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Décisions | Chambre civile

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C/2607/2021

ACJC/1189/2023 du 12.09.2023 sur JTPI/10544/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.62; CO.63.al1; CO.394.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2607/2021 ACJC/1189/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 SEPTEMBRE 2023

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 septembre 2022, comparant par Me Jean-Emmanuel ROSSEL, avocat, place Dufour 5, 1110 Morges, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

FONDATION B______, sise ______ [GE], intimée,

FONDATION C______, sise ______ [GE], autre intimée,

comparant toutes deux par Me Patrick MALEK-ASGHAR, avocat, Mentha Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elles font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10544/2022 rendu le 13 septembre 2022, notifié à A______ SA le surlendemain, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a condamné A______ SA à payer 32'983 fr. 12, avec intérêts à 5% dès le 19 octobre 2020, à la FONDATION C______ (chiffre 1 du dispositif), ainsi que 32'983 fr. 12, avec intérêts à 5% dès le 11 décembre 2020, à la FONDATION B______ (ci-après, ensemble, les Fondations ; ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 6'400 fr., compensés avec les avances versées par les parties et mis à la charge de A______ SA, condamné celle-ci à verser 3'200 fr. à chacune des Fondations, ordonné la restitution à chacune des parties du solde de ses avances (ch. 3), condamné A______ SA à verser 4'000 fr. à chacune des Fondations à titre de dépens (ch. 4 et 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 17 octobre 2022, A______ SA a formé appel de ce jugement et sollicité son annulation. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour déboute les Fondations de toutes leurs conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens d'appel.

b. Les Fondations, par un acte unique, ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. La Cour a informé les parties, par avis du 19 mai 2023, de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. La FONDATION C______ est une fondation dont le but est l'accueil et l'éducation ______, ______, d'enfants, d'adolescents et d'adultes ______.

D______ en est le directeur général et E______ le directeur financier.

b. La FONDATION B______ est une fondation dont le but est la création, l'acquisition et l'exploitation d'ateliers ______ dans un environnement protégé, ______, ______, ______, ______.

F______ en est le directeur général et G______ la directrice administrative et financière.

c. La FONDATION H______ est une fondation dont le but est, notamment, de favoriser la mise en œuvre de tout ce qui est nécessaire à l'épanouissement et à l'autonomie individuelle ______.

I______ en est l'une des directrices.

d. Ces trois fondations ont eu le projet d'exploiter en commun une blanchisserie au sein de l'espace J______ à K______ [GE] dans un bâtiment en construction.

Ce projet était financé par la FONDATION L______, par le biais de la FONDATION M______ qui était chargée de la mise en œuvre.

e. Les trois fondations ont mandaté la société A______ SA, société exploitant un cabinet de recherche et développement dans plusieurs domaines, afin de les assister dans ce projet.

Cette relation commerciale était gérée par N______, conseiller en entreprise, employé en tant que chargé d'affaires par A______ SA entre les mois de janvier 2020 et le 30 août 2021, bien que les négociations entre N______ et les trois fondations aient déjà débuté au mois de juillet 2019.

f. Les 14, 16 et 17 octobre 2019, la FONDATION C______, la FONDATION B______ et la FONDATION H______, d'une part, et A______ SA, d'autre part, ont conclu un contrat de mandat de gestion d'affaires (ci-après, le Contrat).

Le but du mandat était d'assister les trois fondations dans la mise en place de leur projet commun de blanchisserie et de trouver le modèle de gouvernance adapté.

Pour ce faire, l'exécution du mandat a été divisée en deux étapes : conception, puis réalisation, chacune étant elle-même divisée en deux phases. Il était ainsi prévu d'établir, pour la première étape de conception de l'objet, une première phase "ordre de la réalité à l'existant" et une seconde phase "ordre de la structure de la nouvelle entité", puis, dans une deuxième étape de réalisation de l'objet, une troisième phase de gouvernance et exercice du pouvoir, et une quatrième phase d'application et plan d'exécution (art. 4). Chaque fondation devait faire l'objet d'un examen propre par la mandataire.

Les parties admettent que le contrat prévoyait la rédaction d'un rapport unique par A______ SA.

Les honoraires ont été chiffrés par phase de la manière suivante (art. 6) :

-                 Phase 1 : 45'000 fr. HT pour 180 heures au taux horaire de 250 fr.

Durée estimée de 2 mois : 40 heures pour l'analyse des structures, 100 heures pour les interviews des collaborateurs et la gestion des données, 40 heures pour l'examen des résultats et les diagnostics.

Il est précisé qu'un entretien individuel d'une durée de 2 heures est prévu pour chacune des organisations avec un temps de gestion des données de 2 heures. Une estimation de 25 entretiens (DG, DF, DRH, industrie ou intendance, chef, architecte, fournisseur, M______) a été retenue.

-                 Phase 2 : 28'000 fr. HT pour 140 heures au taux horaire de 200 fr.

Durée estimée de 1,5 mois : 80 heures pour la création et la conception du modèle, 40 heures pour les interviews des collaborateurs et la gestion des données, et 20 heures pour l'examen du dossier technique.

-                 Phase 3 : 28'000 fr. HT pour 140 heures au taux horaire de 200 fr.

Durée estimée de 1,5 mois (hors validation cabinet d'avocat) : 80 heures pour la réalisation et l'exécution du contrat, 20 heures pour l'interview des collaborateurs et la gestion des données, et 40 heures pour l'examen du contrat.

-                 Phase 4 : 24'000 fr. HT pour 120 heures au taux horaire de 200 fr.

