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Décisions | Chambre civile

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C/23469/2021

ACJC/843/2024 du 25.06.2024 sur JTPI/12408/2023 ( OO ) , JUGE

Normes : CO.18
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23469/2021 ACJC/843/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 25 JUIN 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 octobre 2023, représentée par
Me Erin WOOD BERGERETTO, avocate, EARDLEY Avocats, rue De-Candolle 16, 1205 Genève,

et

B______ SÀRL, sise ______, intimée, représentée par Me Joël CHEVALLAZ, avocat, Mangeat Avocats Sàrl, rue de Chantepoulet 1, case postale, 1211 Genève 1.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 30 octobre 2023, le Tribunal de première instance a dit que B______ SARL disposait de la légitimation active dans le cadre de l'action en paiement déposée à l'encontre de A______ SA (chiffre 1 du dispositif), réservé le sort des frais (ch. 2) ainsi que la suite de la procédure (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 1er décembre 2023, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit et constaté que B______ SARL ne dispose pas de la légitimation active dans le cadre de la demande en paiement déposée contre elle, à ce que ladite demande soit rejetée et à ce que B______ SARL soit déboutée de toutes ses prétentions à son encontre, le tout avec suite de frais.

b. B______ SARL a conclu, préalablement, à ce que les faits nouveaux introduits par A______ SA soient déclarés irrecevables et, au fond, au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

c. A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions. B______ SARL a indiqué que cette réplique n'appelait aucun commentaire.

d. Le 16 avril 2024, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a.a B______ SARL (anciennement C______ SARL; ci-après: B______ SARL) a pour but le conseil en gestion de patrimoine, la planification financière, le conseil et la gestion en matière d'assurances et de produits financiers, ainsi que toutes autres opérations dérivées.

D______ en est l'associé gérant président et E______, associée gérante.

Selon le précité, F______ est employé de B______ SARL depuis le 1er janvier 2019. Auparavant, il exerçait son activité de courtier à titre indépendant.

a.b A______ SA, sise également à Genève, a pour but toute activité dans le domaine de l'immobilier, la promotion immobilière, la construction, le courtage, la gestion de biens immobiliers, ainsi que l'achat et la vente de biens immobiliers, à l'exception des opérations prohibées par la LFAIE.

H______ en est l'administrateur unique.

b Entre 2019 et 2021, A______ SA est intervenue en qualité de promoteur dans le cadre d'un projet immobilier visant la construction de deux villas mitoyennes à la rue 1______ no. ______ à G______ (GE).

c. Dans ce contexte, elle a fait appel à F______ avec lequel elle avait déjà travaillé dans le cadre d'une précédente promotion immobilière.

d. Le 10 mars 2020, un "Contrat de Mandat Pilotage financier de la promotion "Rue 1______/2______" à G______" a été conclu entre A______ SA, représentée par H______, et "Monsieur F______, Analyses et recherches de financement/Conseils financiers, Rue 3______ no. 4______ – [code postal] Genève". Il a été signé par "A______ SA représentée par M. H______" et par F______, sans autre précision.

Par ledit contrat, A______ SA a donné procuration à F______ "pour communiquer et transmettre toutes les informations relatives avec l'opération susmentionné à tous les partenaires (clients, banques, notaire) en relation avec le dossier en question" (préambule). Il prévoit également la manière dont les honoraires de F______, soit deux montants de 10'000 fr., hors commissions, seront payés (art. 3).

e. Le 26 mai 2021, A______ SA a informé F______ qu'elle résiliait avec effet immédiat le mandat du 10 mars 2020 qui lui avait été confié en raison de son insatisfaction dans la conduite de celui-ci par ses soins.

f. Par courrier du 11 juin 2021, qui ne comporte aucun en-tête, F______ a contesté les reproches qui lui étaient adressés et relevé que conformément aux mandats lui avaient été confiés, les prestations avaient été réalisées. Il a par ailleurs adressé à A______ SA deux notes d'honoraires, datées du 14 juin 2021, la première de 20'000 fr., pour le pilotage financier selon le contrat du 10 mars 2020, et une seconde de 33'387 fr. (TTC), à titre de commission de courtage selon un contrat du 20 novembre 2020.

