Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/21010/2019

ACJC/800/2023 du 12.06.2023 sur JTPI/7518/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.398; CO.321.lete
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21010/2019 ACJC/800/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 12 JUIN 2023

 

Entre

1) A______ INC., p.a. c/o B______, ______, Îles Marshall,

2) C______ INC., p.a. c/o B______, ______, Îles Marshall, appelantes d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 juin 2022, comparant toutes deux par Me Patrick SPINEDI, avocat, AUBERT SPINEDI STREET & ASSOCIÉS, rue Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

D______, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Didier BOTTGE, avocat, BOTTGE & ASSOCIÉS SA, place de la Fusterie 11, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7518/2022 du 21 juin 2022, reçu le 24 du même mois par A______ INC. et C______ INC., le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté les précitées de leurs conclusions dirigées contre D______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 49'360 fr., les a compensés avec les avances effectuées, les a mis à la charge de A______ INC. et de C______ INC., ordonné la restitution à chaque partie du solde de ses avances, condamné A______ INC. et C______ INC. à payer 40'000 fr. à D______ au titre des dépens (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 22 août 2022, A______ INC. et C______ INC. ont formé appel de ce jugement, dont elles ont sollicité l'annulation. Cela fait, elles ont conclu à ce que D______ (ci-après : D______ ou la banque) soit condamnée à verser à A______ INC. le montant de 1'008'063 USD avec intérêts à 5% dès le
27 mars 2019 et à verser à C______ INC le montant de
589'668 USD avec intérêts à 5% dès le 27 mars 2019., sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse du 18 novembre 2022, D______ a conclu au rejet de l'appel, au déboutement de A______ INC. et de C______ INC. de leurs conclusions et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. Par réplique du 4 janvier 2023 et duplique du 10 février 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Par courrier du greffe de la Cour du 1er mars 2023, les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. A______ INC. et C______ INC. sont des sociétés ayant leur siège dans les Iles Marshall. La personne autorisée à les représenter, leur directeur et actionnaire, est E______, citoyen grec domicilié en Grèce.

b. D______, société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 1924, a pour but social l'exploitation d'une banque.

c. La relation bancaire de A______ INC. auprès d'D______, portant le numéro 1______, a été ouverte en décembre 2011.

d. La relation bancaire de C______ INC. auprès d'D______, portant le numéro 2______, a été ouverte en juin 2013.

e. Une procuration sur les deux comptes a été conférée au gérant externe F______ SA, société sise à Genève, dont l'administrateur président est G______/H______.

f. Les relations bancaires entre A______ INC., C______ INC. et D______ n'impliquaient pas de mandat de gestion. Il s'agissait de mandats de dépôt "execution only".

g. Les conditions générales de la banque, qui avaient été remises aux clientes à l'ouverture des relations bancaires, ont été modifiées en septembre 2018. Elles ont été portées à la connaissance des clientes par courrier du 11 septembre 2018.

L'article 9 des conditions générales prévoit que la banque exécute et transmet les ordres d'achat ou de vente de titres, de devises et autres placements aux risques du client, conformément aux instructions qui ont été données et aux lois, règles, et usages des marchés concernés. Des accords particuliers doivent être signés avant l'exécution de certains types de transaction ( ).

Sauf instructions contraires expresses du client, les ordres sont exécutés sur le marché choisi par la banque, y compris sur le marché hors cote ou dans le cadre d'une transaction de gré à gré. La banque est libre d'exécuter les ordres en qualité de contrepartie ou en les appliquant au sein de la clientèle. La banque choisit les intermédiaires locaux ("brokers") auxquels elle confie l'exécution des ordres.

Sous réserve d'une faute grave de la banque, le préjudice que le client pourrait subir du fait d'un ordre non exécuté, exécuté partiellement tardivement ou mal exécuté, est à la charge du client.

Lorsqu'un dommage, imputable à la banque, est dû à l'exécution imparfaite, à l'exécution tardive ou à la non-exécution d'un ordre du client (à l'exclusion des ordres de bourse), la banque ne répond que de la perte d'intérêts, à moins qu'elle n'ait été mise en garde par écrit dans le cas particulier contre le risque d'un dommage plus étendu et qu'elle n'ait garanti par écrit l'exécution de l'ordre dans des délais déterminés. La banque ne répond, en aucun cas, du manque à gagner ou de toute autre forme de dommage indirect. Par ailleurs, la banque ne répond pas des erreurs ou omissions dues à ses correspondants.

L'article 27 des conditions générales, relatif aux auxiliaires, recours à des tiers et externalisation d'activités, prévoit que la banque est déchargée de toute responsabilité pour le fait de ses auxiliaires dans toute la mesure légalement admissible. Lorsque la banque est en charge de la gestion des avoirs du client, du conseil au client, de l'exécution des ordres ou de la conservation des actifs du client, elle peut faire appel à des personnes physiques ou morales tierces, y compris à des sociétés appartenant au même groupe que la banque ("le groupe D______"). Dans ce cas, elle n'est responsable à l'égard du client que du soin avec lequel elle a choisi et instruit ces tiers.

La banque est en droit d'externaliser tout ou partie de ses activités d'affaires à des entités qui lui sont affiliées ou non, et qui opèrent en Suisse ou à l'étranger (en particulier pour le trafic des paiements, les opérations sur titres, la gestion de données, les services informatiques ainsi que les services de back et/ou middle office). Une telle externalisation peut requérir la transmission de données à des prestataires de services internes au sein du groupe D______ ou externes, incluant des données personnelles relatives au client, dans la mesure utile à l'exercice de leur tâche et dans le respect de la réglementation applicable, étant précisé que ces prestataires de services peuvent, à leur tour, recourir à des sous-traitants.

Une clause d'élection de for et d'application du droit suisse est prévue par
l'article 31 des conditions générales.

h. Dans le courant de l'année 2016, A______ INC. et C______ INC. ont acquis des actions et des warrants publics de la société I______ INC., incorporée aux Etats-Unis.

i. Ces titres étaient déposés auprès de J______ (ci-après : J______), le dépositaire (depositary) américain d'D______, à K______ [USA]. Cette indication figure sur les avis de transactions adressés par la banque à A______ INC. et C______ INC. lors de l'acquisition des warrants.

L______, le représentant de la banque, a précisé lors de l'audience du 22 juin 2021, que, pour les titres cotés aux Etats-Unis, D______ n'avait pas d'autre choix que de passer par un dépositaire américain.

M______, chargé de relations au sein du département des gérants externes de D______, a précisé, lors de l'audience du 28 septembre 2021, que lorsque la banque détient des titres d'une société domiciliée aux Etats-Unis, elle détient un compte auprès de sa banque dépositaire aux Etats-Unis, soit un dépositaire local. Dans le cas des titres N______ (anciennement I______ INC. cf. consid. k infra), il s'agissait de J______.

Selon O______, collaborateur de D______, responsable en 2019 du service des opérations sur titres de la banque, auditionné le 1er février 2022, J______ est un dépositaire leader sur le marché des titres américains. Il est le dépositaire de différentes banques sises en Suisse et partout dans le monde.