Durée estimée de 1,2 mois : 80 heures pour la création et la production, 20 heures pour l'interview des collaborateurs et la gestion des données, et 20 heures pour l'examen et la planification.

Le règlement des honoraires totaux, soit 125'000 fr. HT devait s'effectuer par virements selon les besoins de l'activité professionnelle décrite, sur présentation de factures d'acompte et de solde. Il a été convenu de procéder aux versements suivants : un acompte de 50%, soit 62'500 fr. HT, le 1er décembre 2019 pour le commencement de l'exécution des phases 1 et 2, un acompte de 30%, soit 37'500 fr. HT, le 15 mars 2020 pour le commencement des phases 3 et 4, et un acompte de 20%, soit 25'000 fr. HT, à la date de réception prévue le 15 juin 2020, ce paiement final valant livraison de la prestation commandée (art. 7).

Une élection de for à Genève et de droit suisse était prévue à l'article 10.

g. N______ a commencé son activité au mois de décembre 2019.

A ce sujet, N______, lors de son audition en qualité de témoin par le Tribunal, a expliqué avoir planifié les entretiens auprès des trois fondations et s'être heurté à une indisponibilité de la part des différents dirigeants en raison de leur travail et des manifestations de fin d'année. Les relations entre les trois fondations étaient exécrables : cette situation avait nécessité un nombre très important de réunions. La FONDATION H______ avait fait obstruction à son travail. Il n'arrivait pas à obtenir des directives convergentes de la part de ces trois fondations et le partage des données de la part de la FONDATION H______ et de la FONDATION C______.

Il s'est référé à des courriels pour appuyer ses dires, courriels qui n'ont cependant jamais été produits à la procédure.

D______, entendu comme partie, a confirmé, devant le Tribunal, un démarrage "un peu laborieux" : trois fondations étaient impliquées et une nouvelle entité devait être créée. Les relations étaient "relativement harmonieuses". Il existait néanmoins des tensions par rapport à la manière de procéder, raison pour laquelle A______ SA avait été mandatée. Les trois fondations avaient de la peine à se coordonner pour fournir les informations.

F______, lui aussi entendu comme partie, a déclaré au Tribunal que des divergences existaient entre les trois fondations, mais qu'elles avaient toujours travaillé en bonne intelligence.

h. Le 17 février 2020, A______ SA a adressé à chacune des fondations une première facture pour le commencement des phases 1 et 2 pour la période du 1er janvier au 10 avril 2020, d'un montant de 20'833 fr. 33 HT, soit 22'437 fr. 50 TTC.

Le montant total facturé aux trois fondations correspondait au premier acompte de 62'500 fr. HT prévu dans le Contrat pour le commencement des phases 1 et 2.

i. Les 3 et 4 mars 2020, les Fondations se sont acquittées du montant de 22'437 fr. 50 chacune.

j. Le 13 juillet 2020, chacune des trois fondations a reçu un rapport daté du 10 juillet 2020 intitulé "Projet de réalisation sociale et solidaire - Blanchisserie Espace J______". La page de garde mentionnait le nom de la fondation à laquelle le rapport était adressé, ainsi qu'une référence à la phase 1 du mandat et à la conception d'une réflexion à long terme quant au sens d'une coopération des activités de blanchisserie au sein de l'espace J______.

Le sommaire de chacun de ces rapports est identique. Il contient les chapitres suivants : diagnostic de la coopération de la fondation en question (1), point de vue et perception des collaborateurs (2), cause révélée probable (3), pacte stratégique (4), recommandation (5), projet de réalisation sociale pour la fondation en question (6) et note explicative (7).

Les chapitres 1, 3, 4, 5, et 7 ont un contenu similaire dans les trois rapports sous réserve de quelques différences minimes.

Le point de vue des collaborateurs (ch. 2) est propre à chacune des fondations et tient sur une page. Le projet de réalisation sociale pour chaque fondation (ch. 6) diffère également pour chaque institution tout en conservant une structure semblable, les seules divergences ayant trait à l'organisation et but intrinsèques de chaque fondation.

Lors de son audition par le Tribunal, N______ a exposé que la rédaction de trois rapports au lieu d'un était une proposition de la FONDATION B______, acceptée par les deux autres fondations. Cela avait impliqué un travail supplémentaire, puisqu'il avait prévu de faire une seule page de synthèse pour chaque fondation et qu'il avait dû faire un rapport séparé pour chacune d'elle. Il avait informé les fondations que cela impliquait des risques sur la qualité de son travail et sur les délais, reconnaissant ne pas avoir stipulé que cela pouvait avoir des implications financières, car cela était évident.

Concernant ces trois rapports, D______ a déclaré que le rapport avait été remis avec plusieurs mois de retard, aucune information n'ayant été transmise par N______ au sujet de ce retard. Le rapport était très incomplet par rapport à ce qui avait été prévu contractuellement. Il ne se souvenait pas pourquoi il avait été finalement procédé à la rédaction de trois rapports au lieu d'un seul, étant précisé que le contrat prévoyait de toute manière une analyse spécifique de A______ SA pour chaque fondation impliquée. N______ n'avait pas donné d'informations sur le dépassement du temps contractuellement prévu : il avait attendu juillet 2020 pour annoncer, à sa stupéfaction, que l'entier des heures de travail planifiées dans le contrat avait été épuisées.

