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Décisions | Chambre civile

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C/20670/2023

ACJC/1681/2023 du 05.12.2023 ( IUO ) , ADMIS

Normes : CPC.261; CO.156; LCD.3.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20670/2023 ACJC/1681/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 5 DECEMBRE 2023

 

Entre

F______/A______ Sàrl, sise ______ [GE], demanderesse et requérante sur mesures provisionnelles, représentée par Me Raphaël QUINODOZ, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3,

et

F______/B______ Sàrl, sise ______ [GE], défenderesse et citée sur mesures provisionnelles, représentée par Me Marco ROSSI, avocat, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. a. F______/A______ Sàrl est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce de Genève le ______ 2016.

Son but est notamment l'exploitation d'une entreprise générale du bâtiment, en particulier l'étude, la planification, le pilotage et la réalisation de constructions de toute nature ainsi que la rénovation en second œuvre.

C______ en est l'unique associé gérant.

b. F______/B______ Sàrl est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce de Genève le ______ 2023.

Son but est notamment l'exploitation d'une entreprise de peinture et plâtrerie ainsi que toute activité qui s'y rapporte.

D______ en est l'unique associé gérant.

c. Par courriers des 24 juillet et 22 août 2023, F______/A______ Sàrl a mis en demeure F______/B______ Sàrl de procéder d'ici au 4 août 2023, respectivement au 29 août 2023, à la modification de sa raison sociale afin d'éviter tout risque de confusion.

F______/B______ Sàrl n'a pas donné suite à ces courriers.

d. Le 6 septembre 2023, F______/A______ Sàrl a mis en demeure F______/B______ Sàrl de procéder à la modification de sa raison sociale en lui impartissant un ultime délai au 18 septembre 2023.

F______/B______ Sàrl n'a pas non plus donné suite à ce courrier.

B. a. Le 11 octobre 2023, F______/A______ Sàrl a déposé devant la Cour de justice une action en cessation de trouble, avec demande de mesures provisionnelles.

Elle a conclu, sur mesures provisionnelles, à ce qu'il soit ordonné au Conservateur du registre du commerce de ne pas rendre accessible ou visible au public l'inscription "F______/B______ Sàrl" jusqu'à droit jugé au fond et à ce qu'il soit interdit à F______/B______ Sàrl, en substance, d'utiliser, sous quelque forme que ce soit sa raison sociale ainsi que tout usage du vocable "F______", que ce soit à titre de nom commercial, enseigne ou nom de domaine, à titre publicitaire, sur internet ou les réseaux sociaux, ou sur tout support, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP ainsi que d'une amende de 1'000 fr. par jour d'inexécution.

Au fond, elle a pris des conclusions en cessation et en interdiction identiques et elle a par ailleurs requis qu'il soit ordonné au Conservateur du registre du commerce de radier la société F______/B______ Sàrl, le tout avec suite de frais.

Invoquant les art. 956 CO, 3 let. d LCD et 29 CC, elle a soutenu qu'il existait un risque de confusion entre les deux raisons sociales du fait de l'usage du vocable "F______".

b. Invitée à répondre à la demande sur mesures provisionnelles, F______/B______ Sàrl a conclu au déboutement de F______/A______ Sàrl de toutes ses conclusions et à ce que le sort des frais soit réservé.

Elle a allégué que D______ travaillait depuis 30 ans à Genève dans le domaine de la plâtrerie-peinture, qu'il était surnommé "F______" depuis son enfance et qu'il était connu sous ce surnom tant dans sa vie privée que professionnelle. Lorsqu'il avait décidé de créer sa propre entreprise en 2023, il avait choisi le nom de F______/B______ Sàrl en raison de son surnom et cette raison sociale était sans rapport avec la société F______/A______ Sàrl, qu'il ne connaissait pas. Les clients ou fournisseurs n'avaient jamais confondu les deux raisons sociales, les deux sociétés n'étaient pas actives dans le même domaine et leurs papiers à en-tête étaient différents.

c. Le 30 novembre 2023, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre civile de la Cour de justice connaît en instance unique des litiges portant sur l’usage d’une raison de commerce ou relevant de la loi contre la concurrence déloyale lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 5 al. 1 let. c et d CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC).

La requérante fonde ses prétentions sur les dispositions en matière de raison de commerce et de protection du nom ainsi que sur la loi contre la concurrence déloyale; elle chiffre son préjudice à 30'001 fr. La valeur litigieuse des prétentions apparaît prima facie supérieure à 30'000 fr. si un dommage devait résulter des comportements reprochés à la citée, de sorte que la Cour est compétente à raison de la matière pour connaître du présent litige en instance unique.

