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Décisions | Chambre civile

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C/23/2023

ACJC/596/2024 du 10.05.2024 sur JTPI/15041/2023 ( SDF ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23/2023 ACJC/596/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 10 MAI 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 décembre 2023, représentée par Me Carole REVELO, avocate, MWR Avocats, rue des
Glacis-de-Rive 23, 1207 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Monsieur C______, ______, intimé, représenté par Me Daniel BURKHARDT, avocat, rue de la Croix d'Or 10, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15041/2023 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 19 décembre 2023, respectivement reçu les 21 et 22 décembre suivants par B______ et A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a autorisé les époux à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), a pris acte de ce que B______ s'engageait à verser rétroactivement 1'000 fr. par mois à A______ pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2023 et l'a condamné, en tant que de besoin, au versement du solde de 6'000 fr. correspondant aux mois de juin à novembre 2023 (ch. 2), a condamné l'époux à verser en mains de l'épouse, par mois et d’avance, 1'000 fr. à compter du 1er décembre 2023 jusqu'au 29 février 2024 au titre de contribution d'entretien (ch. 3) et 625 fr. à compter du 1er mars 2024 (ch. 4), a attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis avenue 2______ no. ______, [code postal] Genève, jusqu'à la vente de ce dernier (ch. 5), a prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 6), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., les a répartis à raison de la moitié à la charge de chacun des époux, les a compensés, s'agissant de l'épouse, avec l'avance de frais fournie et a condamné l'époux à verser 200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 7), a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B. a. Par acte déposé le 29 décembre 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), B______ a formé appel contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation des chiffres 4 et 6 du dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour dise qu'il ne devait plus verser de contribution à l'entretien de son épouse à compter du 1er mars 2024 et que les mesures protectrices de l'union conjugale cesseraient de déployer leurs effets à l'entrée en force du jugement de divorce.

Il a produit des pièces nouvelles à l'appui de son appel.

Préalablement, il a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à son appel. Cette requête a été rejetée par arrêt ACJC/41/2024 de la Cour du 15 janvier 2024, la décision sur les frais liés à cette décision étant renvoyée à l'arrêt à rendre sur le fond.

b. Par acte expédié à la Cour le 2 janvier 2024, A______ a également appelé dudit jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 2, 3 et 4 du dispositif. Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour condamne B______ à lui verser, par mois et d'avance, une contribution d'entretien de 2'000 fr. à compter du 1er janvier 2023.

c. Dans leurs réponses respectives, chacune des parties a conclu au rejet de l'appel de sa partie adverse et persisté dans ses propres conclusions.

À l'appui de sa réponse, B______ a produit des pièces nouvelles.

d. Par avis du greffe de la Cour du 29 février 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants ressortent de la procédure:

a. A______, née le ______ 1959, de nationalité suisse, et B______, né le ______ 1959, de nationalités suisse et française, se sont mariés le ______ 1985 à E______ [GE], sous le régime de la séparation de biens.

b. Deux enfants sont issues de cette union, D______, née le ______ 1988, et F______, née le ______ 1991.

c. Les époux vivent séparés depuis le 11 décembre 2019, date à laquelle B______ a quitté le domicile conjugal, sis avenue 2______ no. ______ et détenu en copropriété par les époux.

d. Par acte reçu au greffe du Tribunal le 3 janvier 2023, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale.

Elle a conclu en dernier lieu, sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal prononce la suspension de la vie commune à compter du 11 décembre 2019, condamne B______ à lui verser une contribution d'entretien de 2'000 fr. par mois à compter du 1er janvier 2023 et une provisio ad litem de 4'000 fr.

Depuis la séparation, son époux lui avait spontanément versé 1'832 fr. par mois pour son entretien mais l'avait informée de sa décision d'arrêter ces versements à compter de janvier 2023. Elle avait besoin de cette contribution car, âgée de 63 ans, elle n'avait pas d'emploi fixe. Dès décembre 2023, elle recevrait une rente AVS de 1'187 fr. par mois au titre de pré-retraite.

e. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2023, B______ a formé une demande unilatérale en divorce (C/1______/2023) en parallèle de la présente procédure.

f. Par courrier du 7 mars 2023 au Tribunal, B______ a fait valoir que son activité de graphiste indépendant diminuait et qu'il n'avait plus les moyens de verser de contribution d'entretien à son épouse.

g. Lors de l'audience de comparution personnelle et plaidoiries finales du 21 août 2023, B______ a conclu, en dernier lieu, à ce que le Tribunal attribue à son épouse la jouissance exclusive du domicile conjugal, jusqu'à sa vente qui devrait intervenir au plus tard le 30 novembre 2024, lui donne acte de son engagement d'assumer intégralement et exclusivement les charges relatives à cet appartement jusqu'au mois de février 2024, condamne son épouse à lui verser 300 fr. par mois dès mars 2024 et jusqu'à la vente de l'appartement afin de contribuer au paiement des charges y relatives, lui donne acte de son engagement de verser 1'000 fr. par mois du 1er janvier au 30 novembre 2023 au titre de contribution à l'entretien de son épouse, rejette la demande de provisio ad litem et partage par moitié les frais judiciaires et les dépens.