L______ a expliqué, lors de l'audience du 22 juin 2021, que J______ avait elle-même déposé les warrants auprès de P______. P______ est le dépositaire central aux Etats-Unis auprès duquel l'ensemble des banques américaines détient tous les titres cotés aux Etats-Unis, sous réserve des titres émis par le gouvernement. Ces derniers sont en effet déposés auprès d'un dépositaire américain, mais sans obligation de les déposer ensuite auprès de P______.

j. Le 26 décembre 2018 a eu lieu la fusion entre les sociétés I______ INC. et N______ INC., également incorporée aux Etats-Unis.

k. Les warrants de I______ INC. ont ainsi été convertis en warrants de N______ INC.

l. A______ et C______ ont produit une convention rédigée en anglais (Warrant agreement), non signée et non datée, conclue entre I______INC. et Q______
(ci-après : Q______, société américaine ayant pour but ______), qui prévoit, notamment, que si 90 jours après la fusion de la société émettrice des warrants l'enregistrement des nouvelles actions n'a pas encore été validé par la R______, les détenteurs des warrants peuvent, pendant la période commençant le 91e jour après la fusion et se terminant au moment où la déclaration d'enregistrement est déclarée effective par R______, procéder à « l'exercice » des warrants par le biais d'une transaction dite cashless exercise (cf. chiffre 7.4).

m. Il ressort du dossier qu'un cashless exercise consiste en l'échange des warrants contre des actions, sans qu'un achat d'actions n'intervienne.

n. Le 26 mars 2019, soit 90 jours après la fusion des deux sociétés précitées, N______ INC. n'avait pas encore fait la déclaration d'enregistrement des actions, de sorte que ledit enregistrement n'avait pas encore été validé par la R______.

o. En mars 2019, E______ a été informé par un tiers que s'il possédait des warrants publics, ceux-ci devaient être détenus par un broker aux Etats-Unis. Une fois que l'enregistrement des actions était effectif (cf. C.l ci-dessus), l'exercice des warrants était effectué par l'organisme P______, qui agissait comme mandataire (nominee) pour tous les brokers américains.

p. E______ a demandé à H______ de se renseigner auprès de D______ au sujet de l'identité du broker américain auprès duquel les warrants étaient déposés.

Selon les déclarations de M______ du 28 septembre 2021 devant le Tribunal, lorsqu'un gérant externe reçoit des ordres de clients, il les transmet à la banque, soit pour elle le service des gérants externes. Le service des gérants externes répond au gérant externe et transmet l'instruction au département spécialisé de la banque, pour l'exécution de l'ordre transmis. Lorsque le département spécialisé a répondu aux questions du service des gérants externes de la banque, ce service répond au gérant externe qui transmet à son tour au client.

q. Le 25 mars 2019, à la demande de E______, H______ a ainsi adressé, à 10h10, un courriel à D______, dont l'objet était le suivant : "exercise of N______ warrants". Il informait la banque de ce que les titulaires des comptes 1______ et 2______ songeaient à exercer une partie des warrants de N______ INC. et a demandé auprès de quel broker américain les warrants étaient déposés. H______ a ajouté : J'imagine que si le client désire exercer ces warrants, la banque est en mesure de le faire".

Le représentant de la banque, L______, a déclaré lors de l'audience du 22 juin 2021, que le processus de cashless exercise était inhabituel pour D______, sans qu'il puisse dire si la banque avait déjà procédé à ce type d'opération par le passé. En ce qui le concernait, c'était la première fois qu'il avait eu à s'en occuper.

En revanche, O______ était familier des warrants. Il a déclaré lors de l'audience du 1er février 2022, que l'exercice de warrants était une opération courante. Elle impliquait, comme toutes les opérations sur titres, des échanges par messages swift entre D______ et son dépositaire.

Lors de l'audience du 22 juin 2021, E______ a déclaré avoir déjà procédé à un exercice cashless par le passé mais il s'agissait d'un cas un peu différent dès lors que cela concernait des "inside warrants". Ces titres étaient déposés auprès d'une banque américaine et l'opération avait été effectuée par un directeur de C______ INC. Il a ajouté que si D______ lui avait dit qu'elle n'était pas en mesure de l'assister dans l'opération de cashless exercise, il aurait transféré les titres de C______ INC. "vers C______ aux Etats-Unis", mais il ignorait dans quel délai il aurait pu procéder à ce transfert.

r. Le jour de la réception du courriel de H______, soit le 25 mars 2019, O______ a envoyé un message au dépositaire américain de la banque, J______, et lui a demandé de lui indiquer les conditions d'exercice des warrants et les délais.

Comme déjà indiqué, L______, le représentant de la banque, a déclaré lors de l'audience du 22 juin 2021 que la banque n'avait pas d'autres moyens pour exécuter l'opération que de passer par son dépositaire J______, lequel dépendait pour sa part des instructions de P______. Selon lui, la nécessité de passer par J______ s'appliquait à la fois au cashless exercise et au cash exercise. Ensuite, "l'exécution de l'instruction du client pouvait différer entre le cashless exercise et le cash exercise, par l'intermédiaire de J______".

M______ a confirmé, lors de l'audience du 28 septembre 2021, qu’en ce qui concernait l’exécution des warrants de N______ INC., D______ était obligée de passer par sa banque dépositaire aux Etats-Unis, J______. « Dans le cadre d'un événement sur titre comme celui du cas d’espèce, la banque doit procéder à certaines vérifications avec son dépositaire local. C'est le dépositaire local qui communique à la banque lorsqu'il se passe quelque chose dans le pays du domicile de la société concernée ».

O______ a déclaré lors de son audition du 1er février 2022, que lorsqu'une banque donne des instructions à son dépositaire, ce dernier ne peut pas exécuter l'opération demandée « tant qu'il n'a pas procédé à la mise en place des informations nécessaires ». Le dépositaire envoie un message swift à la banque et il attend en retour un message swift de la banque avant de procéder à l'opération.

s. Environ une heure plus tard, le 25 mars 2019 (cf. C.r ci-dessus), un collaborateur de J______ a répondu à O______ que J______ attendait encore les détails de l'opération, qui devaient être fournis par le dépositaire P______. Dès que P______ aurait confirmé les détails, "les options et les paiements seraient ajoutés".

L______, le représentant de la banque, a confirmé lors de l'audience du 22 juin 2021 que le dépositaire J______ avait dit qu'il attendait les instructions de P______, instructions qui n’étaient arrivées que le 28 mars 2019.

t. Le 25 mars 2019 à 11h54, S______, collaboratrice de D______ au sein du département des gérants de fortune externes, a répondu au message de H______. Elle lui a indiqué que les conditions d'exercice du warrant n'étaient pas encore définies et que la banque attendait un retour de son dépositaire. Elle ne manquerait pas de tenir H______ informé.

u. Le lendemain, soit le 26 mars 2019 à 10h24, E______ a envoyé un courriel à H______ contenant les informations suivantes reçues directement de Q______: "si la confirmation d'enregistrement (Registration Statement) devenait effective demain, l'exercice des warrants serait alors accessible à tous les brokers américains par l'entremise de P______. Je ne suis pas entièrement certain de la manière dont un titulaire de warrant détient des warrants publics en Europe. Il doit obligatoirement y avoir un dépositaire américain qui détient ces warrants et c'est ainsi que cela doit être exercé. Il n'y a aucun moyen de nous [c’est-à-dire Q______] livrer des titres directement depuis l'Europe, dès lors qu'ils ne font pas partie du système P______. P______ se chargera également du paiement des fonds pour l'exercice".

Dans ce courriel, E______ a, à nouveau, demandé à H______ de se renseigner sur l'identité du correspondant de D______ aux Etats-Unis.

v. H______ a immédiatement transféré le message de E______ concernant l'exercice des warrants à deux collaborateurs de D______, soit M______ et S______, et les a remerciés de leur aide.

w. Une heure plus tard, soit le 26 mars 2019 à 11h32, S______ a répondu à H______ de la manière suivante : "Merci pour l'information ci-dessous. De notre côté, nous attendons nous aussi l'annonce de P______. Notre custodian aux USA (J______) est en direct avec P______ qui doit nous confirmer les conditions d'exercice. Nous vous tenons informé".

x. Par courriel du 26 mars 2019 en fin d'après-midi, E______ a indiqué à H______ que si la confirmation d'enregistrement des actions de N______ INC. ne devenait pas effective d'ici la fin de la journée du 26 mars, le gérant devrait instruire le "P______ de" D______ de transférer à Q______ le document annexé au courriel. Il ressort du titre dudit document qu'il s'agissait d'une "notice of exercice" pour l'exercice cashless pour le compte de A______ INC. E______ a précisé que la partie du formulaire relative à l'identité du broker n'avait pas été remplie, puisque H______ ne lui avait pas envoyé les détails.

