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Décisions | Chambre civile

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C/18762/2018

ACJC/32/2024 du 11.01.2024 sur JTPI/14023/2022 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18762/2018 ACJC/32/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 11 JANVIER 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, France, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 novembre 2022, représentée par Me Shahram DINI, avocat, DINI LARDI AVOCATS, place du Port 1, 1204 Genève,

et

B______ SA, sise ______ (GE), intimée et appelante sur appel joint, représentée par Me AK______, avocat,

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14023/2022 du 23 novembre 2022, reçu le 28 novembre 2022 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a condamné B______ SA à payer à A______ SA un montant de 8'890.45 EUR avec intérêts à 5% dès le 29 mars 2018 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 40'200 fr., compensés à due concurrence avec les avances fournies par A______ SA, les a mis à la charge de celle-ci à hauteur de 36'180 fr. et de B______ SA à hauteur de 4'020 fr., condamné en conséquence cette dernière à payer 4'020 fr. à A______ SA à titre de remboursement des frais judiciaires, ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer 800 fr. à A______ SA et 2'000 fr. à B______ SA (ch. 2), condamné A______ SA à payer 50'000 fr. TTC à B______ SA à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé le 13 janvier 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation, avec suite de frais et dépens d'appel.

Elle conclut principalement à ce que la Cour condamne B______ SA à lui payer 1'027'124 EUR avec intérêts à 5% l'an dès le 29 mars 2018, avec suite de frais et dépens de première instance.

Subsidiairement, elle conclut à ce que la Cour arrête les dépens de première instance à 31'500 fr. et répartisse les frais judiciaires et dépens de première instance par moitié entre les parties.

b. Dans sa réponse du 29 mars 2023, B______ SA conclut au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, avec suite de dépens.

Elle forme un appel joint, concluant à l'annulation des chiffres 1, 2 et 4 du dispositif du jugement et, cela fait, à ce que la Cour déboute A______ SA des conclusions de sa demande en paiement du 18 avril 2019 et confirme le chiffre 3 du dispositif du jugement, avec suite de dépens de première instance et d'appel.

c. Dans sa réponse à l'appel joint, A______ SA conclut au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions sur appel joint, avec suite de frais et dépens de première instance et d'appel.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué tant sur appel que sur appel joint, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du 26 octobre 2023, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme de droit français fondée en ______ et active dans la conception d'ensemble et l'assemblage sur site industriel d'équipements de contrôle des processus industriels.

Elle est représentée par C______.

En octobre 2017, la société a été rachetée par le groupe D______, également représenté par C______.

b. B______ SA, dont la raison sociale était E______ SA jusqu'en ______ 2019, est une société anonyme de droit suisse fondée en ______, active dans le développement de systèmes de vision industrielle, de traitement d'images, d'acquisition et de traitement de données, la commercialisation et la distribution d'une gamme complète de produits nécessaires à la réalisation de ces applications, les conseils pour la réalisation de systèmes informatiques et pour le choix des composants ainsi que le développement des systèmes pour des applications industrielles et de laboratoire.

F______ et G______ en sont administrateurs secrétaire directeur, respectivement président.

c. A______ SA s'est spécialisée dans les années 90 dans la production de lignes automatiques de bobinage. Dans le courant des années 2000, elle a cherché à diversifier son offre en développant des machines de contrôle automatique par vision.

d. Dès 2003, B______ SA a commencé à fournir des sous-ensembles fonctionnels à des intégrateurs et à développer avec eux un modèle de machine automatique de contrôle et de tri, appelé H______.

e. En 2006, A______ SA a entrepris de développer et de commercialiser une machine automatique de contrôle et de tri par vision, appelée I______, dans laquelle était intégrée un sous-ensemble fourni par B______ SA.

f. De 2006 à 2011, chaque machine I______ produite par A______ SA contenait un sous-ensemble de B______ SA.

g. Dès 2011, A______ SA a choisi de recentrer son activité sur la production de lignes automatiques de bobinage. Les parties ont alors convenu que A______ SA continuerait à produire les machines I______ en parallèle de son activité de bobinage mais que B______ SA se chargerait dorénavant de leur commercialisation.

h. B______ SA a ainsi commercialisé, sous sa marque, les modèles I______ produits par A______ SA jusqu'en 2016.

i. Au début de l'année 2016, les parties ont constaté que la part des machines vendues par B______ SA avec A______ SA ou par son biais était significative et que chaque société dégageait des marges correctes dans le cadre de leur collaboration.

Elles ont souhaité renforcer celle-ci et développer leur activité. B______ SA et A______ SA ont donc réévalué leurs objectifs de façon à réorienter leur collaboration dans un sens qui répondrait mieux à leurs ambitions respectives.

Elles sont parvenues à la conclusion qu'il serait opportun de conclure un accord de partenariat, de prévoir une clause d'exclusivité réciproque et de fixer une durée minimale de trois ans ainsi qu'un délai de préavis de deux ans pour toute résiliation.

j. Suite à une réunion entre les parties le 8 janvier 2016, un chiffre d'affaires prévisionnel a été fixé à 1'000'000 EUR pour 2015/2016, à 1'500'000 EUR pour 2016/2017 et à 2'000'000 EUR pour 2017/2018.

k. Le 25 mars 2016, les parties ont conclu un accord de partenariat régissant la poursuite de leur collaboration dans le domaine des machines automatiques de contrôle et de tri (ci-après également: l'accord), le but étant que A______ SA produise les machines précitées pour les clients de B______ SA.

B______ SA était en charge de la relation client, de la gestion de projet et responsable de la fourniture ainsi que de la performance du sous-ensemble fonctionnel vision, alors que A______ SA était en charge du développement et de la fabrication de la partie mécanique et automatique de la machine de contrôle et de tri par vision.

La commercialisation des machines automatiques de contrôle et de tri était ainsi de la responsabilité de B______ SA, qui se devait de prendre toutes les dispositions nécessaires pour identifier les prospects et promouvoir l'offre de machines auprès d'eux.

k.a Les deux entreprises sont convenues d'instituer un comité de pilotage, chargé de veiller au bon fonctionnement de leur collaboration et d'actualiser à intervalles réguliers les principales orientations stratégiques de leur partenariat dans le domaine des machines automatiques de contrôle et de tri.

Ce comité était constitué des dirigeants des deux entreprises - soit F______ pour B______ SA et J______ pour A______ SA -, du directeur commercial de B______ SA - K______ -, et du directeur innovation/ingénierie avant-vente de A______ SA - L______.

k.b L'accord prévoyait une répartition de la marge calculée selon les prix de revient (PR) des prestations de chacune des parties sur la base de la "feuille PR/procès-verbal initial du projet" ainsi qu'un tarif horaire de service après-vente fixé à 120 EUR.

k.c Le contrat était conclu pour une durée minimale de trois ans à compter de la date de la signature. Il précisait: "[a]u-delà de sa durée initiale de 3 ans, l'accord sera prolongé pour une durée indéfinie mais chacune des parties aura la possibilité à tout moment de résilier l'accord avec un préavis de deux années, à compter de la date de la notification de la résiliation par la partie qui en prendra l'initiative, et ceci par courrier formel adressé à l'autre partie en recommandé avec accusé de réception".

Il était également prévu que si B______ SA était à l'initiative de la résiliation de l'accord, elle devrait choisir entre les deux modalités suivantes concernant la machine I______ :

-          soit régler à A______ SA une somme de 120'000 EUR H.T. au titre de la propriété intellectuelle partagée de la machine I______, à la date de l'accord des parties sur les modalités définitives de résiliation, et devenir de ce fait propriétaire de la totalité des droits de propriété attachés à cette machine;

-          soit s'engager formellement auprès de A______ SA à ne plus commercialiser, dans sa gamme de machines de tri, le modèle I______ ou tout autre modèle directement dérivé de cette machine.

k.d B______ SA et A______ SA se sont aussi engagées à respecter les termes de l'accord qu'elles avaient conjointement rédigé et approuvé.

k.e Selon l'accord, l'exclusivité réciproque dont les parties étaient convenues pour développer conjointement l'activité de machines automatiques de contrôle et de tri était un élément essentiel de ce partenariat, auquel aucun des deux partenaires ne pouvait déroger, sans accord de l'autre partie. Cette clause signifiait que, sauf accord exprès de l'autre partie, A______ SA ne pouvait pas produire de machine automatique de contrôle et de tri pour qui que ce soit d'autre que B______ SA et que celle-ci ne pouvait avoir aucun autre fournisseur de machine automatique de contrôle et de tri que A______ SA.

k.f Par ailleurs, les règles définies en matière de rôles respectifs tenus dans les différents processus, le financement et le règlement des projets de développement, la définition des prix de revient et de vente, en adéquation avec les prix du marché, la répartition des marges à terminaison, les conditions de paiement entre les partenaires et la communication interne et externe devaient être respectées, sauf accord de dérogation formel entre les deux parties, entériné par le comité de pilotage. Les deux partenaires s'engageaient à user de leurs meilleurs efforts pour allouer les ressources requises aux différents processus du partenariat, et ceci pour atteindre au mieux les objectifs de développement et de rentabilité qu'ils s'étaient fixés.

k.g L'accord était soumis au droit suisse et, en cas de litige, à la compétence exclusive du "Tribunal de Genève".

l. A partir de la signature du contrat, K______ a envoyé tous les lundis à A______ SA un état de situation avec un prévisionnel d'entrées de commandes et les dossiers en cours. Il s'agissait d'un document Excel, qui contenait notamment le budget de la machine, la probabilité de vente, le budget pondéré - soit la multiplication des deux - et la répartition du chiffre d'affaires entre B______ SA et A______ SA. Ces prévisionnels étaient le reflet de l'activité du moment et se modifiaient toutes les semaines.

m. La relation entre les parties s'est progressivement dégradée après la conclusion de l'accord.

Tant B______ SA que A______ SA allèguent avoir souffert des manquements, carences et mauvaises exécutions de l'autre partie, lesquels ont engendré de grandes difficultés avec les clients et un dommage financier pour les parties.

n. Conformément aux dispositions de l'accord, un comité de pilotage a été mis en place. Il s'est réuni le 22 juin et le 18 novembre 2016 afin de trouver des solutions visant à rétablir une situation satisfaisante pour les parties.