A______ a persisté dans ses conclusions et s'est en outre opposée au versement d'une contribution à son époux pour les "charges de copropriété et domicile" (sic).

D. La situation personnelle et financière des parties se présente de la manière suivante:

a.a A______ a travaillé à temps partiel dans l'entreprise de son époux de janvier 2004 à mars 2019, date à laquelle elle a été licenciée pour des raisons économiques. Elle touchait mensuellement 1'760 fr. à ce titre. Elle ne s'est pas inscrite au chômage.

Elle a également travaillé pour l'association G______, créée avec son époux en 2013, qui organise des jeux et animations pour les communes et musées. Entre janvier et juillet 2023, elle a perçu à ce titre un revenu net de 9'368 fr., soit 780 fr. 65 par mois. A compter d'août 2023, elle n'a plus travaillé pour ladite association, dont l'activité dépendait essentiellement de la Fondation H______, qui a fermé son musée pour travaux jusqu'au printemps 2025.

À la retraite depuis le 1er décembre 2023, elle touche à ce titre des prestations mensuelles AVS de 1'187 fr., qui ont augmenté à 1'656 fr. par mois le 1er mars 2024. Elle n'a pas cotisé au 2ème pilier.

Elle touche également 150 fr. par mois provenant de la location de la place de parking, située dans le même immeuble que le domicile conjugal.

a.b Depuis la séparation des parties, A______ vit dans l'ancien appartement conjugal de cinq pièces, détenu en copropriété avec son époux. Les frais relatifs à ce logement s'élèvent à 785 fr. 15 par mois, comprenant 138 fr. 50 de frais SIG, 374 fr. 75 de charges de copropriété et 271 fr. 90 d'intérêts hypothécaires. Il est admis que l'entier de ces frais ont été pris en charge par B______ depuis la séparation des époux.

En audience, ce dernier a déclaré au Tribunal qu'il souhaitait vendre cet appartement, les époux n'ayant plus les moyens de le conserver. Par courrier de décembre 2023, A______ lui avait fait savoir qu'elle n'était pas en état d'envisager la vente pour le moment. Il ressort des allégués de la demande de divorce de B______ que la valeur vénale de ce bien immobilier a été estimé entre 1'450'000 fr. et 1'550'000 fr. et que la plus-value de la vente serait de 1'192'000 fr. Le précité n'a pas produit de pièce correspondante.

a.c Le Tribunal a retenu que les charges mensuelles de A______ s'élèvent à 1'798 fr. 60, lesquelles se composent du montant de base OP (1'200 fr.), des frais de logement (0 fr.), des primes d'assurance maladie (380 fr. 60), de l'abonnement TPG (70 fr.), des impôts (120 fr.) et de la redevance radio-télévision (28 fr.).

a.d Selon le bordereau de taxation 2021 de A______, ses frais médicaux non remboursés se sont élevés à 803 fr. par an, soit 67 fr. par mois.

b.a B______ a exercé une activité indépendante de graphiste sous la raison individuelle G______ – B______ pendant plus de 40 ans.

En 2021, le résultat de l'exercice était de 77'000 fr., soit 6'416 fr. 66 par mois. B______ a allégué avoir touché des aides de l'Etat en raison du COVID-19. En 2022, le résultat de l'exercice était de 35'000 fr., soit 2'916 fr. 66 par mois. Sur cette base, le Tribunal a retenu qu'il percevait un revenu moyen d'environ 4'666 fr. bruts par mois ([6'416 fr. 66 + 2'916 fr. 66] /2). En 2023, le résultat de l'exercice était de 20'035 fr. 85, soit 1'669 fr. 65 par mois. B______ a fait valoir que son activité avait baissé notamment depuis la pandémie de COVID-19 et qu'il allait prendre sa retraite fin février 2024, à 65 ans. Début février 2024, il a requis la radiation du registre du commerce de son entreprise individuelle précitée, laquelle a pris effet le ______ février 2024.