Ces notes d'honoraires sont munies du logo de B______ SARL et de son numéro TVA. Le montant facturé devait être versé sur le compte "B______" et la signature de F______ figure sous la mention "B______ SARL". Les notes d'honoraires portent par ailleurs la mention: "Affaire traitée par F______@B______.ch (…)".

g. Par courrier du 21 juillet 2021 adressé à F______, "p.a B______ Sàrl", A______ SA a contesté lesdites factures, ainsi que le fait d’avoir entretenu des liens avec B______ SARL ou conclu un quelconque contrat de courtage avec F______.

h. Les 4 août, 18 août et 18 novembre 2021, le conseil représentant les intérêts de B______ SARL et F______ a mis en demeure A______ SA, en vain, de s'acquitter des honoraires de 43'387 fr., puis 51'000 fr. sur le compte de son Etude.

A______ SA a persisté dans la position qu'elle avait précédemment exprimée le 21 juillet 2021.

i. Par acte expédié au greffe du Tribunal de première instance le 28 mars 2022, B______ SARL a requis, sous suite de frais, la condamnation de A______ SA à lui verser 41'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2021 et 10'000 fr. HT, avec intérêts à 5% dès le 30 novembre 2021.

Elle a expliqué que son employé, F______, avait conclu en son nom et pour son compte deux contrats avec A______ SA, l'un de courtage – en la forme orale –, l'autre de mandat – en la forme écrite –, ayant pour objet la promotion, respectivement le pilotage financier du projet [de] G______. Le promoteur savait que F______ n'était plus indépendant, puisque ce dernier le lui avait dit. De plus, F______ avait reçu plusieurs acheteurs potentiels ainsi que l'architecte en charge du projet et A______ SA elle-même dans les bureaux de B______ SARL. Il avait également eu de nombreux échanges avec les personnes ayant manifesté leur intérêt pour le projet, les différentes entreprises générales et banques contactées, ainsi que le bureau du notaire qui s'était finalement occupé de la vente, toujours au moyen de son adresse électronique professionnelle.

En novembre 2020, A______ SA avait proposé à F______ de formaliser par écrit le contrat de courtage et, en particulier, les modalités de sa rémunération. Si le projet établi à cette occasion mentionnait uniquement comme signataire F______, à l'exclusion de B______ SARL, son employé pensait qu'il était amené à signer en qualité de personne de contact au sein de B______ SARL et que l'identité du signataire n'était qu'une formalité. Il en était allé de même s'agissant du contrat de mandat du 10 mars 2020, signé lui aussi uniquement par F______, lequel pensait toujours agir pour son employeur.

Des pièces produites par B______ SARL à l'appui de ces allégations, il ressort notamment ce qui suit :

-     La brochure de présentation du projet "RUE 1______/2______", comportant le logo de A______ SA et datée de juin 2020, mentionne en qualité de contact pour les conseils bancaires "C______ Sàrl, F______ Rue 3______ no. 4______ [code postal] Genève (…) F______@C______.ch".

-     L'adresse professionnelle "F______@C______.ch" génère la signature: "F______ Conseil en gestion de patrimoines et entreprises C______ Sàrl rue 3______ no. 4______ – [code postal] Genève tél. direct // + 41 (0)22 (…) – fax // +41 (0)22 (…) – portable +41 (0)79 (…) www.C______.ch".

-     La quasi-totalité des courriels adressés à H______ par F______ en lien avec le projet "RUE 1______/2______" a été envoyée depuis l'adresse professionnelle précitée.

-     Les deux couples ayant acquis les villas mitoyennes ont chacun signé le 16, respectivement le 28 juillet 2020, un formulaire muni de l'en-tête et des coordonnées de C______ SARL intitulé "Données personnelles". Ce document mentionne que la signature des intéressés permet une prise de contact avec les établissements financiers par C______ SARL en vue de l'obtention d'un financement.

-     Le 18 octobre 2020, l'un des acheteurs a adressé un courriel à H______ dans lequel il indiquait être entré en contact avec "F______ de la société C______".

