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Décisions | Chambre civile

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C/10298/2021

ACJC/1610/2023 du 05.12.2023 sur JTPI/2664/2023 ( OS ) , CONFIRME

Normes : LPD
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10298/2021 ACJC/1610/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 5 DÉCEMBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [BE], appelante d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 février 2023, représentée par Me Michèle BURNIER et Me Thomas LEGLER, avocats, PESTALOZZI AVOCATS SA, cours de Rive 13, 1204 Genève,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Serge FASEL et
Me Olivia DE WECK, avocats, FBT AVOCATS SA, rue du 31-Décembre 47, case postale 6120, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2664/2023 du 28 février 2023, reçu par A______ le 6 mars 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a rejeté la demande en droit d'accès formée par la précitée (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais à 8'075 fr., qu'il a compensés partiellement avec les avances versées et mis à la charge de A______, condamné cette dernière à payer 4'775 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire et à rembourser 200 fr. à B______ SA (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ SA 7'500 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Le 20 avril 2023, A______ a formé appel de ce jugement, concluant, sous suite de frais judiciaires et dépens, à son annulation et cela fait, à ce que la Cour de justice ordonne à B______ SA, agissant par ses organes, de lui communiquer par écrit et sous forme électronique, dans un délai de cinq jours, et gratuitement, (1) la copie de toutes les données personnelles la concernant qui seraient stockées ou traitées par la société précitée, le support (disque dur, documents papiers, etc.) n'ayant aucune importance, sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP et d'une amende d'ordre de 3'000 fr. maximum au plus pour chaque jour d'inexécution (art. 343 al. 1 let. a et let. c CPC), (2) les informations disponibles sur l'origine des données personnelles dans la mesure où celles-ci n'ont pas été collectées auprès de B______ SA ainsi que les catégories de données personnelles la concernant, et (3) les sous-traitants et tout autre destinataire auxquels des données personnelles la concernant auraient été et/ou seraient communiquées, sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CPC pour les conclusions (2) et (3) (art. 343 al. l let. a CPC).

Elle a également conclu à ce que la Cour ordonne à B______ SA de confirmer que ces informations sont complètes et exactes, également sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CPC (art. 343 al. 1 let. a CPC).

Sont visés par sa première conclusion (1) "notamment mais pas uniquement" les documents suivants : (i) les informations fiscales et les documents la concernant elle et son patrimoine (copie des descriptifs financiers, ordres de paiements effectués au nom et pour le compte de A______ via notamment le compte [auprès de la banque] B______ duquel un montant a été transféré à C______ LLP) ainsi que tous les documents se rapportant à son statut fiscal, notamment ceux élaborés par les sociétés D______ LLP à E______ [Royaume-Uni] et F______ LLP à G______ [États-Unis] ; (ii) les informations et documents concernant les couvertures d'assurance (maladie – H______, I______ -, accident, dommage, propriété, etc.) auprès notamment des sociétés J______ LTD et K______ ([compagnie d'assurances] L______) ainsi que des praticiens, notamment M______ (concierge doctor à G______) et N______ (psychologue à O______ [République dominicaine]); (iii) les informations et documents, y compris les contrats, concernant le personnel engagé pour son compte (notamment P______, Q______, R______ en qualité d'assistants personnels, S______, T______ et U______ en qualité d'éditeurs, V______ en qualité d'employée de maison); et (iv) les informations, y compris les contrats, concernant tous les tiers qui ont été mandatés par B______ SA pour gérer ses affaires et/ou ses voyages, notamment le cabinet F______ LLP à G______, et les sociétés D______ LLP à E______, W______ à G______, X______ SA à Genève, Y______ SA à Genève et Z______ SA à Genève.

b. Par réponse du 8 juin 2023, B______ SA a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à la confirmation du jugement attaqué.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, respectivement les 12 juillet et 14 septembre 2023, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. A______ a transmis des déterminations spontanées le 26 septembre 2023.

e. Le 28 septembre 2023, B______ SA a soulevé l'irrecevabilité des déterminations susmentionnées.

f. Les parties ont été informées le 17 octobre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1967, est la fille de AA______, homme d'affaires italien très fortuné et petit-fils de AB______, fondateur de la marque de luxe de même nom.

b. B______ SA a notamment pour but d'exercer l'activité de gestionnaire de fortune et de conseil en placement au sens de la loi fédérale sur les établissements financiers (LEFin), la mise en place et le suivi de transactions financières en matière mobilière et en matière immobilière, l'acquisition et l'administration de participations dans des sociétés ayant un but analogue, ainsi que tous services y relatifs.

Elle œuvre comme family office.

AB______ est l'un de ses administrateurs au bénéfice d'un pouvoir de signature individuelle. AC______ et AD______, employés de B______ SA, s'occupaient notamment du dossier de AA______.

c. Le 29 juin 2012, AA______ et B______ SA ont conclu un contrat à teneur duquel cette dernière acceptait de fournir au premier divers services en faveur de sa fille A______.

B______ SA était chargée de la gestion quotidienne des paiements et des demandes de A______, d'assister son personnel, d'organiser ses voyages d'affaires, procéder aux réservations de ses vols et de ses hôtels et de fournir une activité de fiduciaire.

AB______, représentant B______ SA, a déclaré au Tribunal avoir eu quelques contacts avec AE______, avocat de AA______ "dans le cadre du contrat de service", AA______ lui ayant demandé de "partager quelques chiffres" avec celui-ci.

d. Bien que le contrat ait été signé en 2012, il est admis que B______ SA a exercé son activité pour le compte de A______ dès 2008 déjà et jusqu'en 2021.

e. S'agissant de la gestion quotidienne des paiements et des demandes de A______, les éléments suivants résultent du dossier :

e.a A______ faisait parvenir ses factures (shopping, voyages, frais de santé, frais liés à la rédaction de son livre, loyers, salaires de son personnel et frais d'avocats) à B______ SA pour paiement.

B______ SA procédait au paiement desdites factures dans les limites budgétaires fixées par AA______, soit environ 100'000 euros par mois. Les factures étaient payées avec l'argent personnel de AA______, au débit d'un de ses comptes bancaires.

Selon la procédure mise en place, chaque dépense devait préalablement être soumise à B______ SA pour approbation. Certaines dépenses ont été refusées parce que le budget mensuel était déjà atteint. Il arrivait toutefois que AA______ accepte un dépassement de budget. Parfois, des factures "non annoncées" étaient adressées par A______ ou des tiers à B______ SA pour paiement. En cas de dépassement de budget, celle-ci mettait alors la facture en attente ou interpelait AA______.

e.b B______ SA tenait un décompte hebdomadaire des paiements effectués afin de contrôler le budget. Lorsqu'un paiement était effectué, l'avis bancaire était transmis à AA______, qui suivait attentivement les dépenses, mais pas à A______.

Un récapitulatif mensuel des paiements ordonnés, répartis par catégories (voyages, loyers, employés, santé, frais divers, livre, fournitures pour la maison, shopping, avocats, banques, autres et œuvres caritatives) était communiqué par B______ SA à A______.

Parfois, A______ contactait B______ SA pour discuter de ces relevés. Elle n'obtenait toutefois pas de renseignements sur le compte bancaire de son père, raison pour laquelle les preuves de paiement qui lui étaient transmises étaient caviardées afin de préserver les données personnelles de AA______.

B______ SA a allégué ne détenir qu’un seul fichier informatique concernant A______, sur lequel étaient enregistrés les décomptes hebdomadaires et mensuels susmentionnés, ce qui a été confirmé par les témoins AC______ et AD______.

e.c A______ savait que son train de vie était financé par son père et que ses dépenses devaient respecter un certain budget.

f. A teneur du contrat du 29 juin 2012, l'activité de fiduciaire fournie par B______ SA consistait en la détention d'actifs en son nom mais pour le compte de A______ et l'ouverture de comptes bancaires distincts pour les actifs déposés par la précitée. En revanche, la société ne pouvait effectuer des retraits ou des paiements à partir de ces actifs, sauf sur instruction spécifique de AA______.