Lors de la séance du comité du 18 novembre 2016, le budget prévisionnel pour l'année 2017 a été fixé à 2'200'000 fr., soit 2'000'000 EUR.

o. Un plan d'urgence et d'actions correctives a été élaboré le 31 janvier 2017. Les parties ont ainsi œuvré à la mise en place de solutions.

p. Depuis le 17 juillet 2017, aucune nouvelle commande n'a été enregistrée.

q. Le 10 octobre 2017, K______ a envoyé à L______ les volumes prévisionnels pour 2018 et 2019. Le budget pouvait être estimé à 2'950'000 EUR pour l'année 2018, impliquant la vente de seize machines, et à 3'700'000 EUR pour l'année 2019, impliquant la vente de dix-neuf machines.

r. Le 31 octobre 2017, B______ SA a été informée que le groupe D______, qui possède une société dont les activités sont concurrentes de celles de B______ SA, avait acquis A______ SA.

s. A partir de ce moment-là, B______ SA a entrepris de discuter avec le groupe D______ de la poursuite du partenariat sous une nouvelle forme.

t. Suite à une réunion du 16 novembre 2017, le budget de la production de A______ SA a été fixé à 662'000 EUR, avec une marge de 24,3 %, tandis que le budget pour 2018/2019 a été fixé à 2 millions et celui pour 2019/2020 à 2.5 millions, avec une marge de 30 %, ainsi que cela ressort d'un document intitulé "Actualisation du plan de développement sur l'horizon 2018-2020". Ce document, établi par A______ SA, indiquait par ailleurs que l'activité résultant du partenariat "constitu[ait] un complément et un stabilisateur d'activité pour les équipes d'ingénierie et contribu[ait] à la marge globale de l'entreprise" et précisait qu'"il appara[issait] que le fonctionnement du partenariat n'[était] toujours pas satisfaisant pour les deux parties et qu'il [fallait] donc en revoir les modalités ou, à défaut, envisager de le remettre progressivement en cause".

En audience, C______, représentant A______ SA, a déclaré qu'il n'était pas question de remettre progressivement en cause le partenariat mais le fonctionnement de celui-ci.

u. Le 19 décembre 2017, une délégation du groupe D______ s'est rendue au siège de B______ SA. Aucun employé de A______ SA n'était présent.

Selon B______ SA, les parties ont alors envisagé de mettre un terme à l'accord au 31 décembre 2017.

A______ SA soutient que l'objectif de cette réunion était d'adapter le mode de fonctionnement de l'accord et non de le résilier, ledit accord ayant été un élément primordial lors de son acquisition par le groupe D______. En audience, C______ a déclaré que l'objet de la réunion n'était pas de remettre en question le partenariat mais de voir comment l'étendre à D______, raison pour laquelle il n'y avait pas de représentant de A______ lors de cette réunion. Aucune décision n'avait été prise au terme de celle-ci.

F______ a quant à lui déclaré que l'absence de collaborateurs de A______ SA lors de cette rencontre démontrait le souhait de travailler non plus avec cette société mais avec le groupe D______. Il était arrivé à la conclusion, avec C______, qu'il fallait stopper le partenariat avec A______ SA et travailler ensemble pour définir une nouvelle collaboration avec D______

v. Par courriel du 20 décembre 2017, F______ a envoyé à C______ la synthèse de leurs échanges de la veille comprenant notamment les détails de la collaboration dans le domaine des machines de tri. A ce propos, F______ a en particulier écrit : "la collaboration avec A______ SA sous la forme actuelle est arrêtée au 31.12.2017", ce à quoi C______ a répondu le 22 décembre 2017 : "je n'ai pas de remarque particulière sur votre note de synthèse si ce n'est que dans la mesure où nous allons travailler en client/fournisseur, il va convenir de mettre en place un contrat de confidentialité de sorte à préserver les intérêts de chacun".

En audience, C______ a déclaré que dans son courriel du 22 décembre 2017, il répondait à la question de savoir si la collaboration avec A______ sous sa forme actuelle était arrêtée au 31 décembre 2017 mais qu'il n'était pas question de la fin du partenariat. Selon lui, c'était bien "sous sa forme actuelle" qu'il souhaitait souligner, il n'aurait jamais pris le risque de mettre un terme abrupt au partenariat. Il ne s'agissait aucunement de la fin de celui-ci, le but étant d'y inclure le groupe D______ mais pas d'y mettre fin. Selon lui, l'accord n'avait pas été résilié au 31 décembre 2017.

w. Entre le 25 mars 2016 et le 31 décembre 2017, la collaboration entre les parties a engendré la vente de huit machines – soit quatorze de moins que prévues par les budgets relatifs à ces deux années –, générant un chiffre d'affaires brut d'un peu plus de 1,5 million d'euros, alors que le volume d'affaires prévu pour cette période était de 3'706'000 EUR. Il s'agissait des machines suivantes : n° 1______ M______, n° 2______ et n° 3______ N______, n° 4______ O______, n° 5______ P______, n° 6______ Q______, n° 7______ R______ et n° 8______ S______.

Selon A______ SA, le chiffre d'affaires brut généré a été de 1'565'818 EUR car B______ SA avait accepté que les clients ne paient pas l'intégralité du prix initialement prévu. B______ SA allègue quant à elle que le chiffre d'affaires brut s'est élevé à 1'545'835 EUR puisque le prix de deux machines avait dû être réduit compte tenu de l'insatisfaction des clients. La machine n° 3______ N______ avait ainsi été payée 231'800 EUR en lieu et place de 244'000 EUR et la machine n° 6______ Q______ 251'175 EUR, alors que le prix avait été fixé à 295'500 EUR. B______ SA allègue avoir supporté seule la baisse du prix de vente, alors que A______ SA soutient avoir également pris en charge une partie de la réduction en acceptant de ne pas se voir payer une partie du prix de certaines machines.

En appel, les parties admettent que le chiffre d'affaires réalisé entre le 25 mars 2016 et le 31 décembre 2017 s'élevait à 1'545'835 EUR.

x. Par courriel du 8 janvier 2018, K______ a adressé ses vœux pour la nouvelle année à L______ et à C______, tout en ajoutant qu'il espérait "que la collaboration A______/D______ et B______ sera[it] fructueuse".

Selon C______, en janvier et février 2018, les parties étaient toujours dans l'optique de trouver des solutions pour renforcer le partenariat et améliorer la relation.

y. A partir du 15 janvier 2018, K______ a cessé d'envoyer les tableaux Excel des opportunités hebdomadaires à A______ SA.

z. Le 16 janvier 2018, C______ et F______ ont participé à une réunion dont l'objectif était, selon le premier, d'échanger sur la réorganisation du marché des machines de tri et de mener une réflexion pour rendre l'accord plus prolifique pour l'ensemble des parties.

aa. Fin janvier 2018, cinq collaborateurs de B______ SA se sont déplacés sur le site de production du groupe D______ à V______ (France) pour évaluer la possibilité d'y transférer les services et activités de B______ SA en lien avec l'accord.

bb. Le 7 février 2018, une réunion entre les parties s'est tenue dans les locaux de A______ SA en présence de K______, L______, C______ et F______. Selon A______ SA, il s'agissait d'une réunion du comité de pilotage, dont le but était d'apaiser la relation et la voir se développer et non pas de communiquer sur la fin de l'accord de collaboration. B______ SA allègue que le but de la rencontre était d'acter la fin du partenariat.

F______ a précisé en audience qu'il ne s'agissait pas d'une séance du comité de pilotage mais d'une séance organisée pour informer A______ SA de la fin de la collaboration, qui ne leur avait pas été communiquée.

A______ SA allègue avoir appris avec étonnement la volonté de B______ SA de mettre un terme à l'accord lors de cette réunion, raison pour laquelle elle lui avait demandé de lui transmettre sa volonté par écrit.

cc. A la suite de la réunion du 7 février 2018, F______ et C______ se sont entretenus par téléphone le 13 février 2018. Selon le second, il s'agissait de renforcer le partenariat et de maintenir A______ SA dans celui-ci, malgré le rachat par D______.

dd. Par courrier du 20 février 2018 adressé à A______ SA, B______ SA a demandé, suite à leurs divers entretiens, leurs réflexions communes et à leur réunion du 7 février 2018, "la résiliation immédiate de l'accord signé le 25 mars 2016 concernant le partenariat E______/A______ pour le marché des machines de tri" en raison des "difficultés rencontrées" et de "l'impossibilité de réaliser de nouveaux projets dans le cadre actuel". B______ SA choisissait la modalité de résiliation sans l'achat de la propriété intellectuelle A______ de la [machine] I______. Une proposition de collaboration adressée au groupe D______ était jointe audit courrier.

ee. Dans son courrier du 28 février 2018 adressé à B______ SA, A______ SA a contesté la résiliation du contrat, celle-ci ne respectant pas les modalités prévues par l'accord. A______ SA a également informé B______ SA que cette décision allait lui causer un manque à gagner.

ff. Par courrier du 28 mars 2018, A______ SA a ainsi mis B______ SA en demeure de lui indiquer comment elle allait l'indemniser de la rupture du contrat compte tenu de la marge qu'elle allait perdre.

gg. Les discussions entre le groupe D______ et B______ SA n'ont finalement abouti à aucun accord, en raison de la résiliation de l'accord de partenariat et la proposition de B______ SA de supprimer l'exclusivité.

hh. A une date indéterminée, B______ SA a indiqué sur son site internet qu'elle "met[tait] un terme à sa collaboration avec A______".

Dans sa newsletter de décembre 2018, elle a communiqué qu'elle "a[vait] décidé de mettre un terme à la collaboration avec A______ et de réorganiser son activité dans le domaine des machines de tri".

ii. B______ SA a continué à commercialiser des machines de tri, en particulier la machine T______, mais a cessé celle de la machine U______ (témoins W______, K______ et X______).

D.           a. Le 18 avril 2019, après échec d'une tentative de conciliation, A______ SA a saisi le Tribunal d'une demande en paiement dirigée contre B______ SA, concluant en dernier lieu à ce que cette dernière soit condamnée à lui payer 1'027'124 EUR avec intérêts à 5% l'an dès le 29 mars 2018 à titre de réparation du dommage subi suite à la résiliation du contrat en violation de la clause contractuelle de durée minimale du contrat de trois ans par B______ SA, avec suite de frais et dépens.

Elle a allégué que la marge brute perdue du fait de la résiliation de l'accord par B______ SA s'élevait à 277'124 EUR du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 et à 750'000 EUR pour l'exercice 2018-2019. Ce calcul avait été effectué sur la base d'une attestation de la société d'expertise comptable Y______ délivrée le 24 mai 2018, selon laquelle les taux de marge brute figurant dans les comptes annuels de A______ SA au cours des trois derniers exercices s'élevaient à 66.82% de la production du 1er septembre 2014 au 31 août 2015, de 67.88% de la production du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 et de 66.18 % de la production du 1er septembre 2016 au 31 août 2017.

Pour évaluer son dommage, elle se fondait sur les budgets prévisionnels convenus entre les parties ainsi que sur la moyenne du taux de marge initialement prévu pour chaque projet de 24 %, même si celui-ci avait été fortement impacté en raison des difficultés rencontrées.

A______ SA a également fait valoir que B______ SA avait renoncé à acquérir la propriété intellectuelle de la machine I______ au prix de 120'000 EUR, de sorte qu'elle détenait la propriété intellectuelle sur la machine. Elle ne pouvait toutefois pas en faire usage en raison de l'absence de compétences en vision, qu'elle aurait pu acquérir durant la période de préavis de deux ans prévue par l'accord.

b. B______ SA a conclu en dernier lieu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions et à la condamnation de celle-ci au paiement d'une amende pour plaideur téméraire, avec suite de frais et dépens, comprenant la couverture des honoraires de son avocat pour un montant minimum de 80'977 fr. 50.