Le formulaire "notice of exercice" indique expressément qu'il est adressé à Q______ (the Warrant agent). La case "cashless exercise" a par ailleurs été cochée d'une croix.

y. H______ a immédiatement transféré l'ordre de A______ INC. pour l'exercice cashless des warrants à D______.

Lors de l'audience du 28 septembre 2021, H______ a indiqué qu'il s'agissait de la première fois que E______ lui demandait de transmettre un ordre concernant des warrants. H______ n'avait pas d'expérience avec les warrants. Lorsqu'il avait transmis l'ordre à D______, la banque lui avait dit qu'il s'agissait d'une opération qui sortait de l'ordinaire mais qu'elle allait faire le nécessaire pour l'exécuter.

z. A 19h09 le 26 mars 2019, S______ a envoyé un courriel à H______, lui indiquant que l'instruction d'exercer les warrants sur le compte 1______ avait été transmise.

Selon les déclarations de M______ du 28 septembre 2021, cela signifiait que le service des gérants externes de la banque avait transmis l'ordre au service interne spécialisé de la banque.

a.a Par un message téléphonique émis à 21h50, E______ a demandé à H______ de donner l'ordre à la banque d'aller de l'avant avec l'exercice cashless des warrants si l'enregistrement des actions n'était pas effectif le lendemain matin.

b.b Le 27 mars 2019 à 7h15, T______, collaboratrice de D______, a adressé un message électronique à J______ – en utilisant la plateforme informatique de cette dernière –, indiquant que la banque avait été informée que les conditions d’exercice du warrant de N______ INC. avaient été annoncées et que la cliente A______ INC. souhaitait l'exercer, de sorte qu'elle voulait savoir si J______ allait envoyer un nouveau swift contenant les conditions d'exercice.

La notice of exercise pour le cashless exercise remplie par E______ pour le compte de A______ INC. était jointe au message adressé à J______. La notice of exercise était partiellement remplie, mais la case relative à un cashless exercise avait été cochée d'une croix (cf. lit. x supra).

Lors de l'audience du 22 juin 2021, E______ a déclaré qu'D______ n'avait pas fait référence à un cashless exercise, ce qui était une erreur de sa part.

De son côté, O______ a déclaré lors de l’audience du 1er février 2022, que le message électronique adressé par la banque à J______ faisait référence aux conditions annoncées pour le warrant, précisées dans la notice of exercise annexée au message, laquelle indiquait clairement qu'il s'agissait d'un cashless exercise.

M______ a déclaré devant le Tribunal que la banque avait respecté son rôle, qui était de vérifier avec son dépositaire si un « événement » sur titres allait se produire. Lorsque la banque dépositaire transmettait cette information au service spécialisé de D______, ce service indiquait alors au service des gérants externes ce qui pouvait être fait, information ensuite répercutée auprès des gérants externes.

Selon les déclarations de O______ lors de l’audience du 1er février 2022, J______ n'a pas pu donner suite aux instructions de la banque, à réception de ce message du 27 mars 2019, car elle devait encore « mettre en place les conditions » pour que le warrant puisse être exercé.

c.c Ce même matin, 27 mars 2019, E______ a informé H______ que l'enregistrement des actions (effectiveness) n'avait pas eu lieu et lui a demandé de donner instruction à D______ d'envoyer à Q______ la notice d'exercice cashless à la date de ce jour.

d.d Par courriel du 27 mars 2019 à 8h35, H______ a transmis l'information à D______ et lui a demandé d'envoyer à Q______ la notice de A______ INC. pour un cashless exercise à la date valeur du jour-même.

M______ a déclaré lors de l'audience du 28 septembre 2021 que le gérant externe avait indiqué à la banque qu'il y avait une notion d'urgence, en ce sens qu'il y avait un délai à respecter. La banque avait pu donner suite à cette urgence dans la mesure de ce qu'elle pouvait faire dans le cadre des procédures mises en place. Selon ce témoin, le département des gérants externes de D______ avait mis la pression sur le département spécialisé pour qu'il obtienne des informations de la part du dépositaire étranger.

e.e A 11h37 le 27 mars 2019, J______ a répondu à D______ qu'elle avait contacté le P______ pour savoir si l'agent de transfert (soit Q______) avait fourni des détails. Elle reprendrait contact avec la banque dès qu'elle aurait obtenu une réponse.

f.f Par courriel du 27 mars 2019 à 17h06 adressé à D______, H______ a joint l'ordre de E______ d'exercer les warrants N______ INC. pour le compte de C______ INC. L'objet du message était "C______ – Notice of Cashless Exercise for N______".

La notice of exercise versée à la procédure est également adressée à Q______, comme celle émise par A______ INC. Cette notice of exercise comprend de nombreuses rubriques remplies et tracées (en particulier l'identité du broker). Elle ne comporte pas la même signature de l'investisseur que celle produite pour A______ INC. et la date apparaît être février 2019, mention également tracée.

g.g Un peu plus tard dans la journée, U______, collaboratrice d'D______ au sein du département des gérants de fortune externes, a répondu à H______ que le souhait du client avait été transmis. Elle a ajouté ce qui suit : "Cependant nous n'avons pas encore eu de retour du dépositaire. Nous vous tiendrons informé dès que possible".

h.h Le lendemain matin, 28 mars 2019, à 8h03, H______ a répondu ce qui suit à U______ : "je vous remercie U______. Nous attendons la réponse du dépositaire. Etant donné qu'il s'agit d'une opération très particulière (cashless exercise), nous devons avoir une réponse assez rapidement pour les deux demandes concernant les comptes A______ et C______. Apparemment le client a d'autres positions des warrants N______ dans d'autres banques et parce qu’il les a déjà exercés (cashless), il connaît le déroulement de cette opération".

i.i Dans la journée du 28 mars 2019, plusieurs échanges de messages ont eu lieu entre T______ et J______, par la plateforme informatique de cette dernière.

Le 28 mars 2019 à une heure indéterminée, J______ a notamment indiqué à la banque que le "cash exercise" ne pouvait pas commencer avant l'enregistrement effectif des actions sous-jacentes de la société.

j.j T______ a répondu rapidement, le 28 mars 2019 à 7h28 le matin, que cette réponse ne paraissait pas adéquate car le client avait déjà pu finaliser l'exercice aux Etats-Unis sur les mêmes warrants.

Lors de l'audience du 1er février 2022, O______ n'a pas pu expliquer pourquoi J______ a fait référence à un cash exercise, alors que le message de départ de D______ mentionnait l'exercice du warrant sans préciser s'il s'agissait d'un exercice du warrant cashless ou cash, car c'était la manière usuelle de procéder, et que la notice of exercise annexée au message mentionnait un cashless exercise. Il a relevé que les messages ultérieurs de J______, par swift, évoquaient uniquement un exercice cashless.

k.k Le 28 mars 2019 à 9h28, O______ a adressé à Q______ un courriel intitulé "Urgent - exercise of warrants N______", indiquant que la banque détenait 255'415 warrants N______ INC. auprès de son dépositaire J______ et qu'elle souhaitait procéder à un exercice cashless; elle sollicitait en conséquence des informations sur la manière de procéder.

Lors de l'audience du 1er février 2022, O______ a expliqué qu'il avait adressé ce courriel à Q______ car la banque avait constaté que J______ n'avait pas mis en place l'opération concernée. La banque avait donc voulu accélérer le processus en intervenant directement auprès de Q______. La banque avait pris cette initiative alors que, normalement, elle « est simplement chargée d’attendre de recevoir les instructions de son dépositaire ». La banque n'avait pas de relations avec Q______; elle n'avait qu'un seul dépositaire, soit J______.