A teneur du jugement entrepris, B______ SA n'a toutefois jamais géré ni ouvert de compte bancaire pour A______.

g. B______ SA est intervenue dans de nombreux domaines de la vie de A______.

Elle agissait en qualité d'intermédiaire entre des tiers mandataires et la précitée pour différentes démarches telles que ses déclarations fiscales, ses demandes de visas, ses polices d'assurances, ses baux, la gestion de son personnel, ses voyages et l'écriture de son livre. A cette fin, B______ SA ne se chargeait pas elle-même d'effectuer lesdites démarches mais mettait A______ en contact avec les personnes compétentes et l'assistait dans la remise des documents et des informations nécessaires. Dans ce cadre, sont intervenus AF______, avocat au sein du cabinet F______ LLP à G______, pour différentes démarches entreprises aux Etats-Unis, AG______, avocat au sein du cabinet D______ LLP à E______, pour différentes démarches entreprises en Grande-Bretagne, la société Z______ SA pour la gestion des assurances de A______, et la société Y______ SA pour l'organisation des voyages.

Il lui était toutefois arrivé de s'occuper elle-même de certaines démarches. B______ SA a ainsi admis avoir "gér[é] les contrats liant [A______] aux différents éditeurs littéraires, notamment S______, T______ et U______ ainsi que des chercheurs (AH______ et AI______)".

h. B______ SA n'étant pas autorisée à délivrer des conseils fiscaux, elle ne s'est occupée d'aucune déclaration fiscale pour le compte de A______. En revanche, elle a recommandé des conseillers fiscaux à celle-ci, à savoir AG______ pour la Grande-Bretagne et AF______ pour les Etats-Unis.

B______ SA s'est ensuite limitée à porter assistance aux précités dans la récolte des informations et documentations nécessaires, notamment lorsque les conseillers fiscaux externes n'arrivaient pas à obtenir les informations nécessaires de A______. Selon le témoin AC______, il était également arrivé à B______ SA d'agir en qualité d'intermédiaire, sollicitant par exemple de A______ qu'elle signe un document qui a ensuite été adressé aux fiscalistes par la société.

Parmi les nombreux courriels produits par B______ SA figure notamment un courriel envoyé par AC______ à A______ le 21 juillet 2020 dont la teneur est la suivante : "For your information, the accountants finalized the analysis on your financial situation. They informed us that they did not identifiy any taxable income to report. As you don't have yet a US tax number, you will not fill and sign any declaration, even if in blank. Kindly confirm that, during the course of 2019, you didn't receive any gifts totalling more than USD 100'000, from a foreign person, into your US bank account. This is to double check that you don't have any other tax obligation."

Entendu en qualité de témoin par le Tribunal, AC______ a confirmé ne pas avoir reçu l'analyse faite par les comptables mentionnée dans ce courriel.

i. B______ SA a également conseillé à A______ de s'adresser à AF______ afin qu'il l'assiste dans ses démarches avec les différents services d'immigration américains. A______ était en copie des courriels échangés à ce sujet.

B______ SA n'est intervenue à cet égard qu'en qualité d'intermédiaire, assistant AF______ dans la collecte des informations et des documents nécessaires.

j. B______ SA s'acquittait des factures médicales qui lui étaient adressées par A______, ses assistants personnels ou par les médecins eux-mêmes directement. A teneur du jugement entrepris, B______ SA a toujours transmis à A______ les documents reçus à ce sujet, ce qui est contesté par la précitée. Le 9 août 2019, B______ SA a transmis, sur demande de la précitée, le "plan summary" de l'assurance-maladie (I______) contractée à son bénéfice. Des échanges entre B______ SA et des assistants de A______ (notamment en mai 2018) ou la précitée elle-même (notamment en décembre 2019) à ce sujet figurent également au dossier.

B______ SA a par ailleurs agi en tant qu'intermédiaire entre A______ et des courtiers. Elle ne recevait toutefois pas systématiquement une copie des contrats d'assurance que A______ pouvait conclure.

A______ prétend également ne pas détenir sa police d'assurance-maladie complète et ignorer l'identité de ses personnes de contact au sein de ses assurances.

k. Elle dispose d'un logement à G______, lequel était situé sur la 1______th 2______ Avenue, puis à présent au N. 3______ 4______ Place.

Le Tribunal a retenu que A______ détenait une copie de tous les baux et de leurs extensions, ce qui est contesté en appel par la précitée.

AB______ a confirmé au Tribunal s'être occupé des démarches pour la location de l'appartement situé 1______th 2______ Avenue. Il était probable que A______ ait reçu une copie du contrat de bail mais, selon lui, "cela ne l'intéressait pas trop, ce qui l'intéressait était de pouvoir emménager dans l'appartement concerné".

Par courriel du 16 octobre 2011, Q______, un assistant personnel de A______, a transmis à B______ SA (AC______) et à A______ un accord de prolongation de bail pour l'appartement situé 1______th 2______ Avenue. Ce courriel et sa pièce-jointe sont enregistrés sur la clé USB transmise par B______ SA.

Le 7 août 2019, AA______ a résilié le bail de l'appartement situé N. 3______ 4______ Place. Un nouveau contrat de bail a finalement été signé pour ce même appartement par l'intermédiaire de AE______, avocat de AA______ et directeur de la société W______, qui a donné instruction à B______ SA de s'acquitter des loyers. Ce document a été transmis à B______ SA, avec copie à A______, par courriel du 20 septembre 2019. Ce courriel a été enregistré sur la clé USB remise à A______ par B______ SA.

l. A______ louait également un appartement à E______ qu'elle avait trouvé par le biais d'un agent immobilier, AJ______, avec qui elle entretenait des contacts directs et réguliers.

B______ SA était en copie des courriels échangés dans ce cadre.

Le 9 août 2012, Q______ a notamment transmis à B______ SA une copie du contrat de bail de cet appartement et de la prolongation de bail. A______ était en copie de ces courriels.

m. A______ a employé un certain nombre d'assistants personnels et d'employés de maison. Elle était notamment en contact direct avec AF______ au sujet de ses employés aux Etats-Unis et avec AK______ pour ses employés en Grande-Bretagne, mais aussi avec des agences de placement (notamment AL______). Des projets de contrats de travail et de lettres de résiliation concernant des membres de l'équipe de A______ ont régulièrement été transmises aux parties par F______ LLP et AL______ notamment. Le 20 août 2019, AL______ a transmis une offre d'emploi signée par A______ et la future employée aux parties et à AF______.

Selon B______ SA, A______ supervisait le processus de recrutement de ses employés. La société s'était toutefois parfois occupée de l'engagement de certaines personnes et régulièrement des fins de contrat. AB______ a précisé au Tribunal que la société avait notamment géré le départ de collaborateurs parfois mécontents, parfois maltraités et également ceux qui cherchaient à profiter de la situation, compte tenu de la notoriété du nom A______.

n. A______ avait pour projet d'écrire et éditer un livre, intitulé "______".

Dans ce cadre, elle était en contact direct avec les différents éditeurs littéraires et "ghost writers", notamment T______, S______ et U______, ou en copie des courriels échangés entre ceux-ci, ses assistants et/ou B______ SA. A______ dirigeait les contacts avec les différents intervenants.

Les contrats étaient revus par les avocats du cabinet F______ LLP et signés par A______.

AB______ a déclaré au Tribunal que la société avait « reçu mandat de [A______] de contacter un ghost writer », et que B______ SA considérait qu’il était de sa responsabilité de s’occuper de la négociation du contrat avec celui-ci. AF______ s'était chargé de rédiger le contrat. A______ a confirmé au Tribunal qu’elle avait été tenue informée par le précité de « l’état d’évolution de ce contrat ».

o. Les voyages de A______ étaient organisés par ses assistants personnels et des agences de voyage, notamment Y______ SA.