F______ a exposé au Tribunal que la rédaction de trois rapports au lieu d'un ne résultait pas d'une demande de sa part. De toute manière, le contrat prévoyait des parties distinctes pour chacune des fondations. Si N______ l'avait informé de retards, il n'avait jamais communiqué, avant juillet 2020, un dépassement du temps d'activité contractuellement prévu et il avait passé beaucoup de temps sur des éléments non demandés et non nécessaires.

I______, entendue comme témoin par le Tribunal, a relaté qu'elle s'attendait à recevoir un premier document intermédiaire au printemps 2020. Or, en juillet 2020, un rapport avait été remis qui couvrait l'entier des phases contractuelles. Elle n'avait jamais reçu d'information de N______ concernant des retards ou un travail plus important que prévu. Le rapport était inexploitable et n'avait jamais été utilisé pour le but convenu.

k. Le 20 août 2020, une réunion a eu lieu lors de laquelle la question des heures supplémentaires effectuées par N______ a été discutée.

N______ a déclaré au Tribunal avoir sollicité cette réunion avec les trois fondations afin de remettre un relevé des prestations, dont il résultait que A______ SA avait renoncé à facturer un travail équivalent à 80'000 fr., soit le temps nécessaire à N______ pour se familiariser avec le métier d'intégration sociale. Il avait également informé les trois fondations d'un "gros" dépassement des honoraires initialement convenus dont il réclamait paiement. Selon N______, F______ était d'accord de payer le dépassement des heures, car les phases 2 à 4 prévues dans le contrat avaient été anticipées ; la Fondation H______ ne voulait pas payer le dépassement ; D______ adoptait une position intermédiaire, car il était prêt à payer un montant supplémentaire limité à 20'000 fr. : au-delà, il devrait négocier avec M______ pour obtenir un financement supplémentaire. Un document chiffré très précis avait été remis à cette occasion. Il lui avait été demandé d'établir une facture finale, car son travail était terminé, ce qui était aussi sa perception. Il était conscient que toutes les fondations n'étaient pas prêtes à payer l'intégralité du dépassement.

D______ a déclaré que le dépassement des honoraires n'avait pas été approuvé lors de la séance du 20 août 2020. F______ a lui aussi confirmé qu'il avait été clairement dit à N______ lors de cette séance qu'il n'était pas question de payer ce dépassement budgétaire. I______ a exposé que N______ avait décrit la complexité des démarches effectuées et qui restaient à faire, ainsi que les raisons extraprofessionnelles qui avaient impliqué des incapacités de travail de sa part. C'est pourquoi il avait, selon ses dires, pris du retard et fourni des heures de travail supplémentaires qu'il devait facturer. Il lui avait donc été demandé d'établir une facture et de légitimer ses prétentions, tout en lui précisant que les trois fondations refusaient le principe de payer des heures supplémentaires. Les trois fondations étaient unanimes sur le fait que ces heures supplémentaires n'étaient pas justifiées.

l. Par courriels du 21 août 2020, A______ SA a transmis une facture finale à D______ et à F______, ainsi qu'à la FONDATION H______. Il leur demandait de s'en acquitter dans les meilleurs délais et de lui retourner un exemplaire de ces factures dûment signé. L'objet mentionné pour ces courriels était : "Projet Blanchisserie J______ / Facture finale / Paiement urgent".

Les factures jointes aux courriels portent sur l'exécution des phases 1 à 4 du projet BLANCHISSERIE J______ pour la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2020. Chacune d'elles s'élève à un montant total de 55'420 fr. 62 TTC, lequel est composé de deux postes, à savoir 20'833 fr. 33 HT pour le "solde du projet de réalisation sociale et solidaire phases 1 à 4" et 30'625 fr. HT pour le "solde du coût complémentaire de la phase 1". Il est mentionné que ce document valait reconnaissance de dette pour le montant de 30'625 fr. HT.

Un décompte avec le détail des prestations exécutées est annexé aux factures finales. Il fait état d'un large dépassement des heures initialement prévues pour la phase 1 ainsi que pour la phase 2, soit de 336 heures au lieu des 40 heures prévues dans le Contrat pour l'analyse des structures, de 103 heures au lieu des 40 heures prévues pour l'examen des résultats et le diagnostic et de 117 heures en plus pour la création et la conception du modèle. Ces heures supplémentaires représentent un montant complémentaire de 91'875 fr. HT, soit 30'625 fr. HT pour chacune des trois fondations.

m. Le 22 août 2020, F______ a transféré la facture finale à G______ en lui demandant de libérer ce montant et si elle savait pourquoi N______ demandait un retour de la facture signée.

F______ a exposé n'avoir pas ouvert le document joint au courriel partant de l'idée qu'il s'agissait d'une facture pour les honoraires prévus dans le Contrat. Cette facture était intervenue dans un contexte particulier de télétravail en raison de la pandémie et sous pression, car il y avait des tensions dans un établissement pour personnes handicapées et car N______ lui avait dit avoir besoin de liquidités. En outre, il avait confiance en N______, qu'il connaissait depuis de nombreuses années et avec qui il avait déjà travaillé.

Par courriel du 24 août 2020, G______ a répondu à F______ qu'elle mettait la facture au paiement. A son avis, la signature devait être demandée afin de valider son accord pour le dépassement budgétaire de 30'265 fr. Elle l'interrogeait sur les modalités de financement de ce dépassement.

F______ lui a répondu que les trois fondations avaient pris acte de la situation et que la suite allait être analysée avec M______.