En substance, B______ SA a soutenu que les parties s'étaient entendues dès la fin de l'année 2017 pour mettre un terme à l'accord. Le contrat avait ainsi pris fin par la volonté commune des parties et non par le fait d'une résiliation unilatérale. A______ SA n'avait par ailleurs jamais complètement honoré les termes de l'accord; B______ SA lui reprochait d'avoir continué à communiquer sur les machines de tri, sans utiliser les noms retenus par les parties, de ne pas avoir apporté le niveau de service adéquat aux clients comme le respect des délais de livraison, d'avoir refusé de mettre en place les outils informatiques Z______ et AA______ définis dans l'accord, d'avoir appliqué des modalités de facturation qui avaient engendré nombre de discussions inutiles, et de l'avoir mise sous contrainte. De plus, sa propre marge nette globale s'était élevée à 5.2 %, soit 77'119 EUR et celle de A______ SA à 0.8 % soit 8'594 EUR (cf. pièce 23 déf.).

Elle a produit un tableau Excel indiquant la marge des parties au démarrage et à la fin du projet. Ainsi, les marges de A______ SA étaient les suivantes à la fin des projets : 33'921 EUR pour la machine n° 1______ M______, 2'189 EUR et 1'675 EUR pour les machines n° 2______ et 3______ N______, 21'416 EUR pour la machine n° 4______ O______, 7'564 EUR pour la machine n° 5______ P______, -58'171 EUR pour la machine n° 6______ Q______, et une marge inconnue pour la machine n° 7______ R______, soit un total de 8'594 EUR. La collaboration développée entre les parties sur la base de l'accord du 25 mars 2016 n'avait ainsi été ni profitable ni satisfaisante.

c. Le Tribunal a entendu les parties et plusieurs témoins, dont les déclarations ont été reprises ci-avant dans la mesure utile. Pour le surplus, les faits pertinents suivants ressortent de celles-ci.

c.a C______, entendu en qualité de partie, a déclaré que les relations entre A______ SA et B______ SA étaient compliquées. Il avait entendu que cela était dû au fait que B______ SA prenait des engagements auprès des clients sans vérifier la faisabilité auprès de A______ SA. Le fait que A______ SA avait intégré le groupe D______ avait ouvert de nouvelles perspectives. Lorsqu'il avait rencontré F______, il lui avait dit que la question était de découvrir comment étendre ce partenariat aux activités du groupe. A aucun moment, il n'avait été question de soustraire l'activité de fabrication de machines de tri à A______ SA car cette activité était significative pour cette dernière, qui bénéficiait du savoir-faire de fabrication ainsi que du personnel qualifié et avait développé un contrôle mécanique propre à la société, contrairement à D______.

La résiliation du 20 février 2018 était une résiliation unilatérale et non pas la confirmation d'une résiliation consensuelle. A______ SA n'aurait jamais pris le risque d'une résiliation sans prévoir la continuation du partenariat sous une autre forme. En effet, la société ne disposait plus de l'accès aux clients ni des savoir-faire techniques. Dans ces circonstances, la résiliation ne pouvait découler d'un accord entre les parties. En outre, A______ SA ne pouvait pas faire usage de la propriété intellectuelle sur la machine I______ car elle ne disposait pas des compétences en vision, étant précisé que les délais de fabrication étaient d'environ six mois. L'objet du délai de préavis permettait à A______ SA d'acquérir les compétences de B______ SA.

c.b G______, président du conseil d'administration de B______ SA, entendu en qualité de partie, a déclaré que le courrier du 20 février 2018 matérialisait une position commune prise en amont et avait été établi à la demande de C______, qui était dans une démarche constructive, tout comme F______; il s'agissait de "mettre sur la table" un partenariat entre B______ SA et A______ SA. C______ avait la volonté de traiter et de régler les problèmes et il s'agissait d'aboutir à une solution plus constructive réglant les problématiques du partenariat de l'époque, notamment le mécontentement des clients. Il avait été abasourdi par le courrier de A______ SA du 28 février 2018, lequel allait à l'encontre de tout ce qui s'était construit auparavant.

c.c F______, entendu en qualité de partie, a déclaré qu'il avait eu des échanges avec C______ à propos de l'accord B______-A______ et son éventuelle résiliation en novembre et décembre 2017. Ils étaient rapidement arrivés à la conclusion que cet accord ne fonctionnait pas et était négatif pour tout le monde. Ils ne gagnaient pas d'argent, les collaborateurs n'étaient pas contents et ils perdaient des clients. L'idée était d'envisager une relation B______-D______, étant donné qu'il n'était plus possible d'arriver à un travail constructif entre B______ SA et A______ SA, avec laquelle il n'était plus question de continuer la collaboration. C______ avait proposé de retravailler la collaboration sur un mode standard clients-fournisseurs avec le groupe D______. C'était bien par une volonté commune des parties que l'accord avait pris fin au 31 décembre 2017.

A la suite de la séance du 7 février 2018, C______ avait formellement demandé que B______ SA mette fin de manière officielle au partenariat, de sorte que le courrier du 20 février 2018 avait été envoyé; ce courrier constituait la formalisation des discussions et décisions communes. A la question de savoir pour quelle raison le courrier contenait les formulations "E______ SA demande la résiliation immédiate de l'accord" et "E______ SA choisit la modalité de résiliation", si ce courrier formalisait des décisions communes, F______ a répondu que B______ SA l'avait rédigé "sans prendre de l'aide" et était confiante. S'agissant de la modalité de résiliation, le contrat prévoyait que si B______ SA résiliait l'accord, elle devait opérer un choix, raison pour laquelle la société avait utilisé cette formulation. A la question de savoir pourquoi B______ SA n'avait pas respecté le délai de deux ans prévu par le contrat, F______ a répondu que cette résiliation s'était faite d'un commun accord préalable, de sorte que le préavis de deux ans n'avait plus lieu d'être. En revanche, F______ n'a pas su répondre à la question de savoir pour quelle raison B______ SA avait mentionné sur son site internet qu'elle mettait un terme à la collaboration avec A______ SA.

A______ SA n'avait pas complètement respecté les termes de l'accord. Elle n'avait en particulier pas respecté les délais de livraison et appliquait des modalités de facturation ne correspondant pas aux règles de l'accord pour émettre les factures; ces dernières étaient souvent émises prématurément et si B______ SA ne les payait pas dans les délais, cela donnait lieu à de grosses discussions et à des conflits. Il y avait eu souvent des cas où A______ SA avait mis B______ SA sous contrainte en refusant de livrer un client afin d'obtenir des paiements de factures. B______ SA avait dû effectuer des baisses de prix pour finaliser les contrats en cours car les clients n'étaient pas contents. Les insatisfactions des clients étaient essentiellement de deux ordres; les délais étaient beaucoup plus longs que ceux prévus contractuellement et il y avait eu un manque de respect des engagements contractuels. Outre l'impact économique, il y avait eu un impact en terme d'image car l'entreprise perdait de la notoriété et les entrées de commandes s'étaient effondrées.

F______ a confirmé que la marge nette globale générée par la vente des dix machines s'élevait à 5.2 %. S'agissant de la marge nette, il la calculait en partant du prix payé par le client dont il y avait lieu de déduire le prix de revient. Il a également confirmé la marge nette de 0.8 % pour A______ SA générée par la vente desdites machines.

c.d L______, directeur recherches-développement et système d'information chez A______ SA, entendu en qualité de témoin, a déclaré que le secteur d'affaires couvert par l'accord s'était révélé stabilisateur de marge et profitable de 2007 à 2016, mais pas pour les années ayant suivi. Les projets et leur gestion s'étaient détériorés.

A la question de savoir si B______ SA ne respectait pas les dispositions de l'accord et validait les demandes techniques sans en informer A______ SA ou sans obtenir son accord préalable, le témoin a répondu par la négative "pour la période de l'avant-vente […] car tous les dossiers passaient par [lui]. S'agissant de la livraison, il y a[vait] eu des cas dans lesquels B______ a[vait] pris des décisions que [A______ SA] n'accept[ait] pas, notamment par rapport au transfert de propriété", ce dont elle avait alerté B______ SA. La procédure qui avait été mise au point entre les sociétés n'était pas respectée. Il y avait également des retards de planning et de paiement car la machine n'était pas au point. Les clients étaient parfois insistants et B______ SA gérait mal leur pression. Selon lui, les retards provenaient parfois de A______ SA et parfois de B______ SA, comme dans toute vie de projet normale.

S'agissant des difficultés techniques rencontrées par B______ SA et A______ SA à la fin de la collaboration, les nouveaux projets étaient éloignés des standards définis qui étaient développés spécifiquement (cf. machines N______ et O______). Ces deux machines étaient standards à la base mais elles avaient des fonctions très spécifiques demandant une mise au point et un développement très particulier. Les difficultés mentionnées avaient été résolues car les machines fonctionnaient aujourd'hui mais la machine N______ n'avait pas la cadence vendue, de sorte que la société n'avait pas payé la totalité de la machine. Il en allait de même pour la machine Q______. A la question de savoir si la qualité des prestations et le professionnalisme de A______ SA étaient en cause, le témoin a répondu par l'affirmative puisque la machine ne correspondait pas au résultat. C'était la qualification de la machine que A______ SA aurait pu améliorer car elle avait dû s'engager sur des performances qui n'étaient pas atteignables.

L'accord n'avait absolument pas été résilié d'entente entre les parties au 31 décembre 2017. Après les vœux de K______, il était "tombé à la renverse" lors de la réception de la lettre de résiliation, ce dont les parties n'avaient pas discuté ni lors de la séance du 7 février 2018. La fin du partenariat impliquait obligatoirement pour A______ la nécessité d'acquérir les compétences de B______ en vision ou de rechercher un nouveau fournisseur pour ce volet. S'agissant des machines de tri U______, A______ SA pouvait les commercialiser seule mais il lui fallait du temps car il fallait trouver un nouveau partenaire pour la fabriquer, ce pour le système de vision. Ce n'était pas pour rien que les parties avaient prévu un préavis de deux ans dans l'accord.

Le taux de marge initialement prévu pour chacun des projets était de 24 %. Il était discuté entre les deux patrons, qui pouvaient discuter d'un taux différent en fonction de leur souhait par rapport au client. Ce taux correspondait à la différence entre le prix de vente et le prix de revient. L______ avait communiqué à B______ SA la marge de A______ SA pour la machine de démonstration n° 7______ (R______), laquelle était nulle.

Au sujet de pression ou de contrainte mises sur B______ SA, L______ a déclaré qu'il y avait eu des relances téléphoniques de la comptabilité. Selon lui, B______ SA n'avait pas souffert des manquements, carences et mauvaises exécutions de A______ SA. A la question de savoir pourquoi aucun représentant de A______ SA n'avait été présent à la réunion du 19 décembre 2017 à AJ______ [GE], le témoin a répondu qu'il s'agissait d'une présentation de B______ SA au Groupe D______. Etant donné qu'il connaissait B______ SA, il n'avait pas de raison d'être présent.

c.e AB______, chargé d'affaires auprès du groupe D______ depuis 2014-2015, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir participé à une réunion chez B______ SA en décembre 2017 à laquelle participaient les dirigeants de D______ et des représentants de B______ SA. Le but de cette réunion était de se connaître et de découvrir le travail de l'autre. Etant donné que D______ avait racheté A______ SA, ils souhaitaient voir s'il y avait une possibilité pour D______ de profiter du partenariat. Ils étaient là pour étendre le partenariat et non pour y mettre un terme.

c.f AC______, d'abord responsable de projets puis responsable de production chez A______ SA depuis trois ans, entendu en qualité de témoin, a déclaré que B______ SA effectuait des opérations, s'engageait parfois avec les clients et validait des demandes techniques sans en informer A______ SA et sans obtenir son accord préalable, ce dont A______ SA avait alerté B______ SA. Pour les derniers projets, les solutions étaient moins standard, ce qui avait créé plus de difficultés dans l'exécution du projet car il s'agissait de machines uniques plutôt que standards. Or les délais restaient les mêmes, alors que les difficultés étaient plus importantes et ils n'avaient pas réussi à les surmonter.