B______ SA intervenait pour veiller à ce que les voyages planifiés respectent le budget fixé par AA______.

p. Le 12 octobre 2016, A______ a sollicité de B______ SA qu'elle lui fournisse des informations sur sa situation financière.

B______ SA a soutenu qu'une rencontre avait alors été organisée pour en discuter.

q. Le 19 novembre 2019, dans un courriel adressé à AC______ et expédié à plusieurs autres personnes dont AE______, A______ a requis de B______ SA la remise des reçus, preuves de paiement et informations de transferts.

Elle souhaitait que dorénavant chaque transaction et chaque retrait soient pré-approuvés par elle. Une preuve de paiement devait ensuite lui être communiquée.

Elle sollicitait également qu'on lui transmette un avis détaillé de tous les dépôts sur son compte, un relevé bancaire hebdomadaire incluant les factures pendantes, un relevé de portefeuille complet indiquant le montant pouvant être retiré en espèces, ses investissements et ce qu'elle gagnait par mois.

r. Par réponse du lendemain, AE______ a indiqué à A______ que seules ses propres dépenses (soit les dépenses récurrentes telles que le loyer ou le paiement du salaire de son personnel et les dépenses qu'elle transmettait) étaient débitées de son compte, de sorte qu'il était inutile de prévoir que celles-ci lui soient soumises pour approbation avant d'être payées.

Un décompte mensuel des montants débités sur lequel figurerait le solde du compte lui apparaissait suffisant. Ce relevé pourrait éventuellement comprendre la confirmation du paiement des factures soumises ainsi qu'une liste des dépenses impayées à la fin du mois.

Il doutait qu’il existe un portefeuille, faute d'épargne à investir.

s. Par courriel du 21 novembre 2019, AC______ a ajouté que B______ SA n'avait aucune visibilité sur le compte bancaire de A______, sur lequel elle recevait 2'300 dollars américains par semaine.

B______ SA recevait des factures concernant des services déjà rendus par des tiers (fournisseur, médecin, chauffeur, employé) pour A______.

Au début de chaque mois, un rapport détaillé mettait en évidence chaque dépense acquittée par AA______ pour elle avec les informations suivantes : description, date, montant et solde. Les dépenses étaient par ailleurs réparties par catégorie pour une meilleure compréhension. Les fonds de crédit figuraient sur ces rapports, ce qui assurait une pleine transparence.

L'assistant personnel de A______ pouvait lui fournir des explications concernant toutes les factures reçues, envoyées, payées et en attente.

AC______ a rappelé que les dépenses extraordinaires devaient faire l'objet d'une discussion préalable puisqu'elles pouvaient la placer en déficit et que B______ SA devait la protéger d’une telle situation. Il était par ailleurs dans l'intérêt de A______ d'éviter les erreurs et les contentieux.

Compte tenu du nombre important de factures traitées, il ne leur était pas possible de lui envoyer chaque confirmation de paiement. Cela étant, un tel document avait été transmis jusqu'à présent lorsqu'une demande spécifique avait été formulée en ce sens.

Enfin, AC______ a informé A______ que, conformément aux instructions transmises par AA______, le trust de celle-ci serait débité en cas de dépassement du budget en fin d'année, afin de couvrir le déficit.

t. En juin 2020, AA______ a demandé à B______ SA d'informer sa fille qu'à compter du 1er juillet 2020, le financement de ses dépenses serait assuré par le Trust AM______, et non plus par ses fonds personnels à lui, ce qui a été fait par courriel du 17 juin 2020 adressé par AC______ à A______.

Le témoin AC______ a déclaré au Tribunal que AA______ avait continué de s'acquitter des dépenses de sa fille au moyen de ses fonds privés, et non des fonds détenus par le trust. Il a également déclaré qu'à cette période, AA______ était excédé par le comportement dépensier de A______, celle-ci dépensant plus d'argent que ses trois autres enfants.

AB______ a déclaré au Tribunal que le Trust AM______ avait été établi par AA______. A______ en avait été la bénéficiaire mais tel n'était plus le cas. B______ SA fournissait des conseils en investissement pour ce trust, "c'est-à-dire que [la société] gér[ait] les fonds de ce trust".

u. En juillet 2020, AA______ a donné instruction à B______ SA de cesser tout contact avec A______ et tout paiement en faveur de la précitée. Il était contrarié par le fait que celle-ci avait initié une procédure contre ses deux sœurs aux Etats-Unis.

v. Le 24 septembre 2020, B______ SA a informé A______ que tous les paiements étaient suspendus jusqu'à nouvel avis.

w. Par courrier du 29 mars 2021 adressé à AB______, A______ a indiqué qu'elle avait désormais pris la responsabilité de ses affaires financières et a remercié B______ SA de s'en être occupée pour elle durant ces dernières années.

Elle avait à présent besoin d'avoir accès à son dossier complet et de prendre possession de tous les fichiers et données la concernant.

Elle lui a demandé de collaborer avec son conseiller fiscal, AN______.

x. Le 2 avril 2021, AN______ a demandé à B______ SA de lui transmettre la liste de tous les fichiers contenant des données personnelles relatives à A______ et lui indiquer le format que prenaient ces fichiers.

Il a également demandé à B______ SA de lui communiquer les documents et informations suivantes : les informations financières et fiscales, les passeports et pièces d'identité, les polices d'assurances, les informations et documents concernant les biens et propriétés ("assets, properties of A______ and/or owned legally or beneficially by A______ alone or in conjunction with others. Include any liabilities associated with each of the assets thereof"), les contrats – passés et présents - conclus avec des tiers ("outside personnel or third-party providers, e.g. editors, PR advisors, household staff, etc"), son dossier médical et toutes les factures y relatives, les informations et documents concernant ses voyages et toutes les autres données personnelles la concernant.

y. Le 23 avril 2021, A______ a invité B______ SA à lui fournir toutes ses données personnelles dans un délai échéant le 29 avril 2021.

Elle a fondé sa demande sur l'art. 8 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (RS 235.1; ci-après LPD).

z. Par courriel du même jour, B______ SA a transmis un fichier zip à AN______, sur lequel sont enregistrés divers documents dont les factures du psychologue, N______.

B______ SA a fait les remarques suivantes s'agissant des informations sollicitées par AN______.

"1. Financial and Tax related information :

a.      US : included in the file sent by F______ office.

b.      UK : attached.

2. Passport copies and other document : attached.

3. Insurance : attached.

4. Asset : a copy of the AO______ [Italie] deed to be received next week.

5. Third parties providers : included in the file sent by F______ office.

6. Medical record : attached invoices of Dr N______.

7. Travel and frequent flyer information : attached.

8. All other personal data in any form of A______ [prénom]: none."

aa. Le 26 avril 2021, B______ SA a indiqué à A______ que les documents utiles avaient été transmis à AN______.

bb. Le 27 avril 2021, A______ a exposé qu'après examen des documents transmis, elle était arrivée à la conclusion que tous les documents ne lui avaient pas été communiqués.

B______ SA était donc invitée à produire toutes les données personnelles la concernant, sous quelque forme que ce soit (y compris les courriers électroniques), en possession ou sous le contrôle de B______ SA ou de tout tiers, y compris les informations sur l'origine et les destinataires des données, avant le 29 avril 2021.

cc. Le 4 mai 2021, B______ SA a indiqué à A______ qu'elles n’étaient liées par aucun contrat. Elle lui a toutefois transmis le document d'achat de son bien immobilier sis à AO______. Le témoin AC______ a précisé qu'il ne s'agissait pas d'un document qui était en leur possession. B______ SA avait contacté l'office administratif de AA______ pour obtenir ce document.

Par ailleurs, les échanges de courriels entre B______ SA et A______ que la société pourrait récupérer, étant rappelé que A______ les connaissait pour en avoir été la destinataire ou l'expéditrice, seraient mis à sa disposition par voie électronique dès que possible.

