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Décisions | Chambre civile

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C/21445/2022

ACJC/815/2023 du 06.06.2023 sur OTPI/83/2023 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.315a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21445/2022 ACJC/815/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 6 JUIN 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2023, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge GE, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o M. C______, ______, intimé, comparant par
Me Grégoire REY, avocat, CH Associés Avocats, quai du Seujet 12, case postale,
1211 Genève 1, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/83/2023 du 6 février 2023, le Tribunal de première instance a débouté B______ des fins de sa requête de mesures provisionnelles formée dans le cadre de la procédure en modification du jugement de divorce l'opposant à A______ (chiffre 1 du dispositif), réservé la décision finale quant au sort des frais judiciaires (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Par acte du 20 février 2023, A______ forme appel contre cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation du seul chiffre 3.

Cela fait, elle conclut à ce que la Cour de justice ordonne le transfert de la procédure C/1______/2020 au Tribunal de première instance, constate la nullité, sinon annule l'ordonnance DTAE/241/2023 rendue sur mesures provisionnelles le 13 janvier 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et renvoie la cause au Tribunal de première instance afin d'instruire la cause sur mesures provisionnelles relatives à l'autorité parentale et aux relations personnelles avec les enfants F______ et G______.

b. Invité à répondre par écrit, B______ ne s'est pas déterminé.

c. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 28 mars 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

C.A a. B______, né en 1981, originaire de Genève (GE) et D______ (VD), et A______, née en 1982, de nationalité française, se sont mariés le ______ 2015 à E______ (GE).

b.a Ils sont les parents de deux enfants, F______, née le ______ 2015, et G______, né le ______ 2018.

b.b. A______ est par ailleurs la mère de trois autres enfants, nés de précédentes relations, soit H______, né en 2003, I______, né en 2007 et J______, née en 2011.

b.c B______ est aussi le père de trois autres enfants, nés de précédentes relations, soit K______, né en 2006, L______, né en 2008 et M______, dont la date de naissance ne ressort pas du dossier.

c. Les parties se sont séparées en 2017 et ont réglé les modalités de leur vie séparée, en premier lieu, par mesures protectrices de l'union conjugale.

d. Par jugement JTPI/6420/2021 du 18 mai 2021, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux et, entre autres, attribué à la mère la garde sur les mineurs F______ et G______, réservé au père un droit de visite à raison d'un dimanche sur deux, de 10h à 18h, avec passage des enfants au domicile de la mère, étendu le droit de visite à un week-end sur deux, du samedi à 10h au dimanche à 18h ainsi que la moitié des vacances scolaires, chaque jour de 10h à 18h, pour autant que B______ ne travaille pas pendant les jours de visite et qu'il dispose d'un logement approprié, puis avec les nuits dès que G______ sera scolarisé et pour autant que B______ dispose d'un logement approprié, maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite en faveur des mineurs F______ et G______, instauré une mesure de droit de regard et d'information, permettant notamment de surveiller la réalisation de la prise en charge thérapeutique de F______ et exhorté les parents à entreprendre un suivi de guidance parentale.

Sur le plan financier, le Tribunal a condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, une contribution à l'entretien de F______ allant de 600 fr. à 1'050 fr. selon plusieurs paliers, ainsi qu'une contribution à l'entretien de G______ allant de 750 fr. à 1'350 fr. selon plusieurs paliers, jusqu'à la majorité de chaque enfant, voire au-delà en cas d'études sérieuses et régulières.

e. Statuant sur appel de B______, la Cour de justice a confirmé le jugement de divorce précité par arrêt du 19 octobre 2021.

C.B a. Depuis le mois de mars 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le TPAE) est saisi d'une procédure C/1______/2020 ouverte au nom des mineurs F______ et G______.

