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Décisions | Chambre civile

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C/11655/2020

ACJC/1207/2023 du 19.09.2023 sur JTPI/5437/2023 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.176
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11655/2020 ACJC/1207/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 19 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, ______, appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 mai 2023, comparant par Me Daniela LINHARES, avocate, MALBUISSON Avocats, Galerie Jean-Malbuisson 15, case postale 1648, 1211 Genève 1, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate, SANT'ANA LIMA AVOCATS SA, rue de Lausanne 69, 1202 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1977, de nationalité portugaise, et C______, née le ______ 1968, de nationalité brésilienne, se sont mariés le ______ 2017 à D______ (Portugal).

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. Les époux vivent séparés depuis le mois d'avril 2020. C______ est restée vivre au domicile conjugal, tandis que A______ s'est constitué un nouveau domicile.

c. Le 25 juin 2020, A______ a requis du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale concluant notamment à ce qu'il soit dit qu'il ne devait aucune contribution à l'entretien de son épouse. Il a allégué que cette dernière faisait des heures de ménage de manière non déclarée auprès de plusieurs personnes à Genève. Il ignorait quel était son revenu mais l'estimait à 3'000 fr. par mois.

d. Le premier juge ayant opté pour une procédure orale, C______ s'est limitée à déposer des conclusions non motivées le 16 octobre 2020, sollicitant notamment la condamnation de son époux à lui verser une contribution à son entretien de 1'500 fr. par mois et d'avance, sous réserve d'amplification.

e. Lors de l'audience du 30 octobre 2020 du Tribunal, C______ a déclaré travailler depuis environ cinq mois pour l'entreprise E______ SA en qualité de femme de ménage dans les deux établissements publics de cette société, six jours par semaine entre 17h30 et 22h. Auparavant, elle effectuait des heures de ménage non déclarés auprès de particuliers, soit deux heures les lundis et cinq heures les mercredis, chez des personnes qui l'avaient employée pendant quatre ans environ, et cinq heures une semaine sur deux chez une troisième personne qui l'avait employée un an et demi. Son tarif horaire était de 25 fr. de l'heure. Elle avait perdu ces emplois en raison de la pandémie, puis avait entamé son activité pour E______ SA.

Elle a indiqué que du temps de la vie commune, A______ payait le loyer et elle-même payait l'électricité et la nourriture pour le couple. Chacun s'acquittait de ses primes d'assurance-maladie et de ses factures téléphoniques.

A l'issue de l'audience, les parties ont persistés dans leurs conclusions respectives, A______ invitant le Tribunal à retenir un revenu hypothétique de 4'000 fr. par mois pour C______, et le Tribunal a gardé la cause à juger.

f. Par jugement JTPI/15461/2020 du 11 décembre 2020, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné A______ à verser à C______, la somme de 420 fr. par mois et d'avance, avec effet au mois de novembre 2020 (ch. 3 du dispositif du jugement), statué sur les frais judiciaires (ch. 5) et les dépens (ch. 6).

Le Tribunal a notamment retenu que l'épouse percevait une rémunération mensuelle nette de l'ordre de 2'000 fr. depuis le mois de juin 2020 et qu'il n'y avait pas lieu de lui imputer un revenu hypothétique supérieur dès lors qu'aucun élément au dossier ne permettait de conclure qu'elle serait aisément en mesure d'augmenter ses revenus.

g. Les deux parties ont appelé de ce jugement.

Dans son mémoire d'appel du 26 décembre 2020, A______ a notamment reproché au Tribunal de s'être uniquement fondé sur les dires de son épouse pour retenir qu'elle ne faisait plus les heures de ménage chez les particuliers, alors qu'aucun élément au dossier ne permettait de retenir qu'elle n'y travaillait plus.

h. Par arrêt ACJC/776/2021 du 15 juin 2021, la Cour a annulé les chiffres 3, 5 et 6 du dispositif du jugement précité et renvoyé la cause au Tribunal afin qu'il statue à nouveau, dans le sens des considérants, et rende une nouvelle décision.