En sa qualité de président de l'association G______, il a perçu 7'000 fr. en 2022, soit 583 fr. 33 par mois. Début février 2024, il a démissionné de ses fonctions, notamment en raison de la forte diminution d'activité de l'association depuis la fermeture temporaire de la Fondation H______.

b.b B______ n'a pas cotisé au 2ème pilier. Il a en revanche cotisé au 3ème pilier A auprès de [la compagnie d'assurances] I______ depuis 1999. Il a cotisé un montant annuel de 6'456 fr. en 2020 et en 2021 et de 5'769 fr. en 2022. Il ressort des allégués de la demande de divorce de B______ que la valeur de rachat de cette assurance vie a été estimée à 166'575 fr. fin 2023, année d'échéance. Le précité n'a pas produit de pièce correspondante.

b.c Il ressort de ses avis de taxation que sa fortune mobilière s'élevait à 322'971 fr. en 2020, à 283'316 fr. en 2021 et à 258'384 fr. en 2022.

b.d La mère de B______ est décédée le ______ 2022. Selon l'avis de taxation 2022 de B______, sa part à la succession encore non partagée est de 464'010 fr. Le précité a déclaré au Tribunal que la succession n'était pas encore réglée et qu'il n'avait pour l'instant rien perçu à ce titre.

b.e B______ vit un tiers de la semaine à l'avenue 3______ no. ______ dans l'appartement d'un ami, auquel il ne paye pas de loyer.

Il est propriétaire franc d'hypothèque d'un studio à J______ (France) qu'il utilise comme résidence secondaire les deux tiers de la semaine et où il envisage de vivre à temps plein dans le futur. Il verse annuellement 665 euros de taxes et 1'221.28 euros de charges, soit 157.19 euros par mois au total.

Son épouse allègue qu'il vit avec sa compagne actuelle, ce qu'il conteste. Il fait valoir qu'il retrouve cette dernière dans son studio en France pour le week-end uniquement et qu'elle ne participe pas aux charges.

b.f Le Tribunal a retenu pour B______ des charges mensuelles de 2'815 fr. 94, qui se composent du montant de base OP (réduit à 1'080 fr. en raison du temps majoritairement passé en France), des frais de son logement en France (152 fr. 19), des frais du domicile conjugal en Suisse (785 fr. 15), des primes d'assurance-maladie (362 fr. 30), de l'abonnement TPG (70 fr.) et des impôts (366 fr. 30).

b.g Selon l'avis de primes de [l'assurance-maladie] K______ du 18 janvier 2024, la prime LAMal de B______ s'élève à 415 fr. 05 par mois.

b.h Dans le jugement entrepris, le Tribunal a pris acte du versement de 5'000 fr. déjà effectué le 31 octobre 2023 par B______ à A______ à titre de contribution d'entretien pour la période du 1er janvier au 31 mai 2023.

b.i Selon des avis de débit, B______ a versé à A______ 6'000 fr. le 27 décembre 2023 (correspondant au solde à verser pour la période de juin à novembre 2023 selon le ch. 2 du dispositif jugement entrepris), 1'000 fr. en janvier 2024 pour le mois de décembre 2023 et 2'000 fr. en février 2024 pour les mois de janvier et février 2024 (ch. 3).

c. La cause a été gardée à juger par le Tribunal au terme de l'audience de plaidoiries finales du 21 août 2023.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions rendues sur mesures protectrices de l'union conjugale, lesquelles sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), si, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, les appels respectifs des parties portent sur les contributions d'entretien en faveur de l'épouse, de sorte qu'ils sont de nature patrimoniale. Compte tenu des conclusions prises en dernier lieu sur ce point devant le premier juge, la valeur litigieuse, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Déposés dans le délai utile (art. 142 al. 1 et 3, 145 al. 2 let. b, 271 et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), les appels sont recevables.

1.3 Dirigés contre le même jugement et comportant des liens étroits, les deux appels seront traités dans le même arrêt (art. 125 CPC). Par souci de clarté, A______ sera désignée, ci-après, l'appelante et B______ l'intimé.

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et les références citées).

Les appels portant sur la contribution d'entretien de l'épouse, les maximes de disposition (art. 58 al. 1 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2007 du 18 février 2008 consid. 6) et inquisitoire limitée sont applicables (art. 272 CPC; ATF 129 III 417 précité; arrêts du Tribunal fédéral 5A_386/2014 du 1er décembre 2014 consid. 6.2; 5A_757/2013 du 14 juillet 2014 consid. 2.1).

1.5 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a et d CPC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_918/2014 du 17 juin 2015 consid. 4.2.1; 5A_635/2013 du 28 juillet 2014 consid. 3.2.1), la cognition de la Cour est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_392/2014 du 20 août 2014 consid. 1.5).