La procédure a relevé des difficultés récurrentes survenues dans l'exercice des relations personnelles entre les enfants et leur père, respectivement les préoccupations exprimées à réitérées reprises par la mère quant à l'attitude et aux capacités parentales du père. A______ reprochait au père de recevoir tous ses enfants en visite, y compris ceux nés d'une précédente relation, dans son studio de tatouage, et de ne pas se montrer apte à s'occuper adéquatement des mineurs, étant malsain et toxique. A______ relevait que sa fille avait développé un comportement sexualisé qui l'inquiétait, de sorte qu'elle avait saisi les instances pénales d'une plainte contre B______ pour soupçon d'attouchements. Ce dernier a contesté les accusations portées à son encontre, expliquant qu'il n'avait en aucun cas abusé de sa fille et que celle-ci était instrumentalisée par sa mère pour lui causer du tort.

b. Par décision superprovisionnelle du 20 août 2021, le TPAE a ordonné la suspension des relations personnelles père-enfants, au motif qu'un signalement avait été transmis la veille au Service de protection des mineurs (ci-après: le SPMi) par la pédiatre de F______ qui, après avoir examiné cette dernière, avait constaté une lésion au niveau de son clitoris et que sur question, l'enfant avait répondu que son père la touchait à cet endroit.

c. Par décision superprovisionnelle du 1er novembre 2021, le TPAE a autorisé la reprise des visites entre le père et les deux mineurs au sein du Point Rencontre en modalité "un pour un", un dimanche sur deux, selon le règlement et les disponibilités dudit établissement, charge aux curateurs de proposer une éventuelle modification du droit de visite selon l'évolution de la situation.

d. Le 26 avril 2022, le TPAE a mandaté le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: le CURML) pour une mission d'expertise concernant les mineurs F______ et G______.

Dans son rapport d'expertise du 16 décembre 2022, le CURML a exposé que F______, ainsi que G______ en second plan, étaient exposés par leur mère à un environnement de vie délétère, ce qui portait atteinte à leur développement au point que l'aînée souffrait d'un trouble émotionnel de l'enfance et d'un conflit de loyauté important, et que le cadet présentait un trouble du fonctionnement social avec retrait, ainsi qu'un trouble du développement de la parole et du langage, sans précision. Il en ressortait que les agissements de A______ témoignaient d'une forme grave de dysparentalité, que cette dernière présentait de surcroît un risque de passage à l'acte sur F______ et un risque de fuite du territoire suisse avec ses enfants en raison de son fonctionnement psychologique singulier et de son impulsivité. B______ n'était, quant à lui, pas en mesure, en l'état du moins, d'assurer la prise en charge de ses enfants au quotidien du fait de son immaturité affective et de son impulsivité. Le père n'avait par ailleurs jamais vécu seul avec les enfants, n'avait plus de contacts réguliers avec eux depuis plusieurs mois et une procédure pénale concernant sa fille était en cours à son encontre.

Les experts ont recommandé, pour les enfants, le placement des deux mineurs en foyer afin de leur permettre de se reconstruire psychologiquement et de reconstituer des liens paternels équitables, fiables, persistants et structurants, des visites régulières avec les deux parents à organiser à ce stade en milieu médiatisé, la mise en place d'un suivi pédopsychiatrique pour les deux enfants en milieu institutionnel, le choix des thérapeutes devant revenir au Service de protection des mineurs, l'extension de la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite existante aux relations personnelles mère-enfants, de même que l'instauration d'une curatelle de soins et, pour les parents, l'intensification du suivi thérapeutique de B______ et la mise sur pied par A______ d'un suivi psychothérapeutique individuel adapté au trauma complexe, ainsi que d'un traitement adapté au trouble de la personnalité borderline portant sur la régulation des affects et de la gestion des relations personnelles.

