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Décisions | Chambre civile

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C/25543/2019

ACJC/200/2024 du 08.02.2024 sur ORTPI/1052/2023 ( OS ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25543/2019 ACJC/200/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 FÉVRIER 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Grande-Bretagne, appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 septembre 2023, représenté par Me Dimitri IAFAEV, avocat, RAPPARD ROMANETTI, IAFAEV & AVOCATS, boulevard des Philosophes 11, 1205 Genève,

et

B______ SARL, sise ______ [GE], intimée, représenté par Me J. Potter Van LOON, avocat, EARDLEY AVOCATS, rue De-Candolle 16, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance ORTPI/1052/2023 du 26 septembre 2023, communiquée aux parties le 27, le Tribunal de première instance a refusé d'ordonner la jonction des procédures C/25543/2019 et C/1______/2022.

Le Tribunal a considéré que la jonction sollicitée n'était pas à même de simplifier le procès, seul critère pertinent pour la prononcer, du fait que l'une des procédures en était au stade de l'instruction préalable, alors que l'autre avait été instruite pendant quatre ans et ne nécessitait plus qu'un seul acte avant la clôture de l'administration des preuves.

B. a. Par mémoire déposé le 9 octobre 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ a recouru contre ladite ordonnance concluant à son annulation et au prononcé de la jonction des procédures en question, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour la prononcer, sous suite de frais et dépens. Il considère que l'ordonnance entreprise est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable dans la mesure où "si C______ manifeste, même à la fin de la procédure, son refus de principe d'acheter la part du recourant, le Tribunal pourrait rendre un jugement qui refuse la sortie de celui-ci", ce à l'issue d'une procédure d'expertise, inutile, pour laquelle il sera demandé au recourant une "importante" avance de frais, ce qui est également susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. En outre, il soutient que "même si le Tribunal rend une décision autorisant sa sortie, la Cour annulera certainement sa décision (…)", ce qui lui causerait un "préjudice irréparable", l'empêchant de sortir de la société, alors que les justes motifs de sortie avaient été retenus.

b. Par acte adressé le 13 novembre 2022 au greffe de la Cour, l'intimée a répondu au recours, concluant à son rejet. Elle considère qu'aucun dommage difficilement réparable n'est démontré par le recourant.

c. Le 27 novembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions initiales.

d. L'intimée a renoncé à dupliquer.

e. Par avis du 14 décembre 2023 du greffe de la Cour, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

B______ SARL a été fondée en 2013 par le recourant et C______, qui détiennent chacun la moitié du capital social de 20'000 fr. divisé en 200 parts sociales de 100 fr.

Des désaccords sont survenus entre les associés. En octobre 2018, le recourant a fait part à son associé de sa volonté de sortir de la société. C______ a proposé, début 2019, au recourant, de lui racheter ses parts pour le montant de 10'000 fr., ainsi que du matériel lui appartenant pour une somme d'environ 18'000 fr.

En septembre 2019, le recourant a proposé de transmettre ses parts à un tiers, ce que C______ n'a pas accepté.

Suite à diverses péripéties, le recourant a introduit devant le Tribunal le
20 décembre 2019, une demande d'autorisation de sortie de la société pour juste motifs.

Par jugement du 7 mars 2022, admettant l'existence de justes motifs permettant d'autoriser la sortie, le Tribunal a autorisé le recourant à sortir de la société et à requérir sa radiation en qualité d'associé au Registre du commerce.

Sur appel de la société, reprochant au Tribunal d'avoir retenu l'existence de justes motifs de sortie, la Cour a, par arrêt entré en force du 11 novembre 2022, confirmé l'existence des justes motifs de sortie mais annulé l'autorisation de sortie dans la mesure où la procédure ne permettait pas ce prononcé, au stade où elle se trouvait. La cause a été renvoyée au Tribunal pour la suite de la procédure.

Suite à cela, le Tribunal a repris et poursuivi son instruction. Lors d'une audience du 14 septembre 2023, les parties se sont mises d'accord sur le fait que la seule mesure d'instruction restant à mener dans la cause en question était l'ordonnance d'une expertise (hormis une éventuelle ultérieure comparution personnelle).

Par ailleurs, par courrier du 28 août 2023 au Tribunal, le recourant avait requis la jonction de la procédure avec une autre cause pendante devant une autre chambre du Tribunal, opposant les mêmes parties (C/1______/2022), laquelle se trouvait au stade du premier échange d'écritures et contenait une demande de la société de suspension de la procédure en attente de droit jugé dans la présente cause. La cause en question avait été introduite par le recourant et visait le prononcé de la dissolution de la société. Cette dissolution pouvait être prononcée pour de justes motifs, cette notion étant la même que celle visant la sortie d'un associé, dont la Cour avait retenu qu'ils existaient en l'espèce.

La société s'est opposée à la demande de jonction, suite à quoi l'ordonnance querellée a été prononcée.

L'on ignore si la suspension de la cause C/1______/2022 a été prononcée.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'article 125 lit. c CPC, pour simplifier le procès, le tribunal peut notamment ordonner la jonction de causes.

Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi ou lorsqu'elles peuvent causer un dommage difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 1 et 2 CPC).

A défaut de disposition spéciale, et au titre d'ordonnance d'instruction, le refus d'ordonner la jonction ne peut être attaqué que de manière limitée dans le cadre de l'art 319 let. b ch. 2 CPC, à savoir s'il peut causer un préjudice difficilement réparable.

Le délai de recours est de 10 jours, à moins que la loi n'en dispose autrement
(art. 321 al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours a été interjeté en temps utile, selon la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 2 et 3 CPC), par devant l'instance compétente
(art. 120 al.1 lit.a LOJ)

1.3 Comme vu ci-dessus, en tant qu'elle refuse de prononcer une jonction de causes, l'ordonnance querellée constitue une ordonnance d'instruction susceptible d'un recours immédiat, recevable seulement lorsqu'elle peut causer un préjudice difficilement réparable.

La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'article 93 alinéa 1 lettre a LTF
(ATF
138 III 378 c. 6.3; SJ 2012 I 77). Constitue un préjudice "difficilement réparable", toute incidence dommageable y compris financière ou temporelle qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante voire restrictive avant d'admettre l'accomplissement de cette condition sous peine d'ouvrir le recours contre toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (JEANDIN, code de procédure civile commentée, 2011 ad art. 219 CPC no 22; ATF 138 III 378 cité).

Le préjudice sera considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé, ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (REICH, Schweizerische Zivilprozessordnung, BAKER/MACKENZIE 2010 ad. art. 319 CPC no 8). Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (SPUHLER, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2013 ad. art. 319 no 7). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion du recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable (SPUHLER, op. cit. ad art. 319 CPC no 8). Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur, comme mentionné plus haut, a justement voulu éviter (ACJC/35/2014).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie : ATF 134 III 426 c. 1.2).

1.4 Selon la jurisprudence, il n’y a pas de droit des parties à la jonction ou à la division des procédures. Celle-ci relève exclusivement de l’appréciation du tribunal qui conduit le procès (ATF 142 III 581 c. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_710/2016 du 19.6.2017 c. 2.3).

Le tribunal peut joindre les causes de son propre chef. Il en décidera en particulier ainsi lorsque dans la procédure probatoire, une instruction commune permet de réaliser certaines économies. Le tribunal peut revenir en tout temps sur sa décision et disjoindre les causes (art. 154 in fine CPC), même en dépit du désaccord des parties (STAEHELIN/SCHWEIZER ZPO-Komm., no 2 ad art. 71).

1.5 En l'espèce, aucun des motifs avancés par le recourant dans son recours ne permet de retenir la vraisemblance d'un dommage difficilement réparable qui lui serait causé par le prononcé de l'ordonnance en question. En effet, le recourant tente de construire une série d'hypothèses non vérifiables en l'état des conséquences éventuelles de décisions à rendre par les tribunaux dans les procédures en cours pour soutenir l'éventuel dommage qu'il subirait et qui justifierait la recevabilité de son recours. Or, cet échafaudage d'hypothèses n'est précisément en rien concret de sorte qu'à ce stade déjà l'éventuel dommage n'est pas rendu vraisemblable, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours.

Quoiqu'il en soit, comme dit ci-dessus, voulût-on même admettre qu'un dommage difficilement réparable aurait été rendu vraisemblable, avec la conséquence que le recours devrait être reçu, qu'il ne pourrait qu'être rejeté dans la mesure où, pour les motifs d'opportunité retenus par le Tribunal, que la Cour ne reverrait qu'avec réserve s'agissant de la conduite du procès, la décision devrait être confirmée. Comme rappelé ci-dessus, les parties n'ont pas de droit à une jonction de procédures, qui relève de la pure appréciation du tribunal dans le cadre de la conduite du procès (art. 124 al. 1 CPC). Par ailleurs, dans le cas présent, la présente cause ne nécessite plus qu'un seul acte d'instruction (expertise) avant qu'elle puisse être tranchée, conformément aux déclarations des parties en audience du Tribunal. Or, la cause avec laquelle la jonction a été requise n'en est qu'à ses balbutiements (premier échange d'écritures), une demande de suspension de celle-ci étant, à bien comprendre le dossier, encore pendante. Il apparaîtrait dès lors, prima facie, inopportun et contraire au principe de célérité qui doit guider la conduite des procédures de statuer dans le sens opposé.

Pour ces raisons, le recours contre l'ordonnance d'instruction attaquée doit dès lors être déclaré irrecevable, subsidiairement rejeté.

2. Dans la mesure où il succombe, le recourant supportera les frais judiciaires en 1'000 fr. Ceux-ci seront compensés avec l'avance de frais de même montant versée par lui-même (art. 106 al. 1 CPC). Des dépens à hauteur de 800 fr. seront alloués à l'intimée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours déposé le 9 octobre 2023 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/1052/2023 rendue le 26 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25543/2019.

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense en totalité avec l'avance de frais du même montant versée par lui, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ SARL des dépens de recours en 800 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

 Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.