Lors de son audition par le Tribunal, F______ a reconnu ne pas avoir été clair dans ses explications, voulant dire qu'il fallait solliciter l'accord de M______ pour le dépassement budgétaire. Il n'a jamais compris que ce dépassement était inclus dans la facture du 21 août 2020. Il a appris au mois de septembre 2020, de la part de G______ dans le cadre des discussions avec les autres fondations, que la FONDATION B______ avait payé les heures supplémentaires. Il lui a alors répondu que cela n'était pas possible, car il ne le voulait pas. C'est ainsi que F______ avait repris le dossier et constaté que le paiement avait été exécuté en août 2020.

G______, entendue en qualité de partie par le Tribunal, a déclaré n'avoir pas participé aux réunions avec N______. Elle avait compris qu'elle devait payer l'intégralité de la facture et que le dépassement allait être financé par un don complémentaire de M______. Le processus pour le paiement des factures n'avait pas été respecté. Depuis lors, le processus avait été formalisé de façon plus stricte : il n'était désormais plus possible de procéder à un paiement sans la signature du responsable sur la facture.

n. Le 24 août 2020, D______ a transmis à E______ la facture finale en lui précisant qu'il allait lui en parler.

D______ a expliqué ne pas avoir prêté attention au fait que cette facture comprenait non seulement le solde des honoraires contractuels, qu'il entendait payer, mais également les heures supplémentaires. Il s'était rendu compte de son erreur au mois de septembre 2020 après avoir discuté avec les représentants des autres fondations et avoir réalisé qu'il avait payé à tort le montant de 32'983 fr. 12 TTC

Le 25 août 2020, E______ a transféré la facture au service financier pour traitement.

E______, entendu en qualité de partie par le Tribunal, a déclaré n'avoir pas participé aux réunions avec N______. Il n'avait pas fait attention aux différents postes de cette facture et exécuté le paiement comme demandé par D______.

o. La FONDATION B______ s'est acquittée de 55'420 fr. 62 le 1er septembre 2020 en faveur de A______ SA et la FONDATION C______ de ce même montant le 9 septembre 2020. Ces versements comprennent le montant de 32'983 fr. 12 TTC pour chacune des Fondations et correspondant aux honoraires supplémentaires ne résultant pas du Contrat.

p. En revanche, la FONDATION H______ n'a pas versé le montant supplémentaire de 32'983 fr. 12 TTC.

A ce sujet, I______ a déclaré au Tribunal avoir tout d'abord transmis la facture pour paiement du tout lorsqu'elle l'avait reçue, mais avoir été saisie d'un doute et, après avoir consulté le Contrat, avoir modifié son instruction et donné l'ordre de ne payer que le montant de 20'833 fr. plus TVA. Le montant de 30'625 fr. HT était facturé en plus de ce qui avait été prévu contractuellement alors que le Contrat ne permettait pas la possibilité de dépasser les heures prévues.

q. Le 9 septembre 2020, soit le jour du paiement par la FONDATION C______, E______ a informé son service financier qu'il avait validé la facture finale pour traitement de manière erronée, qu'il fallait corriger. Il s'est adressé le jour même à N______ pour lui dire qu'il s'était trompé dans le paiement de la facture finale, lui demandant de restituer le trop payé.

r. N______ a déclaré au Tribunal que l'administrateur de A______ SA et lui-même s'étaient dits qu'ils "s'en étaient bien sortis", lorsqu'ils avaient constaté que deux fondations sur trois payaient les dépassements.

s. Le 18 septembre 2020, D______, F______ et I______, représentant les trois fondations, ont rencontré N______ pour discuter de leur relation contractuelle, ainsi que de la question du dépassement du budget contractuel. M______ était également représentée.

N______ a décrit au Tribunal une réunion lors de laquelle il avait réalisé une présentation qui avait été très appréciée et pour laquelle il avait reçu des courriels de remerciement. Il avait cependant compris que son travail avait pris fin. Au sujet du dépassement du budget contractuel, tant la Fondation H______ que D______ avaient refusé de payer. F______ était prêt à discuter.

D______ a confirmé au Tribunal avoir été ferme sur son refus de payer, ce qui a été corroboré par F______, lequel a cependant confirmé avoir été prêt à discuter avec N______. F______, qui avait dû quitter la séance avant son terme, a aussi exposé avoir parlé au téléphone avec N______ en fin de journée : celui-ci lui avait rapporté qu'il n'y avait pas de discussion envisageable au sujet de la question du dépassement du budget contractuel.

t. Par courriel du 2 octobre 2020, D______ a confirmé, au nom des trois fondations, mettre un terme au Contrat avec effet immédiat, comme indiqué lors de la séance du 18 septembre 2020 et refuser d'entrer en matière sur la facturation des heures supplémentaires.

u. Par courrier recommandé du 7 octobre 2020, la FONDATION C______ a contesté la facture du 21 août 2020 dans la mesure où elle intégrait un coût supplémentaire de 30'625 fr. HT pour lequel aucun accord n'avait jamais été donné. Elle a néanmoins consenti au versement du solde des honoraires convenus dans le Contrat à l'exclusion des heures supplémentaires à condition que le montant de 55'420 fr. 62 versé à tort lui soit restitué dans un délai de dix jours et qu'une facture finale conforme au Contrat pour un montant de 20'833 fr. 33 HT lui soit remise.

A______ SA a refusé.

v. Le même jour, A______ SA a mis en demeure la FONDATION H______ de lui verser le montant payé de 30'625 fr. HT.

w. Le 1er décembre 2020, la FONDATION B______ a mis en demeure A______ SA de lui restituer le montant de 30'625 fr. HT reçu à tort.