Les experts ont identifié finalement le risque latent que A______ mette à mal le placement de ses enfants, dès lors qu'elle ne comprendrait pas le bien-fondé de pareille mesure et la vivrait comme une reconnaissance de l'innocence du père dans le cadre de la procédure pénale.

e. Le SPMi a rendu le 10 janvier 2023 un rapport urgent par lequel les curateurs ont souligné que les observations, analyses et conclusions des experts corroboraient les leurs, mais aussi qu'ils craignaient que la situation des enfants ne se dégrade rapidement lorsque leur mère aurait pris connaissance du rapport d'expertise, du fait qu'ils seraient exposés aux discours et aux agissements imprévisibles de cette dernière, voire à un passage à l'acte (repli sur soi et climat de peur, départ précipité à l'étranger, voire pire), de sorte que l'instauration de mesures urgentes sous forme d'un placement extrafamilial leur semblait inévitable.

f. Par ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 13 janvier 2023, le TPAE a retiré à A______ la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence des enfants F______ et G______ et ordonné le placement des deux mineurs dans un lieu d'accueil approprié.

g. Les mineurs F______ et G______ ont été placés en foyer le 16 janvier 2023.

h. Par ordonnance DTAE/1687/2023 rendue sur mesures provisionnelles le 2 mars 2023, le TPAE a confirmé le retrait à A______ de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence des enfants F______ et G______, maintenu en l'état le placement des deux mineurs au sein du foyer N______, réservé à la mère un droit de visite à raison d'une visite à quinzaine au sein du Point Rencontre en modalité "un pour un" aussitôt que la situation le permettrait, de l'avis des curateurs, suspendu ledit droit de visite dans l'intervalle, réservé au père un droit de visite à raison d'une visite de deux heures à quinzaine par l'intermédiaire de l'association O______ ou d'un autre organisme similaire et a, entre autres, ordonné la mise en place de différents suivis thérapeutiques en faveur des enfants et des parents, instauré diverses mesures de curatelle et confirmé celles déjà mises en place, transmis pour le surplus la cause au Tribunal de première instance pour raison de compétence (ch. 19) et débouté les parties de toutes autres conclusions en l'état.

A______ a recouru contre cette décision. La procédure de recours est actuellement pendante devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice.

C.C a. Le 31 octobre 2022, alors que la procédure au sujet des enfants mineurs F______ et G______ était instruite par le TPAE, B______ a formé une demande en modification du jugement de divorce par-devant le Tribunal de première instance.

Il a conclu ce que la garde et l'autorité parentale sur les enfants soient retirées à la mère et lui soient attribuées, à la fixation d'un droit de visite à la mère en passage au Point Rencontre un samedi sur deux de 10h à 18h, à la suppression des contributions d'entretien mises à sa charge et à la condamnation de A______ au versement d'une contribution à l'entretien de ses enfants, à l'attribution en sa faveur des allocations familiales et des bonifications pour tâches éducatives, à ce que A______ soit exhortée à entreprendre un suivi de guidance parentale et à la condamnation de cette dernière à retrouver un emploi à 100% dès le 31 octobre 2022.

b. Par écritures complémentaires du 15 novembre 2022, B______ a pris des conclusions superprovisionnelles et provisionnelles, concluant à ce que la garde et l'autorité parentale soient retirées à la mère et lui soient confiées, qu'interdiction soit faite à la mère et à quiconque de quitter la Suisse avec les enfants, sous la menace des sanctions pénales prévues à l'art. 292 CPS, à ce que l'inscription des enfants dans le système de recherches RIPOL et SIS soit ordonnée, subsidiairement au placement des enfants en milieu neutre avec un droit de visite en faveur du père d'un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Il a fait valoir que A______ avait publié plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux, dont une a été versée au dossier, dans lesquelles elle le menaçait régulièrement de mort, tenait des propos attentatoires à son honneur et indiquait qu'elle quitterait la Suisse avec ses enfants dans le cas où les autorités viendraient les lui enlever. Quelques jours après le dépôt de sa demande en modification du jugement de divorce, A______ avait sollicité son conseil en vue de faire refaire les documents d'identité des enfants, ce qui concrétisait, selon lui, le risque de fuite imminent.

c. La requête sur mesures superprovisionnelles a été rejetée par ordonnance du 22 novembre 2022.

d. Le 8 décembre 2022, A______ a requis du TPAE le transfert de la procédure en mains du Tribunal de première instance.

