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Décisions | Chambre civile

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C/25496/2020

ACJC/1092/2023 du 29.08.2023 sur JTPI/4874/2023 ( OO )

Normes : CPC.99
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25496/2020 ACJC/1092/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 AOÛT 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 avril 2023, et cité sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens, comparant par Me Elizaveta ROCHAT, avocate, place de la Taconnerie 5, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Monsieur C______, ______, intimé, et requérant sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens comparant par Me Gustavo DA SILVA, avocat, gdsavocats, rue de la Fontaine 13, case postale 3186, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/4874/2023 du 25 avril 2023, reçu par les parties le 27 avril 2023, le Tribunal de première instance a débouté A______ des fins de sa demande dirigée contre B______ et tendant à l'annulation de la poursuite engagée par ce dernier (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires en 4’200 fr. (ch. 2), arrêté à 8'400 fr. les dépens dus à B______, dit que les sûretés du même montant versées par A______ serviront à couvrir lesdits dépens, ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de libérer les suretés à hauteur de 8'400 fr. en faveur de B______ (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

b. Dans le cadre de la procédure de première instance, le Tribunal avait, par ordonnance du 7 mars 2022, condamné A______ à fournir 8'400 fr. de sûretés en garantie des dépens au motif qu'il était rendu vraisemblable qu'il ne s'était pas acquitté des dépens et frais mis à sa charge dans deux procédures de mainlevée de l'opposition l'ayant opposé à B______, à hauteur de 2'252 fr. (C/1______/2019) et 330 fr. (C/2______/2021).

B. a. Le 30 mai 2023, A______ a formé appel du jugement du 25 avril 2023, concluant notamment à ce que la Cour l'annule, annule la poursuite n° 3______ et condamne B______ à lui verser 10'000 fr., intérêts en sus, avec suite de frais et dépens.

b. Le 7 juillet 2023, B______ a formé une requête en fourniture de sûretés, concluant principalement ce que la Cour condamne sa partie adverse à fournir, dans les 30 jours, des sûretés de 5'600 fr. en garantie des dépens de la procédure d'appel et dise, qu'à défaut de paiement de ce montant à l'échéance d'un bref délai supplémentaire, l'appel sera déclaré irrecevable, avec suite de frais et dépens.

Il a fait valoir que A______ n'hésitait pas à se montrer "exagérément procédurier ainsi qu'à occulter sciemment la réalité de sa situation financière (…) afin de simuler son insolvabilité et (…) son insaisissabilité ", cherchant par là à fuir ses obligations. Il existait un risque considérable que les éventuels dépens d'appel auxquels il serait condamné ne soient pas versés. A______ faisait l'objet de plusieurs poursuites et saisies, dont l'une valait acte de défaut de biens provisoire. La valeur des biens saisis n'était pas suffisante pour couvrir les poursuites participant à la saisie. Les saisies dont A______ avait fait l'objet avaient été contestées par voie de plainte par devant la Chambre de surveillance des Offices de poursuites et faillites. Dans ce cadre, A______ avait notamment prétendu que le bien immobilier saisi, dont il était copropriétaire à hauteur de 50% selon le Registre foncier, appartenait en réalité entièrement à son épouse. Dans deux décisions, la Chambre de surveillance avait considéré que les explications de A______ n'étaient pas crédibles. La décision DSCO/182/23 du 27 avril 2023 soulignait notamment que le manque de collaboration de celui-ci et de son épouse laissait fortement supposer que le couple entretenait sciemment le flou sur la situation financière de ce dernier, lequel disposait de revenus financiers cachés.

c. A______ a conclu principalement au rejet de la requête de sûretés, subsidiairement à ce que celles-ci soient fixées à 3'577 fr., TVA en sus, avec suite de frais et dépens.

Il a fait valoir qu'il avait déposé des demandes d'annulation des poursuites portant sur 41'876 fr. 70 et 681'469 fr. 40. Les deux poursuites se trouvant au stade du commandement de payer étaient infondées. Ses actifs étaient supérieurs au montant de ses dettes, de sorte qu'il n'était pas insolvable. En tout état de cause, au vu de la valeur litigieuse de 49'396 fr. 75, le montant prévisible des dépens était inférieur à celui préconisé par sa partie adverse.

d. A teneur de l'extrait des poursuites visant A______ au 8 juin 2023, celui-ci fait l'objet de quatre poursuites en cours, pour un montant total de 6'692'346 fr. 20. Deux de ces poursuites, l'une engagée en 2017 (5'929'000 fr.) et l'autre en 2019 (40'000 fr.), sont au stade de l'opposition au commandement de payer. Une poursuite en 681'469 fr. 50 est au stade de la réalisation et l'autre, en 41'876 fr. 70, au stade de la "saisie ne couvrant pas la créance et saisie de salaire". Deux poursuites supplémentaires, engagées par B______, en 2019 (2'251 fr.) et 2020 (2'120 fr.), ont été soldées.

e. Les parties ont été informées le 25 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de sûretés.

EN DROIT

1. 1.1 La requête de sûretés a été déposée selon la forme prescrite, de sorte qu'elle est recevable.

1.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/244/2018 du 26 février 2018 consid. 1.2; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC) et le juge se fondera essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/938/2015 du 20 août 2015 consid. 2.1).

2. 2.1 L'art. 99 al. 1 CPC, également applicable en appel et en recours (ATF 141 III 554 consid. 2.5.1; arrêt 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.2 et 2.3), dispose que le demandeur (respectivement l'appelant ou le recourant) doit, sur requête du défendeur (respectivement de l'intimé), fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens lorsqu'il paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens (let. b) ou lorsque d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (let. d).

