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Décisions | Chambre civile

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C/21784/2022

ACJC/305/2024 du 29.02.2024 sur JTPI/7790/2023 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21784/2022 ACJC/305/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 29 FÉVRIER 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourant contre un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 juin 2023,

et

B______, sise ______, intimée.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7790/2023 du 30 juin 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté A______ des fins de sa demande (en paiement à l'encontre de [la compagnie aérienne] B______) (chiffre 1 du dispositif), dit que la procédure était gratuite (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a retenu que les parties étaient liées par un contrat de transport, auquel les dispositions sur le mandat étaient applicables. A______ n'avait pas démontré le dommage subi, en produisant un reçu ou une facture du billet de remplacement qu'elle disait avoir dû acheter, suite au refus de B______ de la laisser embarquer le 24 août 2022, au motif qu'elle ne disposait pas d'un test PCR avec un résultat négatif à la COVID-19. La condition de la violation de ses obligations par B______ n'était pas non plus réalisée, puisqu'en août 2022 il fallait disposer d'un test PCR avec un résultat négatif à la COVID-19 pour pourvoir embarquer sur un vol à destination du Cameroun, et que A______ s'était présentée à l'embarquement sans avoir le test PCR requis. Enfin, celle-ci avait pris de conclusions en francs suisses uniquement, alors qu'elle avait payé une partie des frais dont elle réclamait le remboursement en euros, en violation de l'art. 84 CO.

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 15 août 2023, A______ a formé recours contre le jugement précité, concluant à ce que B______ soit condamnée à lui verser 2'100 fr.

b. Par réponse du 16 octobre 2023, B______ a "contesté la demande d'indemnisation" de A______. Elle a produit des pièces figurant déjà au dossier du Tribunal.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 30 novembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier du Tribunal.

a. Prévoyant de se rendre au Cameroun en août 2022, A______ allègue s'être renseignée auprès du consulat de ce pays sur les conditions d'entrée, au regard de la pandémie de COVID-19. Il lui aurait été dit qu'il était possible de contacter les autorités camerounaises pour obtenir une autorisation d'embarquement pour les passagers non munis d'un test PCR négatif.

A______ a alors acheté un billet d'avion Genève-D______ (Cameroun), auprès de B______, pour la somme de 657,62 euros, plus des frais d'agence et d'assurance annulation allégués mais non étayés par pièces de respectivement 111 et 53 euros.

b. Lorsqu'elle s'est présentée à l'aéroport le 24 août 2023, B______ lui a refusé l'embarquement, au motif qu'elle ne disposait pas d'un test PCR avec résultat négatif à la COVID-19 de moins de 72 heures et que les autorités camerounaises n'avaient pas pu être jointes. La compagnie lui a proposé de reporter son vol d'une semaine, ce que A______ a refusé.

c. Celle-ci a alors procédé à un test PCR d'urgence, facturé 275 fr., acquis un billet d'avion Genève-D______ auprès de la compagnie [aérienne] C______, pour la somme de 963 fr. 35, toutes taxes comprises, et voyagé le 25 août 2023.

d. Elle est repartie de E______ (Cameroun) le 17 septembre 2023, pour F______ [France], sur un vol affrété par C______, puis a pris le train de F______ à Genève, via G______ le 18 septembre 2023. Le prix du billet d'avion entre E______ et F______, allégué de 1'200 fr., ne ressort pas des pièces produites, seules les taxes en 114.81 euros étant démontrées. Celui du billet de train était de 101,40 euros.

e. B______ a remboursé à A______ le billet non utilisé à concurrence de 429 euros, soit taxes d'aéroport et gouvernementales déduites.

f. En septembre 2022, le Ministre de la Santé publique du Cameroun a adressé à son homologue du Ministère des transports une lettre l'informant de l'allègement des mesures sanitaires COVID-19 pour les voyageurs, en ce sens que l'entrée des voyageurs dans le pays serait conditionnée à la présentation d'un test PCR négatif datant de moins de 72 heures ou d'un schéma vaccinal complet.

g. Le 28 octobre 2022, A______ a formé une demande devant le Tribunal, visant à connaître la raison officielle du refus d'embarquer pour le vol prévu le 24 août 2022 à 22h45 et à être remboursée des dépenses qu'elle avait dû faire pour voyager, chiffrées à 2'300 fr.

