Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/25918/2022

ACJC/1292/2023 du 28.09.2023 sur JTPI/5325/2023 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.176.al1.ch1; CC.176.al1.ch2; CPC.311.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25918/2022 ACJC/1292/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 28 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 mai 2023,

et

Madame B______, domiciliée ______[GE], intimée, représentée par
Me Aurélie GAVILLET, avocate, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5325/2023 du 8 mai 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal et le mobilier le garnissant, jusqu'à la vente effective de la villa, ordonné à A______ de quitter le domicile conjugal dans un délai de quatre semaines dès le prononcé du jugement, autorisant au besoin B______ à recourir à la force publique pour obtenir l'exécution de cette mesure (ch. 2), condamné A______ à verser à B______, par mois et d’avance, une somme de 5'500 fr. au titre de contribution à son entretien à compter du 1er janvier 2023 (ch. 3), prononcé la séparation de biens des parties (ch. 4), prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 500 fr. et les a mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7), condamné en tant que de besoin les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B. a. Par acte déposé le 26 mai 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______, agissant en personne, a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 16 mai 2023. Il a conclu à être autorisé à résider dans la villa conjugale jusqu'à la vente de cette dernière, à ce que B______ soit déboutée de toute contribution à son entretien et à ce que cette dernière soit condamnée à lui rembourser "une compensation pour travail non effectué" depuis septembre 2015, de 5'500 fr. par mois, sous suite frais judiciaires, les dépens pouvant être compensés.

Il a produit des pièces nouvelles, soit son résumé personnel de l'audience qui s'est tenue devant le Tribunal le 31 janvier 2023 (pièce 2), un extrait du Registre du commerce de la société C______ SA (pièce 3), un contrat de travail daté du 11 novembre 2010 (pièce 4), un bulletin de salaire daté du 15 décembre 2021 (pièce 5) et un extrait de son compte bancaire D______ (IBAN 1______) pour la période du 1er janvier 2021 au 28 avril 2023 (pièce 6).

b. Dans sa réponse du 3 juillet 2023, B______ a conclu à la confirmation du jugement, les frais judiciaires devant être partagés par moitié entre les parties et les dépens compensés. Elle a préalablement conclu à l'irrecevabilité des pièces 2 à 4 déposées par A______ à l'appui de son appel.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit un courriel daté du 28 juin 2023 (pièce 7), un formulaire de stage daté du 4 avril 2023 (pièce 8), une directive de [la Haute école] E______ (pièce 9), un pli de E______ du 2 juin 2023 (pièce 10) et un courriel du 2 juillet 2023 (pièce 11).

c. Par avis du 26 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1967, et B______, née le ______ 1970, tous deux de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 1997 à F______ (Genève).

Ils sont les parents de quatre enfants, aujourd'hui majeurs, soit G______, né le ______ 1999, H______, née le ______ 2000, I______, née le ______ 2002, et J______, né le ______ 2003.

b. Les parties, bien que séparées depuis quelques années, logent encore sous le même toit, soit une villa qu'ils détiennent en copropriété.

En raison du non-paiement des intérêts hypothécaires en lien avec ce domicile, la banque créancière du prêt a dénoncé le contrat, conclu au seul nom de l'époux, et requis la vente de l'immeuble. Les autres charges du ménage ont également cessé d'être acquittées depuis plusieurs mois.

c. Le 29 décembre 2022, B______ a sollicité du Tribunal le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale.

Elle a conclu à être autorisée à vivre séparée de son époux, à l'attribution de la jouissance exclusive du domicile conjugal, avec injonction à l'époux de le quitter sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à ce que A______ soit condamné à lui verser une contribution à son entretien, qu'elle a chiffrée en dernier lieu à 5'500 fr. par mois, à compter du dépôt de la requête, ainsi qu'au prononcé de la séparation de biens. Elle a préalablement conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser une provisio ad litem de 8'000 fr.

d. Lors de l'audience du 31 janvier 2023 du Tribunal, A______, agissant en personne, a déclaré que la maison était grande et que les parties avaient des accès séparés, de sorte qu'ils pouvaient vivre séparément dans celle-ci.

Il a indiqué travailler dans le domaine du conseil en fusion et acquisition. Il avait eu un revenu annuel de l'ordre de 400'000 fr. jusqu'en 2018 mais sa situation financière s'était détériorée en 2019 et sa société, la K______, avait fait faillite en 2020, ayant perdu son seul client. Il avait eu une activité temporaire en 2020-2021. Depuis 2022, il n'avait plus de revenu et n'avait pas droit au chômage car il était propriétaire et actionnaire de sa société. Son épouse avait accès à l'ensemble de ses revenus.