1.6 La Cour examine d'office sa compétence matérielle.

En l'espèce, bien que l'intimé ait formé une demande unilatérale en divorce au cours de la procédure de mesures protectrices toujours pendante, le juge des mesures protectrices, saisi avant le juge du divorce, demeure compétent pour prononcer des mesures provisoires pour réglementer la vie séparée (ATF
148 III 95 consid. 4.3) pour toute sa durée ou jusqu'à une éventuelle modification ultérieure par le juge du divorce, et non seulement jusqu'à l'introduction de la demande en divorce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_120/2021 du 11 février 2022 consid. 4.2 - 4.3).

2. L'intimé a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il faut distinguer les vrais nova des faux nova. Les vrais nova sont des faits et moyens de preuve qui ne sont apparus qu'après la clôture des débats principaux de première instance. En principe, ils sont toujours admissibles dans la procédure d'appel, s'ils sont invoqués ou produits sans retard dès leur découverte. Les faux nova sont les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au moment de la clôture des débats principaux de première instance. Leur admission en appel est restreinte en ce sens qu'ils sont écartés si, la diligence requise ayant été observée, ils auraient déjà pu être invoqués ou produits en première instance. Celui qui invoque des faux nova doit notamment exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles il n'a pas pu invoquer ou produire ces faits ou moyens de preuves en première instance (ATF 143 III 42 consid. 5.3, in SJ 2017 I 460 et les références citées).

2.1.2 Même si la procédure de divorce est introduite alors que la procédure de mesures protectrices est pendante, le juge des mesures protectrices mène la procédure ouverte devant lui de manière ordinaire jusqu'à son terme, c'est-à-dire en tenant compte de tous les faits remplissant les conditions des art. 229 CPC et 317 CPC. La question de savoir si ces faits se sont produits avant ou après la litispendance de la procédure de divorce est sans pertinence (ATF 148 III 95 consid. 4.3-4.6)

2.2 En l'espèce, la demande de divorce déposée par l'intimé le 24 janvier 2023 n'empêche pas la Cour de prendre en considération les faits survenus jusqu'à la mise en délibération de la cause par le Tribunal le 21 août 2023 ainsi que les faits nouveaux valablement allégués devant elle.

Le calcul prévisionnel de la rente AVS de l'intimé du 18 novembre 2020 (pièce 1 int.), l'acte de vente du 25 novembre 1999 (pièce 6 int.) et le décompte d'intérêts du 29 juin 2023 (pièce 13 int.) produits par l'intimé ne sont pas recevables, dès lors que ces pièces sont antérieures au 21 août 2023, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, et que l'intimé n'explique pas pourquoi il n'aurait pas été en mesure de les produire devant le premier juge.

En revanche, les pièces 3 à 5, 7 à 11 int., les décomptes d'intérêts des 28 et 31 décembre 2023 de la pièce 13 int., ainsi que les pièces 14 et 15 int. sont recevables, dès lors qu'elles sont postérieures au 21 août 2023. Il s'agit donc de vrais nova.

Enfin, les pièces 2 et 12 int. ne sont pas nouvelles car elles ont déjà été produites devant le premier juge.

3. Les parties contestent toutes deux la contribution d'entretien allouée à l'appelante.

Le Tribunal a retenu que le budget de l'appelante présentait un déficit mensuel de 461 fr. 60 ([1'187 fr. + 150 fr. de revenus] – 1'798 fr. 60 de charges) de janvier 2023 à fin février 2024, puis dès le 1er mars 2024, un disponible de 8 fr. par mois ([1'656 fr. + 150 fr. de revenus] – 1'798 fr. 60 fr charges). Il n'a pas comptabilisé les frais de l'ancien domicile conjugal (soit 785 fr. 15 par mois) occupé par l'appelante dans les charges de cette dernière mais dans celles de l'intimé. En ce qui concernait l'époux, le Tribunal a retenu un disponible mensuel de 1'850 fr. (4'666 fr. de revenus – 2'815 fr. 94 de charges), dont la moitié (925 fr.) devait revenir à l'appelante. La contribution de celle-ci devrait en principe être arrêtée à 1'385 fr. par mois (461 fr. 60 de déficit et 925 fr. d'excédent). A compter du 1er mars 2024, l'augmentation de rente AVS de l’appelante lui permettait de couvrir entièrement ses charges, de sorte que sa contribution devrait être réduite à 925 fr. par mois. Cela étant, pour tenir compte du fait que l'intimé s'acquittait des frais liés au logement conjugal et que l'appelante n'avait pas les moyens d'y participer à hauteur de 300 fr. comme requis par le précité, le Tribunal a déduit 300 fr. de la contribution d'entretien de l'appelante et condamné l'intimé à lui verser 1'000 fr. par mois entre le 1er janvier 2023 et le 29 février 2024, puis 625 fr. par mois dès le 1er mars 2024.