1.2 Les parties ayant leur siège à Genève, la Cour est également compétente à raison du lieu (art. 13 et 36 CPC).

1.3 La requête respecte les exigences de forme prévues à l'art. 252 CPC – applicable à la procédure sommaire auxquelles les mesures provisionnelles sont soumises (art. 248 let. d CPC) –, qui renvoie à l'art. 130 CPC.

1.4 La requête de mesures provisionnelles est donc recevable.

1.5 La preuve est rapportée par titres en procédure sommaire (art. 254 al. 1 CPC), de sorte que l'audition des parties ou de témoins, sollicitée par l'intimée, ne sera pas ordonnée.

2. Avec son action en cessation de trouble, la demanderesse sollicite le prononcé de mesures provisionnelles. Elle soutient qu'il est à craindre qu'elle perde des clients qui s'adresseraient à la citée et que la qualité des prestations de cette dernière soit moindre et qu'elle subisse un dégât d'image.

2.1 Aux termes de l'art. 261 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable.

2.1.1 L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4; 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, Commentaire romand, 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC).

Un fait ou un droit est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait ou le droit invoqué est rendu probable, sans pour autant devoir exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement ou que la situation juridique se présente différemment (Bohnet, in Code de procédure civile commentée, 2011, n. 4 ad art. 261 CPC; cf. ATF 139 III 86 consid. 4.2 et les références).

La vraisemblance requise doit notamment porter sur un préjudice difficilement réparable, qui peut être patrimonial ou immatériel (Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC; Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 3ème éd., 2017, n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. Cette condition vise à protéger le requérant du dommage qu'il pourrait subir s'il devait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au fond (ATF 139 III 86 consid. 5; 116 Ia 446 consid. 2). En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement. Entrent notamment dans ce cas de figure la perte de clientèle, l'atteinte à la réputation d'une personne, ou encore le trouble créé sur le marché par l'utilisation d'un signe créant un risque de confusion (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012, consid. 4.1; Sprecher, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 34 ad art. 261 CPC; Treis, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], 2010, n. 8 ad art. 261 CPC). Il suffit que la partie requérante risque un préjudice difficilement réparable; il n'est pas nécessaire que ce préjudice soit plus important ou plus vraisemblable que celui qu'encourrait la partie adverse au cas où les mesures requises seraient ordonnées (ATF 139 III 86, consid. 5).

La mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, par quoi on entend qu'elle doit être adaptée aux circonstances de l'espèce et ne pas aller au-delà de ce qu'exige le but poursuivi. Les mesures les moins incisives doivent avoir la préférence. La mesure doit également se révéler nécessaire, soit indispensable pour atteindre le but recherché, toute autre mesure ou action judiciaire ne permettant pas de sauvegarder les droits du requérant (Message du Conseil fédéral, FF 2006 p. 6962; arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

La modification provisoire d’une raison de commerce conduit en principe à la création d’une situation définitive et irréversible; les mesures provisionnelles seront donc le plus souvent jugées disproportionnées et rejetées pour ce motif (Cherpillod in Commentaire romand, CO II, 2ème éd., 2017, n. 14 ad art. 956 CO; Siffert, Berner Kommentar, 2017, n. 62 ad art. 956 CO). Des mesures provisionnelles ne doivent dès lors être ordonnées qu'en présence d'une violation grave et manifeste (Altenpohl, Basler Kommentar, 5ème éd., 2016, n. 14 ad art. 956 CO).

2.1.2 L'inscription au registre du commerce d'une raison de commerce confère à l'ayant droit l'usage exclusif de celle-ci (art. 956 al. 1 CO). Celui qui subit un préjudice du fait de l'usage indu d'une raison de commerce peut demander au juge d'y mettre fin (art. 956 al. 2 CO).

La raison de commerce d'une société commerciale doit se distinguer nettement de toute autre raison de commerce d'une société commerciale déjà inscrite en Suisse (art. 951 CO). Comme les sociétés anonymes et à responsabilité limitée peuvent choisir en principe librement leur raison de commerce, des exigences élevées quant à leur caractère distinctif sont posées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_45/2012 du 12 juillet 2012 consid. 3.2.2).

Est donc prohibé non seulement l'usage d'une raison de commerce identique à celle dont le titulaire a le droit exclusif, mais aussi l'utilisation d'une raison semblable, qui ne se différencie pas suffisamment de celle inscrite au point de créer un risque de confusion (ATF 131 III 572 consid. 3; 130 III 478).