e. Une audience sur mesures provisionnelles s'est tenue par devant le Tribunal de première instance le 13 décembre 2022 à l'issue de laquelle un délai a été accordé à A______ pour répondre sur mesures provisionnelles.

f. Dans l'intervalle, le TPAE a, par décision du 13 janvier 2023, retiré la garde des enfants à la mère et ordonné leur placement en foyer (cf. let. C.B.f supra).

g. Dans ses déterminations du 17 janvier 2023, A______ a conclu, sur mesures provisionnelles, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions et, une fois le transfert du dossier par le TPAE effectué, préalablement à l'audition des parties et des experts, cela fait, à la restitution en sa faveur de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence des mineurs, à l'annulation du placement des mineurs, à leur retour immédiat auprès de leur mère, à l'octroi en faveur de B______ d'un droit de visite médiatisé en modalité "un pour un" au Point Rencontre à raison d'une heure par quinzaine, à l'annulation de l'interdiction faite à A______ d'emmener ou faire emmener les mineurs hors de la Suisse, à l'annulation de l'inscription des mineurs au registre de police RIPOL, à la levée de l'interdiction faite à A______ de s'approcher du lieu de vie des enfants, à la levée de l'extension de la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite, à la levée de la curatelle de soins, à la levée de la curatelle en vue d'organiser, surveiller et financer le placement des mineurs et faire valoir leur créance alimentaire.

h. Par courrier du 20 janvier 2023, A______, par la voix de son conseil, a requis une nouvelle fois le transfert de la cause C/1______/2020 du TPAE en faveur du Tribunal de première instance ainsi que la jonction des deux causes.

i. Lors de l’audience de plaidoiries sur mesures provisionnelles du 24 janvier 2023, les parties ont modifié leurs conclusions sur mesures provisionnelles.

B______ a sollicité la confirmation de l'ordonnance du TPAE du 13 janvier 2023, concluant à ce que le SPMi rende un rapport sur l'évolution de la situation dans un délai de trois mois à compter de la décision sur mesures provisionnelles, afin notamment d'évaluer les budgets des enfants F______ et G______ et ses capacités parentales en vue de préaviser d'une attribution de la garde exclusive des enfants en sa faveur, à ce qu'il soit dit que les contributions dues pour l'entretien des enfants F______ et G______ sont réparties à parts égales entre les deux parents, dès le 13 janvier 2023 et ce jusqu'à reddition du préavis du SPMi, à ce qu'il soit libéré de son obligation de verser les montants de 600 fr. et 1'350 fr. pour l'entretien des enfants dès le 13 janvier 2023, à ce qu'une nouvelle audience soit convoquée une fois le préavis du SPMi rendu et à ce que A______ soit condamnée en tous les frais et dépens comprenant une indemnité de 9'336 fr. 15 valant participation aux honoraires de son avocat.

A______ a conclu au préalable au transfert de la procédure TPAE en mains du Tribunal de première instance, à ce que la nullité de l'ordonnance du TPAE du 13 janvier 2023 soit constatée, subsidiairement à son annulation. Elle a également sollicité une contre-expertise, subsidiairement l'audition des experts, une expertise complémentaire sur la sexualité de B______ et l'audition de l'ensemble des professionnels de santé des enfants, notamment le pédiatre, ainsi que l'audition des parties. Elle s'est finalement opposée à l'ensemble des conclusions prises par B______ et a conclu au maintien des pensions alimentaires fixées par la Cour de Justice.

j. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que, malgré sa saisine au mois d'octobre 2022, le TPAE avait conservé sa compétence pour prononcer les mesures urgentes, à savoir les mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant au placement des enfants. Il a ainsi refusé d'ordonner, en l'état, l'apport de la procédure TPAE tant que la procédure sur mesures provisonnelles auprès de cette autorité n'était pas terminée et a rejeté les prétentions des parties relatives aux droits parentaux. Il a également rejeté les prétentions en modification des contributions d'entretien, faute d'urgence. Enfin, le Tribunal n'a pas donné suite aux mesures d'instruction requises par la mère au motif qu'elles n'étaient pas compatibles avec le principe de célérité auquel étaient soumises les mesures provisionnelles.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) dans les causes non patrimoniales ou lorsque la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel est dirigé contre l'ordonnance OTPI/83/2023 rendue par le Tribunal de première instance rejetant les mesures provisionnelles requises dans le cadre de la procédure en modification du jugement de divorce et porte sur les droits parentaux et l'entretien des enfants mineurs, soit une affaire de nature non pécuniaire dans son ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 5A_433/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2; 5A_765/2012 du 19 février 2013 consid. 1.1).