L'intimé reproche au Tribunal d'avoir établi les faits de manière inexacte en arrêtant son revenu de façon erronée, notamment sans tenir compte du fait qu'il allait prendre sa retraite le 1er mars 2024. Il fait valoir qu'il ne devrait plus aucune contribution d'entretien à son épouse à compter de cette date.

De son côté, l'appelante soutient qu'il sied de tenir compte des revenus et de la fortune de l'intimé pour fixer la contribution d'entretien en sa faveur. Elle reproche au Tribunal d'avoir inclus les frais du domicile conjugal dans les charges de l'intimé plutôt que dans les siennes.

3.1.1 Lorsque la suspension de la vie commune est fondée, le juge fixe, à la requête de l'un des conjoints, la contribution d'entretien à verser par l'une des parties à l'autre (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux (ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1; 130 III 537 consid. 3.2, in SJ 2004 I 529). Tant que dure le mariage, les époux doivent ainsi contribuer, chacun selon leurs facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages. Si la situation financière des époux le permet encore, le standard de vie antérieur, choisi d'un commun accord, doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les époux ont droit à un train de vie semblable (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 5A_173/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.2; 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2.3).

3.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes) (ATF
147 III 265, in SJ 2021 I 316; 147 III 293; 147 III 301).

Selon cette méthode, il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus du travail, de la fortune, les prestations de prévoyance ainsi que le revenu hypothétique éventuel et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable). Les ressources à disposition sont ensuite réparties entre les différents membres de la famille, selon un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites ou, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie (ATF 147 III 265 consid. 7). Enfin, l'éventuel excédent est réparti de manière équitable en fonction de la situation concrète (ATF 147 III 265 consid. 7.3 et 8.3.2).

3.1.3 Les besoins sont calculés en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Doivent en principe être pris en compte dans le calcul du minimum vital du droit des poursuites les frais médicaux non pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire liés à des traitements ordinaires, nécessaires, en cours ou imminents (ATF 129 III 242 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_991/2014 du 27 mai 2015 consid. 2.1; 5A_914/2010 du 10 mars 2011 consid. 5.2.1; 5A_664/2007 du 23 avril 2008 consid. 2.2.1 et 5P.233/2005 du 23 novembre 2005 consid. 3.4.3).

Pour les adultes, les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille) : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants. En revanche, le fait de multiplier le montant de base ou de prendre en compte des postes supplémentaires comme les voyages ou les loisirs n'est pas admissible. Ces besoins doivent être financés au moyen de la répartition de l'excédent. Toutes les autres particularités devront également être appréciées au moment de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

Lorsqu'il reste des ressources après la couverture du minimum vital de droit de la famille, l'excédent doit en principe être réparti par moitié entre les conjoints (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4;
128 III 411 consid. 3.2.2).

Le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit en principe être préservé (ATF 137 III 59 consid. 4.2).

3.1.4 Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. En cas de revenus fluctuants, pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années (dans la règle, les trois dernières). Plus les fluctuations de revenus sont importantes et les données fournies par l'intéressé incertaines, plus la période de comparaison doit être longue. Dans certaines circonstances, il peut être fait abstraction des bilans présentant des situations comptables exceptionnelles, à savoir des bilans attestant de résultats particulièrement bons ou spécialement mauvais (ATF 143 III 617 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_987/2020 du 24 février 2022 consid. 4.1; 5A_20/2020 du 28 août 2020 consid. 3.3; 5A_676/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.2 et les réf. cit.).

Le montant de la rente AVS dépend de la durée pendant laquelle l’assuré a cotisé à l’AVS ainsi que du montant de son revenu annuel moyen. Il faut avoir cotisé 44 ans pour présenter une durée de cotisation complète. Si le revenu annuel moyen est inférieur ou égal à 14'700 fr., le montant de la rente complète est de 1'225 fr. par mois (rente minimale). S’il est de 88'200 fr. ou davantage, le montant de la rente complète est de 2'450 fr. par mois (rente maximale) (Office fédéral des assurances sociales OFAS, L'essentiel expliqué simplement La prévoyance vieillesse suisse, Berne, décembre 2023).

Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.2.1).