Aucun remboursement n'est intervenu.

x. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 27 avril 2021, enregistré sous le numéro de cause C/2607/2021, la FONDATION C______ a conclu à la condamnation de A______ SA à lui verser le montant de 32'983 fr. 12 avec intérêts à 5% dès le 19 octobre 2020.

y. Par acte déposé le même jour, enregistré sous le numéro de cause C/1______/2021, la FONDATION B______ a conclu à la condamnation de A______ SA à lui verser le montant de 32'983 fr. 12 avec intérêts à 5% dès le 11 décembre 2020.

z. Dans ses réponses du 16 août 2021, A______ SA a conclu au rejet des conclusions de la FONDATION C______ et de la FONDATION B______.

aa. Par ordonnance ORTPI/1370/2021 du 10 décembre 2021, le Tribunal a ordonné la jonction des causes n° C/2607/2021 et n° C/1______/2021 sous la cause n° C/2607/2021.

ab. Dans leurs plaidoiries finales des 24 juin, respectivement 22 juillet 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

ac. Le 17 août 2022, A______ SA s'est exprimée sur les plaidoiries finales de la FONDATION B______ et de la FONDATION C______. Elle a persisté dans ses conclusions.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a constaté que les parties étaient liées par un contrat de mandat. Les honoraires avaient été fixés à un prix total prévu à l'avance de 125'000 fr. HT. Le dépassement de 30'625 fr. HT pour chacune des trois fondations résultant des factures finales était soumis à l'acceptation des mandantes, lesquelles ne s'étaient pas manifestées en ce sens, notamment en ne signant pas les factures comme il le leur était demandé. De plus, les mandantes n'étaient pas satisfaites du travail fourni, mais avaient tout de même accepté de verser le montant initialement convenu. Quant à A______ SA, elle n'était pas parvenue à démontrer que les conditions permettant une augmentation du prix convenu (modification du contrat, frais supplémentaires, prestations exécutées en sus du forfait convenu, circonstances extraordinaires, imprévisibles ou exclues par les parties) étaient réunies. Elle n'avait pas non plus tenu les mandantes informées du fait que le mandat demandait un travail plus considérable. Ainsi, A______ SA ne pouvait pas prétendre au paiement de coûts supplémentaires. Or, les Fondations avaient payé les montants en question, alors qu'il n'existait pas de cause valable. Ces paiements résultaient d'une erreur, car les trois fondations avaient exprimé leur refus de payer des montants supplémentaires, mais A______ SA avait pourtant intégré ces montants dans sa facture finale, laquelle avait été payée dans l'urgence à la demande de celle-ci et dans des circonstances particulières liées au télétravail durant la récente pandémie. Par conséquent, les montants payés en trop devaient être restitués

EN DROIT

1. Les intimées soutiennent que l'appel serait insuffisamment motivé, donc irrecevable.

1.1 Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être motivé. Pour satisfaire à cette obligation de motivation, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5). L'appelant doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2020 précité consid. 5).

1.2 En l'occurrence, l'appel a été formé en temps utile (311 al. 1 CPC) et contre une décision finale de première instance rendue dans une affaire patrimoniale et dont la valeur litigieuse excède 10'000 fr. (308 al. 1 et 2 CPC).

Par ailleurs, et contrairement à l'opinion des intimées, la motivation de l'appel est suffisante pour comprendre ce que l'appelante reproche au premier juge. A plusieurs reprises, l'appelante désigne des passages précis du jugement entrepris pour fonder sa critique et se réfère à des pièces du dossier.

Il s'ensuit que l'appel est recevable.

Cela étant, la partie EN FAIT de l'appel est une reproduction textuelle des allégués de première instance de l'appelante contenue dans ses réponses du 17 août 2021. Ce procédé est irrecevable (voir, parmi d'autres, l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3) ; il ne sera pas tenu compte de cette partie du mémoire d'appel.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La procédure est soumise à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et au principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2. L'appelante conteste que l'action en répétition de l'indu intentée par les intimées était fondée, dès lors que le montant payé était dû et que ce paiement ne résultait pas d'une erreur.

2.1
2.1.1
A teneur de l'art. 62 CO, celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution (al. 1). La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d'une cause qui ne s'est pas réalisée, ou d'une cause qui a cessé d'exister (al. 2).

Le paiement excédentaire non dû effectué par erreur en dehors de ce qui est contractuellement prévu est soumis à remboursement selon les règles de l'enrichissement illégitime : le contrat ne peut pas être interpréter comme comportant un engagement accessoire de rembourser le trop-perçu (ATF 127 III 421 consid. 3 c/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_242/2014 du 4 février 2015 consid. 2 non publié in ATF 141 IV 71 ; Chappuis, Commentaire romand - CO I, 3ème éd. 2021, n. 51 ad art. 62 CO).

2.1.2 Celui qui a payé volontairement ce qu'il ne devait pas ne peut le répéter s'il ne prouve qu'il a payé en croyant, par erreur, qu'il devait ce qu'il a payé (art. 63 al. 1 CO).

Selon la jurisprudence, l'art. 63 al. 1 CO fonde un cas spécial d'application de l'art. 62 al. 1 CO : il s'agit des cas où il est prouvé que la prestation indue est intervenue librement, mais sous l'emprise d'une erreur (Leistungskondiktion ; ATF 123 III 101 consid. 3a ; 129 III 646 consid. 3.2).