La Cour a retenu, en substance, que le premier juge avait violé le droit d'être entendu des parties dès lors que le jugement n'indiquait pas clairement les faits qui étaient établis et les déductions qui étaient tirées de l'état de fait déterminant. Il ne se référait à aucune norme légale, ni à aucune jurisprudence ou doctrine s'agissant des points litigieux plaidés par les parties. Le jugement n'indiquait notamment pas les raisons qui avaient conduit le premier juge à considérer qu'il ne serait pas aisé pour l'épouse d'augmenter son temps de travail.

i. Par jugement JTPI/11683/2021 du 20 septembre 2021, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné A______ à verser à C______, la somme de 785 fr. par mois et d'avance, avec effet au mois de novembre 2020 (ch. 3), statué sur les frais judiciaires (ch. 5) et les dépens (ch. 6).

Le Tribunal a retenu que les revenus de C______, arrêtés à 1'850 fr. 10, ne couvraient pas ses charges, arrêtées à 2'634 fr. 95. Compte tenu du fait qu'elle avait augmenté son temps de travail depuis la séparation et indiqué être à la recherche d'heures de travail complémentaires, il ne pouvait pas lui être imputé un revenu hypothétique, a fortiori avec effet rétroactif au mois de novembre 2020, faute pour elle d'être en mesure d'augmenter immédiatement son temps de travail.

j. A______ a fait appel de cette décision, reprochant notamment au Tribunal de ne pas avoir instruit le dossier, de ne pas avoir pris en compte les revenus des heures de ménage que ferait son épouse auprès de particuliers, cette dernière n'ayant produit aucune lettre de licenciement, de ne pas avoir pris en compte le salaire minimum genevois entré en vigueur le 1er janvier 2021, d'avoir entamé son propre minimum vital et enfin d'avoir refusé d'imputer un revenu hypothétique à son épouse.

k. Par arrêt ACJC/1195/2022 du 13 septembre 2022, la Cour a annulé les chiffres 3, 5 et 6 du dispositif du jugement du 20 septembre 2021 et renvoyé la cause au Tribunal afin qu'il statue à nouveau, après avoir instruit dans le sens des considérants, et rende une nouvelle décision.

La Cour a retenu que le raisonnement du Tribunal, aboutissant à la conclusion qu'aucun revenu hypothétique ne pouvait être imputé à C______ car elle n'était pas en mesure d'augmenter immédiatement son temps de travail, était incomplet car il n'avait pas formellement procédé à l'examen en deux étapes consacré par la jurisprudence. La Cour a donc renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il procède à cet examen en deux étapes, après audition des parties.

l. Le 15 septembre 2021, A______ a informé le Tribunal que son divorce d'avec C______ avait été prononcé par les tribunaux portugais.

m. Lors de l'audience du 13 janvier 2023 du Tribunal, C______ a confirmé avoir été informée de l'introduction de la procédure de divorce et s'être vue notifier le jugement. Bien qu'invitée à participer à cette procédure, elle ne s'y était pas faite représenter.

A______ a déclaré vivre depuis le 16 octobre 2021 avec son amie, qui ne travaillait pas pour des raisons de santé et qui n'était aidée ni par les assurances sociales ni par l'Hospice général. Celle-ci avait une fille mineure, pour laquelle elle ne percevait pas de contribution d'entretien.

C______ a indiqué que son activité auprès de E______ SA s'était terminée en août 2021. Elle avait perdu son emploi à la suite d'une dépression, en lien avec la séparation, qui avait nuit à son travail. Depuis le mois de septembre 2021, elle percevait des indemnités de l'assurance-chômage ainsi qu'une rémunération pour son activité auprès de [l'entreprise] F______. Elle a indiqué procéder à des recherches d'emploi dans le cadre du chômage.

A l'issue de l'audience, A______ a conclu à ce qu'aucune contribution d'entretien ne soit fixée en faveur de C______, motif pris qu'un revenu hypothétique devait lui être imputé. Subsidiairement, il a conclu à ce que la contribution d'entretien prenne fin au 3 décembre 2021.