Sur la base de son droit d'exclusivité, le titulaire d'une raison de commerce antérieure peut donc agir contre le titulaire d'une raison postérieure et lui en interdire l'usage s'il existe un risque de confusion entre les deux raisons sociales (ATF 131 III 572 consid. 3; 122 III 369 consid. 1).

2.1.3 Le titulaire de la première raison sociale inscrite peut aussi agir sur la base de l'art. 3 let. d LCD, qui s'applique cumulativement si les parties sont dans un rapport de concurrence (ATF du 15 décembre 1992, consid. 4 in RSPI 1994 p. 53; 100 II 395 consid. 1; 100 II 224 consid. 5; Meier-Hayoz/Forstmoser, Schweizerisches Gesellschaftsrecht, 2007, § 7 n. 109).

A teneur de cette disposition est déloyal le comportement de celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui. Est ainsi visé tout comportement au terme duquel le public est induit en erreur par la création d'un danger de confusion, en particulier lorsque celui-ci est mis en place pour exploiter, de façon parasitaire, la réputation d'un concurrent (arrêts du Tribunal fédéral 4A_168/2010 du 19 juillet 2010 consid. 5.1; 4A_253/2008 du 14 octobre 2008 consid. 5.2; ATF 127 III 33 = JdT 2001 I 340 consid. 2b).

2.1.4 Un risque de confusion existe lorsque la fonction distinctive du signe antérieur est atteinte par l'utilisation du signe le plus récent. Des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé en droit de la propriété intellectuelle (confusion dite directe). La confusion peut également résider dans le fait que, dans le même cas de figure, les destinataires parviennent certes à distinguer les signes, par exemple des raisons sociales, mais sont fondés à croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre l'utilisateur de la raison et le titulaire de la raison valablement enregistrée (confusion dite indirecte) (ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 146 consid. 2a; 127 III 160 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2019 du 8 août 2019 consid. 3.1.1).

Pour déterminer s'il existe un risque de confusion, notion qui est la même dans tout le droit relatif aux signes distinctifs, il faut, d'une part, examiner les signes à comparer dans leur ensemble et, d'autre part, se demander ce que le destinataire moyen conserve en mémoire (ATF 131 III 572 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 du 8 octobre 2009 consid. 2.1, in SJ 2010 I 129). Les raisons ne doivent pas seulement se différencier par une comparaison attentive de leurs éléments, mais aussi par le souvenir qu'elles peuvent laisser. Il convient surtout de prendre en compte les éléments frappants que leur signification ou leur sonorité met particulièrement en évidence, si bien qu'ils ont une importance accrue pour l'appréciation du risque de confusion. Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie, qui jouissent généralement d'une force distinctive importante, à l'inverse des désignations génériques appartenant au domaine public (ATF 131 III 572 consid. 3). Tous les signes n'ont pas la même importance pour l'appréciation du risque de confusion. Selon la jurisprudence, il convient surtout de prendre en compte les éléments frappants que leur signification ou leur sonorité mettent particulièrement en évidence, si bien qu'ils ont une importance accrue pour l'appréciation du risque de confusion (ATF 131 III 572 consid. 3; 127 III 160 consid. 2b/cc; ATF 122 III 369 consid. 1). Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie, qui jouissent généralement d'une force distinctive importante, à l'inverse des désignations génériques appartenant au domaine public.

Celui qui emploie comme éléments de sa raison de commerce des désignations génériques identiques à celles d'une raison plus ancienne a le devoir de se distinguer avec une netteté suffisante de celle-ci en la complétant avec des éléments additionnels qui l'individualiseront (arrêt du Tribunal fédéral 4C.197/2003 du 5 mai 2004 consid. 5.3, non publié à l'ATF 130 III 478; ATF 122 III 369 consid. 1).

Lorsqu'une raison sociale est composée de termes génériques, un élément additionnel, même revêtu d'un caractère distinctif relativement faible, peut suffire à exclure la confusion (ATF 131 III 572 consid. 3; 122 III 369 = JdT 1997 I 239 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 du 8 octobre 2009 consid. 2.1). En effet, comme le public ne perçoit les désignations génériques que comme des indications sur le genre de l'entreprise et son activité, et qu'il ne lui prête dès lors qu'une attention limitée en ce qui concerne l'image de marque de l'entreprise, il accorde plus d'attention aux autres éléments de la raison sociale (ATF 122 III 369 consid. 1).