B______ SA a assuré ne pas détenir d'autres documents en lien avec la demande de A______.

dd. Le 6 mai 2021, A______ a contesté l'absence de relation contractuelle entre elle et B______ SA. Sa demande était, quoi qu’il en soit, fondée sur le droit d'accès prévu par la loi sur la protection des données. Elle prenait note de son intention de lui remettre toute la correspondance électronique et la priait de bien vouloir accélérer le processus de collecte et de lui remettre lesdits échanges, y compris les annexes, d'ici au 10 mai 2021.

ee. Le 21 mai 2021, B______ SA a transmis un fichier à télécharger, contenant plus de 6'000 courriels, à A______.

ff. Le même jour, A______ a informé B______ SA du dépôt d'une requête en conciliation en droit d'accès et d'une requête de mesures provisionnelles (cf. infra let. D.a.) et l'a invitée à déposer les pièces mentionnées dans le cadre de ces procédures.

gg. Les parties ont encore échangé, persistant chacune dans leur position respective.

D. a. A______ a, par acte déposé en conciliation le 21 mai 2021, déclaré non concilié le 1er juillet 2021 et introduit au Tribunal le 8 septembre 2021, assigné B______ SA, formant une requête en droit d'accès.

a.a Sur le fond, A______ a conclu à ce qu'il soit ordonné à sa partie adverse de lui communiquer par écrit ou sous forme électronique, dans un délai de cinq jours et gratuitement, (1) la copie de toutes les données personnelles la concernant qui étaient stockées ou traitées par ses soins sous la menace de la peine d'amende prévu par l'art. 292 CP et d'une amende d'ordre de 3'000 fr. maximum pour chaque jour d'inexécution, (2) les informations disponibles sur l'origine des données personnelles dans la mesure où celles-ci n'avaient pas été collectées auprès de la société ainsi que les catégories de données personnelles traitées la concernant, sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP, ainsi que (3) l'identité des sous-traitants et tout autre destinataire auxquels des données personnelles la concernant avaient été et/ou étaient communiquées ainsi que le nom de l'Etat vers lequel ces données étaient communiquées, également sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP.

Elle a également conclu à ce qu'il soit ordonné à B______ SA de confirmer que ces informations étaient complètes et exactes, sous la menace de la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP.

a.b Sa requête en conciliation était assortie de mesures provisionnelles, lesquelles ont été rejetées par ordonnance OTPI/646/2021 du 23 août 2021.

a.c A l'appui de sa réponse à la requête de conciliation du 21 juin 2021, B______ SA a produit un certain nombre de pièces, et notamment une clé USB sur laquelle étaient enregistrés les courriels déjà transmis à A______ (cf. supra let. C. ee.).

b. Suite à l'audience de conciliation, A______ a, par courrier du 30 juillet 2021, soumis à B______ SA une liste non exhaustive des documents essentiels qu'elle souhaitait obtenir de sa part.

Sa demande visait tout d'abord à obtenir (1) les informations financières et fiscales, notamment l'analyse de la situation financière mentionnée par AC______ dans son courriel du 21 juillet 2020 intitulé "Tax Analysis" ainsi que les "détails des accountants" qui avaient rédigé cette analyse, la copie des diverses taxations fiscales, les détails sur les fonds, la provenance des fonds et les véhicules qui avaient servi à payer ses factures depuis le 1er juillet 2020, en particulier le Trust AM______ mentionné par AC______ dans son courriel du 17 juin 2020, ainsi que tous les relevés de comptes associés aux paiements effectués et le(s) nom(s) des personnes qui gérai(en)t tout le volet fiscal et financier.

Sa demande visait également à obtenir les informations en lien avec (2) les services d'immigration, en particulier sa demande de visa américain, et (3) tous ses dossiers médicaux et factures de tous les prestataires – passés et présents – ainsi que la liste de toutes les assurances maladies avec le détail des primes, notamment sa police d'assurance maladie, l'identité des personnes de contact auprès des différentes assurances, son historique médical et les échanges avec le Dr M______ ("concierge doctor") ainsi qu'avec tous ses autres médecins.

Elle souhaitait également récupérer les documents en lien (4) avec ses actifs et les propriétés qu'elle possédait légalement ou dont elle en était la bénéficiaire (seule ou conjointement avec des tiers), y compris tout passif associé à chacun de ces actifs ainsi que toute information relative aux biens immobiliers détenus ou loués pour elle, tels que les propriétés ______, N. 3______ 4______ Place (ainsi que le Flat 5______, 1______th 2______ Avenue, G______ [code postal], [États-Unis], N. 6______ 7______ Court, 8______ Road, E______ [code postal], [Royaume-Uni], et le Flat 9______, N. 10______ 11______ Square, E______ [code postal], [Royaume-Uni]), où elle résidait ou avait résidé.

Elle réclamait également (5) ses passeports et cartes d'identité (anciens et nouveaux), ainsi que (6) les informations que la société détenait concernant les employés qui avaient travaillé pour son compte (par exemple, les rédacteurs, les conseillers en relations publiques, le personnel de maison, etc.), les contrats et les accords de résiliation du personnel de maison, y compris les informations concernant la sélection d'agents littéraires et autres documents sur lesquels AP______ (employée au sein du cabinet F______ LLP) avait travaillé.

A______ souhaitait également récupérer (7) les contrats et les coordonnées du "personnel extérieur et/ou des fournisseurs tiers" (actuels et passés) qui avaient été engagés par B______ SA pour l'aider à gérer ses affaires. Sous ce point, elle sollicitait notamment de la société qu'elle lui fournisse les détails sur les biens immobiliers et mobiliers détenus par le Trust AM______, dont elle était la bénéficiaire.

Enfin, elle souhaitait également obtenir (8) les informations en lien avec ses voyages, notamment l'historique de ses voyages et de ses coûts ainsi que les coordonnées des personnes qui géraient cet aspect, ainsi que toutes ses polices d'assurances, y compris "les assurances médicales, biens (contenu du foyer – [pour] toutes les résidences), bijoux, autres (responsabilité civile, etc.)" ainsi que les coordonnées des personnes qui géraient ces assurances (nom de la compagnie et personne de contact).

c. Par courrier du 6 août 2021, B______ SA a rappelé à A______ que l'intégralité de la documentation en sa possession lui avait déjà été transmise.

Elle avait toutefois pu trouver, sur la base des courriels déjà communiqués, le nom des correspondants qui pourraient lui transmettre davantage d'informations.

S'agissant des informations fiscales, elle a transmis les coordonnées de AF______ pour son dossier américain, et de AG______ pour son dossier britannique (1).

S'agissant des données en lien avec les services d'immigration, B______ SA a affirmé avoir transmis tous les documents en sa possession. A______ était priée de contacter les cabinets sus indiqués pour davantage d'informations à ce sujet (2).

B______ SA ignorait les coordonnées des médecins que consultait A______. Cette dernière pouvait toutefois trouver de telles "indications" sur les factures annexées aux courriels communiqués. La société ne détenait aucune autre information à ce sujet. Elle a fourni, pour le surplus, les coordonnées de AQ______, de la société J______ LTD, pour ce qui était des assurances médicales en Grande-Bretagne (3).

S'agissant des données en lien avec ses actifs et propriétés, B______ SA a indiqué avoir déjà transmis l'information qu'elle avait pu obtenir pour l'aider, soit celle concernant la propriété de AO______ (4).

Une copie de son passeport lui avait déjà été transmise (5).

A______ devait s'informer auprès du cabinet F______ LLP s'agissant de ses employés et agents littéraires (6).

B______ SA n'avait pas d'autres informations que celles déjà transmises s'agissant du "personnel extérieur et/ou des fournisseurs tiers". A______ devait contacter AE______, de la société W______ (G______ [États-Unis]) pour plus d'informations (7).