Cette conception est critiquée par la doctrine qui voit plutôt dans l'art. 63 al. 1 CO une règle de preuve dont la fonction est d'interdire un comportement contradictoire de la créancière : celle qui exécute une prestation alors qu'elle n'y est pas tenue est censée le faire causa donandi. Le déplacement de patrimoine paraît donc intervenu sur la base d'une cause légitime et il appartient à la créancière d'établir que tel n'est pas le cas (Chappuis, op. cit., n. 2 ad art. 63 CO). En tous les cas, dans les relations d'affaires, il faut partir du principe qu'il n'y a jamais intention de donner (arrêt du Tribunal fédéral 4D_13/2015 du 3 juin 2015 consid. 4.1).

Pour rechercher s'il y a erreur aux termes de l'art. 63 CO, les circonstances ne doivent pas être appréciées de façon trop stricte. L'erreur est admissible lorsque, d'après les faits de la cause, il est exclu que l'auteur du paiement ait agi dans l'intention de donner. Il n'est notamment pas nécessaire que l'erreur soit excusable (arrêt du Tribunal fédéral 4D_13/2015 du 3 juin 2015 consid. 4.1). Ainsi, n'importe quelle erreur suffit (Chappuis, op. cit., n. 9 ad art. 63 CO).

2.1.3 A teneur de l'art. 394 al. 1 CO, le mandat est un contrat par lequel le mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a promis (art. 394 al. 1 CO).

L'art. 396 al. 1 CO prévoit en outre que l'étendue du mandat est déterminée, si la convention ne l'a pas expressément fixée, par la nature de l'affaire à laquelle il se rapporte.

Une rémunération est due au mandataire si la convention ou l'usage lui en assure une (art. 394 al. 3 CO). Lorsque les services sont fournis à titre professionnel, le mandat est onéreux en vertu de l'usage (ATF 139 III 259 consid. 2.1).

Les honoraires dus à un mandataire sont fixés en première ligne d'après la convention des parties (ATF 101 II 109 consid. 2). Il est loisible aux parties de fixer les honoraires selon un forfait convenu à l'avance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_287/2015 du 22 juillet 2015 consid. 2).

A l'instar d'un entrepreneur assujetti à l'art. 373 al. 1 CO, le mandataire qui a stipulé une rémunération à forfait ne peut exiger aucune augmentation au motif que, le cas échéant, sa mission a exigé des efforts plus importants que ce qui était prévu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_601/2012 du 14 octobre 2012 consid. 2).

Selon la doctrine, en cas de forfait, rien n'empêche d'appliquer au mandat l'art. 373 al. 2 CO par analogie et d'accorder une augmentation du prix total convenu si l'exécution du service promis est empêchée ou rendue difficile à l'excès par des circonstances extraordinaires, imprévisibles ou exclues par les parties (Werro, Commentaire Romand - CO I, 3ème éd. 2021, n. 48 ad art. 394 CO).

L'art. 373 al. 2 CO prévoit que si l’exécution de l’ouvrage est empêchée ou rendue difficile à l’excès par des circonstances extraordinaires, impossibles à prévoir, ou exclues par les prévisions qu’ont admises les parties, le juge peut, en vertu de son pouvoir d’appréciation, accorder soit une augmentation du prix stipulé, soit la résiliation du contrat.

Outre les modifications conventionnelles du contrat, l'augmentation du prix forfaitaire est donc soumise à l'existence de circonstances nouvelles et graves qui ne sont pas imputables à l'entrepreneur. Ces circonstances doivent en outre revêtir un caractère extraordinaire (cf. Tercier / Bieri / Carron, Les contrats spéciaux, 5ème éd. 2016, n. 4012 et suivantes).

Pour que cette disposition s'applique, l'entrepreneur a le devoir d'informer le maître dès que survient un fait nouveau. Il doit tout faire pour connaitre rapidement la nature, l'ampleur et les conséquences du fait nouveau sur l'exécution de l'ouvrage. Ce devoir se limite à signaler les faits susceptibles d'entrainer une disproportion entre les prestations et constitue en réalité une incombance découlant de l'art. 365 al. 3 CO, dont la violation entraîne la péremption du droit de l'entrepreneur de demander la correction du contrat. (Chaix, Commentaire Romand - CO I, 3ème éd. 2021, n. 26 ad art. 373 CO).

2.1.4 En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).

En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.2).

2.2 En l'espèce, l'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que le paiement opéré par les intimées et excédant le montant forfaitaire des honoraires initialement convenus était intervenu sans cause.

Pour appuyer sa critique, l'appelante invoque que son travail avait été compliqué par des tensions et des divergences ayant surgi entre les fondations concernées. Elle soutient en outre que celles-ci avaient conscience qu'elle avait fourni un travail beaucoup plus important que celui qui avait été convenu : N______ les en avait informé immédiatement avant d'envoyer sa facture finale, de sorte qu'en la payant, elles confirmaient leur accord. D'ailleurs, la responsable des finances de l'une des fondations avait expressément attiré l'attention du directeur sur le dépassement budgétaire, mais il avait tout de même décidé de payer. Le témoignage de N______ avait une pleine valeur probante : il était le seul parmi les personnes entendues par le Tribunal à être indépendant et s'était référé à plusieurs courriels. Le paiement effectué par les Fondations n'était pas le résultat d'une erreur, mais signifiait l'acceptation de l'augmentation d'honoraires figurant sur la facture.

Il n'est plus contesté que la rémunération forfaitaire initialement convenue pour le mandat était de 125'000 fr. HT et que le dépassement des honoraires litigieux représentait 91'875 fr. HT, selon les dires de l'appelante.