Concernant la machine de tri U______, A______ SA ne pouvait pas la commercialiser seule et rapidement car il fallait "un moyen de communiquer" entre un nouveau matériel et celui de A______, ce qui prenait du temps. Il fallait selon lui plus de six mois, voire plusieurs années, pour développer une relation client-fournisseur.

c.g AD______, directeur service clients du groupe D______, responsable service clients chez A______ SA à l'époque des faits et intervenant plutôt après la livraison des machines, entendu en qualité de témoin, a déclaré que plusieurs commandes de services avaient été passées pendant la durée de l'accord. A la question de savoir si cela avait permis à A______ SA de stabiliser sa marge pouvant être dégradée pendant les projets de fabrication de machines, il a répondu positivement. Il considérait que A______ SA n'avait pas manqué à ses obligations découlant de l'accord. Il pensait que les parties s'étaient mises d'accord pour résilier l'accord du 25 mars 2016 mais ne savait pas si tel avait été le cas. Selon le document produit sous pièces 23 déf., la marge brute était de 47 % mais la marge finale n'était pas de 47 %. Le projet ne s'était pas développé comme prévu car finalement, la marge de A______ SA était faible, tout comme celle de B______ SA qui s'était dégradée. Il n'avait pas souvenir que A______ SA se soit comportée de manière autoritaire vis-à-vis de B______ SA ni ne l'ait mise sous contrainte.

c.h W______, employée de B______ SA depuis début 2015 et directrice opérationnelle depuis début 2017, entendue en qualité de témoin, a confirmé que les chiffres figurant dans le tableau constituant la pièce 23 étaient corrects, ayant participé à l'élaboration de celui-ci.

Il y avait eu des difficultés techniques très importantes sur certaines machines, ce qui avait engendré un conflit avec A______ SA. B______ SA avait alors dû baisser le prix de vente de certaines d'entre elles. A______ SA n'avait pas toujours apporté le niveau de services adéquat aux clients et n'avait pas respecté les délais de livraisons. Par ailleurs, A______ SA n'avait pas toujours respecté ses engagements initiaux quant à la qualité des machines et il y avait un problème de cadence. S'agissant de la facturation, il y avait une pression forte pour que B______ SA émette les factures au plus vite. A la question de savoir si B______ SA avait été mise sous contrainte par A______ SA, W______ a répondu qu'il était arrivé que celle-ci bloque des machines car elle ne voulait pas les livrer tant qu'elles n'étaient pas payées. Les problèmes avec A______ SA avaient causé un dommage financier à B______ SA qui avait perdu de l'argent sur certaines machines. En termes d'image, cette dernière avait dû reconstruire la relation avec les clients qui n'étaient pas du tout satisfaits de la qualité des machines.

W______ s'était rendue à V______ chez D______ et l'accord avait pris fin à ce moment-là ou venait de prendre fin. Elle n'avait pas participé aux discussions entre C______ et F______, de sorte qu'elle ne savait pas si A______ SA voulait aussi mettre fin à l'accord. En revanche, B______ SA avait discuté avec le groupe D______ de machines de tri, ce qu'elle n'aurait pas pu faire tant que l'accord persistait.

c.i K______, employé chez B______ SA depuis 2014 en qualité de directeur commercial, entendu en qualité de témoin, a déclaré que la relation entre les parties était conflictuelle. Aucune affaire ne se passait bien, les délais n'étaient pas respectés et il y avait jusqu'à six mois de retard, lesquels devaient être attribués à A______ SA. S'agissant du service à la clientèle, A______ SA ne répondait pas à temps, n'était pas disponible quand les clients en avaient besoin ou alors l'était à des tarifs rédhibitoires. Selon le témoin, A______ SA mettait B______ SA sous contrainte de manière répétée : commercialement, A______ SA lui mettait la pression pour vendre plus de machines et B______ SA devait également intervenir sur des machines en construction et les délais n'étaient pas négociables. Le dossier Q______ était emblématique du manque de sérieux de A______ SA. En effet, le client avait commandé une machine qui ne faisait que la moitié de la cadence, ce qui était ennuyeux. Il s'agissait d'un client important, qui n'avait pas été servi comme il l'aurait dû, de sorte que toute la vallée AE______ avait su que B______ SA ne livrait pas des machines de qualité. Humblement, le témoin pensait que B______ SA était fautive mais souvent c'était la mécanique, dont A______ SA s'occupait, qui dysfonctionnait. La partie "intelligence" que B______ SA gérait, fonctionnait. A la question de savoir quand l'accord avait pris fin, le témoin a répondu qu'il y avait eu un grand flou. Il y avait eu des échanges entre C______ et F______ mais ils n'avaient pas été informés dans l'opérationnel. Il se souvenait juste être allé avec F______ chez A______ SA, sans pouvoir dire la date, et avait cru comprendre qu'ils avaient déjà discuté du sujet, "que la messe était dite et qu'ils arrêtaient".

c.j AF______, technicien vision chez B______ SA où il est employé depuis le 1er septembre 2005, entendu en qualité de témoin, a déclaré que les composants intégrés par B______ SA dans les machines U______ pouvaient être remplacés par des composants concurrents. Certes, B______ SA avait un savoir-faire mais la société était une entreprise prestataire de vision industrielle et il y avait d'autres entreprises prestataires de vision industrielle sur le marché qui disposaient du même savoir-faire. Il y avait trois étapes importantes : en premier lieu, l'intégration mécanique et électrique, dont A______ SA et le groupe D______ s'occupaient déjà. Ensuite, il y avait le savoir-faire de la société, qui n'allait pas changer. Finalement, il y avait "la communication entre le système du groupe D______ et [B______ SA]". Cette étape prenait du temps mais tout était décrit dans un protocole de communication. En tant que nouvel intégrateur, il lui faudrait quatre jours pour intégrer ce protocole.

c.k X______, directeur technique chez B______ SA à partir du 1er janvier 2018, entendu en qualité de témoin, a déclaré que les composants de B______ SA dans la machine U______ pouvaient être remplacés par des composants fabriqués par des concurrents. Cela nécessitait une spécialisation optique mais ce n'était pas compliqué pour quelqu'un du métier.

c.l AG______, directeur industriel de la société Q______ depuis quinze ans, entendu en qualité de témoin, a confirmé que le prix de vente de la machine de tri avait été réduit de 44'000 EUR suite à une négociation car elle n'était pas conforme au cahier des charges initial. Les relations de Q______ avec B______ SA s'étaient tendues à la suite de la commande car B______ SA était l'interlocuteur et la commande n'aboutissait pas. Les problèmes étaient dus à la mécanique de la machine, donc à A______ SA, qui était sous-traitée par B______ SA. A ce jour, Q______ avait de bonnes relations avec B______ SA qui était un très bon fournisseur et un partenaire. Cette dernière les avait aidés pour que la machine fonctionne au mieux car il avait fallu la refaire. En revanche, Q______ n'avait plus de relations avec A______ SA depuis la livraison de la machine.

c.m AH______, directeur technique de AI______ SA qui a racheté l'entreprise N______ il y a huit ans, entendu en qualité de témoin, a déclaré que celle-ci avait commandé une machine à B______ SA en septembre 2016. Celle-ci était arrivée avec du retard et N______ avait compris que la société en charge de la partie mécanique avait pris du retard. N______ avait rapidement été confrontée à des problèmes mécaniques et de conception de la machine. La partie vision, qui était le cœur de métier de B______ SA, n'avait jamais posé de problème. Suite à l'insatisfaction de N______, B______ SA avait accepté une réduction du prix de la machine. Suite à ce litige, les relations avec B______ SA s'étaient tendues, de sorte que les dossiers en cours avaient été bloqués. A l'heure actuelle, AI______ SA travaillait toujours avec B______ SA, avec laquelle les relations s'étaient améliorées, mais avec un autre intégrateur de son choix.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu que l'accord du 25 mars 2016 liant les parties était un contrat innommé sui generis, englobant notamment des éléments du contrat d'entreprise, de la vente et du contrat de représentation exclusive, mais prévoyant également des prestations visées par aucune forme de contrat spécifique. Il convenait dès lors d'y appliquer les principes généraux développés par la jurisprudence et la doctrine en relation avec la fin des contrats.

A titre liminaire, il était relevé que C______ intervenait à deux titres puisqu'il était à la tête du groupe D______ et le nouveau président de A______ SA. S'agissant de la fin des relations contractuelles, la volonté de B______ SA ne concordait pas avec celle du groupe D______. La première souhaitait en effet mettre un terme au partenariat avec A______ SA et travailler avec le groupe D______, alors que A______ SA souhaitait étendre l'accord entre les parties aux activités du groupe. Il ne s'agissait ainsi pas de la fin d'un partenariat pour elle mais d'inclure le groupe dans le contrat de partenariat.

L'absence de remarque particulière à formuler de la part de C______ au sujet du courriel du 20 décembre 2017 de F______ - selon lequel ce dernier lui proposait de mettre un terme à la collaboration avec A______ SA "sous la forme actuelle" à la fin de l'année 2017 - ne pouvait être interprétée comme une acceptation du groupe D______ de mettre un terme à la collaboration entre les parties, C______ ayant précisé qu'ils allaient travailler en "client/fournisseur". Ce dernier avait par ailleurs déclaré qu'il n'était pas question de la fin du partenariat mais seulement sous "sa forme actuelle". Sa réponse ne constituait ainsi pas une acceptation de la résiliation de l'accord.

De plus, à aucun moment les employés des parties n'avaient été informés de la volonté de l'intimée de mettre un terme à l'accord de collaboration. En janvier 2018, le directeur commercial de B______ SA avait d'ailleurs adressé à L______ de A______ SA un message dans lequel il indiquait espérer que la collaboration entre "A______/D______ et B______ SA" serait fructueuse. Les déclarations des autres témoins ne permettaient pas non plus d'apporter la preuve dont B______ SA supportait le fardeau. L______ avait confirmé que l'accord n'avait pas été résilié d'entente entre les parties et AD______ avait déclaré penser - et non savoir - que la résiliation résultait d'une volonté commune, ce qui constituait une opinion et non un fait.

Les termes utilisés dans le courrier de résiliation du 20 février 2018 confirmaient également que B______ SA avait souhaité résilier le contrat de manière unilatérale. Elle n'aurait pas indiqué qu'elle demandait la résiliation immédiate de l'accord, ni qu'elle choisissait la modalité de résiliation sans l'achat de la propriété intellectuelle A______ de la machine I______, si tel n'était pas sa volonté. Enfin, le fait que le groupe D______ n'avait pas souhaité poursuivre les discussions avec B______ SA après la résiliation du contrat constituait un indice supplémentaire indiquant que le groupe souhaitait intégrer l'accord des parties et non qu'il soit résilié.