L______, le représentant de la banque, a confirmé lors de l’audience du 22 juin 2021, que la banque avait tenté d'interpeller directement Q______ pour obtenir des informations, puisqu'elle n'avait pas obtenu de réponse de J______ et qu'un courriel du client faisait référence à Q______.

l.l Le 28 mars 2019 à 11h32, U______ a répondu à H______ en ces termes : "Il n'est toujours pas possible de procéder à l'exercice des warrants, voici la réponse de notre dépositaire. P______ advised that the company is awaiting the effective registration on the underlying shares to allow cash exercises to begin. As of to date, the agent advised that the effective registration is NOT completed yet. Once the registration completes then P______ can activate for instruction. We will update the event once further update becomes available. Nous prenons bien sûr en compte les instructions des clients et les exécuterons dès que cela sera possible. Nous vous tiendrons informés. D'après les infos du marché, il semble impossible que le client ait pu exercer ses warrants ailleurs car P______ n'a pas encore tous les détails".

E______ a déclaré, lors de l'audience du 22 juin 2021, que ce message démontrait que la banque n'avait pas compris la notion de cashless exercise, puisqu'elle évoquait un cash exercise, et non un cashless exercise.

L______, le représentant de la banque, a indiqué lors de l'audience du 22 juin 2021, que cette dernière avait effectivement constaté que la réponse de J______ ne correspondait pas à la demande de D______, puisque la banque avait transmis à J______, le 27 mars 2019, la notice d'exercice avec les instructions du client portant sur un exercice cashless des warrants et que la réponse de J______ mentionnait un cash exercise ainsi que l'enregistrement effectif des actions sous-jacentes. La banque avait immédiatement corrigé cette erreur de J______ dans son message de 7h28 (cf. consid. j.j. supra).

m.m Le 28 mars 2019 vers midi, E______ a reçu un courriel d'une connaissance lui confirmant que l'enregistrement des actions n'était pas encore effectif, de sorte que conformément au "Warrant agreement" (cf. consid. l. supra), il pouvait procéder à l'exercice cashless des warrants qu'il détenait tant que "la fenêtre était ouverte" mais que les titres ne seraient reçus qu'après l'enregistrement. Une fois que l'enregistrement serait effectif, la "fenêtre se fermerait" et les warrants ne pourraient plus être exercés cashless.

n.n E______ a immédiatement transmis ces informations à H______ par courriel.

o.o H______ a alors transmis ces informations à D______, soit à M______, et a souligné qu'il s'agissait d'un exercice cashless.

p.p A 14h39 le 28 mars 2019, Q______ a répondu à O______ que J______ devait envoyer une lettre, à son entête, signée et datée, sollicitant l'exercice et que les warrants devaient être délivrés à Q______ via un "Dwac withdrawal".

L______ a déclaré, lors de l’audience du 22 juin 2021, qu'au vu de la réponse de Q______, il était absolument indispensable de passer par le dépositaire américain de D______, soit J______. Il a aussi expliqué qu'un Dwac est un transfert entre un broker et un agent de transfert et que la banque connaissait le système Dwac.

q.q Cette information a été relayée par T______ à sa correspondante chez J______.

O______ a expliqué, lors de l’audience du 1er février 2022, que la banque avait envoyé ce message à J______ suite à la réponse qu'elle avait reçue de Q______.

r.r J______ a répondu qu'elle se renseignait auprès de P______ ainsi qu'auprès de son équipe de notification.

s.s Le 28 mars 2019 toujours, P______ a annoncé à J______ que les détenteurs de warrants étaient informés que l'exercice cashless était disponible directement auprès de l'agent de transfert (i.e. Q______), avec une instruction signée et datée, les warrants devant être livrés par Dwac.

t.t A l'interne de D______, O______ a transmis à M______ l'information obtenue de Q______. Il a ajouté "on va tout faire pour pouvoir exercer ces warrants. Ça sort vraiment de nos process habituels donc il est difficile d'avoir de la visibilité".

Lors de l'audience du 28 septembre 2021, M______ a déclaré se souvenir « que le dépositaire J______ ne reconnaissait pas l’événement concerné et donc la banque D______ n’arrivait pas à aller dans le sens de la demande du gérant externe du fait de l’absence d’informations reçues de la part de J______. En quelque sorte, la banque était prise entre deux feux, car elle était tributaire des informations reçues de son dépositaire J______ ».

u.u Le 28 mars 2019 à 20h22, M______ a répondu à O______ qu'il ne serait pas là le lendemain, mais que U______ ferait le lien avec le gérant de fortune indépendant et avec le client, que le client était « hypertendu », et qu'on devait finaliser le lendemain.

v.v A 21h28 le 28 mars 2019, M______ a écrit à H______ que l'opération serait finalisée le lendemain, dernier délai; le client pouvait donc être rassuré. Il a demandé à H______ d'expliquer au client "qu'on est vraiment dans un process inhabituel, qu'on ne fait pas d'habitude car il n'y a pas de matching, pas de settlement avec le depositaire US. Donc on évite ce type de set up pour nos clients autant que faire se peut car on a moins de contrôle sur toute la chaine. Mais vu que c'est le seul moyen, on va faire le nécessaire avec J______".

w.w Le 28 mars 2019 à 16h32, heure américaine, J______ a envoyé un message swift 564 à D______ selon lequel les détenteurs qui choisissaient d'exercer leurs titres convertibles verraient leurs warrants exercés et envoyés à l'agent par Dwac. L'opération décrite était un cashless exercise. Le message précisait également que le dépositaire (soit P______) était présentement en train de rechercher les modalités techniques de l'opération.

Le message a été reçu par D______ à 21h32, heure suisse.

O______ a déclaré, lors de l’audience du 1er février 2022, qu'à 21h32 il n'y avait personne à Genève pour recevoir ledit message. S'agissant des messages swift, il a expliqué qu'il était nécessaire que le dépositaire envoie à la banque un message dit 564 avec les informations sur l'opération. La banque devait répondre avec un message dit 565 et le dépositaire confirmer la bonne réception et prise en compte des instructions avec un message dit 567. Ainsi, la banque ne pouvait pas donner d'instructions au dépositaire si elle n'avait pas reçu celles qu'elle attendait de ce dernier.

L______, le représentant de la banque, a déclaré lors de l'audience du 22 juin 2021, qu'il était impératif de passer par un message swift pour donner suite aux instructions de ses clients; l’envoi de messages swift était la façon de procéder entre D______ et J______.

x.x A 8h47, heure suisse, le matin du vendredi 29 mars 2019, J______ a adressé un message swift 567 à D______, confirmant la réception des instructions de la banque pour l'exercice cashless.

O______ a indiqué, lors de l’audience du 1er février 2022, qu'D______ avait donné les instructions dès qu'elle avait reçu les informations de J______, en rappelant qu'il y avait un décalage horaire entre les Etats-Unis et la Suisse. Pour O______, il n'était pas possible pour la banque de donner des instructions contraignantes à J______ avant le 28 ou le 29 mars 2019, car la banque était tenue par le respect du processus qui avait cours et elle avait besoin d'obtenir certains éléments avant de pouvoir donner des instructions contraignantes à J______. En d'autres termes, avant la réception, par la banque, du message swift de 21h32, il n'était pas possible pour la banque d'exercer le warrant. O______ a également déclaré que J______ devait traiter de façon égale les différentes banques qui déposaient des titres chez elle et il ne pouvait pas concevoir que J______ ait pu donner des informations au sujet de l'exercice des warrants de N______ INC. à d'autres banques avant de les transmettre à D______. Il a également déclaré qu'il ne voyait pas quelles autres démarches D______ aurait pu accomplir s’agissant de l'exercice des warrants.

y.y A 9h33 le 29 mars 2019, J______ a également adressé un message à D______ – via sa plateforme informatique – confirmant la réception des instructions de la banque pour le cashless exercise.