Il a fait valoir que son épouse, qui n'avait jamais travaillé, "devait chercher du travail" dès que les trois enfants étaient entrés à l'école L______ mais que cela n'avait "pas abouti".

B______ a indiqué vouloir se lancer dans une activité en lien avec l'horticulture. Elle avait hérité d'une place de marché le samedi matin de son beau-père, qu'elle avait assisté dans son travail l'année précédente contre un revenu d'environ 8'000 fr. pour l'année. Depuis le 1er janvier 2023, elle exerçait seule cette activité, ce qui pourrait lui rapporter, selon son estimation, environ 2'000 fr. par mois sur neuf mois, l'activité cessant les mois d'hiver.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai de 10 jours à A______ pour produire les pièces relatives à sa situation financière, étant relevé que B______ avait sollicité la production des comptes pertes et profits des sociétés dont A______ était actionnaire, soit M______, N______ SA et O______ SA.

e. A______ ne s'étant pas exécuté dans le délai imparti, un délai supplémentaire échéant au 7 mars 2023 lui a été octroyé d'office par le Tribunal par ordonnance du 23 février 2023.

f. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 14 mars 2023, A______ n'était ni présent, ni représenté.

B______ a notamment exposé que son époux allait et venait dans la maison, occupant une chambre au sous-sol, car il n'avait pas de partie séparée ni d'accès indépendant au logement.

A l'issue de l'audience, B______ a persisté dans ses conclusions et le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que la cohabitation des parties au sein du domicile conjugal était difficile. Aucune des parties ne pouvait se prévaloir de l'intérêt de leurs enfants à demeurer dans celui-ci, dès lors que ceux-ci étaient majeurs; il n'apparaissait pas que la maison ait été aménagée spécialement pour les besoins de l'un ou de l'autre des époux et aucun d'eux n'y développait d'activité professionnelle. Par ailleurs, aucun des époux n'avait rendu vraisemblable avoir un lien affectif particulier avec le domicile conjugal. Enfin, les deux parties se trouvaient dans une situation financière précaire, A______ faisant l'objet de plusieurs poursuites, lesquelles entachaient assurément ses dossiers de candidature et atténuaient ses chances d'être admis en qualité de locataire ou même de sous-locataire. Toutefois, contrairement à son épouse, A______ disposait, au vu de ses activités commerciales, d'un important réseau professionnel et amical à Genève, pouvant l'aider à se reloger plus facilement.

Les revenus de A______ s'étaient élevés à près de 33'000 fr. nets par mois pendant de nombreuses années et ils avaient permis à celui-ci d'assurer à l'épouse, qui ne travaillait pas, un train de vie très confortable durant la vie commune. En 2021, les revenus mensuels nets de A______, tels que déclarés et retenus par l'administration fiscale, s'élevaient encore à 10'397 fr. 50. Celui-ci n'avait fourni aucune pièce démontrant la péjoration de sa situation financière, se contentant d'affirmer que les résultats économiques de ses sociétés étaient en baisse ou que celles-ci n'étaient plus en activité. Certes, A______ avait accumulé des dettes en Suisse et il faisait l'objet de nombreuses poursuites. Toutefois, son manque de collaboration, cumulé à ses voyages répétés à travers le monde ont conduit le Tribunal a retenir qu'il avait contribué à faire régner une complète opacité sur sa situation financière, ce qui constituait des indices en faveur de l'existence de ressources cachées, l'existence de poursuites pouvant résulter d'un manque de suivi de la gestion administrative, plutôt que d'un défaut de liquidités. Statuant sous l'angle de la vraisemblance, le Tribunal a retenu que A______ disposait à tout le moins d'un revenu de 10'000 fr. par mois, pour des charges mensuelles, admises par son épouse, de 3'324 fr. 50 (1'200 fr. d'entretien de base selon le minimum vital OP, 1'500 fr. de loyer estimé, 379 fr. 50 de prime d'assurance-maladie, 200 fr. de frais de transport, essence et assurance voiture et 45 fr. d'impôts estimés), de sorte qu'il était en mesure de verser une contribution à l'entretien de B______ de 5'500 fr. par mois, cette dernière ayant allégué des charges pour 4'150 fr. par mois. Ce montant était dû à compter du dépôt de la requête, arrêté au 1er janvier 2023 par simplification, dès lors que les charges du ménage n'avaient pas été acquittées pendant la durée de la procédure.

