant et non par l'accident. L'opération chirurgicale et ses conséquences ne pouvaient être mises dès lors en rapport avec l'aggravation passagère de l'état de santé causée par l'accident de septembre 2018.

L'appelant fonde son grief essentiellement sur le fait qu'avant l'accident, il était, tel que cela ressort de ses déclarations, de celles du témoin K______ et de divers constats médicaux, un homme en bonne santé, sans pathologie connue, sportif et très actif. L'intervention chirurgicale subie, suite à laquelle des complications étaient survenues, avait été rendue nécessaire par l'absence d'amélioration de son état suite à l'accident.

Comme rappelé plus haut, dans le cadre de l'appréciation de l'existence de la causalité naturelle dans les cas de dommages suite à accident, le juge se fonde sur les rapports médicaux en sa possession. Dans le cas présent, en l'absence d'expertise judiciaire, le Tribunal s'est fondé en particulier sur le rapport du Dr P______, seul médecin d'ailleurs à s'être prononcé sur la notion de causalité naturelle.

Certes, ledit rapport retient que le dommage subi par l'appelant est en relation de causalité naturelle avec l'accident pour une période transitoire de quelques mois se terminant au plus tard en juin 2019 et estime que, postérieurement à cette date, la causalité naturelle entre l'accident et le dommage n'existait plus. Le rapport relève, cela étant, qu'à la date de sa rédaction, l'appelant était encore en incapacité de travail, mais que cette incapacité était la conséquence des complications dues à l'intervention chirurgicale subie, sans rapport avec l'accident. C'était suite à un traitement "agressif" par un kinésithérapeute, ayant eu pour effet la résurgence des plaintes de l'appelant, que cette intervention chirurgicale avait été décidée dans un contexte de lésions préexistantes.

L'appelant, âgé de 57 ans, exerçait depuis 42 ans la profession de plâtrier-peintre, profession qui nécessite des efforts physiques importants de port de charges et de travail en suspension des membres supérieurs, y compris au-dessus de l'horizontale, ce qui avait provoqué la délamination inférieure de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, associée à des troubles dégénératifs débutants et préexistants à l'accident. Le constat de lésions préexistantes de l'épaule droite de l'appelant était confirmé par le Dr S______.

L'épaule droite de l'appelant, sur laquelle a été pratiquée l'intervention chirurgicale ayant conduit à des complications qui ont entraîné la poursuite de son incapacité de travail, n'avait subi aucun choc lors de l'accident, sans qu'il soit contesté qu'elle ait été affectée par un déplacement brutal du corps, ce pour une période transitoire cependant.

C'était en outre notamment au regard de son analyse d'un arthro-CT-scan réalisé en février 2019, d'une IRM réalisée en mai 2019 et de l'évolution de l'état de l'épaule que permettaient de constater ces deux examens, que le Dr P______ avait explicité qu'un problème d'ordre traumatique sur l'épaule en question était exclu.

Il n'est cependant pas contesté qu'antérieurement à l'accident, les éventuelles prédispositions dégénératives dues à l'âge du recourant ne causaient aucune entrave à son activité quotidienne et qu'il ne s'était plaint, à teneur de dossier, d'aucun problème de mobilité ou de douleurs de l'épaule droite. Il en découle que, même si la cause immédiate de la nécessité de l'intervention chirurgicale subie peut avoir été l'intervention "agressive" d'un kinésithérapeute, il n'en demeure pas moins que sans l'accident, l'intervention de celui-ci n'aurait pas été nécessaire, de même que l'opération chirurgicale qui s'inscrivait dans la suite des interventions antérieures de praticiens ayant été nécessitées par le choc dû à l'accident, en tant que déclencheur.

La complication (usuelle) qui en est résultée, entraînant l'incapacité de gain jusqu'à la reprise du travail du recourant, reste dans un rapport de causalité naturelle avec l'accident, dans la mesure où la cause immédiate de celle-ci (l'opération) l'est. Ce, indépendamment du fait que le rapport du Dr P______ retient que l'intervention chirurgicale n'aurait pas été effectuée pour des lésions traumatiques. Le fait est que les conséquences effectives de l'accident n'étaient pas résolues au moment où cette intervention a été envisagée et qu'elle l'a été précisément dans le but d'y mettre un terme.