Quant aux voyages, ils étaient organisés par l'agence Y______ SA (Genève), en particulier par AR______, dont les coordonnées étaient fournies (8).

Pour le surplus, A______ avait "semble-t-il" eu de nombreuses assistantes, lesquelles pouvaient certainement lui apporter "une lumière complémentaire sur le dossier".

d.   Par courrier du 3 septembre 2021, A______ a persisté à solliciter de B______ SA qu'elle lui transmette toutes les données la concernant, estimant que la société ne lui avait pas communiqués tous les documents qu'elle détenait. Elle a formellement, "et une dernière fois", mis en demeure B______ SA de lui fournir toutes les données la concernant et en particulier la copie de l'analyse financière mentionnée dans le courriel du 21 juillet 2021 ainsi que la copie de toutes les déclarations fiscales définitives déposées en Grande-Bretagne et leurs annexes dans un délai fixé au 7 septembre 2021. Elle a souligné l'urgence à obtenir ces documents au vu du délai imposé par l'autorité fiscale compétente, se réservant le droit de réclamer tout dommage résultant d'un refus ou d'un retard dans la production des documents requis.

En cas de refus, A______ poursuivrait la procédure initiée (cf. supra let. a).

e.  Le 15 septembre 2021, B______ SA a contesté la teneur du courrier précité.

A______ sollicitait que l'analyse fiscale qui figurerait dans un courriel de AC______ du 21 juillet 2021 lui soit transmise. Or, une telle analyse avait bien été requise par AC______, mais en 2020. Cela étant, compte tenu des informations que A______ avait transmises, il avait été conclu "par le correspondant US" qu'il n'y avait aucun revenu ni actif financier à faire figurer dans ses déclarations fiscales. Aucun rapport ni mémorandum n'avait été établi à cet égard, malgré la demande de AC______.

Toutes les déclarations définitives déposées en Grande-Bretagne étaient par ailleurs en mains de D______ LLP, à E______ [Royaume-Uni].

f.     Le 21 septembre 2021, A______ a indiqué à B______ SA que si le courrier du 3 septembre 2021 précisait deux demandes en particulier, elle entendait toutefois obtenir l'ensemble des documents identifiés dans son courrier du 30 juillet 2021.

g.    Le 28 septembre 2021, A______ a indiqué qu'une action en reddition de comptes serait introduite en parallèle de la procédure en droit d'accès déjà en cours.

Une autorisation de procéder a été délivrée à A______ le 2 février 2022, suite à l'échec de conciliation. A______ n'a toutefois pas porté l'action devant le Tribunal.

h.   Le 1er décembre 2021, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a notamment allégué qu'aucun fichier ni base de données n'avait été créé s'agissant de A______, de sorte qu'elle avait dû solliciter l'aide de ses informaticiens pour récupérer tous les courriels disponibles sur son serveur en lien avec la précitée. Elle a également allégué ne pas avoir compris "le sens et l'utilité de [l]a démarche" de A______ (allégué n. 28), et que "l'acharnement" de celle-ci, respectivement de ses conseils, était "incompréhensible" puisque l'ensemble des pièces retrouvées lui avait été remise (allégué 34). Ses allégués 36 à 44, classés sous le titre "des demandes abusives de Mme A______", contiennent notamment l'allégation suivante : "(…) la démarche de cette dernière était purement chicanière et que le harcèlement dont elle faisait preuve s'apparentait à une tentative de contrainte". B______ SA a également souligné qu'il ressortait de l'exposé des faits et des courriels produits que A______ était en contact direct avec les tiers qu'elle prétendait ne pas connaître.

Elle a également soutenu, dans son préambule et dans la partie en droit de sa réponse, qu'un litige concernant un trust de sa défunte mère opposait A______ à sa sœur. La précitée ayant reçu une importante partie du trust de sa mère, AA______ avait ordonné à B______ SA de ne plus payer ses factures.

B______ SA avait communiqué à A______ l'ensemble des données (courriels et annexes) la concernant qu'elle avait retrouvé. Celle-ci n'avait pas exposé – et encore moins démontré – qu'elle disposait encore d'informations ou de documents qui ne lui auraient pas déjà été transmis. La demande d'accès était ainsi sans objet.

La demande était par ailleurs abusive et chicanière. Le comportement de A______ attestait de ce que sa demande visait à obtenir des informations auxquelles elle n'avait pas droit, notamment concernant son père. Elle n'avait indiqué aucun motif à l'appui de sa demande et il ressortait des dernières informations requises qu'elle était à la recherche de documents qui lui permettraient d'agir contre son père ou des proches, étant précisé que AA______ et sa fille ne se parlaient plus et que cette dernière était de surcroît en litige avec sa sœur par devant les tribunaux américains.

i.      Lors de l'audience du 13 janvier 2021, A______ a persisté dans les termes de sa demande.

Le Tribunal a par la suite procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition de témoins. Leurs déclarations ont été intégrées à l'état de fait ci-dessus dans la mesure utile à la solution du litige.

j.     Lors de l'audience du 8 décembre 2022, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.


 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale (art. 308 al.1 let. a CPC), rendue dans le cadre d'un litige concernant le droit d'accès à des données personnelles (art. 8 LPD), soit une affaire de nature non pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_406/2014 du 12 janvier 2015 consid. 2.1 non publié in ATF 141 III 119).

Déposé en temps utile et selon la forme prescrite (art. 130, 131, 145 al. 1 let. a et 311 CPC), il est recevable.

La réponse à l'appel ainsi que toutes les écritures des parties qui ont suivi, déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet ou encore dans un délai de réplique spontanée raisonnable et avant que la cause ne soit gardée à juger, sont recevables (art. 312 et 316 al. 2 CPC; ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1).

1.2 L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5).

La procédure simplifiée est applicable (art. 15 al. 4 LPD et 243 al. 2 let. d CPC).

1.3 Dans le cadre d’un litige portant sur le droit d’accès, le juge établit les faits d’office (art. 247 al. 2 CPC).

La maxime inquisitoire simple (ou sociale) n’oblige pas le juge à instruire d’office le litige lorsqu’un plaideur renonce à expliquer sa position. En revanche, elle le contraint à interroger les parties et à les informer de leur devoir de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves (ATF 139 III 13 consid. 3.2). Toutefois, lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (ATF 141 III 569 consid. 2.3).

Il n’est par ailleurs pas interdit au tribunal de fonder sa décision sur des faits qui n’ont certes pas été allégués par les parties, mais dont le tribunal a eu connaissance en cours de procédure. Ces faits peuvent par exemple résulter des moyens de preuves offerts. Le plaideur, qui peut se déterminer sur ces faits, doit s’attendre à ce que le tribunal les trouve en consultant le dossier et à ce qu’il puisse fonder sa décision sur eux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.2 et 5.2.2).

2. La compétence ratione loci des juridictions genevoises (art. 15 al. 4 LPD, 129 et 130 al. 3 LDIP, 2 CL et 20 let. d CPC) et l'application du droit suisse (art. 139 al. 1 et 3 LDIP) ne sont à juste titre pas litigieuses.

3. L'appelante a formulé un certain nombre de griefs à l'égard de l'état de fait rédigé par le Tribunal. Les éléments de faits pertinents ont été intégrés ci-dessus dans la mesure utile pour la solution du litige.

Certaines des critiques formulées par l'appelante, invoquées sous l'angle de la constatation inexacte des faits, portent sur l'appréciation des preuves et l'appréciation juridique des faits, notamment sur la question du but poursuivi par l'appelante. Celles-ci seront examinées ci-dessous.