On se montrera plus strict s'il existe un rapport de concurrence entre les entreprises, si elles ont des buts statutaires identiques, ou si elles exercent leurs activités dans un périmètre géographique restreint, auquel cas les raisons de commerce doivent se distinguer nettement (ATF 131 III 572 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 précité consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a jugé qu'il existait un risque de confusion entre les raisons sociales "Swiss Trustees SA" et "SwissIndependent Trustees SA", dans la mesure où elles comportaient les deux les termes "Swiss" et "Trustees", qui n'avaient pas de force distinctive, et où le seul terme "Independent", qui ne se retrouvait pas dans la première, avait également une faible force distinctive et ne semblait pas suffisante pour exclure le risque d'une confusion dans le souvenir des clients potentiels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 du 8 octobre 2009 consid. 2.4). Un risque de confusion n'a en revanche pas été retenu entre Arveron SA et ARVEYRON-RHÔNE Sàrl. Le Tribunal fédéral a relevé que du point de vue auditif, ces signes se prononçaient de manière similaire voir identique en français. S'agissant du risque de confusion, la discussion devait donc se concentrer sur l'élément additionnel de la raison de commerce de l'intimée " -Rhône ". Si la force distinctive de l'élément additionnel était relativement faible, l'impression globale qui ressortait du signe litigieux permettait d'écarter un risque de confusion avec celui d'Arveron SA (arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2019 du 8 août 2019, consid. 3.2.3).

2.2 En l'espèce, les deux raisons sociales commencent par le même terme, soit F______, qui n'est le nom d'aucune des parties et dont la requérante n'a pas expliqué l'origine. Ce terme doit dès lors être compris comme une désignation de pure fantaisie dans la mesure où il n'a pas de signification en français. Le positionnement de ce terme au début de la raison sociale lui donne une importance particulière dans le souvenir que le public peut en retirer. Les termes "A______" et "B______" dans le domaine des travaux ne sont quant à eux pas particulièrement distinctifs. Enfin, les deux parties sont des sociétés à responsabilité limitée, de sorte que cette mention ne permet pas de les distinguer.

De plus, les deux sociétés sont actives dans le même périmètre, soit le canton de Genève et ont leur siège à E______ [GE], sur la rive droite du Rhône. Elles sont par ailleurs actives dans le même domaine, à savoir celui du bâtiment et de la construction. Contrairement à ce que semble soutenir la citée, une société active comme entreprise générale et dans le domaine de la rénovation a une activité qui peut notamment couvrir la peinture et la plâtrerie, de sorte que les clients de l'une et de l'autre sont potentiellement les mêmes.

A ce stade, il doit dès lors être admis que le risque de confusion est vraisemblable.

En outre, la perte de clientèle ou l'atteinte à sa réputation que la requérante invoque à l'appui de sa requête constituent des préjudices qui peuvent être qualifiés de difficilement réparables. La citée affirme certes qu'il n'est jamais arrivé qu'un client confonde les deux sociétés, ce qu'elle ne peut cependant pas savoir et elle ne le rend, en tout état de cause, pas vraisemblable.

Au vu de ce qui précède, il sera fait droit à la requête de mesures provisionnelles en ce sens qu'il sera fait interdiction à la citée d'utiliser la raison sociale "F______/B______ Sàrl" pour proposer ses prestations, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit. Il ne peut en revanche lui être fait interdiction d'utiliser toute raison sociale ou nom comportant le terme "F______", comme le réclame la requérante, dans la mesure où, combiné à d'autres éléments, ceux-ci pourraient permettre de suffisamment distinguer les raisons sociales des deux parties.

L'intimée n'a certes pas répondu à la demande de la requérante de modifier sa raison sociale. Cela ne permet toutefois pas encore de retenir qu'elle ne se pliera pas à la présente décision. L'interdiction précitée ne sera donc pas prononcée sous la menace de la peine de l'art. 292 CP ou d'une amende.

3. Il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision dans l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures provisionnelles :

A la forme

Déclare recevable la requête formée par F______/A______ Sàrl le 11 octobre 2023 dans la cause C/20670/2023.

Au fond:

Fait interdiction à F______/B______ Sàrl d'utiliser sa raison sociale de quelque manière ou sous quelque forme que ce soit pour désigner son entreprise, notamment comme nom commercial, enseigne ou nom de domaine, sur des documents promotionnels ou publicitaires, sur internet ou les réseaux sociaux, ou sur tout support.

Dit que cette interdiction prendra effet à l'échéance d'un délai de 20 jours dès la notification de la présente décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais:

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.