E. a. A______ exerce son activité dans le domaine du conseil en fusions et acquisitions.

Entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021, il a perçu un salaire mensuel net moyen de 11'060 fr. ((85'100 fr. + 136'088 fr.) / 20 mois) de la part de la société M______ SA, dont il est l'administrateur unique avec signature individuelle.

Par ailleurs, il est actionnaire de 30 actions N______ SA, dont il est administrateur secrétaire avec signature collective à deux, et de 49 actions de O______ SA, dont il est l'administrateur unique avec signature individuelle.

Dans sa déclaration d'impôts 2020, A______ a fait figurer deux comptes bancaires, un auprès de D______ (IBAN 2______) présentant un solde de 14'489 fr. et un second auprès de P______ (IBAN 3______) présentant un solde de 961 fr. Dans sa déclaration d'impôts 2021, il a déclaré que ces mêmes comptes présentaient des soldes respectifs de 575 fr. et 292 fr. au 31 décembre 2021.

Dans ses déclarations 2020 et 2021, il n'a pas fait figurer son actionnariat dans la société M______ SA, ni son compte IBAN 1______ ouvert auprès de D______, dont il a produit un extrait pour la période de janvier 2021 à avril 2023.

Depuis le mois de mars 2023, A______ n'a utilisé ce dernier compte (IBAN 1______) que pour l'achat de ses billets TPG et trois modestes achats alimentaires de l'ordre de 14 fr. Il a versé une somme totale de 110 fr. sur ce compte et a payé 30 fr. à M______ SA, le 26 avril 2023.

A______ fait l'objet de nombreuses poursuites, y compris pour les dettes hypothécaires, totalisant 2'738'534 fr. fin 2022.

Il se déplace souvent à l'étranger (Asie et Europe), selon ses dires, afin de finaliser des projets et de lever des fonds pour des investissements à venir.

b. Avant le mariage, B______ a travaillé comme couturière et vendeuse en textile.

Il n'est pas contesté que pendant le mariage, elle s'est consacrée à la tenue du ménage et aux quatre enfants du couple.

En septembre 2023, B______ a débuté un bachelor en architecture du paysage. Pour accéder à cette formation, elle a effectué un stage de quelques semaines auprès de la commune de Q______ [GE].

Parallèlement, elle vend les fleurs de la roseraie du domicile familial au marché de R______ [GE].

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur la contribution à l'entretien de l'épouse et sur l'attribution du domicile conjugal, soit une affaire de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2022 du 31 août 2022 consid. 1) dont la valeur litigieuse requise est atteinte, compte tenu de la capitalisation des montants litigieux selon l'art. 92 al. 2 CPC.

1.2.1 L’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue par l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne suffit pas que l'appelant renvoie simplement à ses arguments exposés devant le premier juge ou qu'il critique la décision attaquée de manière générale (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_779/2021, 5A_787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 4.3.1 et les références citées); il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. La motivation est une condition légale de recevabilité de l'appel, qui doit être examinée d'office. Ainsi, notamment, lorsque la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée, ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_779/2021, 5A_787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 4.3.1; 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5 et 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3).

1.2.2 En l'espèce, même s'il n'y a pas conclu formellement, on comprend que le recourant, agissant en personne, sollicite l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement querellé.

Interjeté dans le délai utile de dix jours dès la notification du jugement (art. 142 al. 1, art. 143 al. 1, art. 271 lit. a et art. 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable à cet égard.

Si l'appelant a suffisamment motivé son appel s'agissant du principe du versement d'une contribution à l'entretien de l'intimée, il n'a en revanche pas critiqué le jugement s'agissant de l'attribution de la jouissance exclusive du domicile conjugal. En effet, il s'est borné à alléguer, sans s'attacher à démontrer le caractère erroné du jugement, d'une part, que le logement était suffisamment grand pour que les deux parties puissent y résider jusqu'à la vente de la villa, et d'autre part, que l'intimée n'aidait pas à la vente de la villa, "refusant de venir signer" quand un acquéreur se présentait. Il n'a, en revanche, pas contesté le jugement en tant qu'il a retenu que la cohabitation au sein du domicile conjugal était difficile, de sorte qu'il se justifiait d'attribuer le logement à l'un des époux, ni fait valoir que le Tribunal aurait procédé à une pesée des intérêts erronée en attribuant la jouissance du domicile conjugal à son épouse. Il n'a notamment pas contesté qu'il lui serait plus aisé qu'à l'intimée de retrouver un logement. En outre, même dans l'hypothèse, non prouvée, où l'intimée s'opposerait à la vente de la maison, cette opposition ne constituerait pas un élément pertinent pour ne pas lui en attribuer la jouissance. En conséquence, insuffisamment motivée, la conclusion de l'appelant relative à l'attribution de la jouissance du domicile conjugal en sa faveur sera déclarée irrecevable. En tout état, les arguments retenus par le premier juge pour attribuer le domicile conjugal à l'intimée ne prêtent pas le flanc à la critique, étant encore précisé que le juge des mesures protectrices ne peut qu'attribuer à l'un ou l'autre des époux la jouissance du domicile conjugal mais pas, comme semble le souhaiter l'appelant, les autoriser à demeurer ensemble au domicile conjugal (art. 175 et 176 al. 1 ch. 2 CC).