S'agissant du fondement de la modification du forfait, l'appelante souligne expressément qu'elle n'invoque pas l'existence de circonstances nouvelles, graves et imprévisibles au sens de l'art. 373 al. 2 CO. Elle axe son argumentation sur le fait que les intimées avaient été informées des difficultés rencontrées et du dépassement des coûts et qu'elles avaient donc accepté la modification du forfait initialement convenu. Elle invoque donc une modification du Contrat intervenue par un échange de manifestations des volontés des parties tacitement, voire par actes concluants.

Il ne peut être souscrit à cette approche par trop schématique du litige.

En effet, l'appelante perd de vue que le contrat contenait un calendrier précis, tant en matière de prestations de la mandataire que de paiements attendus des mandantes. Or, aucun délai n'y figurant n'a été respecté. En effet, l'appelante, après avoir encaissé en une seule fois en mars 2020 les acomptes pour les phases 1 et 2 du projet, selon facture de février 2020, n'a communiqué aucune information jusqu'en juillet 2020, époque à laquelle elle a rendu trois rapports finaux et annoncé que l'entier du temps prévu pour le mandat était épuisé. Quoi qu'en dise l'appelante et même si les seules dépositions en ce sens émanent des organes des fondations concernées, la surprise que ceux-ci disent avoir ressentie est crédible. Alors que des phases successives avaient été prévues dans l'exécution du mandat, l'appelante n'en a tenu aucun compte et a rendu en seule fois un rapport final à chaque fondation. Rien ne permet de retenir que les intimées auraient été conscientes de la situation et habilitées à influer sur celle-ci, jusqu'à être mises devant le fait accompli d'un dépassement de près de 75% du prix initial. L'existence de quelques tensions et de difficultés à obtenir certaines informations est inhérente à ce genre de mandat, l'appelante n'ayant jamais informé les intimées que ces difficultés pourraient impliquer une augmentation des honoraires convenus. L'appelante ne peut donc être suivie lorsqu'elle prétend avoir informé suffisamment et à temps les intimées de l'évolution des coûts liés au mandat ce qui leur aurait permis de valider un dépassement.

Sans qu'il soit nécessaire de s'appesantir sur les critiques des intimées relatives à la qualité des rapports rendus, le simple fait que l'appelante ait rendu trois rapports pour chacune des fondations au lieu d'un seul les concernant toutes les trois ne justifie pas une augmentation des honoraires, pour le moins pas à hauteur de 90'000 fr., soit près de 75% du montant initialement prévu. Comme l'ont souligné les intimées, l'appelante était obligée de procéder à une analyse de chacune des fondations à teneur du Contrat. Que les résultats de ses constatations aient été répartis dans trois rapports distincts ou dans un seul document n'est pas de nature à augmenter significativement la charge de travail, étant précisé que, pour l'essentiel, les trois rapports sont identiques. Plus particulièrement, il n'a jamais été convenu une augmentation du forfait ou des honoraires supplémentaires pour la rédaction de trois rapports au lieu d'un lorsque cette décision a été prise. L'interprétation objective des manifestations de volonté des parties ne conduirait pas à un autre résultat sur ce point : aucune personne de bonne foi ne pourrait s'attendre, compte tenu des circonstances et sans aucune information particulière, à un dépassement des honoraires, a fortiori aussi important, par le simple fait que trois rapports séparés au lieu d'un seul sont rédigés et pour un contenu plus ou moins identique. Il s'ensuit que le simple silence des intimées face à la reddition de trois rapports au lieu d'un seul ne vaut pas acceptation de l'augmentation des honoraires initialement convenus.

La prétendue acceptation d'une augmentation des honoraires par actes concluants des intimées n'entre pas davantage en ligne de compte. A titre préalable et contrairement à l'avis de l'appelante, le témoignage de N______ doit être apprécié avec les plus grandes réserves, compte tenu de son rôle et de sa position dans le dossier. Cette personne a mené seule les négociations et l'exécution du contrat, dès avant l'intervention de l'appelante. Par ailleurs, il s'est fondé à plusieurs reprises sur des courriels pour appuyer ses dires, courriels qui n'ont jamais été produits. Enfin, sa déposition contient des passages peu en adéquation avec la réalité des faits, notamment lorsqu'il décrit avoir réalisé une présentation appréciée et reçu des remerciements lors d'une réunion en septembre 2020, à l'issue de laquelle il lui a pourtant été communiqué que le Contrat se terminait avec effet immédiat et qu'il lui était réclamé remboursement des honoraires payés en trop. Il est donc permis de douter de la crédibilité de sa déposition sur les points litigieux.

S'agissant de la séance du 20 août 2020, il semble de peu d'importance de trancher définitivement la question de savoir si un relevé détaillé du temps passé a été remis à cette occasion, puisqu'il n'est pas contesté que la question d'un dépassement budgétaire a été abordée et que N______ lui-même admet que deux des fondations sur trois n'étaient pas d'accord de le payer, pour le moins pas dans son intégralité. Seul F______ aurait donné son accord, ce que l'intéressé a contesté. L'explication que N______ donne à l'accord de F______ sur le paiement du dépassement - à savoir que les phases 2 à 4 avaient été anticipées par la reddition des rapports finaux - n'est guère crédible dans la mesure où le contrat prévoyait déjà un prix total forfaitaire y compris pour les phases 2 à 4 du contrat. En tout état, les directeurs des trois fondations ont été unanimes dans leur déclaration au Tribunal quant à leur refus de payer, communiqué à l'appelante à cette occasion. D'ailleurs, la réaction de N______, ainsi que celle de l'appelante, à réception du paiement de deux fondations sur trois, à savoir qu'ils considéraient "s'en être bien sortis", montre bien que le paiement du dépassement était pour le moins incertain selon leur perception et qu'ils savaient que les trois fondations étaient par principe opposées à tout paiement supplémentaire. Cette conclusion est encore renforcée par la demande de l'appelante d'obtenir une copie contresignée des factures qui ne s'explique que par le fait qu'elle ne possédait pas l'accord des fondations sur ce point.