4. Le Tribunal a retenu que la demande de l'appelante était abusive car elle n'était pas motivée par le souci de vérifier si le traitement de ses données était licite au sens de la LPD, si lesdites données étaient exactes ou encore si sa personnalité avait été lésée par le traitement mais par d'autres buts non protégés par la LPD. L'appelante avait motivé sa demande par le but de "reprendre en mains la gestion de ses affaires financières". Elle voulait en outre obtenir des informations financières en lien avec son père et sa sœur avec qui elle était en litige, comme celles relatives au Trust AM______ dont elle n'était plus bénéficiaire ou à des comptes bancaires dont elle n'était pas titulaire. Cette conclusion était renforcée par le contenu, respectivement l'ampleur de sa requête. A cela s'ajoutait que l'appelante n'avait pas fourni d'indices sérieux que l'intimée n'avait pas produit tous les documents disponibles. La documentation produite permettait en effet de constater que l'appelante était en copie de tous les échanges de courriels la concernant ou qu'elle en était l'expéditrice ou la destinataire. L'appelante était donc en possession de l'ensemble de ses données personnelles traitées par la société. Il ressortait en outre des témoignages recueillis que l'intimée ne disposait pas d'un fichier informatique spécifique pour l'appelante, les seuls fichiers établis par l'intimée étant les budgets mensuels remis à celle-ci. Les autres éléments traités par l'intimée l'avaient été en qualité de simple intermédiaire entre les tiers offrant une prestation à l'appelante et cette dernière.

L’appelante reproche au Tribunal d’avoir tenu compte de faits que l’intimée n’avait jamais allégué ni prouvé pour conclure à un abus de droit, notamment s’agissant du litige qui l’opposait à sa famille. Sa requête n’était pas abusive puisqu’elle visait à déterminer quelles données la concernant étaient en possession de l’intimée, respectivement avaient été traitées par celle-ci. Le Tribunal aurait dû l'amener à compléter ses allégations à ce sujet et à clarifier ses objectifs. Elle était en droit d'obtenir l’accès à des données concernant le Trust AM______ puisqu’elle en avait été la bénéficiaire. Quant à l’éventuelle possession des documents dont elle réclamait l’accès, celle-ci n’était pas pertinente pour statuer sur le caractère abusif de sa demande, de même que l’éventuel statut d’intermédiaire de l’intimée.

Il incombait à sa partie adverse de prouver qu'elle lui avait remis toutes les informations. Elle avait apporté suffisamment d'éléments permettant de retenir que tel n'était pas le cas. Il résultait des pièces du dossier que de nombreux documents ne lui avaient pas été communiqués.

4.1 La loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (RS 235.1; ci-après : LPD) vise à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l’objet d’un traitement de données (art. 1 LPD). En conformité de ce but, le droit d’accès selon l’art. 8 LPD sert en premier lieu à la protection de la personnalité. Il permet à la personne concernée de contrôler les données traitées figurant dans le fichier d’un tiers, afin de concrétiser dans la réalité le respect des principes du droit de la protection des données, comme la collecte des données par des procédés licites et conformes à la bonne foi, l’exactitude des données et leur traitement conforme au principe de la proportionnalité (ATF 138 III 425 consid. 5.3 in SJ 2013 I p. 81ss).

Le 1er septembre 2023, la loi fédérale sur la protection des données du 25 septembre 2020 est entrée en vigueur. A teneur de son article 70, la nouvelle loi ne s'applique pas aux recours pendants contre les décisions de première instance rendues avant son entrée en vigueur. Dans ces affaires, c'est l'ancien droit qui s'applique. C'est donc à la loi fédérale du 19 juin 1992 qu'il sera fait référence ci-dessous.

4.1.1 En vertu de l'art. 8 LPD, toute personne peut demander au maître d'un fichier si des données la concernant sont traitées (al. 1). Le maître du fichier doit lui communiquer toutes les données la concernant qui sont contenues dans le fichier, y compris les informations disponibles sur l'origine des données (al. 2 let. a) ainsi que le but et éventuellement la base juridique du traitement, les catégories de données personnelles traitées, de participants au fichier et de destinataires des données (al. 2 let. b).

Ce droit d’accès vise à faire valoir le respect de la personnalité. Il donne la possibilité à la personne dont les données sont traitées de vérifier si le traitement est conforme aux principes juridiques applicables (arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 du 18 novembre 2020 consid. 5.2).

Le droit d’accès (art. 8 LPD) ne porte pas sur toutes les données personnelles, mais uniquement, d’une part, sur les données – encore existantes - qui se trouvent dans un fichier et, d’autre part, sur les informations disponibles sur l’origine des données (ATF 147 III 139 consid. 3.1 et 3.2).

La condition de données personnelles suppose que le débiteur du droit d’accès transmette toutes les données personnelles, soit toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable. Cela exclut en revanche les données concernant des tiers. Il appartient ainsi au débiteur du droit d’accès de s’organiser et de prendre les mesures de sécurité nécessaires (trier les données, caviarder les noms ou d’autres données) pour éviter que le requérant n’ait accès aux données de tiers (en particulier les données de tiers couvertes par le secret de fonction ou professionnel), faute de quoi il risque de porter atteinte à la personnalité de tiers (Benhamou, Mise en œuvre judiciaire du droit d’accès LPD – aspects procéduraux choisis, in: Métille (éd.), Le droit d'accès, 2021, p. 81 s.)

Contrairement à la règle classique en matière de fardeau de la preuve (art. 8 CC), il appartient au responsable de traitement de prouver qu’il a répondu de manière correcte et complète à une demande d’accès fondée sur l’art. 8 LPD (ATF
147 III 139 consid. 3.1.1; 1C_59/2015 du 17 septembre 2015 consid. 3.2). Cela étant, vu qu’il s’agit d’un fait négatif, le requérant doit collaborer selon les règles de la bonne foi en donnant des indices de l’existence des données recherchées (ATF 147 III 139 consid. 3.1.2; ATF 119 II 305 consid. 1).

4.1.2 Selon l'art. 9 LPD, le maître du fichier peut refuser ou restreindre la communication des renseignements demandés, voire en différer l'octroi, dans la mesure où une loi au sens formel le prévoit ou si les intérêts prépondérants d'un tiers l'exigent.

La preuve de l’existence d’un intérêt prépondérant à restreindre le droit d’accès incombe au maître du fichier (ATF 141 III 119 consid. 7.2, SJ 2015 I 353 et les références citées).

L’exercice du droit d’accès peut également être limité par l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC), en particulier lorsque le droit d’accès est utilisé dans un but étranger à la protection des données. Le fardeau de la preuve des circonstances permettant de conclure à l'abus de droit incombe à celui qui l'invoque (ATF
138 III 425 consid. 5.2, SJ 2013 I 81 et les références citées).

4.1.3 En règle générale, l’exercice du droit d'accès selon l'art. 8 LPD - donc la remise écrite d'information – ne dépend pas de la preuve d’un intérêt. Toutefois, lorsque le maître du fichier se prévaut d’un intérêt pour restreindre, refuser ou reporter l’octroi de l’accès, une pesée des intérêts devient nécessaire. Le requérant doit alors établir, d’une part, qu’il a un intérêt à demander accès aux renseignements visés et, d’autre part, que son intérêt l’emporte sur les intérêts invoqués par le maître du fichier (Rouiller/Epiney, Le droit d'accès, 2021, p. 8).

La prise en compte de l'intérêt du titulaire du droit d'accès joue également un rôle lorsqu'un abus de droit entre en considération (ATF 141 III 119 consid. 7.1.1, SJ 2015 I 353; ATF 138 III 425 consid. 5.4, SJ 2013 I 81; arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 3.1). Dans un tel cas, le requérant devra exposer son intérêt à accéder à ses données et démontrer ainsi que sa requête n’est pas abusive (Rouiller/Epiney, op. cit., p. 13).