-     Durant les années 2020 et 2021, F______ a eu de nombreux contacts avec divers intervenants du projet "RUE 1______/2______" et tous l'ont été via son adresse électronique professionnelle.

i. Par mémoire réponse du 16 août 2021, A______ SA a conclu, sous suite de frais, au rejet de la demande, invoquant à titre principal un défaut de légitimation active.

À l'appui de ses conclusions, elle a indiqué notamment avoir conclu, le 10 mars 2020, un contrat de pilotage financier portant sur le projet immobilier "RUE 1______/2______" avec F______, à l'exclusion de tout tiers et de tout contrat de courtage.

Elle n'avait jamais eu ou voulu avoir un autre partenaire commercial que lui et tout ce que F______ lui avait dit sur sa situation professionnelle était qu'il louait un bureau dans les locaux d'une société tierce. Le fait qu'il ait utilisé une adresse professionnelle liée à B______ SARL – au demeurant pas de manière systématique – ne signifiait pas qu'il y travaillait ou qu'il n'avait pas agi à titre individuel dans le cadre de leurs rapports.

j. Le Tribunal a limité la procédure à la question de la légitimation active de B______ SARL par ordonnance ORTPI/96/2023 du 24 janvier 2023.

k.a Lors de l'audience de débats principaux du 14 mars 2023, D______ a indiqué que B______ SARL comptait F______ parmi ses employés depuis le 1er janvier 2019, ce qui lui permettait d'être au courant des dossiers sur lesquels il travaillait. Elle n'avait toutefois été informée de l'existence du contrat du 10 mars 2020 qu'après sa conclusion et n'en avait pris connaissance qu'au moment de réunir les pièces produites à l'appui de sa demande.

Selon D______, H______ ne connaissait pas B______ SARL en mars 2020, ni le fait que F______ travaillait pour celle-ci; il avait contacté F______ pour qu'il s'occupe de son dossier, comme cela avait été le cas par le passé. Il a toutefois également exposé que H______ ne pouvait ignorer que F______ était employé par B______ SARL puisqu'il s'était rendu dans ses locaux à trois reprises.

k.b H______ a exposé que F______ lui avait toujours dit travailler pour son compte et être indépendant. Le fait qu'il change de bureaux n'était pas relevant à ses yeux. Lors d'une précédente promotion, F______ louait des bureaux dans un bureau d'architectes. Il s'était effectivement rendu dans les locaux de B______ SARL pour faire le point. Son changement d'adresse électronique n'avait pas non plus suscité de questionnement, étant précisé que A______ SA avait entièrement confiance en son cocontractant. Il n'avait jamais indiqué qu'il effectuait ses activités avec le concours de quelqu'un d'autre et le contrat de pilotage financier contenait une clause de confidentialité ayant pour but d'éviter qu'un tiers s'occupe du dossier.

S'agissant du contrat de courtage, celui-ci ne s'était jamais concrétisé, les termes de l'accord ne convenant ni à l'une ni à l'autre des parties.

l. Entendu le même jour en qualité de témoin, F______ a indiqué qu'il était banquier de formation, qu'il avait travaillé une quarantaine d'années dans ce domaine et qu'il était employé de B______ SARL depuis le 1er janvier 2019.

Concernant le projet "RUE 1______/2______", il avait été approché par A______ SA, dans un premier temps en fin d'année 2019, puis en janvier 2020. Par le passé, il s'était déjà chargé du pilotage financier d'un autre projet mené par cette société et tout s'était bien déroulé.

Au sujet du contrat de pilotage, F______ a indiqué qu'il l'avait signé à titre personnel, tout en informant oralement A______ SA qu'il travaillait pour B______ SARL. Sur questions du Tribunal, il a tout d'abord indiqué qu'il avait soumis ce document à son employeur puis, confronté aux dires de B______ SARL à ce sujet, il a indiqué qu'il ne le lui avait peut-être pas montré. Il lui avait toutefois indiqué qu'il était chargé de trouver le financement pour deux villas à G______ avec un gain potentiel de 20'000 fr.

Confronté aux déclarations de A______ SA selon lesquelles elle ignorait qu'il était employé de B______ SARL, F______ a indiqué que H______ s'était rendu à plusieurs reprises dans les bureaux de son employeur et qu'il était difficile de ne pas se rendre compte qu'il travaillait pour cette société; il était cependant exact que lors d'une précédente promotion, il occupait des bureaux alors qu'il était indépendant.