L'appelante fait cependant reposer l'essentiel de ses griefs sur le fait que les intimées avaient payé l'intégralité des factures émises le lendemain de la réunion ce qui démontrait leur accord avec la modification du contrat et l'augmentation des honoraires. Cette argumentation ne résiste pas à l'examen pour plusieurs raisons. D'abord, s'il est vrai que le fait de payer une facture sans autre commentaire peut valoir acceptation du prix demandé, encore faut-il qu'il n'existe pas d'autres circonstances qui contredisent cette solution. Or, comme il vient d'être dit, les trois fondations avaient exprimé leur refus de payer les honoraires excédentaires le jour précédent l'envoi des factures. L'appelante a pourtant envoyé une facture qui n'était pas limpide au vu de son libellé ("solde du projet de réalisation sociale et solidaire phases 1 à 4 " pour le montant prévu contractuellement et "solde du coût complémentaire de la phase 1" pour le montant excédant les honoraires prévus contractuellement) et du fait que les paiements des acomptes n'avaient pas eu lieu selon le calendrier prévu. Il était très difficile de savoir à la simple lecture de la facture quels étaient les montants déjà payés et encore dus à l'appelante. Quelle que soit la légèreté dont ont fait preuve les intimées en payant sans vérification les montants, il n'en demeure pas moins que même la troisième fondation, qui n'a finalement pas réglé le montant supplémentaire, a d'abord été induite en erreur par le libellé de la facture et a donné l'ordre de payer l'intégralité du solde réclamé, avant de se raviser. Or, il n'est pas contesté qu'elle avait toujours déclaré son refus de payer le dépassement. Cela démontre donc que le procédé de l'appelante était de nature à induire en erreur les intimées elles aussi, ce qui a été le cas.

Le cas de la FONDATION B______ est certes particulier dans la mesure où l'attention du directeur a été expressément attirée sur le dépassement budgétaire par sa collaboratrice du service financier, mais qu'il a tout de même décider d'autoriser le paiement, comme le montrent les courriels échangés. Ces personnes ont allégué que le processus de paiement n'avait pas été respecté et qu'une incompréhension était survenue entre elles, dans le contexte particulier de la pandémie et du télétravail, ainsi que de l'urgence du paiement requis par l'appelante. Ces explications, au vu des autres circonstances de la cause, sont convaincantes, étant rappelé qu'un rapport de confiance particulier unissait F______ et N______, ce qui peut expliquer que le premier n'ait pas examiné plus avant la facture du second et s'en soit remis au montant total. D'ailleurs, aucun financement n'avait été obtenu pour le dépassement de budget au moment de la réception des factures, ce qu'a d'ailleurs relevé F______ dans son échange avec sa collègue et ce qui renforce la conviction que ce paiement d'un montant non financé n'a pas eu lieu volontairement ou à titre d'acceptation des prétentions de l'appelante. Il s'ensuit que cet échange de courriels ne permet pas encore de retenir que F______ manifestait une quelconque acceptation du dépassement budgétaire par le paiement de celui-ci. D'ailleurs, l'appelante n'a eu aucune connaissance de ces échanges jusqu'à la présente procédure, de sorte qu'elle ne peut pas s'en prévaloir pour prétendre avoir compris ce paiement comme une validation de ses prétentions.

Par la suite, les intimées ont constamment tenté d'obtenir le remboursement des montants payés en trop et l'ont signifié clairement à l'appelante.

Par conséquent, l'interprétation subjective des volontés des parties démontre que les intimés n'ont jamais accepté la modification du montant d'honoraires forfaitaire initialement convenu, que ce soit expressément, tacitement ou par actes concluants, ce que l'appelante savait.

Il s'ensuit que, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal, le paiement correspondant à un montant excédant le forfait convenu a été effectué sans cause.

2.3 L'appelante discute encore la question de l'erreur commise par les intimées.

Etant donné l'examen qui précède, l'absence de volonté des intimées de souscrire à une obligation pour les montants qu'elles ont payés en trop montre que ce paiement résultait d'une erreur de leur part. Il est vain de se pencher sur la gravité et les motifs de celle-ci, car toute erreur est suffisante pour permettre l'application des dispositions topiques sur l'enrichissement illégitime. En tout état, les relations de parties étant des relations commerciales, il est exclu de présumer une intention de donner des intimées.

Ainsi, les griefs de l'appelante sur ce point seront rejetés.

2.4 Effectués sans cause et par erreur, les versements des intimées pouvaient être l'objet d'une demande de restitution au titre de l'enrichissement illégitime, les autres conditions de cette institution juridique n'étant pas davantage discutées par les parties.

La décision du Tribunal de prononcer la restitution des montants litigieux est donc fondée.

3. L'appel sera donc rejeté et le jugement entrepris confirmé.

4. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 3'300 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance fournie par celle-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante versera en outre aux intimées, qui ont procédé avec l'assistance d'un seul conseil et ont déposé des écritures uniques, 3'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 octobre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/10544/2022 rendu le 13 septembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2607/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'300 fr., mis à la charge de A______ SA et compensés avec l'avance qu'elle a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à la FONDATION C______ et à la FONDATION B______, solidairement entre elles, 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.