L'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) doit être reconnue lorsque l'exercice du droit par le titulaire ne répond à aucun intérêt digne de protection, qu'il est purement chicanier ou, lorsque, dans les circonstances dans lesquelles il est exercé, le droit est mis au service d'intérêts qui ne correspondent pas à ceux que la règle est destinée à protéger, par exemple lorsque le droit d'accès n'est utilisé que pour nuire au débiteur de ce droit. Il faudrait aussi considérer comme contraire à son but et donc abusive l'utilisation du droit d'accès dans le but exclusif d'espionner une (future) partie adverse et de se procurer des preuves normalement inaccessibles, l’art. 8 LPD ne visant pas à faciliter l’obtention de preuves ou à interférer dans le droit de procédure civile. Ce serait ainsi le cas d'une requête qui ne constitue qu'un prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (« fishing expedition ») (ATF 141 III 119 consid. 7.1, SJ 2015 I 353; ATF 138 III 425 consid. 5.4-5.6 et 6.4, SJ 2013 I 81; ATF 147 III 139 consid. 1.7.2).

Dans les ATF 138 III 425 et 141 III 119, le Tribunal fédéral a nié l'existence d'un abus de droit, car un intérêt à pouvoir vérifier les données concernant le titulaire du droit d’accès, respectivement leur traitement par le maître du fichier, était reconnaissable. Plus récemment, le Tribunal fédéral a encore circonscrit la portée du droit d’accès sous l’angle de la loi sur la protection des données (cf. ATF 147 III 139 et arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 du 18 novembre 2020). Si la demande tendant à obtenir des données en vue d’une éventuelle action judiciaire contre le maître du fichier n’est pas constitutive d’un abus de droit, elle l’est en revanche lorsqu’elle vise exclusivement à en évaluer les chances de succès (ATF 138 III 425 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 du 18 novembre 2020 consid. 5.4).

Ainsi, le Tribunal fédéral a admis le caractère abusif d’une demande d’accès dont le seul et réel but était de récolter des preuves en vue d’une éventuelle procédure. Le contenu (respectivement l’ampleur) de la demande en était d’ailleurs la preuve. En outre, les demandeurs n’alléguaient pas vouloir vérifier le respect des principes du traitement des données les concernant ou leur exactitude dans le but de faire valoir des prétentions fondées sur la LPD (arrêt du Tribunal fédéral 4A_277/2020 précité).

Il s’agit d’évaluer les circonstances de chaque cas d’espèce pour déterminer si un abus de droit doit être retenu (ATF 138 III 425 consid. 4.3).

4.2.1 En l'espèce, l'appelante a réclamé l'accès à tous les documents et informations la concernant à l'intimée, qui s'est exécutée en lui fournissant un premier lot de documents le 23 avril 2021, puis plus de 6'000 courriels le 21 mai 2021.

L'intimée a en outre pris le soin de fournir à l'appelante les coordonnées des personnes qui pourraient la renseigner sur les questions la concernant personnellement comme son assurance maladie, ses factures médicales ou sa taxation américaine. L'intimée allègue n'avoir pas d'autre donnée concernant l'appelante dans ses fichiers informatiques.

Compte tenu du fait que l'intimée avait, avant l'introduction de la procédure, déféré en grande partie à la demande de l'intimé et qu'elle se prévalait du caractère abusif de celle-ci, le Tribunal a considéré à juste titre qu'il incombait à celle-ci de fournir des indices sérieux du fait qu'elle n'avait pas satisfait à ses obligations au sens de la LPD.

L'examen des griefs formulés par l'appelante devant la Cour au sujet des données prétendument manquantes permet de retenir que l'intimée a satisfait à ses obligations légales.

En effet, la plupart des documents que l'appelante prétend ne pas avoir reçus de l'intimée se trouvent bien enregistrés sur le fichier ZIP et/ou la clé USB remise, en tant que pièces-jointes des courriels. Il en va ainsi des récapitulatifs mensuels de dépenses (dont l'appelante avait d'ailleurs gardé une copie, qu'elle a produite à l'appui de sa requête en droit d'accès), de l'accord de prolongation de bail transmis par courriel du 16 octobre 2011 de l'un de ses assistants personnels, du contrat de bail transmis par AE______ le 20 septembre 2019 et des factures du psychologue N______, transmises le 23 avril 2021.

L'intimée a expliqué de manière convaincante qu'elle ne pouvait pas fournir à l'appelante une copie des relevés de dépenses hebdomadaires la concernant car ces relevés concernaient des informations bancaires relatives à AA______ qui ne devaient pas être communiquées à l'appelante. En outre, le contenu de ces relevés hebdomadaires était identique à celui des relevés mensuels transmis à l'appelante, sous réserve du fait que les indications bancaires relatives à des tiers n'y figuraient pas. Le Tribunal a dès lors retenu à juste titre que l'appelante n'avait pas de droit d'accès à ces relevés.

Pour le reste, l'appelante n'apparaît pas crédible lorsqu'elle soutient ignorer tout de ce que traitait l’intimée la concernant, puisqu'elle a eu connaissance de tous les courriels produits et/communiqués par l'intimée, sur lesquels elle figure en tant qu'expéditrice ou destinataire (principale ou en copie). En particulier, alors que l’appelante prétendait le contraire devant le premier juge, l’instruction de la cause a permis d’établir que celle-ci savait pertinemment que son train de vie était financé par son père et qu’il y avait un budget à respecter, ce qu’elle ne conteste au demeurant plus. L’appelante savait également que des sociétés tierces se chargeaient de ses impôts, de ses demandes de visas, de ses polices d’assurances, de ses baux, de la gestion de son personnel, de ses voyages et savait qui étaient ces sociétés, ainsi que les personnes de contact au sein de ces sociétés pour avoir eu, régulièrement, des échanges avec celles-ci et les avoir mandatées.

A l’appui de son appel, l’appelante continue à soutenir qu’elle n’était pas parfaitement tenue informée par l’intimée des informations la concernant échangées dans le cadre de la conclusion d’assurances santé. Or, les courriels produits illustrent toutefois que des échanges avaient lieu entre cette dernière et l’appelante et/ou ses assistants personnels à ce sujet. Elle n’a par ailleurs pas contesté que l’intimée ne recevait pas systématiquement une copie des contrats d’assurance qu’elle pouvait conclure, de sorte que l’on voit mal comment celle-ci aurait pu lui transmettre des informations qui lui étaient inconnues. L’appelante apparaît ainsi être de mauvaise foi lorsqu’elle s’obstine à solliciter des documents qui ne sont pas en mains de l’intimée auprès de celle-ci, ce d’autant plus qu’elle sait que la société Z______ SA était chargée de la gestion de ses assurances.

Ce qui précède vaut également pour les informations relatives à sa situation fiscale, déposées auprès des autorités compétentes par des fiscalistes mandatés.

Quant à ce qui touche au personnel de l’appelante, si l’intimée a reconnu s’être parfois impliquée dans le processus d’engagement et de licenciement, il n’est pas contesté que l’appelante était directement en contact avec AF______ pour ce qui concernait ses employés aux Etats-Unis et avec AK______ pour ce qui concernait ses employés en Grande-Bretagne, mais également avec des agences de placement. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait que le représentant de l'intimée ait admis s'être occupé des fins de contrat d'employés mécontents ou maltraités ne signifie pas que la société se soit occupée d'adresser des avis de résiliation auxdits employés. Les déclarations de AB______ n'apparaissent dès lors pas en contradiction avec le fait qu'aucun contrat de travail ou de lettre de résiliation transmis par l'intimée ne figure dans le lot de documents communiqués, étant précisé que de tels fichiers ont en revanche été transmis aux parties par le cabinet F______ LLP (AF______) ou par AL______ notamment. Il résulte pour le surplus des courriels que c'est bien les sociétés précitées qui étaient chargées de la gestion du personnel et que l'appelante signait les documents nécessaires.

L’appelante persiste également à demander à l’intimée de lui communiquer les contrats de ses éditeurs, mais il ne ressort pas de la procédure que l'intimée serait encore en possession de ces documents, à supposer qu'elle l'ait été par le passé. En tout état de cause, l'appelante ne conteste pas que ces contrats étaient revus par les avocats du cabinet F______ LLP et signés par elle-même. Le fait que l’intimée ait admis s’être occupée de la négociation du contrat avec un "ghost writer" n’y change rien, l’appelante ayant elle-même confirmé au Tribunal avoir été tenue informée par AF______, ce qui confirme que c’est bien F______ LLP qui s’est chargé de cette affaire, et non l’intimée.