z.z Le matin du 29 mars 2019, H______ a demandé des nouvelles à D______. Cette dernière lui a répondu que le back office avait donné instruction au dépositaire d'exercer les warrants et que l'instruction avait été acceptée, que la banque n'avait pas encore de date de réception des nouveaux titres et qu’elle tiendrait H______ informé.

a.a.a Le 29 mars 2019, un échange de courriels est intervenu entre J______ et Q______. Cette dernière a indiqué à J______ qu'il convenait qu'une lettre datée et signée, portant l’entête de J______, donne instruction à Q______ de procéder à l’exercice cashless. Les warrants devaient ensuite être délivrés à Q______ via un "Dwac withdrawal".

b.b.b Le lundi 1er avril 2019, J______ a envoyé une lettre d'instruction à Q______ et a également donné une instruction à P______ pour le retrait Dwac.

c.c.c L'exercice cashless des warrants a ainsi été exécuté à la date du 1er avril 2019.

d.d.d D______ a demandé à J______, le 1er avril 2019 à 8h49, si elle s'occupait elle-même du retrait Dwac, et l'a interrogée sur sa connaissance d'une date annoncée pour la réception des nouveaux titres.

e.e.e J______ a répondu à D______ à 12h42 puis à 15h30, que son équipe allait s'occuper du Dwac pour recevoir les titres et qu'il n'y avait pas d'estimation de date pour la remise de ceux-ci.

f.f.f Le 3 avril 2019, le cours de l'action N______ INC. a oscillé entre 5.27 USD et 15.95 USD, clôturant à 5.52 USD.

g.g.g Le 8 avril 2019, O______ a relancé J______ au sujet de la réception des nouveaux titres, soulignant que le client avait déjà obtenu les nouveaux titres dans d'autres banques américaines. Il a fait part du fait que le client se plaignait de ce que l'exercice des warrants avait été possible ailleurs une semaine avant que J______ en offre la possibilité à D______.

h.h.h Deux heures plus tard, J______ a informé D______ que 99'703 nouveaux titres avaient été déposés sur le compte 3______.

i.i.i A______ INC. a reçu 62'908 actions N______ INC. en échange de 161'156 warrants N______ INC., au cours de 5.75. Ces actions ont été vendues dans les jours suivants pour un montant de 380'669.61 USD.

j.j.j C______ INC. a reçu 36'795 actions N______ INC. en échange de 94'259 warrants N______ INC., au cours de 5.75. Ces titres ont été vendus entre le 10 et le 25 avril 2019 pour un montant total de 242'449.57 USD.

k.k.k Les avis d'échanges de titres ont été émis par D______ à l'adresse de A______ INC. et de C______ INC. le 9 avril 2019.

l.l.l Dès le 5 avril 2019, E______ s'est plaint auprès de D______ du délai pris dans l'exécution de l'opération demandée, soulignant que la plupart des détenteurs de warrants publics avaient été en mesure d'effectuer la conversion des titres le 27 mars 2019. Il s'est plaint de ce que, entre le 27 mars 2019 et le 1er avril 2019, le taux de conversion des warrants en actions avait diminué de manière importante (de 0.74 à 0.39).

m.m.m A______ INC. et C______ INC. ont produit un courriel du 19 avril 2019 de V______, une connaissance de E______, dans lequel le premier indiquait qu'il avait « soumis » ses warrants N______ à W______ le 26 mars 2019 et qu’il avait pu les convertir le lendemain.

Lors de l'audience du 22 juin 2021, E______ a expliqué que V______ avait utilisé une plateforme web, W______, pour cette opération. Il a ajouté que, selon lui, un autre broker, qui avait procédé à l'opération avant le 28 mars 2019, était passé par une banque américaine.

Par courriel du 14 janvier 2020, X______, collaborateur de Q______, a fait savoir à E______ qu'il « n'existait pas d'exigence d'annonce » de la part de P______ et que onze courtiers avaient exercé les warrants le 27 mars 2019.

Le broker W______ a écrit à une connaissance de E______, en décembre 2019, que, moyennant respect de toutes les conditions, un délai de un à trois jours ouvrables était requis pour l'exécution d'un ordre d'exercer des warrants, ou peut-être un délai un peu plus long si les warrants n’étaient pas éligibles à être convertis directement par le dépositaire. Le message précise que l'heure limite est midi heure de l'Est des Etats-Unis ("12:00 ET) chez le dépositaire.

De son côté, le courtier Y______ GROUP a indiqué à E______, par courriel du 14 janvier 2020, que si la requête d'exercice des warrants lui avait été adressée, il l'aurait transmise le lendemain à l'agent de transfert, soit Q______, lequel aurait, le jour suivant ("day 3") procédé à l'exercice.

Enfin, Z______, entendu en qualité de témoin lors de l'audience du 1er février 2022, détenait des warrants N______, lesquels étaient, selon lui, comme tous les warrants N______, déposés auprès de Q______. Z______ avait un compte pour les transactions auprès de la banque américaine Y______ GROUP. Toutefois, pour les titres N______, Y______ GROUP n'intervenait pas comme intermédiaire et Z______ s'adressait lui-même à Q______. Cela était dû au fait que Z______ avait été le directeur d'une compagnie qui avait fusionné avec N______. Les warrants N______ de Z______ étaient, pour ce motif, traités tout à fait différemment des warrants N______ détenus par d'autres personnes. Après que Z______ avait exercé ses warrants et que les titres avaient été convertis en actions, il avait donné l'ordre à Q______ de transmettre les actions auprès de la banque Y______ GROUP. Z______ a précisé avoir gagné le droit d'exercer son exercice cashless sur les warrants le 26 janvier 2019 et avoir exercé son option le 30 janvier 2019. Il avait reçu les titres beaucoup plus tard, comme les autres détenteurs des warrants N______, à savoir lorsque l'enregistrement de ces titres avait été approuvé par la R______, pour tous les investisseurs. Z______ avait été en mesure de procéder en un seul jour à l'exercice cashless des warrants N______. Selon lui, pour les autres détenteurs de warrants, il avait également été possible de procéder en un seul jour à cet exercice cashless, à partir du moment où ces détenteurs avaient acquis le droit de procéder à cet exercice. Z______ n'avait pas dû solliciter une autorisation auprès de P______ pour exercer son option, car P______ n'était pas concernée lorsqu'il était question d'un exercice cashless.

n.n.n Le 9 avril 2019, D______ a répondu à H______ que chaque banque dépositaire aux Etats-Unis dépendait des informations qu’il recevait de P______ au sujet de tous les événements survenant sur le marché américain. Tous les clients participant à l'exercice cashless des warrants avaient été formellement informés par leur dépositaire américain le 28 mars 2019 et tous les clients avaient reçu leurs nouveaux titres N______ INC. le 8 avril 2019. Selon les informations données par J______ à D______, la banque ne pensait pas qu'il aurait été possible pour n'importe quel client de bénéficier de conditions différentes sur le marché. Il était possible que E______ ait investi à titre personnel dans I______ INC. depuis plusieurs mois et qu'il ait pu recevoir des informations partielles sur la manière d'exercer le warrant.

o.o.o Le 23 avril 2019, J______ a confirmé à D______ que, sur le marché américain, P______ était le premier fournisseur et source d'information de J______. Dès lors que J______ avait une relation contractuelle avec P______, elle faisait confiance à l'information et aux annonces du dépositaire pour « annoncer officiellement les événements ». C'était la raison pour laquelle J______ avait attendu les informations officielles et les détails de P______ avant « d'annoncer l'événement » à ses clients. De plus, J______ n'aurait pas reçu d'information directement de l'agent (soit Q______), dès lors qu'elle n'avait pas de relation contractuelle avec celui-ci.