3.1.5 Si les revenus (du travail et de la fortune) suffisent à l'entretien des conjoints, la substance de la fortune n'est normalement pas prise en considération. Mais, dans le cas contraire, rien ne s'oppose, en principe, à ce que l'entretien soit assuré par la fortune (ATF 138 III 289 consid. 11.1.2; 134 III 581 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 5.4; 5A_396/2013 du 26 février 2014 consid. 5.4.2). Savoir si et dans quelle mesure il peut être exigé du débirentier qu'il entame sa fortune pour assurer l'entretien courant doit être apprécié au regard des circonstances concrètes. Sont notamment d'une importance significative l'ampleur de la fortune et la durée pendant laquelle il est nécessaire de recourir à celle-ci. Pour respecter le principe d'égalité entre les époux, l'on ne saurait cependant exiger d'un conjoint qu'il entame sa fortune pour assurer l'entretien courant que si l'on impose à l'autre d'en faire autant, à moins qu'il n'en soit dépourvu (arrêts du Tribunal fédéral 5A_608/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.2.1; 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 5.1.3).

Suivant la fonction et la composition de la fortune des époux, on peut ainsi attendre du débiteur d'aliments – comme du créancier – qu'il en entame la substance. En particulier, si elle a été accumulée dans un but de prévoyance pour les vieux jours, il est justifié de l'utiliser pour assurer l'entretien des époux après leur retraite, alors que tel ne serait en principe pas le cas lorsque les biens patrimoniaux ne sont pas aisément réalisables, qu'ils ont été acquis par succession ou investis dans la maison d'habitation (ATF 147 III 393 consid. 6.1.3 et 6.1.4; 129 III 7 consid. 3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_125/2019 du 9 septembre 2019 consid. 5.3).

3.1.6 Les contributions pécuniaires fixées par le juge dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale ou sur mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure de divorce peuvent être réclamées pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 173 al. 3 CC par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC; ATF 115 II 201 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2016 du 15 août 2016 consid. 2.1.3).

3.2.1 Le Tribunal a fixé le dies à quo des contributions d'entretien au 1er janvier 2023, soit à la date du dépôt de la requête de mesures protectrices conjugales. Les parties ne l'ayant pas contesté, il sera maintenu.

3.2.2 En l'espèce, à teneur des pièces produites, le revenu que l'intimé a tiré de son activité indépendante s'est élevé à 6'416 fr. 66 par mois en 2021. Ce revenu a toutefois baissé à 2'916 fr. 66 par mois en 2022. En 2023, soit sa dernière année d'activité avant la retraite, le revenu de l'intimé a encore diminué à 1'669 fr. 65 par mois.

Cela étant, pour la période du 1er janvier 2023 au 29 février 2024, il convient d'imputer à l'intimé un revenu hypothétique, qui sera fixé à 3'667 fr. 65 par mois au vu du revenu mensuel moyen qu'il a réalisé durant ses trois dernières années d'activité ([6'416 fr. 66 + 2'916 fr. 66 + 1'669 fr. 65] /3). En première instance, l'intimé a d'ailleurs offert de verser 1'000 fr. par mois pour l'entretien de l'appelante du 1er janvier au 30 novembre 2023, en sus des frais du domicile conjugal de 785 fr. 15 par mois, dont il s'acquittait directement. Or, au vu de ses propres charges mensuelles en 2'088 fr. (cf. consid. 3.2.3 infra) qu'il paie également, le revenu hypothétique précité pouvait être exigé de lui.

Il convient d'ajouter audit revenu hypothétique le montant mensuel de 583 fr. 33 perçu pour son activité au sein de l'association G______ en 2022. Le même montant sera retenu pour 2023 et début 2024 en l'absence d'indications de l'intimé à cet égard.

Par conséquent, pour la période du 1er janvier 2023 au 29 février 2024, le revenu de l'intimé sera arrêté à 4'251 fr. par mois.

A compter du 1er mars 2024, l'intimé a pris sa retraite et démissionné de l'association G______. Sa rente de retraite vieillesse AVS n'est pas connue de la Cour, l'intimé n'ayant pas valablement produit la pièce correspondante dans le cadre de la présente procédure. L'intimé a vraisemblablement cotisé durant 44 ans sur la base d'un revenu annuel moyen estimé à 44'011 fr. en se basant sur ses trois dernières années d'activité faute d'autres données disponibles ([77'000 fr. + 35'000 fr. + 20'035 fr.] /3). Sa rente vieillesse peut ainsi être estimée, sous l'angle de la vraisemblance, à environ 1'830 fr. par mois ([2'450 fr. + 1'225 fr.] /2), dès lors que le revenu annuel de 44'011 fr. précité se situe environ à la moitié du revenu déterminant maximum (88'200 fr.).