En lien avec l’analyse financière mentionnée dans un courriel du 21 juillet 2020, l’intimée a indiqué à plusieurs reprises à l'appelante ne pas avoir reçu de document de la part des comptables, ce qui a été confirmé par le témoin AC______. Contrairement à ce que l’appelante prétend, il ne peut être déduit le contraire ni de la teneur du courriel en question, ni des déclarations du représentant de l'intimée.

L'appelante soutient pour la première fois devant la Cour que, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, l’intimée aurait géré un compte bancaire pour elle, soit celui de la société A______ LLC. Ces allégations nouvelles sont irrecevables. En tout état de cause, le courriel du 15 juin 2009 de AB______ invoqué par l'appelante ne permet pas d'établir la réalité desdites allégations, lesquelles sont contestées par l'intimée.

Le fait que certaines factures établies par les sociétés tierces mandatées par l'appelante, comme Y______ SA, D______ LLP ou F______, ne semblent figurer dans aucun des courriels et documents enregistrées dans le fichier ZIP transmis le 23 avril 2021 ou dans le périphérique de stockage USB transmis le 21 mai 2021 n'est pas déterminant. Il est tout à fait crédible que l'intimée n'ait plus ces documents dans ses fichiers, à supposer qu'ils s'y soient trouvés par le passé. En tout état de cause, il résulte du courriel de AC______ du 21 novembre 2019 que l'assistant personnel de l'appelante pouvait fournir à celle-ci toutes ses factures (reçues, envoyées, payées et en attente). L'appelante a donc en ses mains tous les documents dont elle réclame l'accès et est en mesure de vérifier le traitement fait par l'intimée.

L'appelante réclame encore la transmission de données relatives au Trust AM______, dont elle a été bénéficiaire pendant une certaine période, dont la durée ne ressort pas du dossier, et celles en lien avec un compte B______ duquel un montant aurait été transféré à C______ LLP, ainsi qu'avec des discussions qui seraient intervenues entre son père et l'avocat de celui-ci.

Or, aucun élément figurant à la procédure ne permet de retenir que l'intimée a traité des données de l'appelante en lien avec le trust susmentionné, ni que des telles données auraient été transmises à des tiers, comme l'allègue l'appelante. L'appelante ne rend pas non plus vraisemblable être la titulaire ou la bénéficiaire du compte B______ susmentionné, au sujet duquel aucune indication ne figure au dossier, de sorte qu'elle n'a pas droit à la fourniture d'information sur cet objet. Aucun indice concret ne permet de penser que l'intimée disposerait de données impliquant l'appelante dans le cadre de discussions intervenues entre AA______ et l'avocat de celui-ci, discussions sur lesquelles l'appelante n'a au demeurant fourni aucune précision.

4.2.2 En tout état de cause, et comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, la demande de l'appelante visant à l'obtention d'informations autres que celles qui lui ont déjà été fournies se heurte à l'interdiction de l'abus de droit.

Contrairement à ce que prétend l'appelante, l'intimée a bien invoqué en temps utile le caractère abusif de sa démarche.

S'il est vrai que les allégations concernant les litiges qu’opposerait l'appelante à sa famille figurent dans la partie en droit de la réponse de l'intimée et n'ont pas fait l'objet d'un allégué en fait séparé, l'intimée a en revanche valablement soutenu - en fait et en droit - considérer abusive la demande faite par l'appelante car chicanière, en s'appuyant sur les nombreux échanges entre les parties et sur le contenu des demandes formulées par l'appelante. A cela s'ajoute que dans une procédure de droit d’accès, il n'est pas interdit au tribunal de fonder sa décision sur des faits qui n'ont pas été allégués par les parties mais dont il a eu connaissance durant la procédure. Partant, c'est à tort que l'appelante reproche au premier juge d'avoir tenu compte de la position de l'intimée telle qu'elle ressortait de la partie en droit de son écriture.

L'appelante n'a pas motivé devant le Tribunal sa requête par le souci de vérifier si le traitement de ses données était licite au sens de la LPD, si lesdites données étaient exactes ou encore si sa personnalité avait été lésée par le traitement et elle ne prétend pas l'avoir fait.

Sa demande de "reprendre en mains la gestion de ses affaires financières" fait suite à la survenance du litige avec son père et sa sœur et s'inscrit dans le cadre de celui-ci. La chronologie des faits, les explications de l'appelante et l'ampleur des informations supplémentaires constamment requises par l'appelante au fil du temps permettent de retenir, comme l'a fait le Tribunal, que la démarche de celle-ci vise en réalité exclusivement à obtenir des informations concernant le Trust AM______ dont elle n'est pas bénéficiaire et la situation financière de son père. Un tel but est étranger aux intérêts protégés par la LPD.

L'on rappellera que les données concernant des tiers ne doivent pas être fournies. En sa qualité de maître de fichier, l’intimée pouvait, voire devait, lorsque, comme ici, des données sur lesquelles porte la demande d’accès sont intimement liées à des données personnelles de tiers, refuser ou restreindre la communication de données si des intérêts prépondérants de tiers l’exigent (art. 9 al. 1 let. b LPD ; ATF
141 III 119 consid. 6.2).

A cela s'ajoute que, pour circonscrire les obligations de l'intimée au sens de la LPD, il faut tenir compte du fait que le seul fichier proprement dit concernant l'appelante qui ait été tenu par l'intimée concernait les récapitulatifs de ses dépenses, données qui ont été transmises à l'appelante. L'intimée a essentiellement joué un rôle d'intermédiaire en transmettant à l'appelante et à des tiers impliqués des factures et autres documents nécessaires pour assurer son train de vie. L'appelante a eu connaissance en temps et en heures de la quasi-totalité des informations concernés et elle ne justifie pas d'un intérêt légitime au sens de la LPD pour obtenir d'autres informations ou documents que ceux dont elle dispose déjà.

Le Tribunal n’avait, contrairement à ce que soutient l'appelante, pas l’obligation de l’interpeler de manière plus approfondie que ce qu'il ne l'a fait sur la question de son intérêt à accéder aux données litigieuses. La position de l'appelante, représentée par un avocat, était suffisamment exposée dans les nombreux courriers échangés avec l’intimée et dans sa requête.

Par ailleurs, l’appelante ne saurait être suivie lorsqu’elle reproche à l'intimée de ne pas avoir introduit en procédure tous les courriels enregistrés sur la clé USB par des allégués séparés. Cela aurait conduit celle-ci à déposer une écriture comprenant plus de 6'000 allégués en fait sans que ces éléments ne soient déterminants pour la solution du litige.

Il résulte ainsi des considérants qui précèdent que la demande de l'appelante ne tend pas à vérifier le respect des principes du traitement des données la concernant dans le but de faire valoir des prétentions fondées sur la LPD. Sa requête poursuit d'autres buts, étrangers à cette loi.

C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a retenu qu'elle commettait un abus de droit, ce qui justifiait le rejet de sa requête.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

5. Les frais judiciaires d’appel seront arrêtés à 6'000 fr. (art. 5, 18 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l’avance en 3'500 fr. versée par cette dernière, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera condamnée à verser le solde en 2'500 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Elle sera en outre condamnée à verser à l’intimée des dépens d’appel de 6'000 fr., débours et TVA compris (art. 84, 86 et 90 RTFMC ; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 avril 2023 par A______ contre le jugement JTPI/2664/2023 rendu le 28 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10298/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 6'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l’avance versée par cette dernière, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 2'500 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire au titre des frais judiciaires d’appel.

Condamne A______ à verser à B______ SA 6'000 fr. à titre de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.