Formé dans le délai prescrit par la loi, le mémoire de réponse déposé par l'intimée est recevable (art. 314 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.5 En tant qu'elle porte sur la question de la contribution à l'entretien de l'épouse et sur l'attribution du domicile conjugal en l'absence d'enfants mineurs, la cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC), de sorte que le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_751/2019 du 25 février 2020 consid. 5.1).

2. Les parties ont déposé des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance, ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC), la condition de nouveauté posée par l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1).

S’agissant des faux nova, à savoir les faits et moyens de preuve qui existaient déjà lors de la fixation de l’objet du litige devant la première instance, il incombe au plaideur qui désire les invoquer devant l’instance d’appel de démontrer qu’il a fait preuve de la diligence requise, si bien qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas les avoir invoqués ou produits devant la première instance. La partie qui se prévaut d’avoir usé de la diligence requise doit exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve ou le fait nouveau n’a pas été porté plus tôt à la procédure, étant rappelé – s’agissant des faux nova – qu’il incombe, en première instance, à chaque plaideur d’exposer l’état de fait de manière soigneuse et complète ainsi que de faire état de tous les moyens de preuve propres à établir les faits pertinents (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 8 ad art. 317 CPC et les références citées).

Les inscriptions au Registre du commerce constituent des faits notoires (ATF 143 IV 380 consid. 1.2), qui ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC) et qui peuvent, selon la jurisprudence, être pris en considération d'office (ATF 137 III 623 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).

2.2 En l'espèce, l'extrait du Registre du commerce produit par l'appelant constitue un fait notoire au sens de la jurisprudence précitée, de sorte qu'il est recevable. Les autres pièces produites par l'appelant sont irrecevables, à l'exception de l'extrait de son compte bancaire pour la période postérieure au 14 mars 2023, dès lors qu'elles se rapportent à des faits antérieurs à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger et que l'appelant n'indique pas les raisons pour lesquelles ces pièces n'ont pas été produites devant le premier juge, étant encore précisé que le résumé de l'audience élaboré par l'appelant ne constitue pas une pièce mais une extension de son écriture.

Les pièces produites par l'intimée sont recevables en tant qu'elles se rapportent à des faits postérieurs à la date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger.

3. Pour la première fois en appel, l'appelant conclut à ce que l'intimée soit condamnée à lui rembourser "une compensation pour son travail non effectué".

3.1 Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande.

3.2 En l'espèce, la conclusion nouvelle de l'appelant ne repose ni sur des faits ni sur des moyens de preuve nouveaux, raison pour laquelle elle doit être déclarée irrecevable.

4. L'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné à verser une contribution à l'entretien de l'intimée, en invoquant un manque de coopération de sa part dans l'établissement de sa situation financière. Il fait également valoir que l'intimée réalise des revenus lui permettant de contribuer à son entretien.

4.1.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe, sur requête, la contribution d'entretien à verser à un époux si la suspension de la vie commune est fondée.

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due au conjoint selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux.

Tant que l'union conjugale n'est pas dissoute, les époux conservent, même après leur séparation, un droit égal de conserver leur train de vie antérieur, en application des art. 163 et 164 CC. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les conjoints ont droit à un train de vie semblable. Le train de vie mené jusqu'à la cessation de la vie commune constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (ATF 147 III 293 consid. 4.4; arrêts du Tribunal 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_409/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.5.1 et les références citées).

Dans tous les cas le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4;
128 III 411 consid. 3.2.2).

4.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF
147 III 265, in SJ 2021 I 316; ATF 147 III 293 et ATF 147 III 301).