Lors de l'audience du 22 juin 2021, L______ a déclaré que J______ avait besoin d'un message de P______ ; le processus avait pu aller de l'avant une fois ce message reçu. Il ne prétendait pas que l'exercice cashless n'était pas possible avant le 28 mars 2019 partout dans le monde, mais par l'intermédiaire de J______, unique interlocuteur de la banque, il n'était pas possible de procéder à cet exercice avant le 28 mars 2019.

p.p.p Le 9 mai 2019, M______ s'est excusé envers E______ des retards survenus dans l'exécution des exercices cashless qu’il avait demandés à la fin du mois de mars 2019. Il a expliqué que la banque n'avait pas d'autre possibilité que de passer par son dépositaire J______, n'étant pas autorisée à procéder directement auprès de Q______. La banque avait néanmoins tenté de s’adresser directement à cette dernière, mais celle-ci avait refusé d'intervenir, indiquant que les instructions devaient provenir du dépositaire américain, soit J______. La banque a contesté avoir manqué à ses obligations et a maintenu avoir transmis les instructions nécessaires à son dépositaire.

q.q.q Par courrier du 20 juin 2019, A______ INC. et C______ INC. ont mis en demeure D______ de payer le préjudice résultant, selon elles, de la mauvaise exécution des instructions données le 26 mars 2019 par E______, préjudice arrêté à 1'598'973 USD avec intérêts à 5% dès le 27 mars 2019. Le préjudice allégué avait deux composantes : d'une part, la perte d'actions causée par la diminution du taux de conversion entre le 27 mars 2019 (0.74) et le 1er avril 2019 (0.39), et, d'autre part, l'importante diminution du prix de revente des actions, soit 5.44 USD le 8 avril 2019, date à laquelle elles avaient été reçues, alors que, selon A______ INC. et C______ INC., les actions auraient pu être revendues à un prix moyen de 11.32 USD si elles avaient été reçues le 3 avril 2019.

r.r.r Par courrier du 8 juillet 2019, D______ a contesté toute responsabilité.

s.s.s Les relations bancaires de A______ INC. et DE C______ INC. auprès de D______ ont été clôturées en juillet 2020.

D. a. Par demande en paiement à l’encontre d’D______ du 18 septembre 2019, déclarée non conciliée le 28 novembre 2019 et introduite le 10 mars 2020 auprès du Tribunal, A______ INC. et C______ INC. ont conclu à ce que la banque soit condamnée à payer à A______ INC. la somme de 1'008'063 USD avec intérêts à 5 % dès le 27 mars 2019, et à verser à C______ INC. la somme de 589'668 USD avec intérêts à 5 % dès le 27 mars 2019.

Elles ont invoqué la responsabilité contractuelle de la banque, qui n'avait pas été diligente dans l'exécution des instructions portant sur l'exercice des warrants N______. Ces instructions auraient dû être exécutées le 27 mars 2019, et non le 29 mars 2019. La banque n'avait pas les connaissances nécessaires à une exécution prompte de la transaction demandée. Elle avait gravement violé ses obligations. Le préjudice allégué a été détaillé comme suit :

A______ INC. avait requis, le 26 mars 2019, la conversion de 161'156 warrants. Si les warrants avaient été convertis le 27 mars 2019 au taux de 0.74, elle aurait reçu 119'255 actions. Au taux de 0.39 du 1er avril 2019, elle avait reçu 62'850 actions, ce qui correspondait à une perte de 56'405 actions. A______ INC. considérait qu'elle aurait pu vendre, le 3 avril 2019, 119'255 actions - au lieu de 62'850 – au prix moyen de 11.32 USD le 3 avril 2019, et aurait ainsi perçu 1'349'967 USD, alors qu'elle n'avait pu vendre que 62'850 actions au prix moyen du marché de 5.44 USD le 8 avril 2019, obtenant ainsi un montant de 341'904 USD, de sorte que sa perte était de 1'008'063 USD (1'349'967 USD moins 341'904 USD).

C______ INC. avait requis la conversion de 94'259 warrants. Si les warrants avaient été convertis le 27 mars 2019 au taux de 0.74, elle aurait reçu 69'752 actions. Au taux de 0.39 du 1er avril 2019, elle avait reçu 36'751 actions, ce qui correspondait à une perte de 33'001 actions. C______ INC. considérait qu'elle aurait pu vendre, le 3 avril 2019, 69'752 actions - au lieu de 36'751 – au prix moyen de 11.32 USD le 3 avril 2019, et aurait ainsi perçu 789'593 USD, alors qu'elle n'avait pu vendre que 36'751 actions au prix moyen du marché de 5.44 USD le 8 avril 2019, obtenant ainsi un montant de 199'925 USD, de sorte que sa perte était de 598'668 USD (789'593 USD moins 199'925 USD).

b. Dans sa réponse du 30 septembre 2020, D______ a conclu au déboutement de A______ INC. et de C______ INC. de toutes leurs conclusions.

D______ a contesté que sa responsabilité soit engagée, dès lors qu'elle n'avait pas violé ses obligations contractuelles de mandataire. Elle a souligné qu'elle n'était pas en mesure d'exercer directement les warrants, en cash ou en cashless, dès lors qu'ils ne pouvaient être exercés que par l'intermédiaire de P______, auquel la banque n'avait accès que par l'intermédiaire de J______, son dépositaire aux Etats-Unis. Or, J______ ne pouvait exercer les warrants que par l'intermédiaire de P______. Ainsi, J______ ne pouvait exécuter les instructions de E______ avant l'annonce par P______ de la possibilité de les exercer, possibilité qui n'avait été annoncée qu'en date du 28 mars 2019.

En comparution personnelle, L______, le représentant de la banque, a précisé qu'il était erroné de prétendre que la banque avait exigé de son dépositaire J______ qu'il passe par P______. La banque avait seulement exigé que J______ fasse le nécessaire pour que les warrants puissent être exercés.

c. Dans leur réplique du 17 décembre 2020, A______ INC. et C______ INC. ont persisté dans leurs conclusions. Elles ont notamment souligné que la transaction n'avait pas été exécutée par le biais de P______, comme le soutenait D______, mais de Q______. Elles ont aussi fait valoir que la banque avait fait preuve de confusion dans l'exécution des instructions données, qu'elle n'avait pas compris la différence entre un exercice cashless et un exercice cash, et qu'en toute hypothèse, il était parfaitement possible d'exercer les warrants avant le 28 mars 2019.

d. Dans sa duplique du 1er février 2021, D______ a également persisté dans ses conclusions. Elle a maintenu avoir exécuté correctement ses obligations, faisant preuve de la diligence requise dans ses relations avec son dépositaire J______, seul capable d'exécuter l'ordre requis. La banque avait même pris contact avec Q______, laquelle avait toutefois confirmé que les instructions devaient émaner de J______.

e. Les parties ont été entendues à l'audience du 22 juin 2021.

f. Le 28 septembre 2021, le Tribunal a entendu les témoins H______ et M______. Le 1er février 2022, Z______ et O______ ont été entendus et les débats principaux ont été clôturés au terme de l'audience.

Les déclarations des parties et des témoins ont été reprises ci-dessus en tant que de besoin.

g. Dans leurs plaidoiries finales écrites du 21 mars 2022, A______ INC. et C______ INC. ont persisté dans leurs conclusions.

Elles ont fait valoir que, d'une part, D______ avait accepté de procéder à l'opération cashless sans se renseigner sur la marche à suivre pour ce faire et que, d'autre part, elle n'avait pas exécuté correctement les instructions de ses clientes, puisqu'elle avait attendu plusieurs jours avant que O______ s'adresse à Q______ pour savoir comment procéder. Elles ont également indiqué que si E______ avait été informé du fait que la banque, en réalité, ne savait pas comment procéder et ne s’était pas renseignée immédiatement sur la marche à suivre pour exécuter l'opération, il se serait organisé différemment. La procédure avait, selon A______ INC. et C______ INC., établi l'existence d'une incompréhension totale sur la nature de l'opération envisagée, voire un réel chaos, puisque les collaborateurs de la banque avaient ignoré qu'il s'agissait d'une opération cashless. La banque avait assuré à H______ que l'opération demandée pouvait être exécutée, mais elle n'en avait pas cherché ni compris les détails, ce qui constituait une faute grave.

h. D______ a également persisté dans ses conclusions dans ses plaidoiries finales du même jour.

i. Chacune des parties a fait usage de son droit à la réplique, persistant dans ses conclusions respectives.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu, en substance, qu'il résultait des avis d'achat des warrants émis par D______ en 2016 que ces titres étaient déposés auprès du broker J______ à K______ [USA], avec la précision que tous les titres cotés aux Etats-Unis, à l'exception des titres émis par le gouvernement, étaient déposés par les brokers américains auprès de P______. La banque était en relation contractuelle avec son dépositaire J______, mais la procédure n’avait pas établi qu’elle avait une relation contractuelle avec P______, ni avec Q______.