3.2.3 Il y a lieu de supprimer du budget de l'intimé les frais de l'ancien logement conjugal (785 fr. 15), dès lors qu'il a été attribué à l'appelante comme celle-ci le relève à juste titre. Les coûts y relatifs doivent donc être comptabilisés dans les charges de cette dernière et inclus dans l'éventuelle contribution d'entretien en sa faveur quand bien même ces frais ont jusqu'à présent été directement versés par l'intimé.

En revanche, aucun élément de la procédure ne permet de retenir, même sous l'angle de la vraisemblance, que l'intimé vivrait avec sa compagne actuelle, de sorte qu'il ne se justifie pas de diviser par deux ses frais de logement en France.

Les charges de l'intimé s'élèvent ainsi à 2'088 fr. 54 par mois et se composent du montant de base OP (1'080 fr.), des frais de logement en France (157 fr. 19), de la prime LAMal (415 fr. 05), de l'abonnement TPG (70 fr.) et des impôts (366 fr. 30).

3.2.4 Au vu de ce qui précède, du 1er janvier 2023 à fin février 2024, le budget de l'intimé a présenté un disponible mensuel de 2'162 fr. 45 (4'251 fr. de revenus
– 2'088 fr. 54 de charges).

Dès le 1er mars 2024, le budget de l'intimé présente un déficit de 258 fr. par mois (1'830 fr. de revenus – 2'088 fr. de charges).

3.2.5 Du 1er janvier au 31 juillet 2023, l'appelante a perçu 780 fr. 65 par mois pour son activité d'animatrice au sein de l'association G______, ainsi que 150 fr. par mois pour la location de la place de parking, soit un total de 930 fr. 65.

Du 1er août 2023 au 30 novembre 2023, elle a uniquement perçu 150 fr. par mois de la location de la place de parking.

Du 1er décembre 2023 au 29 février 2024, elle a perçu une rente AVS de 1'187 fr. par mois. Il sied d'y ajouter 150 fr. par mois pour la location de la place de parking, l'appelante n'ayant pas indiqué ne plus percevoir ce montant. Son revenu s'est donc élevé à 1'337 fr. par mois.

Par souci de simplification, un revenu moyen de 795 fr. sera retenu pour la période du 1er janvier 2023 au 29 février 2024 ([930 fr. 65 x 7 mois] + [150 fr. x 4 mois] + [1'337 fr. x 3 mois] / 14 mois).

Depuis le 1er mars 2024, sa rente AVS a augmenté à 1'656 fr. par mois, à laquelle s'ajoutent 150 fr. de location de place de parking, de sorte qu'un revenu mensuel total de 1'806 fr. sera retenu.

3.2.6 Les charges mensuelles de l'appelante s'élèvent à 2'622 fr. 75, montant qui se compose du montant de base OP (1'200 fr.), des frais de logement (785 fr. 15), de sa prime LAMal (380 fr. 60), des frais médicaux non remboursés (67 fr.), de l'abonnement TPG (70 fr.) et des impôts (120 fr.).

3.2.7 Au vu de ce qui précède, du 1er janvier 2023 au 29 février 2024, le budget de l'appelante a présenté un déficit mensuel de 1'828 fr. (795 fr. de revenus
– 2'622 fr. 75 fr. charges).

Dès le 1er mars 2024, le budget de l'appelante présente un déficit mensuel de 816 fr. 75 (1'806 fr. de revenus – 2'622 fr. 75 de charges).

3.2.8 Ainsi, du 1er janvier 2023 au 29 février 2024, une fois le déficit de 1'828 fr. de l'appelante couvert, il est resté à l'intimé un excédent de 334 fr. 45 (disponible de l'intimé de 2'162 fr. 45 – charges de l'appelante de 1'828 fr.), qu'il convient de répartir entre les époux à hauteur de la moitié chacun.

La contribution d'entretien de l'appelante s'élèvera donc à 2'000 fr. par mois arrondi (1'828 fr. + 167 fr.) pour la période du 1er janvier 2023 au 29 février 2024.

Il y a toutefois lieu de déduire les montants déjà versés par l'intimé à ce titre durant la période précitée. A cet égard, l'intimé s'est acquitté des frais de l'ancien domicile conjugal occupé par l'appelante (785 fr. 15 x 14 mois), soit 10'992 fr. 10. Le 31 octobre 2023, il a versé 5'000 fr. à l'appelante à titre de contribution d'entretien pour les mois de janvier à mai 2023. En exécution du jugement entrepris, il a aussi versé à l'appelante 6'000 fr. correspondant au solde des contributions restant à verser pour les mois de juin à novembre 2023 (ch. 2 du dispositif du jugement), ainsi que 3'000 fr. correspondant aux contributions fixées pour les mois de décembre 2023 à février 2024 (ch. 3). L'intimé a ainsi versé à l'appelante un montant total de 24'992 fr. 10.