B______ SA avait donc échoué à démontrer que les parties avaient résilié le contrat du 25 mars 2016 d'un commun accord.

Aucun juste motif n'autorisait B______ SA à résilier le contrat avec effet immédiat, celle-ci ne s'en prévalant du reste pas. S'il y avait eu des retards de livraison et des problèmes mécaniques imputables à A______ SA, ils faisaient cependant partie des aléas habituels des relations contractuelles. Il appartenait par ailleurs aux parties, qui devaient gérer les projets de manière commune, de collaborer entre elles pour déterminer des délais raisonnables et des solutions aux problèmes constatés. Ces manquements n'atteignaient pas un seuil de gravité justifiant une résiliation immédiate du contrat et ce même si l'image de B______ SA avait pu être impactée. De plus, cette dernière n'avait pas allégué avoir transmis d'avertissement à A______ SA avant de procéder à la résiliation du contrat. Enfin, s'il était établi que cette dernière avait pu faire pression sur sa partenaire en lien avec la vente des machines ou la facturation, B______ gérait mal la pression des clients. Ces faits ne constituaient dès lors pas des violations contractuelles suffisamment graves fournissant un juste motif de résiliation. La poursuite des relations contractuelles n'apparaissait ainsi pas intolérable.

S'agissant du dommage, les budgets prévisionnels annoncés par les parties n'avaient, de loin, pas été atteints. Le chiffre d'affaires brut s'était en effet élevé à 74'087 EUR par mois jusqu'au 31 décembre 2017 alors qu'il avait été estimé en cours de collaboration à 166'666 EUR par mois pour 2017. A______ SA ne pouvait dès lors pas valablement se fonder sur le budget prévisionnel pour obtenir la réparation de son gain manqué de janvier 2018 à mars 2019. Le chiffre d'affaires brut réalisé par les parties entre la signature du contrat en mars 2016 et la fin du mois de décembre 2017 serait par conséquent pris en compte pour déterminer celui que A______ SA aurait pu réaliser en cas de poursuite du partenariat jusqu'à la fin du mois de mars 2019, soit 1'111'304.65 EUR (74'087 EUR x 15 mois).

Il convenait ensuite de déterminer la marge nette de A______ SA. Cette dernière n'avait pas prouvé la marge nette alléguée de 24%. Si la marge initialement prévue était de 24%, elle avait baissé au cours de l'exécution des projets. B______ SA ayant admis que la marge nette de A______ SA s'était finalement élevée à 0.8% à la fin du contrat, il se justifiait de retenir ce taux. Le dommage serait ainsi fixé à 8'890.45 EUR (1'111'304.65 EUR x 0.8%). Si B______ SA n'avait pas fautivement résilié le contrat, A______ SA n'aurait pas subi un tel dommage, lequel était par ailleurs prévisible selon le cours ordinaire des choses.

Aucune faute concomitante ne pouvait enfin être reprochée à A______ SA du fait qu'elle n'avait pas cherché à réduire son dommage. Il aurait fallu un certain temps d'adaptation à A______ SA pour commercialiser seule la machine de tri, raison pour laquelle les parties avaient prévu un délai de résiliation du contrat de deux ans. Il fallait en effet trouver un nouveau partenaire pour fabriquer le système de vision, développer un partenariat et intégrer les nouveaux composants. La société ne disposait par ailleurs plus d'un accès aux clients puisque B______ SA était seule en charge de la commercialisation. La durée d'une telle transition ne pouvait pas être établie en raison des témoignages contradictoires à cet égard, les uns soutenant qu'un délai de six mois au minimum était nécessaire, les autres évoquant quatre jours. Les parties avaient en tout état collaboré pendant plusieurs années avant de développer la machine U______ et le délai de fabrication d'une machine était d'environ six mois. Il ne pouvait donc être reproché à A______ SA de ne pas avoir immédiatement procédé aux démarches nécessaires en vue de conclure un nouveau contrat de fabrication de système de vision sur une période quinze mois, aucune faute concomitante ne pouvant dès lors lui être imputée.

Les frais judiciaires devaient enfin être mis à hauteur de 90% à la charge de A______ SA, qui succombait dans une très large mesure, et à hauteur de 10% à la charge de B______ SA. Il se justifiait par ailleurs de condamner A______ SA à verser des dépens réduits à 50'000 fr. TTC à B______ SA, qui avait produit ses notes d'honoraires et conclu au paiement d'un montant minimum de 80'977 fr. 50 à ce titre.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC). L'appel joint est formé dans la réponse à l'appel principal (art. 313 al. 1 CPC).

La valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai de 30 jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1, 145 al. 1 let. c, 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

Il en va de même de l'appel joint formé par l'intimée dans sa réponse à l'appel (art. 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 La maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables à la présente procédure.

1.5 Par souci de simplification, A______ SA sera désignée ci-après comme l'appelante et B______ SA comme l'intimée.

2.             La cause présente un élément d'extranéité au vu du siège de l'appelante en France.

Compte tenu de la clause d'élection de for et de droit prévue par les parties dans le contrat litigieux, c'est à bon droit que le Tribunal a admis sa compétence pour connaître du litige (art. 1 al. 2 LDIP et 23 ch. 1 CL) et a appliqué le droit suisse (art. 116 al. 1 et 2 LDIP), ce qui n'est au demeurant pas contesté par les parties.

3.             Les parties se plaignent toutes deux d'une constatation inexacte des faits au motif que le premier juge n'aurait pas tenu compte de certains éléments essentiels.

Ces faits ont été directement intégrés dans l'état de fait ci-dessus dans la mesure utile, à l'exception de certains faits qui constituent davantage une déduction des faits établis (allégués 4, 5 et 10 de l'intimée) et d'autres qui ne ressortent pas des éléments de preuve ou allégués invoqués (allégués 11 et 12 de l'intimée) ou dont la pertinence pour l'issue du litige n'est pas mise en avant par la partie qui s'en prévaut (allégués 7, 11 et 12 de l'intimée).

4.             L'intimée reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'elle avait unilatéralement résilié le contrat de partenariat du 25 mars 2016 et d'avoir considéré qu'elle avait échoué à démontrer que les parties avaient mis un terme audit contrat d'un commun accord.

4.1 En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes; übereinstimmende Willenserklärungen), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait (tatsächlicher Konsens); si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent (offener Dissens) et le contrat n'est pas conclu. Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent (versteckter Dissens) et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2022 du 7 juillet 2022 consid. 3.1.2).

En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2022 précité consid. 3.1.2).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF
144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.2).

L'interprétation selon le principe de la confiance consiste à rechercher comment chacune des parties pouvait et devait comprendre de bonne foi les déclarations de l'autre, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité. Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte écrit n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée; en effet, lorsque la teneur d'un texte paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Cependant, il n'y a pas lieu de s'écarter du sens littéral d'un texte lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à la volonté ainsi exprimée (ATF 135 III 295 consid. 5.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 précité consid. 5.2.2).

D'après le principe de la confiance, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 précité consid. 5.2.2).

La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 précité consid. 5.2.2).

4.2 En l'espèce, l'intimée a résilié le contrat du 25 mars 2016 la liant à l'appelante par courrier du 20 février 2018. Elle fait valoir que les parties se sont entendues dès fin 2017 pour mettre un terme audit contrat et donc que la résiliation serait intervenue d'un commun accord. L'appelante soutient quant à elle que l'intimée a résilié le contrat unilatéralement. Il convient ainsi de rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties sur ce point.

4.2.1 A cet égard, l'intimée reproche au Tribunal d'avoir examiné la volonté du groupe D______ au lieu de celle de l'appelante. Son grief est infondé. En effet, si le Tribunal a effectivement mentionné la volonté du groupe D______, il a immédiatement développé son raisonnement en considérant la volonté de l'appelante et non du groupe D______, de sorte que la mention de la volonté de ce dernier résulte vraisemblablement d'une erreur. Le Tribunal a par ailleurs précédemment relevé que C______ intervenait à deux titres puisqu'il était à la tête du groupe D______ et le nouveau président de l'appelante, la confusion s'expliquant ainsi aisément.

L'intimée fait ensuite grief au premier juge de s'être fondé uniquement sur les déclarations de C______ en audience pour déterminer sa volonté intime, à savoir qu'il ne s'agissait pas de la fin d'un partenariat mais d'inclure le groupe D______ dans celui-ci et donc que la résiliation ne serait pas intervenue d'un commun accord. Or, les déclarations de C______ sont crédibles et constantes à ce sujet et aucun élément de la procédure ne permet de remettre en cause cette intime volonté de l'appelante. Au contraire, ses déclarations sont corroborées par son courriel du 22 décembre 2017, dans lequel il a écrit qu'il n'avait pas de remarque particulière sur la note de synthèse de F______, selon laquelle "la collaboration avec A______ SA sous la forme actuelle [était] arrêtée au 31.12.2017", "si ce n'[était] que dans la mesure où [ils allaient] travailler en client/fournisseur, il [allait] convenir de mettre en place un contrat de confidentialité de sorte à préserver les intérêts de chacun". Contrairement à ce que soutient l'intimée, cet échange démontre que la relation entre les parties devait être adaptée et non s'achever. L'absence de volonté de mettre un terme au partenariat de la part de l'appelante ressort également du témoignage de L______, qui a confirmé que l'accord n'avait pas été résilié d'un commun accord. La réaction de l'appelante du 28 février 2018 peu après avoir reçu la lettre de résiliation, de même que le refus du groupe D______ - qui a racheté l'appelante - de donner suite à la proposition de collaboration de l'intimée notamment au motif de la résiliation du partenariat avec l'appelante, constituent également des indices de ce que cette dernière n'était pas d'accord de résilier le contrat. Le Tribunal, qui a pris en compte la majorité des éléments qui précèdent, ne s'est ainsi pas uniquement fondé sur les déclarations de C______ pour déterminer sa volonté intime.

Le seul fait que AD______ ait déclaré penser et non savoir que la résiliation résultait d'une volonté commune ne suffit pas à remettre en cause ce qui précède. Il en va de même des discussions des parties portant sur la possibilité de fonctionner en "client/fournisseur". En effet, l'allégation de l'intimée, selon laquelle le mode de fonctionnement de l'accord et la clause d'exclusivité qu'il stipulait ne permettaient pas de fonctionner de cette manière, n'est pas pertinente dans la mesure où il ressort de la procédure que ledit accord devait être adapté, sans qu'il ne soit établi que le partenariat avec l'appelante devait prendre fin dans ce but. Enfin, le fait que dans son plan de développement du 16 novembre 2017, l'appelante ait envisagé de remettre en cause le partenariat entre les parties ne suffit pas à déduire qu'elles se seraient mises d'accord pour résilier le partenariat en février 2018.

Au vu des éléments qui précèdent, il sera donc retenu que l'appelante n'avait pas la volonté de mettre un terme au partenariat et donc qu'elle n'était pas d'accord pour résilier le partenariat la liant à l'intimée. Reste à examiner la volonté réelle de l'intimée.