Le Tribunal a également retenu que l'exercice des warrants impliquait que le broker américain adresse une instruction écrite dans ce sens à Q______ et que, parallèlement, une instruction de retrait Dwac des titres soit adressée par le broker à P______.

Le Tribunal a ensuite détaillé les différentes interventions de la banque et a considéré que celle-ci avait respecté ses obligations contractuelles. La banque avait fait preuve de la diligence requise en s’adressant à son unique partenaire contractuel, soit J______, en le relançant régulièrement et en lui transmettant les informations qu’elle avait elle-même reçues de H______, respectivement
de Q______.

En ce qui concernait les allégations des demanderesses selon lesquelles des tiers avaient pu exercer les warrants à une date antérieure à la leur, le Tribunal a retenu que si le témoin Z______ avait pu les exercer en janvier 2019, c’était en raison de ses liens particuliers avec la société N______. Par ailleurs il apparaissait que onze brokers américains avaient exercé les warrants le 27 mars 2019. Cet élément ne pouvait toutefois conduire le Tribunal à retenir une responsabilité d’D______.

Il n’apparaissait par ailleurs pas plausible que les demanderesses auraient été en mesure de transférer les warrants, détenus par D______, soit pour elle J______, vers une autre banque, respectivement un autre broker aux Etats-Unis, dans un délai qui aurait permis l’exercice des warrants le 27 mars 2019, alors que le gérant externe s’était adressé pour la première fois à la banque deux jours plus tôt, soit le 25 mars 2019 au sujet de l’exercice des warrants N______.

S’agissant du choix de J______, le Tribunal n’avait pas de motif de retenir que D______ avait failli à ses obligations. Il ressortait en effet des déclarations du témoins O______ que J______ était un dépositaire leader sur le marché des titres américains.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement attaqué constitue une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). La voie de l'appel est ouverte, dès lors que la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Elle applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.3 Compte tenu de l'élection de for et de droit prévue par les parties, il n'est à juste titre pas contesté que les juridictions genevoises sont compétentes pour connaître du litige et que le droit suisse est applicable (art. 5 al. 1 et 116 al. 1 et
2 LDIP).

2. Les appelantes font grief au Tribunal d'avoir retenu que l'intimée n'avait pas commis de faute grave dans l'exécution des instructions d'exercice des warrants N______. Elles font valoir que l'intimée aurait confondu l'exercice cashless et l'exercice cash des warrants et mal instruit J______, ce qui aurait entraîné du retard dans l'exécution de l'opération requise. Dans ce contexte, elles reprochent au premier juge d'avoir mal constaté les faits.

2.1.1 En matière d'opérations boursières, s'agissant des devoirs contractuels de diligence et de fidélité de la banque envers son client, la jurisprudence distingue trois types de relations contractuelles : (1) le contrat de gestion de fortune, (2) le contrat de conseil en placements et (3) la relation de simple compte/dépôt bancaire ("execution only") (ATF 133 III 97 consid. 7.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.1; 4A_593/2015 du 13 décembre 2016 consid. 7).

De la qualification du contrat passé entre la banque et le client dépendent l'objet exact et l'étendue des devoirs contractuels d'information, de conseil et d'avertissement de la banque (arrêts du Tribunal fédéral 4A_593/2015 précité consid. 7; 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.2; 4A_364/2013 du
5 mars 2014 consid. 6.2; 4A_525/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1-3.2,
in AJP 2012 p. 1317 ss; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1). Ces devoirs contractuels découlent des obligations de diligence et de fidélité ancrées dans les règles du mandat (art. 398 al. 2 CO), dans le principe de la confiance (art. 2 CC) ou encore dans l'art. 11 LBVM (arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2017
consid. 5.1.1).

Dans le contrat de simple compte/dépôt bancaire ("execution only"), la banque s'engage uniquement à exécuter les instructions ponctuelles d'investissement du client, sans être tenue de veiller à la sauvegarde générale des intérêts de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 4C.385/2006 du 2 avril 2007 consid. 2.1; 4A_369/2015 du 25 avril 2016 consid. 2).

2.1.2 Selon l'art. 398 al. 1 CO, qui renvoie à la responsabilité du travailleur, soit à l'art. 321e CO, la banque mandataire répond du dommage qu'elle cause au mandant intentionnellement ou par négligence. La responsabilité de la banque est donc subordonnée aux quatre conditions suivantes, conformément au régime général de l'art. 97 CO : (1) une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat, notamment la violation de ses obligations de diligence et de fidélité (art. 398 al. 2 CO); (2) un dommage; (3) un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage; et (4) une faute. Le mandant supporte le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve des trois premières conditions, conformément à l'art. 8 CC. Il incombe en revanche au mandataire de prouver qu'aucune faute ne lui est imputable (ATF 4A_9/2021 du 12 janvier 2022 consid. 4.1.1 et réf. citées; cf. ég. ATF 147 III 463 consid. 4.1
et réf. citées).

Cela étant, indépendamment de la qualification des liens contractuels noués par les parties, leurs obligations réciproques sont avant tout, et à défaut de disposition légale impérative, régies par l'accord qu'elles ont conclu, y compris par les conditions générales qu'elles y ont intégrées (SJ 1994 637; ATF 109 II 451;
ATF 108 II 416).

Les conditions générales s'appliquent au rapport banque-client si le client les a acceptées après qu'elles lui ont été soumises ou s'il a apposé sa signature sur un document y faisant référence et ce, même s'il n'a pas eu connaissance de leur contenu. Il n'est pas nécessaire que la banque propose au client de prendre connaissance des conditions générales (Lombardini, Droit bancaire suisse, 2008, p. 374). En effet, celui qui signe un texte comportant une référence expresse à des conditions générales est lié au même titre que celui qui appose sa signature sur le texte même de celles-ci, quand bien même il ne les aurait pas lues (ATF 119 II 443 consid. 1a; ATF 109 II 456 consid. 4 ; ATF 108 II 418 consid. 1b).

Les conditions générales font partie intégrante du contrat. Elles doivent être interprétées selon les mêmes principes juridiques que les autres dispositions contractuelles (ATF 135 III 1 consid. 2; ATF 133 III 675 consid. 3.3;
ATF 9C_540/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1).

La jurisprudence du Tribunal fédéral admet la validité de clauses des conditions générales qui modifient le système légal de responsabilité de la banque, en faisant supporter au client une faute légère de la banque ensuite d'une inexécution ou d'une exécution imparfaite du contrat. En revanche, des conditions générales ne sauraient faire supporter au client une faute grave de la banque; de telles clauses seraient sans effet (ATF 132 III 449 consid. 2 et diverses réf. citées).

2.2.1 En l'espèce, les conditions générales de l'intimée prévoient notamment que la banque choisit les intermédiaires locaux ("brokers") auxquels elle confie l'exécution des ordres. Sous réserve d'une faute grave de la banque, le préjudice que le client pourrait subir du fait d'un ordre non exécuté, exécuté partiellement, tardivement ou mal exécuté est à la charge de ce dernier (art. 9).