Sur question, il a également indiqué avoir en premier lieu signé le contrat du 10 mars 2020, puis, dans un deuxième temps, informé A______ SA qu'il était employé de B______ SARL et sollicité alors la modification du contrat. Il avait toutefois communiqué auparavant à A______ SA son statut d'employé.

m. La cause a été gardée à juger au terme de l'audience de plaidoiries du 9 mai 2023 lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

n. Dans son jugement du 30 octobre 2023, le Tribunal a considéré comme établi que F______ entendait agir pour le compte de B______ SARL et non à titre individuel. En effet, dès le début, il avait fait en sorte d'apparaître en tant qu'employé de cette dernière et non comme indépendant, la brochure de présentation du projet mentionnait comme contact pour les conseils bancaires non pas F______, pour adresse chez B______ SARL, mais le nom de F______ entre la raison sociale de cette dernière et son adresse postale, l'adresse électronique indiquée était l'adresse professionnelle de F______, laquelle comprenait une partie de la raison sociale de B______ SARL, les contacts que F______ avait eus avec les divers intervenants du projet, y compris A______ SA, l'avaient presque tous été via son adresse électronique professionnelle, l'un des acheteurs se référait, dans l'un de ses e-mails à l'attention de A______ SA, à "F______ de la société C______", précision particulièrement évocatrice s'agissant de sa qualité d'employé laquelle était évidente pour ses interlocuteurs et le formulaire de données personnelles signé par les couples acquéreurs comportait l'en-tête de B______ SARL et autorisait cette dernière – et non F______ – à prendre contact en leur nom avec des établissements financiers.

Toutefois, dans la mesure où il ne ressortait pas du dossier qu'il se serait vu confier des pouvoirs en ce sens, il convenait de retenir un défaut de représentation de sa part. Restait alors à déterminer si ce défaut avait par la suite été réparé par une ratification de B______ SARL, éventuellement par actes concluants, la procédure ne faisant pas état d'une reprise expresse de sa part. Or, tel était le cas. Non seulement B______ SARL avait déposé la demande en paiement, mais en plus, elle avait adressé, au préalable, plusieurs courriers de mise en demeure à la défenderesse, l'enjoignant à s'acquitter, en sa faveur, des honoraires qu'elle estimait lui être dus. Les factures dont elle s'est prévalue à cette occasion – et que F______ avait d'ores et déjà adressées à la défenderesse – avaient été établies si ce n'est par ses soins, du moins avec son concours, dès lors qu'elles comportaient son logo, sa signature, son numéro TVA et ses coordonnées bancaires. Ces éléments démontraient que B______ SARL avait repris les actes conclus en son nom par F______ et elle disposait dès lors de la légitimation active dans le présent contexte.


 

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté selon la forme et dans le délai prescrits, contre une décision incidente dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 et 311 al. 1 CPC).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1), dans la limite des griefs que les parties adressent à la motivation du premier jugement, lesquels forment le cadre de l'examen de la cour d'appel
(ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4).

2. L'appelante a invoqué une constatation inexacte des faits et l'intimée soutient que certains des faits allégués dans l'appel sont nouveaux et donc irrecevables.

L'était de fait a été complété supra dans la mesure utile en tenant compte des griefs soulevés par les parties.

3. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné quelles étaient les parties au contrat, à la lumière des principes résultant de l'art. 18 CO. Elle avait toujours voulu se lier à F______ et il ne ressortait pas des pièces figurant à la procédure que l'intimée aurait souhaité se lier à elle et réciproquement.

3.1
3.1.1
Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement, sur chacune des prétentions en cause, qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable (ATF 136 III 365 consid. 2.1 p. 367; 126 III 59 consid. 1a p. 63).

Selon le principe de la relativité des conventions, qui n'est pas codifié en droit suisse mais est néanmoins consacré dans notre ordre juridique (cf. ATF 136 III 14 consid. 2.3 p. 18/19; 131 III 217 consid. 4.2 i.f. p. 221; Morin, Commentaire romand, 3ème éd., 2021, n. 40 ad art. 1 CO), le contrat ne déploie en principe ses effets qu'entre les parties.