C______ a conclu à ce qu'une contribution à son entretien de 1'000 fr. par mois lui soit versée dès le 20 mai 2020 jusqu'à la reconnaissance en Suisse du jugement de divorce portugais.

Sur quoi, le Tribunal a fixé un délai aux parties pour se déterminer sur la question de la date d'entrée en force du jugement de divorce rendu au Portugal et ses effets.

n. Dans ses déterminations du 20 février 2023, A______ a persisté dans ses conclusions faisant valoir qu'un revenu hypothétique devait être imputé à son épouse depuis la séparation dès lors que le mariage était de courte durée et qu'il n'avait pas eu d'impact sur la vie de celle-ci. Elle avait toujours travaillé durant le mariage tant chez des particuliers que dans des entreprises et pouvait travailler à plein temps.

o. Dans ses déterminations du 21 février 2023, C______ a conclu à ce que la contribution à son entretien lui soit versée "pour la période comprise entre le 25 juin 2020, date du dépôt de la requête, à présent" dès lors que le jugement de divorce portugais n'avait pas encore été transcrit dans les registre de l'Etat civil suisse.

B. Par jugement JTPI/5437/2023 du 8 mai 2023, le Tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a constaté que les parties vivaient séparées depuis le mois d'avril 2020 (ch. 1 du dispositif), attribué à C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 2), condamné A______ à verser à C______ une somme totale de 20'000 fr. à titre de contribution à son entretien entre les mois de novembre 2020 et juin 2022 (ch. 3), prononcé la séparation de biens des parties (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 600 fr. et les a répartis à raison de la moitié à la charge de chacune des parties (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Le Tribunal a notamment retenu que le jugement de divorce prononcé au Portugal était reconnaissable en Suisse de sorte qu'il devait être statué, sur mesures protectrices de l'union conjugale, sur la contribution d'entretien en faveur de l'épouse entre novembre 2020, soit le mois qui a suivi directement le dépôt des conclusions de C______, laquelle n'avait pas réclamé d'effet rétroactif, et juin 2022, soit le mois précédent directement l'entrée en force du prononcé du divorce.

Il résultait des déclarations de C______, non contestées par son époux, qu'elle effectuait des heures de ménage pendant la vie commune au sein de trois foyers, pour une rémunération mensuelle non précisée, mais nécessairement inférieure à celle qu'elle percevait de E______ SA compte tenu des horaires et du tarif horaire alors pratiqués. Depuis la séparation, C______ avait tout d'abord augmenté son temps de travail avant d'être licenciée. Il ne pouvait être question de lui imputer un revenu hypothétique complémentaire dans ces circonstances, a fortiori sans lui donner de délai pour trouver ou retrouver un emploi. Un tel délai ne pouvait ici lui être prescrit, puisque le droit à une contribution d'entretien avait cessé depuis plusieurs mois. "Sur la base des informations partielles" dont il avait bénéficié, le Tribunal a considéré que C______ avait réalisé, sur la période pertinente, un revenu mensuel moyen de l'ordre de 1'520 fr., en tenant compte de son salaire, hors indemnités vacances pour le mois de juillet 2021 (1'475 fr.), ses indemnités journalières (3'380 fr. entre le 1er août et le 30 septembre 2021) et ses indemnités chômage (1'300 fr. par mois entre octobre 2021 et juin 2022, hors impôts à la source). Son budget mensuel avait été déficitaire à hauteur de 1'180 fr. environ, puisque ses charges mensuelles pouvaient être arrêtées à 2'704 fr. 95, à savoir 1'200 fr. d'entretien de base selon les normes OP, 970 fr. de loyer, 464 fr. 95 de prime d'assurance-maladie de base et 70 fr. de frais de transport.