La Cour retient dès lors que le lien de causalité naturelle entre l'accident et la perte de gain dont la prise en charge est requise est donné. Cela ne préjuge toutefois en rien de l'existence d'un lien de causalité adéquate entre eux, question qui n'a, au vu de la solution adoptée par lui, pas été examinée par le Tribunal. Il s'agira dès lors de retourner la cause au Tribunal pour examen de cette question et nouveau jugement.

3. Ce résultat rend sans objet l'examen des griefs tirés des violations alléguées des art. 59 et 60 CPC (conclusions insuffisamment déterminées), de l'art 90 CPC (conclusions alternatives), de la violation alléguée des art. 62 al.1 LCR et 46 al. 1 CO (preuve de l'étendue du dommage). Les intimées n'ont quant à elles pas contesté la solution adaptée à la question des informalités reprochées en première instance aux conclusions de l'appelant. Il n'y a pas lieu d'y revenir.

4. Ne reste à examiner que le grief tiré de la violation de l'art. 49 CO, le Tribunal ayant rejeté les prétentions en tort moral invoquées par l'appelant.

4.1 Selon l'art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que celle-ci n'ait pas été réparée d'une autre manière.

Une telle indemnité a pour but de compenser le préjudice que représente l'atteinte au bien-être moral. Elle dépend, dans son principe et dans sa quotité, de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir sensiblement la douleur physique ou morale (ATF 123 III 306118 II 404). N'importe quelle lésion corporelle ne donne pas droit à une indemnité pour tort moral. Elle doit impliquer une importante douleur physique ou morale ou causer une atteinte durable à la santé. L'élément le plus important est celui de l'invalidité permanente (ATF 125 III 70 consid. 3a; 
120 II 97 consid. 2b; SJ 2003 II 16).

L'indemnité pour tort moral est une prétention de nature civile. Dès lors, le fardeau de la preuve des faits déterminants incombe au demandeur (art. 8 CC; ATF 114 II 289 consid. 2a; SJ 2001 I 555).

4.2 En l'espèce, la question de savoir si le Tribunal a, à raison, considéré qu'au vu des conclusions auxquelles il était parvenu quant à l'existence du lien de causalité, son examen de l'éventuel octroi d'un tort moral devait se limiter à la période durant laquelle le lien de causalité entre l'accident et l'atteinte avait été donné, soit jusqu'en juin 2019, peut rester indécise.

En effet, sauf à considérer que tout accident de la route relativement bénin peut donner lieu à l'octroi d'une réparation d'un tort moral, ce qui est parfaitement contraire à la notion en question, l'on doit admettre en l'espèce que les conséquences de l'accident sur l'appelant ne présentent aucunement le niveau de gravité requis. Celui-ci a certes été tout d'abord choqué, puis a été confronté aux séquelles et troubles postérieurs décrits auparavant. Ces lésions ne présentent pas l'intensité requise permettant l'octroi d'une indemnité pour tort moral.

Par ailleurs, il ressort clairement du dossier que la permanence nécessaire de la douleur physique ou morale subie n'est pas donnée en l'espèce. Courant 2021, le recourant a d'ailleurs recouvré sa pleine capacité de travail.

Son grief sur ce point doit être rejeté.

5. Au vu de ce qui précède, l'appel sera partiellement admis et rejeté pour le surplus, le jugement entrepris annulé en tant qu'il rejette les prétentions principales et confirmé en tant qu'il rejette les prétentions en tort moral.

6. Vu l'issue de la procédure, les frais d'appel seront mis à la charge de l'appelant (art. 106 al.1 CPC). Ils seront fixés à 3'000 fr. et compensés par l'avance de frais versée qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence. Le solde de l'avance lui sera restitué.

Des dépens d'appel à hauteur de 2'000 fr. seront dus par l'appelant aux intimés conjointement et solidairement qui partagent le même conseil.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er décembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/12415/2023 rendu le 31 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10568/2021.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué en tant qu'il rejette les prétentions en indemnité pour tort moral.

L'annule pour le surplus et retourne la cause au Tribunal pour nouveau jugement au sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de l'appelant, compensés avec l'avance fournie qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer le solde de 2'400 fr. à A______.

Condamne A______ à verser conjointement et solidairement 2'000 fr. à C______ SARL et à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.