Les parties n'étant pas parvenues à un accord lors de l'audience de conciliation du 5 décembre 2022, l'autorisation de procéder a été délivrée.

h. A______ a saisi le Tribunal d'une demande en paiement à l'encontre de B______ d'un montant de 2'500 fr., qu'elle n'a pas détaillé.

i. Lors de l'audience de débats d'instruction du 10 février 2023, A______ a exposé que le montant de 2'500 fr. correspondait au prix de deux billets d'avion.

B______ s'est opposée à la demande et a sollicité un dédommagement pour le temps perdu devant les tribunaux.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai à A______ pour produire la preuve de l'achat et du paiement des billets Genève D______ et E______-F______.

j. Le 9 mars 2023, A______ a écrit au Tribunal que le billet retour était au même prix que le billet aller.

k. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 26 avril 2023, A______ n'était ni présente ni représentée, ce dont elle s'est excusée par courrier au Tribunal du lendemain. B______ a persisté dans ses conclusions.

La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC). Le recours est recevable contre les décisions finales de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel (art. 319 let. a CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr. La voie du recours est dès lors ouverte.

1.2 Vu la valeur litigieuse, la procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC). La maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et la maxime des débats (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 a contrario CPC) sont applicables.

1.3 Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 CPC).

Il incombe à la partie recourante de motiver son recours, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée (cf. Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale in SJ 2009 II p. 257 ss, p. 265). Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit ainsi pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée; sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que la partie recourante attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 précité). La motivation du recours constitue une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office. Lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité n'entre pas en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3.1; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2).

En l'espèce, déposé dans le délai prescrit, le recours est recevable à cet égard.

En revanche, le recours ne contient aucune critique du jugement, la recourante, qui n'est pas assistée d'un représentant professionnel, se limitant à reprendre l'argumentation développée devant le premier juge.

Dans la mesure où, comme il sera vu ci-après, le recours devrait de toute façon être rejeté, sa recevabilité peut souffrir de demeurer indécise.

2. Le litige présente des éléments d'extranéité en raison notamment du siège à l'étranger de l'intimée.

La compétence des tribunaux genevois est acquise, et le droit suisse applicable comme retenu à juste titre par le Tribunal (art. 114 al. 1 let. a et al. 2 et 120 al. 1 let. b et al. 2 LDIP, et 86 al. 1 LOJ ; Tran, Le régime uniforme de responsabilité du transporteur aérien de personnes, Schulthess éd. Romandes, Genève 2013, n. 139-148, page 54, et les références citées).

3. 3.1.1 Comme retenu à bon droit par le Tribunal, seul le Code des obligations est applicable à la présente espèce, à l'exclusion de toutes les règles spéciales de droit suisse en matière de transport aérien, du droit aérien européen repris par la Suisse et de la Convention de Montréal. En effet, le Règlement (CE) n°261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 s'applique en cas de refus d'embarquement, sauf si celui-ci est justifié notamment pour raisons de santé, de sûreté ou de sécurité, ou de documents de voyage inadéquats (ce qui était le cas en l'espèce) et ni l'Ordonnance sur le transport aérien ni la Convention de Montréal ne traitent des conséquences d'un refus d'embarquement.