La qualité pour agir (communément qualifiée de légitimation active) relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet actif du droit invoqué en justice (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3.2; 130 III 417 consid. 3.1 et 3.4; 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a; arrêts 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 3.1; 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 3). Le défaut de qualité pour agir n'est en principe pas susceptible de rectification; il entraîne le rejet de la demande (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 3.3).

Dans une action en paiement, la qualité pour agir appartient au créancier de la somme réclamée.

3.1.2 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 CO).

Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt 4A_180/2022 du 5 juillet 2022 consid. 4.2).

Selon les règles d'interprétation des contrats déduites de l'art. 18 CO, le juge doit tout d'abord rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral, à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les références citées).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, il doit interpréter leurs comportements selon le principe de la confiance (interprétation objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement
(ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a examiné en quelle qualité F______ avait agi ou voulu agir, à savoir à titre personnel ou en qualité de représentant de l'intimée et, dans cette deuxième hypothèse, qu'il a retenue, si cette dernière avait ratifié les actes du précité. La conclusion du contrat nécessite toutefois un accord de volonté des parties et la volonté de F______ n'était, quoi qu'il en soit, pas à elle seule décisive. Il convient bien plus d'examiner, en premier lieu, quelle était la volonté de F______, d'une part, et, d'autre part, de l'appelante lors de la signature du contrat pour déterminer si un accord a effectivement été conclu entre eux ou s'il a été conclu par F______ en qualité de représentant de l'intimée.

A cet égard, il ressort du contrat litigieux qu'il indique comme partie audit contrat F______, et non l'intimée, même si le nom et l'adresse de cette dernière figure après le nom du précité, alors que l'appelante, représentée par son administrateur unique, est désignée expressément, quant à elle, comme cocontractante. Le contrat est par ailleurs signé par F______, sans aucune mention selon laquelle il agirait comme représentant de l'intimée, à la différence de l'appelante dont le nom de son administrateur est mentionné, mais avec la précision qu'il agit comme représentant de l'intimée. Il ressort de ce qui précède qu'il est clairement indiqué si une partie agit comme représentant d'une société et F______ ne peut avoir ignoré la distinction opérée dans la mesure où il travaille depuis une quarantaine d'années dans son domaine.

Le contrat, dont le texte est clair, prévoit par ailleurs des droits et obligations à l'égard de F______ nommément désigné, sans que le nom de l'intimée soit mentionné d'une quelconque manière. Or, il est peu vraisemblable que F______ ait voulu conclure pour le compte de l'intimée un contrat qui aurait comporté notamment le versement d'honoraires en sa propre faveur.

Au surplus, l'appelante a adressé la résiliation du contrat à F______ à titre personnel, sans mention de l'intimée, mettant ainsi un terme immédiat au mandat "qui [lui] a été confié". F______ a répondu, en contestant une mauvaise exécution des mandats "qui [lui] ont été confiés", sans utiliser de papier à en-tête de l'intimée et sans signer en qualité de représentant de l'intimée. F______ a certes joint à son courrier de réponse deux factures établies au nom de l'intimée, sans toutefois fournir à cette occasion d'explication permettant de comprendre pourquoi les honoraires seraient dus à l'intimée alors que le mandat lui avait été confié à lui et que ledit contrat prévoyait que les honoraires lui étaient dus.

De plus, il ressort des explications de l'appelante devant le Tribunal qu'elle s'est adressée à F______ au motif qu'elle avait précédemment collaboré avec lui, alors qu'il exerçait à titre indépendant, dans des bureaux de tiers, et non comme employé de l'intimée, ce dont il faut déduire qu'elle souhaitait s'attacher les services de F______ personnellement, en raison de ses compétences, et non de celles de l'intimée.

Quant à F______, il a exposé devant le Tribunal qu'il avait signé le contrat "à titre personnel", même s'il a ajouté qu'il avait immédiatement indiqué à l'appelante qu'il travaillait pour l'intimée et que le contrat devait être modifié. Il ne ressort par ailleurs pas de ses déclarations devant le Tribunal qu'il a voulu signer le contrat en qualité de représentant de l'intimée et pour le compte de cette dernière. Il n'a en outre pas informé l'intimée de la conclusion de ce contrat puisque le représentant de cette dernière a déclaré devant le Tribunal qu'il n'en avait eu connaissance qu'au moment de réunir les pièces utiles dans le cadre de la présente procédure. Il paraît par ailleurs peu crédible qu'il puisse avoir voulu engager l'intimée en signant un contrat le désignant expressément comme partie et prévoyant le versement d'honoraires en sa faveur, et cela sans même informer l'intimée de la conclusion dudit contrat.

Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être retenu qu'au moment de la conclusion du contrat, la volonté commune des parties était que celui-ci soit conclu entre, d'une part, F______ et, d'autre part, l'appelante.

Certains éléments pouvaient certes permettre à l'appelante de penser que F______ était employé par l'intimée, comme le fait qu'il la recevait dans les locaux de celle-ci ou qu'il disposait d'une adresse de courrier électronique F______@C______.ch. Ces éléments ne permettent cependant pas encore de retenir qu'elle avait la volonté de conclure le contrat avec cette dernière, ni qu'elle devait comprendre que F______ agissait pour le compte de l'intimée, étant relevé que les éléments figurant à la procédure ne permettent pas de retenir que F______ n'aurait pas été contractuellement en droit d'exercer une activité à titre d'indépendant parallèlement à son emploi auprès de l'intimée.

De même, la plaquette du projet immobilier mentionne en qualité de contact pour les conseils bancaires "C______ Sàrl, F______ Rue 3______ no. 4______ [code postal] Genève (…)", ce qui pourrait permettre de penser que l'appelante considérait que les prestations devaient être fournies par l'intimée, soit pour elle F______. Ce seul élément ne suffit cependant pas pour retenir, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, que l'appelante aurait voulu se lier à l'intimée, étant rappelé qu'elle s'était adressée à F______ en raison d'une précédente collaboration, alors que ce dernier exerçait en qualité d'indépendant.

Enfin, le fait que les acheteurs auraient compris que F______ œuvrait pour le compte de l'intimée n'est pas décisif pour établir la volonté des parties.

En définitive, au vu de ce qui précède, l'appel est fondé et le jugement attaqué sera annulé.

Compte tenu du défaut de légitimation active de l'intimée, sa demande en paiement formée à l'encontre de l'appelante sera rejetée.

4. Reste à statuer sur les frais de la procédure.

4.1 Le Tribunal avait réservé le sort des frais de la procédure de première instance, de sorte qu'il convient d'en fixer le montant et de les répartir, sans qu'il soit utile de renvoyer la cause au Tribunal pour qu'il statue sur ce seul point.

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 23 RTFMC), mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés à due concurrence avec les avances fournies par elle (art. 111 al. 1 CPC); le solde de 2'200 fr. lui sera restitué.

L'intimée sera par ailleurs condamnée aux dépens de première instance de la partie appelante, arrêtés à 4'000 fr., débours et TVA compris (art. 85 et 87 RTFMC; art. 20, 25 et 26 LaCC).

4.2 Pour les mêmes motifs, les frais judiciaires de la procédure d'appel, arrêtés à 1'000 fr. (art. 36 RTFMC), seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe, et compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève. L'intimée sera condamnée à verser 1'000 fr. à l'appelante à titre de frais judiciaires.

L'intimée sera, en outre, condamnée aux dépens d'appel de l'appelante, arrêtés à 1'500 fr., débours et TVA compris (art. 85, 87 et 90 RTFMC, art. 20, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/12408/2023 rendu le 30 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23469/2021.

Au fond :

Annule ce jugement et, cela fait, statuant à nouveau :

Rejette la demande formée par B______ SÀRL le 29 septembre 2023 dans la cause C/23469/2021.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 3'000 fr., les met à la charge de B______ SÀRL et les compense avec les avances fournies, qui restent acquises à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du pouvoir judiciaire à restituer 2'200 fr. à B______ SÀRL.

Condamne B______ SÀRL à verser à A______ SA 4'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de B______ SÀRL et les compense avec l'avance de frais fournie par A______ SA, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SÀRL à verser à A______ SA 1'000 fr. à titre de frais judiciaires d'appel.

Condamne B______ SÀRL à payer à A______ SA 1'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.