Selon cette méthode, on examine les ressources – en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel – et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

4.2.1 En l'espèce, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il avait fait preuve d'opacité sur ses revenus. Il fait valoir qu'il ne savait pas quels documents il devait fournir, que certains bilans n'étaient pas encore disponibles et qu'il voyageait "pour le travail" à la date à laquelle il devait les produire, le temps imparti pour préparer sa défense ayant été trop court.

Ce grief est infondé. Il résulte clairement du procès-verbal de l'audience du 31 janvier 2023 que les documents réclamés consistaient à tout le moins dans les comptes pertes et profits des sociétés dont l'appelant est administrateur et actionnaire. En outre, compte tenu de la prolongation accordée par le Tribunal, l'appelant a bénéficié d'un délai suffisant d'un mois et demi pour réunir ces documents, qu'il devait déjà détenir. Enfin, s'il est possible que les comptes des sociétés pour l'année 2022 n'aient pas encore été établis en mars 2023, l'appelant aurait pu à tout le moins produire ceux-ci pour l'année 2021 et les documents pertinents pour l'année 2022. L'appelant n'a d'ailleurs pas produit les comptes des sociétés en appel, alors qu'il a bénéficié de plusieurs mois supplémentaires pour les établir. C'est donc à juste titre que le Tribunal a considéré que l'appelant n'avait pas coopéré à établir quelle était sa situation financière, étant relevé que ce dernier ne s'est pas impliqué dans la procédure, ne se présentant même pas lors des plaidoiries finales. Pour le surplus, l'appelant ne fait que reprendre son allégué de première instance, à savoir qu'il est actuellement sans revenu, sans en apporter la preuve. Il sera relevé que le fait qu'aucun salaire n'est versé sur le compte [auprès de] D______, dont l'appelant a produit un extrait, ne rend pas vraisemblable l'absence de revenu, dès lors qu'il dispose d'autres comptes bancaires, à tout le moins ceux qu'il a fait figurer dans ses déclarations fiscales, qu'il n'a pas documentés et sur lesquels pourraient être versés ses gains. Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être reproché au Tribunal d'avoir considéré comme vraisemblable que l'appelant continue de réaliser un revenu correspondant au salaire qu'il percevait encore en décembre 2021, soit 10'000 fr. nets par mois.

4.2.2 L'appelant fait valoir, par ailleurs, que l'intimée tirerait un revenu de 5'500 fr. par mois de son activité auprès de la commune de Q______, au marché de R______ et de ses "autres activités professionnelles".

Il s'avère que l'activité de l'intimée auprès de la commune de Q______ a consisté dans un stage, dont on ignore s'il a été rémunéré, qui était une condition préalable à son inscription à [la Haute école] E______. Il ne s'agissait donc pas d'un emploi mais d'une formation temporaire.

En outre, l'activité développée par l'intimée au marché de R______ ne peut être qu'accessoire dès lors qu'elle n'est exercée qu'une matinée par semaine environ et neuf mois par année. Il est, en outre, vraisemblable que l'intimée ne pourra jamais vivre de cette activité accessoire. L'intimée a récemment entrepris une formation en architecture du paysage. Dans la mesure où cela fait plus de vingt ans qu'elle est restée éloignée du marché du travail et qu'elle est actuellement âgée de 53 ans, il n'est pas inéquitable de lui laisser poursuivre les trois années nécessaires à sa formation afin qu'elle puisse retrouver son indépendance financière, étant relevé que l'appelant n'a pas contesté le jugement en tant qu'il retient que les conditions ne sont pas réunies pour qu'un revenu hypothétique puisse être imputé à l'intimée.

Pour le surplus, l'appelant n'a pas précisé quelles autres activités professionnelles l'intimée exercerait ou pourrait exercer.

4.3 L'appelant ne formulant pas de grief à l'encontre des calculs opérés par le Tribunal pour établir le montant de la contribution à l'entretien de l'intimée, le chiffre 3 du dispositif du jugement sera confirmé.

5. Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 1'000 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC ; art. 31 et 37 RTFMC), et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al.1 CPC). Ils seront compensés à due concurrence avec l'avance de frais de 2'000 fr. fournie par l'appelant, le solde de cette avance lui étant restitué.

Le litige relevant du droit de la famille, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 26 mai 2023 par A______ contre le jugement JTPI/5325/2023 rendu le 8 mai 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25918/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie par ce dernier, qui reste, à due concurrence, acquise à l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer la somme de 1'000 fr. à A______.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.