4.2.2 En dépit de ce qu'elle affirme en procédure, il n'y avait manifestement pas non plus d'accord sur la fin du partenariat avec l'appelante du côté de l'intimée. En premier lieu, les termes utilisés dans son courrier de résiliation du 20 février 2018 confirment sans équivoque qu'il s'agissait d'une résiliation unilatérale. Elle y "demandait" en effet la résiliation immédiate de l'accord, en invoquant des motifs de résiliation sans évoquer le moindre accord entre les parties, et précisait qu'elle choisissait la modalité de résiliation sans l'achat de la propriété intellectuelle de l'appelante relative à la machine I______, choix qui devait être effectué selon le contrat en cas de résiliation unilatérale par l'intimée. La seule référence faite dans la lettre de résiliation aux divers entretiens entre les parties, leurs réflexions communes et à la réunion du 7 février 2018 ne suffit pas à déduire que la résiliation serait intervenue d'un commun accord. Les déclarations de F______ pour justifier des termes employés dans la lettre, à savoir que "[l'intimée] l'avait rédigée sans prendre de l'aide et était confiante", ne convainquent pas.

Par ailleurs et quoiqu'en dise l'intimée, l'échange de courriels des 20 et 22 décembre 2017 entre les parties ne permet pas non plus de retenir qu'il y avait un accord sur la fin du partenariat au 31 décembre 2017. En effet, F______ mentionne " la collaboration avec A______ SA sous la forme actuelle est arrêtée au 31.12.2017". La précision "sous la forme actuelle" laisse entendre que ce n'est pas la collaboration avec l'appelante qui devait prendre fin, mais seulement les modalités actuelles. S'il était effectivement prévu que le partenariat avec l'appelante devait s'arrêter, une telle précision n'aurait pas été formulée.

En tout état, le prétendu accord sur la fin du partenariat au 31 décembre 2017 est contredit par le courriel de K______ du 8 janvier 2018, dans lequel il a écrit qu'il espérait que "la collaboration A______/D______ et B______ sera[it] fructueuse". La Cour peine en effet à comprendre pour quelle raison le directeur commercial de l'intimée continuerait à parler de la collaboration avec l'appelante et à la projeter vers l'avenir si celle-ci était supposée avoir pris fin au 31 décembre 2017, ce que l'intimée n'explique pas. Ce courriel constitue donc également un indice de l'absence d'un accord sur la résiliation du contrat.

Enfin, l'intimée a indiqué dans sa newsletter de décembre 2018 qu'elle "a[vait] décidé de mettre un terme à la collaboration avec A______ " et sur son site internet qu'elle "met[tait] un terme à sa collaboration avec A______". Ce choix de formulation démontre également que la résiliation ne résultait pas d'un commun accord mais d'une décision unilatérale de l'intimée. Confronté à ces pièces en audience, F______ n'a pas su fournir d'explication.

Les déclarations des représentants de l'intimée en audience sur la résiliation d'un commun accord entre les parties ne suffisent pas à remettre en cause ces éléments de preuve. Il en va de même de celles de K______, lequel a indiqué que lorsqu'il était allé avec F______ chez l'appelante à une date indéterminée, il avait cru comprendre qu'ils avaient déjà discuté du sujet, que "la messe était dite et qu'ils arrêtaient". Il ne peut en effet être déduit sans équivoque de cette déclaration que la fin du partenariat résulterait d'un commun accord entre les parties, en particulier au vu des éléments qui précèdent.

Dans ces conditions, le Tribunal était fondé à retenir que l'intimée avait souhaité résilier le contrat de manière unilatérale.

4.2.3 Il n'existe ainsi pas de divergence entre les volontés des parties, dès lors qu'il ne s'agissait pas de résilier d'un commun accord tant pour l'appelante que pour l'intimée. Par conséquent, le premier juge n'avait pas à procéder à une interprétation objective, contrairement à ce que soutient l'intimée. Il n'est ainsi pas utile d'examiner ses griefs propres à l'analyse selon le principe de la confiance.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il retient que le contrat a été résilié de manière unilatérale par l'intimée.

5.             L'intimée reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle ne disposait pas de justes motifs pour résilier le contrat du 25 mars 2016.

5.1.1 Selon un principe général, les contrats de durée peuvent être résiliés de façon anticipée par une partie lorsque de justes motifs rendent l'exécution du contrat intolérable pour elle (ATF 138 III 304 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2017 du 31 août 2018 consid. 4.1).

Il existe de justes motifs lorsqu'on ne peut raisonnablement plus exiger d'une partie cocontractante, selon les règles de la bonne foi, la continuation des rapports contractuels jusqu'au terme convenu ou jusqu'au prochain terme ordinaire de résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2017 précité consid. 4.1; Venturi - Zen-Ruffinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, in SJ 2008 I p. 4-5). Les justes motifs peuvent consister dans l'inobservation ou la violation de clauses contractuelles par une partie, mais aussi être d'une autre nature. Des violations contractuelles spécialement graves fournissent généralement un juste motif de résiliation. Des violations moins graves peuvent aussi rendre la continuation des rapports de travail intolérable, lorsqu'elles se sont répétées nonobstant des avertissements ou sommations et que de nouveaux avertissements paraissent vains (ATF 138 III 304 consid. 7 p. 319; arrêts du Tribunal fédéral 4A_573/2020 et 4A_575/2020 du 11 octobre 2021 consid. 6.2 et les références citées; 4A_241/2017 précité consid. 4.1).

La partie qui veut résilier le contrat avec effet immédiat doit agir sans tarder à compter du moment où elle a connaissance d'un juste motif, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir. Si elle tarde à agir, elle donne à penser qu'elle a renoncé à la résiliation anticipée, respectivement qu'elle peut s'accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2017 précité consid. 4.2 et les arrêts cités).

La notion de justes motifs est une notion juridique indéterminée qui, comme telle, relève de l'appréciation du juge. Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l'équité déterminants selon l'art. 4 CC, s'il existe des justes motifs. A cette fin, il prend en considération tous les éléments concrets du cas particulier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_573/2020 et 4A_575/2020 précités consid. 6.2; 4A_241/2017 précité consid. 4.1). Dans la mesure où le principe de la fidélité contractuelle domine le droit des obligations, la résiliation anticipée d'un contrat de durée ne peut entrer en ligne de compte qu'exceptionnellement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_573/2020 et 4A_575/2020 précités consid. 6.2).

La résiliation pour justes motifs suppose que la continuation du contrat jusqu'à l'expiration de sa durée convenue (s'il s'agit d'un contrat de durée déterminée) ou jusqu'au prochain terme de résiliation (s'il s'agit d'un contrat de durée indéterminée) ne puisse pas être exigée selon les règles de la bonne foi (Venturi - Zen-Ruffinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, in SJ 2008 I p. 4-5).

La résiliation pour justes motifs n'est possible qu'en présence d'un motif grave, objectivement et subjectivement. La gravité objective s'apprécie à l'aune du principe de la bonne foi. Le test est donc objectif et consiste à se demander
si un homme raisonnable, placé dans les mêmes circonstances, devrait pouvoir résilier le contrat en vertu du motif concerné (Venturi - Zen-Ruffinen, op. cit., p. 12-13).

La gravité subjective suppose que le motif invoqué rende effectivement la continuation du contrat insupportable pour la partie qui résilie (Venturi - Zen-Ruffinen, op. cit., p. 17).

5.1.2 Selon la jurisprudence, pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue par l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5).

5.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'accord du 25 mars 2016 constitue un contrat innommé sui generis, auquel il convient d'appliquer les principes généraux développés par la jurisprudence et la doctrine en relation avec la fin des contrats, ni qu'il s'agit d'un contrat de durée, lequel peut être résilié de manière anticipée pour de justes motifs.

Dans une argumentation brève et toute générale, l'intimée fait valoir qu'elle disposait de justes motifs pour résilier le contrat de partenariat du 25 mars 2016, touchant notamment aux circonstances économiques qui pénalisaient les deux parties. Selon elle, ces dernières s'étaient entendues pour mettre un terme au contrat dès lors qu'elles n'avaient plus aucun intérêt économique à son maintien, au regard des marges "scandaleusement ridicules" réalisées par les parties et qu'il était admis par l'appelante que la collaboration existante devait changer de forme.

L'intimée ne s'en prend toutefois pas au raisonnement du Tribunal, selon lequel les manquements observés faisaient partie des aléas habituels des relations contractuelles et ne constituaient pas des violations contractuelles suffisamment graves fournissant un juste motif de résiliation, l'intimée n'ayant par ailleurs pas allégué avoir transmis d'avertissement à l'appelante avant de procéder à dite résiliation. Son appel joint ne répond ainsi pas aux exigences de motivation posées par l'art. 311 al. 1 CPC sur ce point.

En tout état, la considération selon laquelle le maintien du partenariat n'était pas intéressant économiquement ne permet pas de remettre en cause ce qui précède et ne saurait constituer un juste motif permettant de mettre fin unilatéralement et de manière immédiate au contrat. L'intimée, qui évoque à nouveau un prétendu accord des parties sur la résiliation pour des motifs économiques alors qu'un tel accord n'a pas été établi (cf. supra consid. 4.2), n'explique du reste pas en quoi la poursuite du contrat jusqu'à son échéance aurait été insoutenable de ce fait.

Dans ces conditions, la Cour ne peut que confirmer le jugement entrepris en tant qu'il retient l'absence de justes motifs.

6.             Les parties remettent toutes deux en cause le montant du dommage calculé par le premier juge.

6.1.1 L'absence de justes motifs a pour conséquence que la résiliation ne déploie pas d'effets et que les obligations contractuelles demeurent (ATF 133 III 360 consid. 8.1.2 in SJ 2007 I p. 482). La résiliation injustifiée ne provoque dès lors pas la fin du contrat et entraîne généralement des conséquences pécuniaires, la partie pouvant exiger l'indemnisation positive pour le dommage subi en raison de l'inexécution, aux conditions habituelles (Venturi - Zen-Ruffinen, op. cit., p. 28 et 36).

Lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (art. 97 al. 1 CO). La responsabilité de l'art. 97 al. 1 CO est soumise à quatre conditions : la violation du contrat, le dommage subi par le cocontractant, une faute (présumée), ainsi que le rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation contractuelle et le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 4A_531/2022 du 20 octobre 2023 consid. 3.1.2; 4A_352/2020 du 25 janvier 2021 consid. 5.1).

Le dommage se définit comme une diminution involontaire de la fortune nette, qui peut consister en une diminution de l'actif, une augmentation du passif ou un gain manqué. Il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 147 III 463 consid. 4.2.1 et les références citées; 104 II 198 consid. a). Lorsque, comme en l'espèce, il est provoqué par l'inexécution d'une obligation contractuelle, le dommage résulte de la comparaison entre la situation du créancier en cas d'exécution régulière du contrat et sa situation par suite de l'inexécution de l'obligation contractuelle (ATF 126 III 230 consid. 7a/bb; arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2021 du 2 juillet 2021 consid. 5.3.1).

Le créancier qui ouvre action en dommages-intérêts doit alléguer et prouver, conformément à l'art. 8 CC, la violation du contrat, le dommage et le rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation contractuelle et le dommage. En revanche, il incombe au débiteur de prouver qu'aucune faute ne lui est imputable (ATF 147 III 463 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_531/2022 précité consid. 3.1.2 et les références citées).