La voie de l'appel est ainsi ouverte indépendamment de la valeur litigieuse.

1.2 Déposé en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 Le litige concerne exclusivement les questions relatives aux enfants mineurs, lesquelles sont soumises à la maxime d'office et inquisitoire illimitée (art. 296 al. 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2), ce qui a pour conséquence que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties et qu'il établit les faits d'office (art. 296 al. 1 et 3 CPC).

1.4 Lorsque le juge est saisi de questions relatives aux enfants dans les affaires de droit de la famille, les faits et moyens de preuve nouveaux sont recevables, indépendamment des conditions de l'art. 317 CPC relatif aux nova, eu égard à la maxime inquisitoire illimitée (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

1.5 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, la cognition du juge est néanmoins limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1).

2. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir ordonné le transfert de la cause C/1______/2020 ouverte par le TPAE et conclut à ce que la Cour ordonne ce transfert. Elle soutient que le TPAE n'était plus compétent pour connaître de la cause relative aux mineurs dès le dépôt de la demande en modification du jugement de divorce auprès du Tribunal de première instance, de sorte que le dossier aurait dû être transmis à cette autorité et que la décision de placement rendue le 13 janvier 2023 par le TPAE est nulle, voire annulable, faute de compétence.

2.1 En général, les mesures de protection de l'enfant sont ordonnées par l'autorité de protection de l'enfant, conformément à l'art. 315 al. 1 CC.

Toutefois, en vertu de l'art. 315a CC, lorsqu'une procédure matrimoniale est pendante et que le Tribunal est chargé d'aménager la relation entre les parents et les enfants, il prend également les mesures nécessaires de protection de l'enfant (al. 1). Le juge peut aussi modifier, en fonction des circonstances, les mesures de protection de l’enfant qui ont déjà été prises (al. 2).

Selon l'art. 315a al. 3 CC, l'autorité de protection demeure cependant compétente pour poursuivre une procédure de protection de l'enfant engagée avant la procédure judiciaire et ordonner les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l'enfant si le juge ne pourra vraisemblablement pas les prendre à temps. Dans certaines circonstances, l'autorité de protection de l'enfant est elle-même compétente pour modifier les décisions du tribunal (art. 315b al. 2 CC).

Comme l'a souligné le Tribunal fédéral, l'autorité de protection dispose d'une compétence décisionnelle générale en matière de protection de l'enfant. La distinction entre la compétence matérielle de cette autorité et celle des tribunaux dans les procédures de droit matrimonial n'est pas très claire. Le défaut de compétence matérielle n'est pas facilement perceptible et la sanction de nullité, en particulier pour des mesures de protection de l'enfant souvent urgentes, compromettrait considérablement la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A393/2018 du 21 août 2018 consid. 2.2.2).

Lorsque l'autorité de protection prend une décision sur la garde et/ou les parts de prise en charge de l'enfant en violation de l'attraction des compétences en faveur du juge matrimonial, sa décision ne peut être déclarée nulle que très exceptionnellement car l'autorité prend ici une décision dans son véritable domaine de compétences (genuinen Kernzuständigkeit) (ATF 145 III 436 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_162/2022 du 13 avril 2022 consid. 2).

2.2 En l'espèce, l'intimé a déposé sa demande en modification du jugement de divorce par-devant le Tribunal de première instance en date du 31 octobre 2022.