Est insolvable au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC la personne qui ne dispose ni des liquidités nécessaires pour faire face à ses dettes exigibles, ni du crédit lui permettant de se procurer les moyens nécessaires (ATF 111 II 206 consid. 1). Au sens de cette norme, il suffit, selon le Code de procédure civile, que l'intéressé paraisse insolvable. La vraisemblance suffit et la preuve peut être rapportée par indices (Tappy, Commentaire romand, CPC, 2ème éd., 2019, n. 29 ad art. 99 CPC). Le texte de l'art. 99 al. 1 let. b CPC précise que l'insolvabilité est vraisemblable lorsque l'intéressé fait l'objet d'une déclaration de faillite, d'une procédure concordataire en cours ou d'actes de défaut de biens délivrés. Peu importe qu'il s'agisse d'actes de défaut de biens provisoires et un seul suffit malgré le pluriel utilisé dans le texte légal (Tappy, op. cit., n. 28 ad art. 99 CPC).

Selon l'art. 99 al. 1 let. d CPC, le demandeur doit par ailleurs fournir des sûretés en garantie des dépens lorsque d'autres raisons que celles figurant sous lettres a à c font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés. Cette disposition est une clause générale. Celle-ci peut notamment être réalisée lorsque les indices de difficultés financières sont insuffisants pour que le demandeur apparaisse insolvable au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC. Tel peut par exemple être le cas si une partie fait l'objet de multiples commandements de payer pour des causes diverses, si elle a eu besoin d'un sursis ou d'une remise concernant les frais d'une autre procédure ou si elle fait l'objet de saisies de salaire en cours. Dans le cadre d'une action en libération de dette notamment, laquelle est fréquemment intentée par un mauvais payeur cherchant à gagner du temps, les indices précités revêtiront un poids particulier (Tappy, op. cit., n. 32 et 39 ad art. 99 CPC). L'existence du risque considérable de non-paiement des dépens au sens de l'art. 99 al. 1 let. d CPC est laissée à l'appréciation du juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2014 du 10 septembre 2014 consid. 3).

2.2 En l'espèce, il ressort de l'extrait des poursuites que le cité sur requête de sûretés fait l'objet de plusieurs poursuites pour un montant total important, soit plus de 6'600'000 fr. ce qui atteste que sa situation est obérée. Le fait que l'une des poursuites, en 681'469 fr., soit au stade de la réalisation et que l'autre, en 41'876 fr. soit au stade de la saisie "ne couvrant pas la créance" atteste de ce que le cité ne dispose pas de liquidités suffisantes pour honorer ses dettes. Il fait également l'objet d'une saisie de salaire en cours et d'un acte de défaut de biens provisoire délivré le 10 octobre 2022, ce qui constitue des indices d'insolvabilité.

Rien ne permet par ailleurs de retenir que le cité aura gain de cause dans le cadre des demandes d'annulation de poursuites qu'il dit avoir déposées.

Le cité n'a pas non plus rendu vraisemblable qu'il dispose d'actifs suffisants pour régler ses dettes. Il ressort au contraire des deux décisions de la Chambre de surveillance des OPF versées au dossier que le cité donne aux autorités de poursuites des explications peu crédibles sur sa situation financière et qu'il ne collabore pas aux procédures pendantes à son encontre, dans le but vraisemblable de soustraire ses biens à ses créanciers.

Il ressort dès lors de ce qui précède que les conditions d'application de l'art. 99 al. 1 let. d CPC, voire celles de l'art. 99 al. 1 let. b CPC, sont réunies. Il appartient dès lors au cité de fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel du requérant.

3. 3.1 Les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que les appelants auraient à verser aux intimés en cas de perte totale du procès (TAPPY, op. cit. n. 7 ad art. 100 CPC; RÜEGG, op. cit., n° 5 ad art. 99 CPC). Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires (let. a), le défraiement d'un représentant professionnel (let. b) et lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (let. c).

Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du canton de Genève, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse, laquelle est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC; art. 20 al. 1 LaCC).

Pour une valeur litigieuse au-delà de 40'000 fr. et jusqu'à 80'000 fr., le défraiement d'un représentant professionnel est de 6'100 fr. plus 9% de la valeur litigieuse dépassant 40'000 fr. (art. 85 RTFMC).

Pour les procédures d'appel ou de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

A ce montant s'ajoutent les débours (art. 25 LaCC) et la TVA (art. 26 LaCC).

3.2 En l'espèce, la valeur litigieuse pertinente pour le calcul des sûretés peut être chiffrée à 59'396 fr. 75.

Le montant de dépens auquel le requérant pourrait prétendre en application de l'art. 85 RTFMC, avant réduction, débours et TVA non inclus, est ainsi de 7'845 fr. environ.

En tenant compte de la réduction prévue par l'art. 90 RTFMC, le montant proposé par le requérant, en 5'600 fr. débours et TVA inclus est approprié.

Les sûretés ainsi fixées devront être fournies par le cité en espèces, auprès des Services financiers de l'Etat de Genève, ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse (art. 100 al. 1 CPC) et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt (art. 101 al. 1 CPC).

4. Le cité, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires de la présente décision (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 300 fr. (art. 21 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Il sera condamné à verser ce montant au requérant.

Il sera également condamné aux dépens de celui-ci, arrêtés à 800 fr., débours et TVA inclus (art. 85 et 88 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée par B______ dans la cause C/25496/2020-1.

Au fond :

Condamne A______ à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel de B______ à hauteur de 5'600 fr., en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse.

Impartit à A______ un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt pour constituer les sûretés ainsi fixées.

Dit que si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la présente décision à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ 300 fr. à titre de frais judiciaires pour la procédure de sûretés.

Condamne A______ à verser à B______ 800 fr. à titre de dépens sur procédure de sûretés.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente ad interim;
Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges,
Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente ad interim :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.