Le Tribunal fédéral, ainsi que la doctrine suisse majoritaire estiment que le contrat de transport est un contrat de mandat (ATF 126 III 113 c. 2 bb ; Ebinger, Zivilrechtliche Haftung des Luftfrachtführers im Personentransport, p. 85; Fellmann, Berner Kommentar, n. 27 ad art. 394 CO; Marchand, La protection du consommateur de voyages aériens, p. 293; Morin, La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de mandat, p. 124; Tran, op. cit., n. 158, page 57 et n. 864 p. 290; Marchand, CR-CO I, n. 36 ad art. 440 CO; Tercier/Favre, Les contrats spéciaux, 4ème éd., n. 6453; Von Ziegler/Montanaro, Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, n. 8 ad art. 440).

Le droit du mandant à la réparation du dommage causé par l'inexécution ou la mauvaise exécution du mandat est soumis aux conditions de l'art. 398 al. 1 et 2 CO. Selon l'art. 398 al. 1 CO, qui renvoie à l'art. 321e al. 1 CO, le mandataire répond du dommage qu'il cause au mandant intentionnellement ou par négligence.

Conformément au régime général de l'art. 97 CO, sa responsabilité est subordonnée à l'existence d'une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat, d'un dommage, d'un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage, et d'une faute (arrêt du Tribunal fédéral 4A_444/2019 du 21 avril 2020 consid. 3.3).

Le mandant supporte le fardeau de l'allégation objectif (objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve (Beweislast) des trois premières conditions conformément à l'art. 8 CC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_588/2011 du 11 janvier 2022 consid. 2.2.2).

3.1.2 En vertu de l'art. 84 CO, la partie qui fait valoir en Suisse une prétention due en monnaie étrangère a l'obligation de prendre des conclusions en paiement dans cette monnaie. Si elle requiert à tort une condamnation en francs suisses, sa demande doit être rejetée, ne serait-ce que parce que le débiteur ne peut être condamné à une autre prestation que celle qu'il doit (ATF 137 III 158 consid. 4.1, in JT 2013 II 287 et les références citées; ATF 134 III 151 consid. 2.2, in JT 2010 I 124). Le juge ne peut ainsi s'écarter des conclusions d'une demande en paiement libellée en francs suisses et leur substituer une condamnation en monnaie étrangère, le choix de la monnaie de paiement prévu à l'art. 84 al. 2 CO n'étant offert qu'au seul débiteur (ATF 137 III 158 consid. 4.2; 134 III 151 consid. 2.2).

3.2 En l'espèce, comme jugé à bon droit par le Tribunal, il n'est pas établi que l'intimée n'était pas fondée à refuser l'embarquement à la recourante, non munie d'un test PCR négatif à la COVID-19 de moins de 72 heures. L'allègement des mesures sanitaires COVID-19 pour les voyageurs à destination du Cameroun n'était pas encore en vigueur le 24 août 2022. Il appartenait à la recourante de faire le nécessaire pour obtenir une dérogation des autorités camerounaises ou de se présenter suffisamment tôt à l'embarquement pour que l'intimée ait cas échéant la possibilité de prendre contact avec celles-ci en vue d'obtenir une dérogation. Il ne saurait en tout état être reproché à l'intimée de n'avoir pu obtenir celle-ci.

Ainsi, aucune faute contractuelle ne saurait être reprochée à l'intimée, fondant une obligation de réparer un éventuel dommage.

A cela s'ajoute que, comme l'a à bon droit retenu le Tribunal, en tout état la recourante n'a pas démontré la quotité de la totalité de son dommage, en ne produisant pas la preuve du montant et du paiement du prix du vol retour E______-F______.

Enfin, elle a de toute façon pris des conclusions en francs suisses, alors que le prix payé à tout le moins pour le retour l'a été en euros.

En conclusion, le recours, infondé, devrait être rejeté.

4. La procédure est gratuite, s'agissant d'un litige de droit de la consommation (art. 22 al. 5 LaCC).

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens, l'intimée n'en ayant pas sollicité devant la Cour.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 15 août 2023 par A______ contre le jugement JTPI/7790/2023 rendu le 30 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21784/2022.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.