Au vu de ce qui précède, l'intimé sera condamné à verser à l'appelante pour son entretien un montant de 3'008 fr. ([2'000 fr. de contributions d'entretien x 14 mois] – 24'992 fr. 10 déjà versés) pour la période du 1er janvier 2023 au 29 février 2024.

3.2.9 A compter du 1er mars 2024, date à laquelle l'intimé a pris sa retraite, son budget présente un déficit de 258 fr. par mois, de sorte qu'il n'est plus en mesure de contribuer à l'entretien de l'appelante au moyen de ses revenus.

Cela étant, l'intimé dispose d'une fortune composée du bien immobilier détenu en copropriété avec l'appelante, du bien immobilier sis en France, lequel est franc d'hypothèque, d'une fortune mobilière de 258'384 fr. en 2022, d'un 3ème pilier, dont il allègue que le capital s'élevait à 166'575 fr. fin 2023, et d'un héritage de 464'010 fr. qu'il n'a pas encore touché. Graphiste indépendant, il n'a pas constitué de 2ème pilier, de sorte qu'il faut considérer que l'épargne privée, soit le 3ème pilier et la fortune mobilière, vise essentiellement un but de prévoyance. Dès lors que les époux sont séparés de biens, l'intimé va conserver l'entier de l'épargne accumulée aux fins de prévoyance durant la vie commune dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Au vu de ce qui précède, il se justifie d'exiger de lui qu'il entame la substance de sa fortune mobilisable, à compter du 1er mars 2024, pour combler le déficit de son épouse à hauteur de 1'000 fr. par mois. Il sera encore relevé, s'agissant du principe d'égalité entre les époux, que l'immeuble, dont ils sont copropriétaires, qui constitue le seul élément de fortune de l'appelante, se trouve être sa maison d'habitation qui n'est, par ailleurs, pas facilement réalisable, de sorte qu'il ne peut exiger d'elle qu'elle "l'entame", à tout le moins à ce stade.

Les chiffres 2 à 4 du dispositif du jugement entrepris seront dès lors modifiés dans le sens de ce qui précède.

4. L'intimé a conclu à ce que la Cour annule le chiffre 6 du dispositif du jugement querellé, selon lequel les mesures protectrices de l'union conjugale ont été prononcées pour une durée indéterminée, et dise que les mesures cesseront de déployer leurs effets à l'entrée en force du jugement de divorce. Il n'a cependant pas motivé son grief en droit, de sorte que sa recevabilité apparaît douteuse. En tout état, les mesures protectrices demeurent en vigueur au-delà de la litispendance de la procédure de divorce, jusqu'à ce qu'elles soient, cas échéant, modifiées par le juge du divorce (art. 276 al. 2 CPC et 179 al. 1 CC; ATF
148 III 95 consid. 4.3).

5. 5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais judiciaires et des dépens de première instance n'ont été remises en cause en appel et que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales par le Tribunal (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 31 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

5.2 Les frais judiciaires des deux appels, comprenant l'émolument de décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'800 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de chacune des parties par moitié, compte tenu de la nature et de l'issue du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront partiellement compensés à hauteur de 900 fr. avec l'avance de frais de 1'000 fr. fournie par l'intimé, qui demeure acquise dans cette mesure à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l'intimé le solde de son avance de frais en 100 fr.

L'appelante plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais en 900 fr. sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC (art. 122 al. 1 let. b CPC; art. 19 RAJ).

Au vu de la nature et de l'issue du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés par B______ contre les chiffres 4 et 6 et par A______ contre les chiffres 2, 3 et 4 du dispositif du jugement JTPI/15041/2023 rendu le 19 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 2 à 4 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ces points:

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 3'008 fr. à titre de contribution à son entretien pour la période du 1er janvier 2023 au 29 février 2024.

Condamne B______ à verser à A______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, 1'000 fr. dès le 1er mars 2024, sous déduction des montants déjà versés par l'intimé à ce titre, y compris les frais directement payés pour l'ancien logement conjugal.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense à hauteur de 900 fr. avec l'avance de frais versée par B______, qui demeure acquise dans cette mesure à l'Etat de Genève.

Dit que la part de ces frais à la charge de A______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 100 fr. à B______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.