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Décisions | Chambre civile

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C/12915/2023

ACJC/173/2024 du 09.02.2024 sur OTPI/50/2024 ( SDF )

Normes : CPC.315
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12915/2023 ACJC/173/2024
ACJC/174/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 9 FEVRIER 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 janvier 2024 et intimée, représentée par Me Nicolas JEANDIN, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé et appelant, représenté par Me Lisa LOCCA, avocate, Locca Pion & Ryser, Promenade du Pin 1, case postale , 1211 Genève 3.

 


Attendu, EN FAIT, que par ordonnance OTPI/50/2024 du 15 janvier 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal sis avenue 1______ 26, [code postal] C______ [GE], à B______ (chiffre 1 du dispositif), fixé à A______ un délai au 29 février 2024 pour quitter le domicile conjugal, le libérer de sa personne et de tous ses biens et en remettre les clés à B______ (ch. 2), donné acte à B______ de son engagement à conférer gratuitement à A______ la jouissance exclusive de sa propriété sise avenue 1______ 32, [code postal] C______, à charge pour A______ de s'acquitter du montant des charges y relatives (ch. 3) et condamné A______ à s'acquitter directement des charges mensuelles du bien immobilier sis avenue 1______ 32, [code postal] C______, tant et aussi longtemps qu'elle en jouira librement (ch. 4); que le Tribunal a par ailleurs condamné B______ à contribuer à l'entretien de ses enfants à hauteur de 6'618 fr. puis, dès le 24 février 2024, de 6'514 fr. pour D______ et de 7'494 fr. pour E______ (ch. 6), ainsi qu'à hauteur de 17'888 fr. pour l'entretien de A______ (ch. 8) et réservé sa décision finale quant au sort des frais judiciaires (ch. 10);

Que par acte expédié le 29 janvier 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre cette ordonnance; qu'elle a conclu à l'annulation des chiffres 1 à 4, 6, 8, 10 et 12 de son dispositif et, cela fait, à ce que la jouissance exclusive du domicile conjugal, sis avenue 1______ 26, [code postal] C______ ainsi que du mobilier le garnissant lui soit attribuée, à ce que B______ soit condamné à prendre en charge tous les frais lui incombant en qualité de propriétaire du domicile conjugal, soit les frais qu'elle énumère, et à ce que le domicile des enfants D______ et E______ soit maintenu auprès d'elle, soit à l'avenue 1______ 26 à C______; qu'elle a également pris des conclusions relatives notamment au montant de la contribution d'entretien en faveur de D______, de E______ et d'elle-même;

Qu'elle a conclu sur effet super-suspensif, puis sur effet suspensif, à ce qu'il soit dit que l'exécution des chiffres 1 à 4 de l'ordonnance attaquée était suspendue dans l'attente de la décision au fond à rendre par la Cour; qu'elle a soutenu que le maintien du caractère exécutoire des chiffres précités l'obligerait à quitter à bref délai le domicile qu'elle occupe depuis dix-sept ans et avec lequel elle a noué d'importants liens affectifs et qu'en cas d'admission de son appel, elle devrait subir deux déménagements consécutifs, ce qui engendrerait des coûts et des complications importantes; que le refus de l'effet suspensif aurait pour conséquence que la Cour serait mise devant un fait accompli et hésiterait à faire machine arrière en lui attribuant finalement le domicile conjugal; que le refus de l'effet suspensif équivaudrait à une exécution anticipée irrémédiable de la question de l'attribution du domicile conjugal et que l'appel perdrait son objet; qu'à l'inverse, B______ ne subirait aucun préjudice difficilement réparable;

Qu'invité à se déterminer à cet égard, B______ a conclu au rejet de cette requête; qu'il a allégué qu'il mettait à disposition de A______ une maison meublée située à 40 mètres du domicile conjugal et que la précitée n'aurait à déménager que quelques vêtements et autres effets personnels; qu'il avait vécu dans la maison qui avait servi de domicile conjugal depuis qu'il avait l'âge de 16 ans et que depuis la séparation des parties, il avait dû déménager à trois reprises; que A______ ne subirait aucun préjudice difficilement réparable si l'ordonnance attaquée était exécutoire;

Que par acte déposé à la Cour le 29 janvier 2024, B______ a également formé appel contre l'ordonnance du 15 janvier 2024; qu'il a conclu à l'annulation des chiffres 6 et 8 de son dispositif et cela fait, en substance, à ce que lui et A______ soient condamnés à assumer les frais courants des enfants lorsqu'ils en auront la garde et à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il participe de manière prépondérante à l'entretien des enfants par le versement de diverses sommes sur un compte commun et par la prise en charge de divers frais, à ce que A______ soit condamnée à verser une somme mensuelle de 1'000 fr. sur ce même compte commun et à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à verser à A______ un montant mensuel de 6'000 fr. jusqu'au prononcé du jugement de divorce pour son entretien;