L'indemnité due en cas de résiliation injustifiée est exigible immédiatement : le contrat ayant pris fin, la partie victime de la résiliation injustifiée peut faire valoir l'intégralité de son dommage dès la résiliation injustifiée (Venturi - Zen-Ruffinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, 2007, n. 1513).

6.1.2 Selon l'art. 44 al. 1 CO, applicable par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO (Thévenoz, in Commentaire romand, Code des obligations, 2021, n. 17 ad art. 99 CO), le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur.

Le fait que le lésé omette de diminuer son dommage est un facteur de réduction de l'indemnité (Werro/Perritaz, in Commentaire romand, Code des obligations, 2021, n. 27 ad art. 44 CO).

6.2.1 L'appelante reproche tout d'abord au Tribunal d'avoir calculé le dommage sur la base du chiffre d'affaires réalisé entre le 25 mars 2016 et le 31 décembre 2017, au lieu de prendre en compte les budgets prévisionnels pour les années 2018 et 2019. Elle fait valoir que ces budgets avaient été confirmés par l'intimée fin 2017, alors que les problèmes rencontrés étaient déjà connus, de sorte qu'il se justifiait de les prendre en compte.

L'intimée fait quant à elle valoir qu'elle n'avait aucune obligation de commande ni de chiffre d'affaires selon le contrat, de sorte que la fin de celui-ci ne pouvait entraîner aucune indemnisation positive puisqu'aucun dommage ne pouvait en résulter.

En l'occurrence, l'on ne saurait déduire de l'absence de montant minimal de commande ou de chiffre d'affaires imposé par le contrat litigieux que l'intimée ne devait plus essayer de trouver de nouveaux clients potentiels et n'aurait plus réceptionné de nouvelles commandes si le partenariat avait continué, celle-ci admettant en effet qu'elle devait fournir ses meilleurs efforts pour développer les affaires communes aux parties. On ne peut par conséquent retenir qu'elle n'aurait plus été active dans la relation, n'aurait ainsi réalisé aucun chiffre d'affaires, ni que l'appelante ne subirait par conséquent aucun dommage du fait de la résiliation anticipée du contrat. L'on constate du reste à teneur des témoignages de X______, de W______ et de K______ que l'intimée a continué à vendre des machines de tri par la suite, ce qui démontre si besoin que cette activité, qui a continué du côté de l'intimée, aurait pu se poursuivre jusqu'à l'échéance du contrat.

S'agissant de la détermination du gain manqué, il ne se justifie pas de prendre en compte le budget prévisionnel plutôt que la moyenne du chiffre d'affaires réalisé jusque-là comme le requiert l'appelante. En effet, la prise en compte par le Tribunal de la seule donnée concrète à disposition n'est pas critiquable, le budget prévisionnel étant quant à lui incertain et devant être adapté de semaine en semaine (témoin K______). De plus, si les parties étaient effectivement conscientes des difficultés rencontrées lors de l'établissement du budget prévisionnel en octobre 2017 – ce qui ne rend du reste pas ce budget moins incertain –, il sied de relever que la différence entre le budget prévisionnel 2016-2017 et le chiffre d'affaires réalisé au cours de cette période ne résulte pas uniquement des problèmes évoqués par l'appelante, à savoir les retards de livraison et les problèmes mécaniques ayant nécessité une baisse du prix de vente, mais également du fait que seules huit machines ont été vendues, soit quatorze de moins que ce qui était prévu par les budgets relatifs à ces deux années. Or, les budgets prévisionnels pour 2018 et 2019 se fondent sur la vente de seize, respectivement dix-neuf machines, soit quatre fois plus en vingt-quatre mois que ce qui a été vendu en vingt-et-un mois. L'appelante n'expose pas – et ne démontre a fortiori pas – en quoi cette projection serait réaliste dans les circonstances du cas d'espèce. Le fait que la situation était connue des parties lors de l'établissement du budget ne suffit pas à rendre cette projection réaliste. Au contraire, l'on constate qu'à la date de la résiliation, soit quatre mois après l'établissement des budgets prévisionnels précités, aucune nouvelle commande n'avait été passée depuis sept mois, sans que l'appelante ne s'en plaigne, ce qui rend peu crédible la vente d'autant de machines par la suite, en particulier compte tenu des problèmes rencontrés dans le cadre du partenariat et étant rappelé que le délai de fabrication était de six mois selon C______. Par ailleurs, l'on relève que les prévisions faites fin 2016 pour 2017, soit 2'000'000 EUR, alors que les parties étaient également conscientes de difficultés rencontrées avec les clients, excèdent largement le chiffre d'affaires effectivement réalisé, de sorte que l'argument de l'appelante tombe à faux. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au Tribunal de s'être fondé sur le chiffre d'affaires pour déterminer le gain manqué de l'appelante entre la résiliation anticipée et l'échéance du contrat, soit sur un élément concret au lieu d'une prévision largement au-dessus de ce qui avait été réalisé jusque-là sans qu'elle ne soit objectivée.

A cet égard, il ne se justifie pas d'imposer à l'appelante qu'elle démontre que ce chiffre d'affaires serait effectivement réalisé. Une telle preuve ne peut en effet pas être apportée, contrairement à ce que soutient l'intimée, l'appelante ne pouvant pas nécessairement connaître l'identité des éventuels futurs clients qui auraient commandé des machines à l'intimée en 2018 et 2019. En tout état, aucun élément ne permet de retenir que l'activité menée jusque-là n'aurait pas pu continuer à tout le moins à l'identique.

Le chiffre d'affaires réalisé en 2016 et 2017 sera ainsi pris en compte. Bien que le Tribunal ait retenu une somme de 1'555'827 EUR à ce titre, correspondant à la moyenne des deux montants allégués en première instance, les parties ayant admis en appel que le chiffre d'affaires était de 1'545'835 EUR durant la période concernée, soit 73'611 EUR par mois en moyenne (1'545'835 EUR / 21 mois). Ce montant admis sera par conséquent pris en compte dans le présent arrêt.

6.2.2 L'appelante reproche ensuite au Tribunal d'avoir pris en compte sa marge nette plutôt que sa marge brute pour calculer son gain manqué. Elle soutient que sa structure et ses frais fixes (salariés, taille de l'entreprise etc.) étaient adaptés à l'activité planifiée sur la durée avec l'intimée, de sorte qu'elle avait dû supporter ces coûts fixes nonobstant la résiliation anticipée injustifiée du contrat. Elle ne démontre toutefois pas ce qui précède. En effet, la résiliation est intervenue treize mois avant l'échéance du contrat, de sorte que même si elle ne pouvait pas anticiper la résiliation du 20 février 2018, l'appelante aurait pu adapter ses charges fixes en conséquence par la suite, sans qu'elle n'établisse avoir effectivement dû assumer de tels frais, ni pendant combien de temps au minimum ceux-ci devaient être couverts avant de pouvoir s'en défaire. L'application de la marge brute sur toute la durée résiduelle du contrat ne se justifie donc pas et l'appelante ne fournit aucun élément permettant de déterminer pendant combien de temps elle devait assumer ses charges relatives au partenariat avec l'intimée. L'appelante n'établit du reste pas que ses éventuels frais fixes auraient été assumés à perte en raison de la résiliation et non alloués à d'autres activités lui étant profitables. En outre, elle évoque la couverture du coût des matières, des emballages, de la sous-traitance etc., pour justifier de la prise en compte de la marge brute alors que l'activité concernée n'a pas eu lieu et donc que de tels frais n'ont pas dû être encourus. Il se justifie donc d'autant moins de prendre en compte la marge brute. Faute pour l'appelante d'avoir établi son dommage à cet égard, il ne peut être reproché au Tribunal d'avoir pris en compte la marge nette pour déterminer son gain manqué.

6.2.3 L'appelante critique le montant du taux de marge nette, retenu par le Tribunal à hauteur de 0.8%.

6.2.3.1 Elle fait valoir que ce taux devrait être augmenté à 8.3% une fois exclues les machines N______ et Q______ qui ont donné lieu à des problèmes conséquents en raison d'engagements excessifs pris par l'intimée à l'égard des clients, ainsi que la machine R______ pour laquelle aucun calcul n'a été effectué.

Tout d'abord, l'appelante n'explique pas comment elle parvient au taux de 8.3%. Elle ne soutient ensuite pas que l'absence de calcul de marge sur la machine R______ résulterait d'une erreur, ni n'établit qu'elle aurait bénéficié d'une marge nette pour celle-ci. S'agissant des machines N______ et Q______, il n'est pas établi que les problèmes rencontrés seraient du seul fait de l'intimée. Les torts étaient à tout le moins partagés puisqu'il ressort des témoignages qu'en plus des retards de livraison, la partie mécanique des machines posait problème, ces deux éléments étant de la responsabilité de l'appelante (témoins AH______, AG______, W______ et K______).

Il ne se justifie en tout état pas de s'écarter des chiffres qui reflètent l'activité réelle des parties au motif que des problèmes auraient été rencontrés, dans la mesure où l'on ne peut partir du principe qu'aucun problème – similaire ou différent – n'aurait été rencontré par la suite.

6.2.3.2 L'appelante remet ensuite en cause le taux de marge de 0.8%, faisant valoir que ce taux, mentionné dans la pièce 23 de l'intimée, serait contesté et ne correspondrait pas aux taux résultant des autres pièces produites. Or, la pièce 23, qui indique ce taux, est la seule à mentionner les marges nettes à terminaison des contrats. Les marges brutes projetées en début de projets ne sauraient permettre d'établir le taux de marge effectivement réalisé sur la période concernée. L'on ne saurait ainsi se fonder sur le taux de marge ressortant du procès-verbal du comité de pilotage tenu le 18 novembre 2016, ni sur celui projeté dans le plan de développement 16 novembre 2017, ces documents indiquant uniquement quelles marges étaient initialement prévues. Il ne ressort par ailleurs pas des autres pièces mentionnées par l'appelante que les marges indiquées correspondraient aux marges nettes effectivement réalisées et non aux prévisions de marges estimées en amont, celles-ci ne comprenant pas de données à terminaison de contrat et étant rappelé que les marges ont finalement été très inférieures à celles initialement prévues, comme l'a confirmé AD______. Ce dernier a par ailleurs qualifié la marge réalisée par l'appelante – son employeur – de faible. L'appelante, qui se prévaut enfin des commandes de services qui ont été passées pendant la durée de l'accord du 25 mars 2016, ne démontre pas – ni n'allègue – que celles-ci ne seraient pas comprises dans le chiffre d'affaires 2016-2017. La marge brute de 47%, dont elle se prévaut en particulier à cet égard, ne ressort par ailleurs pas de la pièce invoquée à ce titre et n'est en tout état pas pertinente dès lors que seule la marge nette importe ici.

Faute pour l'appelante d'avoir établi avoir perçu une marge nette supérieure à 0.8% du chiffre d'affaires jusqu'au 31 décembre 2017, le Tribunal était fondé à retenir ce taux, admis par l'intimée.