A______ avait réalisé un revenu net de quelque 5'400 fr. et ses charges mensuelles étaient d'environ 4'400 fr. par mois, soit 1'200 fr. d'entretien de base selon les normes OP, 2'580 fr. de loyer, dès lors que sa concubine sans emploi ne participait pas aux charges du foyer, 568 fr. 65 de prime d'assurance-maladie de base et 70 fr. de frais de transports. Vu la situation financière des parties, le Tribunal n'a pas tenu compte de son assurance-maladie complémentaire, de ses impôts ou de ses dettes. Son solde disponible, fixé à 1'000 fr. par mois, pouvait ainsi être alloué à C______ entre novembre 2020 et juin 2022, ceci pour un montant total de 20'000 fr.

C. a. Par acte déposé le 22 mai 2023 à la Cour, A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 11 mai 2023. Il a conclu à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif et, cela fait à ce qu'il soit dit qu'il ne doit aucune contribution à l'entretien de C______, sous suite de frais judiciaires d'appel, les dépens pouvant être compensés.

Il a préalablement requis l'octroi de l'effet suspensif à l'appel.

b. Par arrêt du 7 juin 2023, la Cour admis la requête formée par A______ et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans sa réponse du 12 juin 2023, C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, sous suite de frais judiciaires et dépens de première instance et d'appel.

d. Dans sa réplique du 26 juin 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

e. C______ n'ayant pas fait usage de son droit à la duplique, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 12 juillet 2023.

D. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______ a été engagée dès le 9 mai 2020 par la société E______ SA pour une activité de 16 heures par semaine, soit un taux d'activité de 43%, comme femme de ménage.

A teneur des fiches de salaire et des relevés bancaires produits, elle a perçu un revenu net, treizième salaire compris, de 1'328 fr. 75 en mai 2020, 2'008 fr. 35 en juin 2020, 2'095 fr. 05 en juillet 2020, 1'856 fr. 15 en août 2020, 1'998 fr. 25 en septembre 2020, 1'606 fr. en juin 2021 et 2'071 fr. 30 en juillet 2021, y compris le paiement de droit aux vacances.

C______ a été empêchée de travailler pour cause de maladie, soit une dépression, du 28 mars au 30 septembre 2021. E______ SA a résilié son contrat de travail pour le 31 juillet 2021.

b. En juin et juillet 2020, le loyer de 970 fr. de C______ a été acquitté par G______, ce qui résulte des extraits bancaires fournis par cette dernière.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur la contribution due à l'entretien de l'épouse, soit une question de nature patrimoniale, qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, conduit à une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours dès la notification du jugement (art. 142 al. 1, art. 143 al. 1, art. 271 lit. a et art. 314 al. 1 CPC), suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Sont également recevables la réponse de l'intimée (art. 314 al. 1 CPC) ainsi que, conformément au droit inconditionnel de réplique, la détermination spontanée de l'appelant déposée postérieurement en tant qu'il se prononce sur la réponse de l'intimée (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1) et que la cause n'avait pas encore été gardée à juger.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus
(ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.4 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

Quand le droit de procédure cantonale se contente de vraisemblance pour les faits allégués, l'art. 8 CC n'est pas directement applicable, seuls pouvant être remis en cause l'appréciation des preuves et l'établissement des faits (ATF 118 II 376 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_622/2020 du 25 novembre 2021 consid. 3.2.1).

1.5 En tant qu'elle porte sur la question de la contribution à l'entretien de l'épouse, la cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC), de sorte que le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_751/2019 du 25 février 2020 consid. 5.1).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir mal établi le montant des revenus de l'intimée et d'avoir ainsi considéré que celle-ci était en droit de prétendre à une contribution d'entretien.

2.1.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par un époux à l'autre.

Le principe et le montant de la contribution d'entretien se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux (ATF 121 I 97 consid. 3b; 118 II 376 consid. 20b; 115 II 424 consid. 3). Tant que l'union conjugale n'est pas dissoute, les époux conservent, même après leur séparation, un droit égal de conserver leur train de vie antérieur, en application des art. 163 et 164 CC. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les conjoints ont droit à un train de vie semblable. Le train de vie mené jusqu'à la cessation de la vie commune constitue la limite supérieure du droit à l'entretien
(ATF 147 III 293 consid. 4.4; arrêts du Tribunal 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_409/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.5.1 et les références citées).