A cette date, le TPAE était déjà saisi, depuis le mois de mars 2020, d'une procédure de protection au nom des enfants mineurs. Cette autorité a d'ailleurs prononcé plusieurs mesures, dont la suspension du droit de visite du père (20 août 2021), la reprise dudit droit de visite au Point Rencontre (1er novembre 2021), l'aménagement des modalités des visites et la mise en place de différentes mesures d'accompagnement et de curatelle (23 et 29 novembre 2021) et l'établissement d'une expertise du groupe familial (26 avril 2022). Compte tenu de sa saisine antérieure, l'autorité de protection était ainsi habilitée à poursuivre la procédure de protection engagée et à ordonner les mesures immédiatement nécessaires à la protection des enfants, conformément à l'art. 315a al. 3 CC.

Contrairement à l'avis de l'appelante, la décision rendue par le TPAE le 13 janvier 2023 s'inscrit dans ce cadre. En effet, elle fait suite au rapport d'expertise établi le 16 décembre 2022 ainsi qu'au rapport urgent du SPMI du 10 janvier 2023. Il ressort des constatations des experts et des professionnels entourant les enfants que ces derniers étaient exposés par leur mère à un environnement de vie délétère, portant atteinte à leur bon développement. Il était également relevé que l'appelante présentait une forme grave de dysparentalité, un fonctionnement psychologique singulier et une impulsivité qui faisaient craindre un passage à l'acte sur l'enfant F______ et un risque de fuite du territoire suisse avec les enfants. Dans la mesure où le père n'était pas en l'état de prendre en charge les enfants au quotidien, un placement en foyer s'avérait nécessaire. Par ailleurs, les professionnels ont unanimement relevé le risque que l'appelante mette à mal le placement recommandé lorsqu'elle aurait pris connaissance du rapport d'expertise et que la situation des enfants se dégrade rapidement, soulignant des agissements imprévisibles de l'appelante, avec un risque de passage à l'acte pouvant prendre la forme d'un départ précipité à l'étranger, "voire pire".

Au vu de ces éléments, il y a lieu d'admettre que la situation était suffisamment grave et urgente pour justifier l'intervention du TPAE et le prononcé de mesures immédiatement nécessaires à la protection des enfants. De plus, le Tribunal de protection était le plus à même à prendre les mesures qui s'imposaient dès lors qu'il était en charge du dossier depuis de nombreux mois et arrivait au terme de son instruction, contrairement au Tribunal de première instance qui commençait à peine la sienne.

Il s'ensuit que les griefs élevés en lien avec le prétendu défaut de compétence du TPAE pour prononcer la décision du 13 janvier 2023 doivent être rejetés.

Autre est la question de savoir si le placement ordonné était bien fondé ou non, question qui ne peut être examinée ici dès lors qu'elle ne relève pas de la compétence de la Chambre civile de la Cour de justice et qu'elle fait actuellement l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance.

Dans la mesure où le Tribunal de protection avait conservé sa compétence pour statuer, en urgence, sur le placement des enfants et qu'il devait encore se prononcer à titre provisionnel au moment du prononcé de l'ordonnance litigieuse, c'est à bon droit que le Tribunal de première instance n'a pas ordonné le transfert du dossier au terme de sa décision du 6 février 2023.

Par la suite, il sied de relever qu'au terme de sa décision provisionnelle du 2 mars 2023, soit à l'issue des mesures immédiatement nécessaires, le Tribunal de protection a transmis la cause au Tribunal de première instance pour raison de compétence, selon le chiffre 19 du dispositif de son ordonnance. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur ce point.

Pour le surplus, l'appelante ne critique pas la décision entreprise, ne sollicitant plus d'autres mesures provisionnelles à ce stade.

Partant, l'appel s'avère infondé et sera rejeté.

3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 600 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Cette dernière étant au bénéfice de l'assistance judiciaire, les frais seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, qui pourra en demander le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Il ne sera pas alloué de dépens, l'intimé ne s'étant pas déterminé en appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 février 2023 par A______ contre l'ordonnance OTPI/83/2023 rendue le 6 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21445/2022.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 600 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.