Contrairement à ce que soutient cette dernière, le fait que le dommage ait été prouvé à hauteur de ce montant par elle et non par l'appelante alors que celle-ci supportait le fardeau de la preuve à cet égard, n'est pas déterminant. En effet, le Tribunal était légitimé à prendre en compte les éléments de preuves résultant de la procédure, indépendamment de la partie qui les avait apportés.

6.2.4 L'intimée reproche au Tribunal d'avoir calculé le dommage sur quinze mois, soit entre janvier 2018 et mars 2019 alors que la résiliation date du 20 février 2018 et la période restant jusqu'à l'échéance du contrat était de treize mois.

Son grief est fondé. En effet, l'indemnité due en cas de résiliation injustifiée est due à compter de ladite résiliation. En l'occurrence, la résiliation ne date pas du 31 décembre 2017 mais du 20 février 2018. Le gain manqué jusqu'au 25 mars 2019 doit donc être calculé sur une période de treize mois et non de quinze mois. Le fait que les données dont la Cour dispose au sujet du chiffre d'affaires réalisé s'arrêtent au 31 décembre 2017 ne saurait remettre en cause ce qui précède, étant rappelé que le montant qu'il représente mensuellement a été calculé sur vingt-et-un mois, soit jusqu'au 31 décembre 2017. Le partenariat des parties existant encore en janvier et février 2018, les éventuels gains réalisés durant cette période ont par ailleurs dû être perçus au cours de dite période. Jusqu'à l'échéance du contrat, les parties auraient ainsi pu réaliser un chiffre d'affaires de 956'943 EUR (73'611 EUR x 13 mois).

L'intimée fait ensuite grief au Tribunal d'avoir calculé la marge de l'appelante sur le chiffre d'affaires global, ce qu'elle qualifie de "faux" sans autre explication, et soutient que cette marge devrait être appliquée sur son seul prix de revient. Or, dans la mesure où le prix de revient correspond au coût de production, l'on ne discerne pas pour quelle raison le taux de marge nette devrait être appliqué sur cette donnée plutôt que sur le chiffre d'affaires, ce que l'intimée n'explique pas. Elle n'explique pas non plus pour quelle raison il serait "faux" de calculer la marge nette de l'appelante sur le chiffre d'affaires global. Dans ces conditions et faute de motivation suffisante, la méthode utilisée par le Tribunal ne peut qu'être confirmée.

Le gain manqué de l'appelante sera ainsi fixé à 7'755.55 EUR (956'943 EUR x 0.8%), étant précisé que les autres conditions de l'art. 97 CO ne sont pas remises en cause en tant que telles.

6.2.5 L'intimée fait enfin valoir qu'aucune indemnité ne serait due – ou que celle-ci devrait être réduite – au motif que l'appelante n'aurait rien entrepris afin de réduire son dommage.

A cet égard, le Tribunal a retenu qu'il aurait fallu un certain temps d'adaptation à l'appelante pour commercialiser seule la machine de tri, raison pour laquelle les parties avaient prévu un délai de résiliation du contrat de deux ans. Il fallait en effet trouver un nouveau partenaire pour fabriquer le système de vision, développer un partenariat et intégrer les nouveaux composants. L'appelante ne disposait par ailleurs plus d'un accès aux clients puisque l'intimée était seule en charge de la commercialisation. La durée d'une telle transition ne pouvait pas être établie en raison des témoignages contradictoires à cet égard variant entre quatre jours et six mois. Les parties avaient en tout état collaboré pendant plusieurs années avant de développer ensemble la machine U______ et le délai de fabrication d'une machine était d'environ six mois. Il ne pouvait donc être reproché à l'appelante de ne pas avoir immédiatement procédé aux démarches nécessaires en vue de conclure un nouveau contrat de fabrication de système de vision sur une période de quinze mois (recte: treize mois).

Sans critiquer le raisonnement qui précède, l'intimée soutient qu'il n'est pas utile de connaître le temps nécessaire pour mettre en œuvre un nouveau partenariat, puisqu'il était loisible à l'appelante de poursuivre la collaboration existante dans un rapport "client/fournisseur" conformément à la proposition accompagnant la résiliation, ce qui lui aurait permis de satisfaire ses besoins techniques le temps qu'elle procède aux adaptations nécessaires à l'intégration d'un nouveau système de vision.

Or, la proposition de collaboration s'adressait au groupe D______ et non à l'appelante, de sorte que cette dernière n'était pas en mesure d'accepter une proposition qui ne lui était pas destinée. Il ne ressort par ailleurs pas des faits établis que dite proposition incluait l'appelante de quelque manière que ce soit.

Le fait que l'appelante n'ait pas contacté les "prospects" n'est par ailleurs pas pertinent, dans la mesure où en l'absence de compétence en vision ou de partenariat avec un fournisseur d'un tel système, elle n'était pas en mesure de commercialiser la machine U______. Il lui était donc vain de contacter d'éventuels clients sans disposer d'une marchandise à leur proposer.

Pour le surplus, l'intimée ne formule aucun grief à l'encontre du raisonnement du premier juge rappelé ci-dessus, lequel n'est pas critiquable, ce d'autant moins que la durée jusqu'à l'échéance du contrat était de treize mois et non de quinze. Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il ne retient aucune faute concomitante de l'appelante.

6.2.6 En définitive, le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera modifié en tant que la somme due par l'intimée à l'appelante s'élève à 7'755.55 EUR, étant précisé que le dies a quo des intérêts moratoires n'est pas remis en cause en appel.

7.             7.1.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Selon l'art. 105 CPC, les frais judiciaires sont fixés et répartis d'office (al. 1). Le tribunal fixe les dépens selon le tarif (art. 96). Les parties peuvent produire une note de frais (al. 2).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Cette règlementation confère au juge un large pouvoir d'appréciation en matière de répartition des frais (arrêts du Tribunal fédéral 5A_80/2020 et 5A_102/2020 du 19 août 2020 consid. 4.3; 4A_207/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3.1).

Pour la répartition des frais selon l'art. 106 al. 2 CPC, le résultat du procès doit en principe être comparé aux conclusions que les parties ont formulées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_80/2020 et 5A_102/2020 précités consid. 4.3). Dans la pratique, il n'est toutefois pas tenu compte d'une succombance minime. Le juge peut en outre prendre en considération l'importance de chaque conclusion dans le litige ou le fait qu'une partie a obtenu gain de cause sur une question de principe (arrêts du Tribunal fédéral 5A_80/2020 et 5A_102/2020 précités consid. 4.3; 4A_207/2015 précité consid. 3.1), circonstance qui, de surcroît, est expressément prévue par l'art. 107 al 1 let. a CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2015 précité consid. 3.1).

7.1.2 En l'espèce, le montant des frais judiciaires n'est pas remis en cause par les parties et sera confirmé en tant qu'il est conforme au règlement applicable.

L'appelante critique en revanche à raison la répartition de ceux-ci et des dépens. En effet, elle obtient gain de cause sur le principe de la résiliation anticipée sans justes motifs et sur le principe du dommage, mais que partiellement sur son montant faute de preuve d'un dommage supérieur, l'intimée succombant par ailleurs entièrement sur sa conclusion tendant à la condamnation de l'appelante au paiement d'une amende pour téméraire plaideur. Dans ces conditions, il se justifie de répartir les frais judiciaires par moitié entre les parties.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement sera par conséquent annulé et il sera statué dans le sens de ce qui précède, l'intimée étant condamnée à verser 18'100 fr. à l'appelante à titre de remboursement des frais judiciaires (art. 111 al. 2 CPC) et l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, étant invité à restituer 2'800 fr. à l'appelante.

Pour les mêmes motifs et indépendamment du montant des dépens arrêté par le Tribunal, il se justifie de les compenser. Partant, le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera annulé et il sera dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

7.2.1 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 20'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance de frais de 36'000 fr., laquelle reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). L'appelante succombant sur l'essentiel de son appel et n'obtenant gain de cause que sur les frais, les frais judiciaires d'appel seront mis à sa charge à raison de trois quarts, soit de 15'000 fr., et à la charge de l'intimée à raison d'un quart, soit de 5'000 fr. L'intimée sera par conséquent condamnée à lui verser ce montant à titre de remboursement de l'avance de frais et l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, sera invité à lui restituer le solde de son avance en 16'000 fr.

Les dépens d'appel, arrêtés à 9'000 fr. débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA), seront répartis de la même manière, à savoir 2'250 fr. (1/4) à charge de l'intimée, soit 2'086 fr. (2'250 fr. x 103% / 111.1%) après déduction de la TVA compte tenu du siège de l'appelante à l'étranger, et 6'750 fr. (3/4) à charge de l'appelante. Après compensation, l'appelante sera condamnée à payer 4'664 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel (art. 106 al. 2 CPC).

7.2.2 Les frais judiciaires d'appel joint seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et partiellement compensés avec l'avance de 900 fr. versée par l'intimée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée succombant sur l'essentiel de son appel joint et n'obtenant gain de cause que partiellement sur le montant du dommage, les frais judiciaires d'appel joint seront mis à sa charge à raison de trois quarts, soit de 1'500 fr., et à la charge de l'appelante à raison d'un quart, soit 500 fr. L'intimée sera par conséquent condamnée à verser 600 fr. et l'appelante 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais de l'appel joint.

Les dépens d'appel joint, arrêtés à 2'200 fr. débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA), seront répartis de la même manière, à savoir 550 fr. (1/4) à charge de l'appelante et 1'650 fr. (3/4) à charge de l'intimée, soit 1'530 fr. (1'650 fr. x 103% / 111.1%) après déduction de la TVA compte tenu du siège de l'appelante à l'étranger. Après compensation, l'intimée sera condamnée à payer 980 fr. à l'appelante à titre de dépens d'appel joint (art. 106 al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 janvier 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/14023/2022 rendu le 23 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18762/2018.

Déclare recevable l'appel joint formé le 29 mars 2023 par B______ SA contre ce même jugement.

Au fond :

Annule les chiffres 1 à 3 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne B______ SA à payer à A______ SA un montant de 7'755.55 EUR avec intérêts à 5% l'an dès le 29 mars 2018.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 40'200 fr., les compense à due concurrence avec les avances de frais fournies par les parties en 43'000 fr. et les met à la charge de ces dernières à raison de la moitié chacune.

Condamne B______ SA à verser 18'100 fr. à A______ SA à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 2'800 fr. à A______ SA à titre de solde de son avance de frais.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Confirme le jugement entreprise pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 20'000 fr., les compense à due concurrence avec l'avance de frais de 36'000 fr. fournie par A______ SA et les met à la charge de cette dernière à raison de 15'000 fr. et de B______ SA à raison de 5'000 fr.

Condamne B______ SA à verser 5'000 fr. à A______ SA à titre de remboursement de l'avance de frais.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 16'000 fr. à A______ SA à titre de solde de son avance de frais.

Arrête les frais judiciaires de l'appel joint à 2'000 fr., les compense partiellement avec l'avance de 900 fr. fournie par B______ SA et les met à la charge de cette dernière à hauteur de 1'500 fr. et de A______ SA à raison de 500 fr.

Condamne B______ SA à verser 600 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ SA à verser 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ SA à verser 4'664 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Condamne B______ SA à verser 980 fr. à A______ SA à titre de dépens d'appel joint.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.