L'article 27 des conditions générales autorise la banque, en charge de l'exécution d'ordres du client, à faire appel à des personnes physiques ou morales tierces, y compris à des sociétés appartenant au même groupe que la banque. Dans ce cas, elle n'est responsable à l'égard du client que du soin avec lequel elle a choisi et instruit ces tiers.

Cette même disposition autorise la banque à externaliser, en Suisse ou à l'étranger, totalement ou en partie, à des entités qui lui sont affiliées ou non, certains domaines d'activités (notamment le trafic des paiements, les opérations sur titres, la gestion des données, les services de back office et/ou de middle office).

2.2.2 La Cour relève, à titre liminaire, que les appelantes ne contestent pas que l'intimée devait passer par J______, son dépositaire aux Etats-Unis, pour procéder à l'exercice des warrants, dès lors qu'il s'agissait de titres d'une société domiciliée aux Etats-Unis.

En ce qui concerne l'exécution des instructions données par les appelantes, aucun manquement ne saurait être reproché à l’intimée. En effet, dès la réception du courriel de H______ du 25 mars 2019 lui indiquant que les appelantes songeaient à exercer leurs warrants, l'intimée, via son collaborateur O______, a contacté J______, son partenaire contractuel, afin de s'informer des conditions d'exercice desdits warrants et des délais y relatifs. Elle s'est ainsi immédiatement renseignée sur l'opération requise par les appelantes auprès de J______, contrairement à ce qu'allèguent les précitées.

A ce stade, les appelantes n'avaient pas encore indiqué à l'intimée si elles souhaitaient procéder à un exercice cash ou cashless des warrants. Elles attendaient en effet de savoir si la confirmation d'enregistrement des actions deviendrait effective le lendemain. Partant, il est logique que les courriels de l'intimée à J______ de ce jour-là ne précisent pas encore le type d'exercice des warrants, contrairement à ce qu'allèguent les appelantes. Ce n'est que le jour suivant, soit le 26 mars 2019 en fin d'après-midi, que H______ a transmis à l'intimée la notice of exercise transmise par E______ pour A______ INC., document sur lequel la case relative à un exercice cashless avait été cochée d'une croix. Il est encore relevé que dans la soirée, E______ a indiqué à H______ que si l'enregistrement des actions n'était pas effectif le lendemain matin, il devrait donner l’ordre à l'intimée de poursuivre l'exercice cashless des warrants. Le 27 mars 2019, l'enregistrement des actions n'ayant pas eu lieu, H______ a demandé à l'intimée d'envoyer à Q______ la notice d'exercice cashless à la date valeur du jour même pour A______ INC., puis a transmis à l'intimée, plus tard dans la journée, la notice d'exercice cashless pour C______ INC. Le même jour, l'intimée a envoyé un premier message à J______ pour lui indiquer que A______ INC. souhaitait exercer les warrants. La notice of exercise sur laquelle E______ avait coché la case relative à un exercice cashless était annexée à ce message. L'intimée a également transmis à J______, plus tard dans la journée, les instructions relatives à C______ INC. A cet égard, il ne peut être retenu que l'intimée aurait mal instruit J______ ou encore qu'elle aurait confondu l'exercice cash et l'exercice cashless des warrants. En effet, elle a annexé à son message du 27 mars 2019 à J______ la notice d'exercice des warrants, qui mentionnait un exercice cashless. Le 28 mars 2019, J______ a répondu à l'intimée en évoquant un exercice cash des warrants, sans que l'instruction de la cause ait permis d'en expliquer la raison. En tout état, les allégations des appelantes selon lesquelles l'intimée aurait donné à J______ des instructions pour un exercice cash des warrants ne reposent sur aucun fondement. L'intimée a d'ailleurs répondu à ce message en indiquant que la réponse de J______ était inappropriée. Enfin, le message swift adressé par J______ à l'intimée le 28 mars 2019, contenant les conditions d'exercice des warrants, mentionnait bien un exercice cashless, ce qui démontre qu'elle avait reçu des instructions correctes de la part de l'intimée. En outre, le même jour, l'intimée, via son collaborateur O______, a requis des informations directement auprès de Q______ afin de procéder à un exercice cashless, ce qui prouve, encore une fois, que l'intimée avait bien compris le souhait des appelantes. La question de la confusion des deux exercices par U______, soit la collaboratrice de l'intimée ayant transféré au client le message précité de J______ faisant référence à un cash exercice – dont les appelantes font grand cas – peut rester ouverte. En effet, une éventuelle confusion de sa part serait demeurée sans conséquences, dès lors que travaillant au service des gérants externes, elle n'était pas en contact avec J______ et ne lui a transmis aucune instruction.

Par ailleurs, J______ a clairement expliqué que "bien que l'exercice cashless des warrants se déroulait directement avec Q______, elle a attendu l'annonce officielle de P______ pour annoncer l'événement à ses clients". Ce n'est donc pas en raison des instructions de l’intimée que J______ a attendu les informations de P______, comme l'allèguent les appelantes, mais du fait de son propre mode de fonctionnement. S'agissant du délai dans lequel les warrants ont été exercés, P______ a annoncé « l'événement » à J______ le 28 mars 2019. Dans un courriel du 10 avril 2019 J______ – qui est le dépositaire de différentes banques en Suisse et partout dans le monde – a écrit ce qui suit à l'intimée : "P______ a communiqué à J______ la possibilité pour les clients d'exercer les warrants cashless auprès de l'agent [Q______] le 28 mars 2019 et nous avons transmis cette information à nos clients le 28 mars". Ainsi et par l’intermédiaire de J______, qui était l’unique interlocuteur de l’intimée, il n’était pas possible de procéder à l’opération souhaitée par les appelantes avant le 28 mars 2019. Quand bien même certains brokers américains ont pu exercer les warrants le 27 mars 2019, soit avant l’annonce de P______, ce simple fait ne permet pas de retenir une responsabilité de l’intimée. L’état de fait détaillé du présent arrêt permet en effet de constater que l’intimée a, durant tout le processus d’exercice des warrants, fait preuve de réactivité en transmettant sans délai les informations qu’elle recevait et en prenant l’initiative de contacter Q______ afin de tenter d’accélérer le processus au bénéfice des appelantes, alors que Q______ n’était pas son partenaire contractuel et que cette prise de contact excédait les obligations contractuelles de la banque à l’égard des appelantes, auxquelles elle était liée par des mandats de dépôt « execution only ».

Contrairement à ce qu’ont allégué les appelantes, si l’intimée avait écrit à Q______ avant le 28 mars 2019, cela ne lui aurait pas permis d’exercer les warrants plus tôt, dans la mesure où, comme cela a été établi et retenu ci-dessus, l’intimée était contrainte de passer par J______, qui attendait l’annonce officielle de P______, laquelle n’est intervenue que le 28 mars 2019.

Enfin, contrairement à ce que font valoir les appelantes, l'exercice des warrants aurait malgré tout eu lieu le 28 mars 2019 même dans l'hypothèse où elles auraient mandaté une autre banque pour procéder à l'opération, dès lors que les warrants auraient tout de même été détenus par J______ et que l’opération aurait par conséquent été tributaire des processus internes de cette dernière.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'intimée n'avait pas engagé sa responsabilité envers les appelantes.

Infondé, l’appel sera rejeté et le jugement attaqué confirmé.

3. Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge des appelantes, qui succombent, solidairement entre elles (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront fixés à 43'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie par celles-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les appelantes seront, en outre, condamnées, solidairement entre elles, à verser à l'intimée 26'300 fr. à titre de dépens d'appel (art. 96 CPC, art. 84, 85 et
90 RTFMC), débours et TVA inclus (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 août 2022 par A______ INC. et C______ INC. contre le jugement JTPI/7518/2022 rendu le 21 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21010/2019-21.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 43'000 fr., les met à la charge de A______ INC. et C______ INC., solidairement entre elles, et les compense avec l'avance de frais de même montant versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ INC. et C______ INC., solidairement entre elles, à verser 26’300 fr. à D______, à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.