Que B______ a préalablement conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son appel; qu'il a invoqué à cet égard que le montant de ses revenus est inférieur à celui retenu par le Tribunal et que celui de ses charges est supérieur; qu'ainsi, compte tenu des chiffres qui devaient être pris en compte, le paiement des contributions d'entretien fixées par le Tribunal entraînaient un manco de 24'406 fr. par mois; que depuis la séparation des parties, il versait un montant mensuel de 6'000 fr. à son épouse et s'acquittait de divers frais, manière de procéder dont la précitée ne s'était jamais plainte;

Qu'invitée à se déterminer sur cette requête, A______ a conclu à son rejet; qu'elle conteste les explications de B______ relatives à sa situation financière, qui étaient notamment fondées sur des pièces nouvelles irrecevables et relève qu'il dispose d'une fortune mobilière de plus de trois millions de francs qu'il pourra utiliser pour s'acquitter des contributions d'entretien dues pendant la procédure d'appel;

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Que toutefois, l'exécution des mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 5 CPC);

Que saisie d'une demande d'effet suspensif au sens de l'art. 315 al. 5 CPC, l'autorité cantonale d'appel doit ainsi procéder à une nouvelle pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);

Que s'agissant du paiement de sommes d'argent, il appartient à la partie recourante qui requiert la restitution de l'effet suspensif de démontrer qu'à défaut de son prononcé elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1; 137 III 637 consid. 1.2);

Que l'autorité cantonale doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5);

Qu'en l'espèce, il convient de relever ce qui suit concernant la requête d'effet suspensif formée par A______;

Qu'il ressort des explications des parties que l'exécution de la décision attaquée conduirait l'appelante à se déplacer pour la durée de la procédure d'appel dans une villa meublée à quelques dizaines de mètres de la maison qu'elle occupe actuellement; qu'une telle situation ne cause vraisemblablement pas de préjudice à l'appelante;

Qu'en outre, contrairement à ce que soutient l'appelante, le refus de l'effet suspensif n'engendre aucune situation irréversible, puisque si elle obtient gain de cause, elle pourra sans difficulté réintégrer le domicile conjugal; que par ailleurs, la décision sur effet suspensif est de nature provisionnelle et elle ne préjuge en rien de la décision qui sera rendue au fond; que contrairement à ce que soutient l'appelante, le juge amené à statuer sur le fond de l'appel ne se trouvera aucunement "mis devant un fait accompli" ni, de facto, "pieds et poings liés"; que le prétendu préjudice ne serait dès lors pas difficilement réparable;

Qu'ainsi, au vu des circonstances du cas d'espèce, l'appelante n'a pas rendu vraisemblable qu'elle serait susceptible de subir un préjudice difficilement réparable si le caractère exécutoire des chiffres 1 à 4 du dispositif de la décision attaquée n'était pas suspendu; que sa requête à cet égard sera dès lors rejetée;

Que la Cour ayant statué sur effet suspensif, la requête d'effet "super-suspensif" est devenue sans objet;

Concernant la requête d'effet suspensif formée par B______, ce dernier fonde son argumentation essentiellement sur des pièces nouvelles; qu'il ne peut cependant pas être considéré, à ce stade, prima facie, que l'appel est manifestement fondé et que les contributions d'entretien fixées seront réduites, étant relevé qu'il n'appartient pas au juge amené à statuer sur une requête d'effet suspensif d'analyser des pièces nouvelles et de procéder à un calcul complet des contributions d'entretien sur cette base pour déterminer si celles fixées par le premier juge sont excessives, ce qu'il appartiendra au juge chargé du fond de la cause de faire;

Qu'en tout état de cause, au besoin, pour la durée limitée de la procédure d'appel soumise à la procédure sommaire, B______ pourra s'acquitter des contributions d'entretien fixées par le Tribunal, pour la partie représentant le manco allégué, au moyen de sa fortune mobilière, qui peut vraisemblablement être estimée à plus de trois millions de francs; que dès lors, il n'est pas rendu vraisemblable que le paiement des contributions d'entretien fixées par le Tribunal est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à l'appelant;

Qu'au vu de ce qui précède, la requête d'effet suspensif formée par B______ sera rejetée;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise:

Rejette la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 1 à 4 du dispositif de l'ordonnance OTPI/50/2024 rendue le 15 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12915/2023.

Rejette la requête formée par B______ tendant à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 6 et 8 du dispositif de cette même ordonnance.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indications des voies de recours:

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.