Dans tous les cas le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4;
128 III 411 consid. 3.2.2).

2.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes
(ATF 147 III 265, in SJ 2021 I 316; ATF 147 III 293 et ATF 147 III 301).

Selon cette méthode, on examine les ressources – en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel – et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

2.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_712/2021 du 23 mai 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Si le juge entend exiger d'un conjoint la reprise d'une activité lucrative, lui imposant ainsi un changement de ses conditions de vie, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 129 III 417 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_484/2020 du 16 février 2021 consid. 5.1). Toutefois, lorsque le débirentier diminue son revenu de manière "malveillante", soit qu'il le diminue volontairement alors qu'il savait, ou devait savoir, qu'il lui incombait d'assumer des obligations d'entretien, il n'est pas arbitraire de lui imputer le revenu qu'il gagnait précédemment, ce avec effet rétroactif au jour de la diminution (ATF 143 III 233 consid. 3 traduit à la
SJ 2018 I 89; arrêt du Tribunal fédéral 5A_553/2020 du 16 février 2021 consid. 5.2.1 et les nombreux arrêts cités).

2.1.4 Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (RS/GE E 3 60.04), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles soit les frais de logement, la prime d'assurance-maladie de base, les frais de transports et les frais de repas pris à l'extérieur (ATF 147 III 265 consid. 7.2). La charge fiscale du débirentier ne doit en principe pas être prise en compte dans le calcul de son minimum vital selon le droit des poursuites (ATF 147 III 265 consid. 7.2). Ce principe ne saurait toutefois valoir lorsque celui-ci est imposé à la source, dès lors que le montant de cet impôt est déduit de son salaire sans qu'il puisse s'y opposer (ATF 90 III 34; arrêts du Tribunal fédéral 5A_592/2011 du 31 janvier 2012 consid. 4.2; 5A_352/2010 du 29 octobre 2010 consid. 5.3).

2.2.1 En l'espèce, les revenus de l'appelant et les charges des parties telles qu'arrêtés par le Tribunal ne sont pas remis en cause en appel. C'est d'ailleurs à juste titre que, compte tenu de la situation financière modeste des parties, le premier juge a arrêté leurs charges selon le minimum vital du droit des poursuites.

Seuls les revenus de l'intimée, pour la période non contestée en appel de novembre 2020 à juin 2022, doivent être déterminés.

2.2.2 L'appelant reproche tout d'abord au premier juge d'avoir violé le fardeau de la preuve en retenant que l'intimée avait cessé de travailler pour des particuliers avant de commencer à travailler chez E______ SA puisqu'il avait contesté ce fait et que l'intimée n'avait pas prouvé avoir été licenciée. Il devait donc être retenu que l'intimée avait poursuivi son activité chez des particuliers.

Contrairement à ce qu'il fait valoir, l'appelant n'a pas articulé cet argument devant le premier juge mais exclusivement dans ses deux premières écritures d'appel et il ne prétend pas l'avoir plaidé devant le Tribunal sans que cela n'ait été protocolé. Devant le Tribunal, l'appelant s'est limité à plaider l'imputation d'un revenu avec effet rétroactif pour l'intimée. La question de savoir si l'appelant a suffisamment contesté la cessation d'activité de l'intimée auprès de particuliers devant la première autorité peut toutefois rester ouverte pour les raisons qui suivent.

Dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale seule la vraisemblance doit être apportée, de sorte que le fait que l'intimée n'ait pas strictement prouvé son licenciement ne devait pas conduire, sans autre, le juge a retenir que l'intimée n'avait pas été licenciée. Tout d'abord, il ne peut être reproché à l'intimée de ne pas avoir produit de lettre de licenciement puis qu'il est admis qu'elle travaillait chez des particuliers sans être déclarée; contrairement à son emploi chez E______ SA qui l'était et a fait l'objet d'un contrat de travail écrit, raison pour laquelle l'intimée a reçu une lettre de licenciement. En outre, la déclaration sous serment de l'intimée devant le Tribunal et le contexte dans lequel elle a expliqué avoir dû cesser son activité rendent vraisemblable la fin de ses emplois auprès de particuliers. De son côté, l'appelant n'a fourni aucun élément justifiant de s'écarter de cette vraisemblance. Le fait que le loyer de l'intimée ait été payé par un tiers en juin et juillet 2020 ne permet pas de retenir qu'il s'agirait d'un salaire déguisé. L'intimée a expliqué que, n'ayant pas le bulletin de versement pour le loyer compte tenu du départ de l'appelant, elle avait demandé à sa nièce d'effectuer le paiement pour elle, cette dernière disposant des coordonnées de la régie pour avoir déjà payé le loyer des parties par le passé. Cette explication est plausible, alors qu'il serait peu probable qu'un employeur non déclaré accepte de fournir des extraits de ses comptes bancaires à son employée afin qu'elle puisse prouver le paiement de son loyer. Compte tenu de ce qui précède, il est rendu vraisemblable que l'intimée ne travaillait plus auprès de particuliers lorsqu'elle a débuté son activité chez E______ SA.

2.2.3 L'appelant reproche au Tribunal d'avoir calculé le salaire de l'intimée sans les indemnités de vacances alors qu'elles font partie du salaire, de sorte que le revenu de celle-ci pour le mois de juillet 2021 aurait dû être retenu à hauteur de 2'071 fr. 30 nets et non de 1'475 fr. nets comme retenu par le premier juge. Même à retenir que la moyenne des salaires de l'intimée aurait ainsi été de 1'550 fr. et non pas de 1'520 fr. comme retenu par le Tribunal – une somme supplémentaire de 596 fr. (2'071 fr. – 1'475 fr.) en juillet 2021 répartie sur 20 mois correspondant à 30 fr. – le budget mensuel de l'intimée serait encore déficitaire de 1'152 fr. (1'553 fr. – 2'705 fr. de charges non contestées en appel).

A cela s'ajoute que c'est à tort que le premier juge a ajouté les déductions d'impôts à la source opérées par l'assurance-chômage aux indemnités-chômage de l'intimée dès lors que cette dernière ne pouvait s'opposer à ces prélèvements. En outre, rien ne permettait au premier juge de retenir que ces prélèvements seraient remboursés à l'intimée par la suite. Par conséquent, les revenus de l'intimée pendant sa période de chômage étaient inférieurs à ceux retenus par le premier juge, augmentant encore son déficit mensuel moyen.

Puisque le premier juge a fixé la contribution à l'entretien de l'intimée compte tenu du solde mensuel disponible de l'appelant, arrêté à 1'000 fr. par mois et non contesté en appel, la différence de revenu de l'intimée en lien avec les indemnités de vacances n'est pas décisive, puisque son déficit mensuel est en tout état supérieur à 1'000 fr. par mois pour la période concernée.

2.2.4 Enfin, dès lors qu'il a été rendu vraisemblable que l'intimée a perdu ses emplois auprès de particuliers en raison de la pandémie et celui auprès de E______ SA pour cause de maladie, il ne peut lui être reproché d'avoir volontairement diminué ses revenus, qui plus est dans le but de nuire à l'appelant. Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'aucun revenu hypothétique avec effet rétroactif ne devait être imputé à l'intimée pour la période concernée par les mesures protectrices prononcées, soit entre novembre 2020 et juin 2022.

2.3 Compte tenu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé par substitution de motifs.

3. Les frais judiciaires d'appel, comprenant les frais de la décision rendue sur effet suspensif, seront fixés à 1'000 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 96, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ce dernier plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Le litige relevant du droit de la famille, chaque partie supportera ses propres dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 mai 2023 par A______ contre le jugement JTPI/5437/2023 rendu le 8 mai 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11655/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 1'000 fr. et les met à la charge de A______.

Dit que les frais judiciaires seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l’art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.