Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/18471/2014

ACJC/814/2023 du 19.06.2023 sur ACJC/697/2022 ( OO ) , JUGE

Recours TF déposé le 10.08.2023, rendu le 20.02.2024, CONFIRME, 4A_393/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18471/2014 ACJC/814/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 16 JUIN 2023

 

 

Entre

1) A______ SIA, sise ______ (Lettonie), comparant par Me Olivier WEHRLI, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

2) B______ LLP, sise ______ (Royaume-Uni), comparant par Me Giorgio CAMPÁ, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 7, 1207 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

appelantes, intimées et intimées sur appel joint d'un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 juin 2019,

3) Monsieur C______, domicilié ______ (GE), autre appelant et intimé de ce même jugement, comparant par Me Elizaveta ROCHAT, avocate, place de la Taconnerie 5, 1204 Genève, en l'Etude de laquelle il fait élection de domicile,

et


1) Monsieur D______, domicilié ______ (GE), intimé et appelant sur appel joint, comparant par Me Jean-Christophe HOCKE, avocat, rue François-Bellot 6,
1206 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile, et par
Me Mathieu GRANGES, avocat, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

2) Madame E______, domiciliée ______ (GE), autre intimée, comparant par
Me Jean-Baptiste VAUDAN, avocat, rue de la Rôtisserie 8, 1204 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

3) F______ SA en liquidation, sise ______ (VD), autre intimée, comparant par
Me Flavien VALLOGGIA, avocat, route de Florissant 10, 1206 Genève, faisant élection de domicile en l'Etude de ce dernier.

 

Cause renvoyée par arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2022

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 20 juin 2023. Suite à sa rectification, l’arrêt est à nouveau communiqué aux parties le 18 juillet 2023.

 

 

 

 

 

 

 



EN FAIT

A. Le contexte

a.a G______ SA, en liquidation (ci-après: G______ SA), inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2007, avait notamment pour but le négoce et le marketing sur le plan international de produits pétroliers. Sa faillite a été prononcée le 23 août 2012 et elle a été radiée le ______ 2013.

a.b C______ et D______ en étaient tous deux actionnaires à raison de 50% chacun. Le premier en occupait la fonction de directeur général de sa fondation jusqu'au 29 février 2012 et le second celle d'administrateur du 30 septembre 2008 au 16 mars 2011.

D______ était, à l'époque des faits, l'un des ayants droit économiques de H______ SA, I______ LTD, J______ LTD et K______ LTD.

a.c Dès la constitution de G______ SA, la tenue de sa comptabilité a été externalisée auprès de L______ SA, en liquidation (ci-après: L______ SA), radiée le ______ 2018, sous la responsabilité de E______.

L______ SA était également l'organe de révision de G______ SA jusqu'au 13 octobre 2010, date à laquelle lui a succédé le M______ SA, en liquidation (ci-après: M______ SA).

a.d E______ était directrice de L______ SA de sa constitution jusqu'au 17 mai 2010, puis administratrice-secrétaire, avant d'être démise de ses fonctions le 2 mars 2012.

Le 20 mai 2011, elle a été nommée administratrice unique de G______ SA, avec signature individuelle. Après avoir démissionné de ce poste le 2 février 2012, elle est restée inscrite au Registre du commerce en cette qualité jusqu'au prononcé de la faillite.

a.e A______ SIA et B______ LLP étaient des fournisseurs de G______ SA.

Les états financiers 2008 de G______ SA

b.a En raison d'une augmentation du volume des affaires de G______ SA, L______ SA ne disposait plus de l'agrément nécessaire pour opérer en tant qu'organe de révision. Pour cette raison, début 2009, G______ SA a approché [la société fiduciaire] N______ SA, afin de lui confier ce mandat.

b.b L______ SA tardait dans l'établissement des comptes, qui n'étaient pas finalisés en mai 2009. Par courriel du 29 mai 2009 adressé à C______, E______ a indiqué ce qui suit : "we are late to delivering the balance-sheet 2008. I must confess that we did our best regarding a very confused situation, i.e. missing documents, unorganized filing, lack of information. We spent hours searching for information and documents".

Le 2 juin 2009, E______ a établi un bilan provisoire, non signé ni audité, faisant état d'une perte de 660'312 fr. Il en ressort que le principal débiteur était O______ LTD pour 11'539'457 USD. En outre, G______ SA bénéficiait de prêts, à moyen terme, à hauteur de 7'741'376 fr., notamment de H______ SA et I______ LTD.

Dans ses courriers adressés à G______ SA les 23 juin et 20 août 2009, E______ a relevé que celle-ci devait impérativement mettre en place un système de contrôle interne et des procédures comptables, ainsi qu'améliorer le classement de ses dossiers.

b.c N______ SA a effectué un premier examen préliminaire des comptes au 31 décembre 2008 et établi un rapport destiné au conseil d'administration en septembre 2009. Par courriel du 13 août 2009 adressé à C______, elle a relevé que G______ SA n'avait pas préparé correctement ses dossiers aux fins de permettre la tenue de sa comptabilité. Après avoir souligné qu'elle n'était pas en mesure de rédiger un rapport d'organe de révision destiné à l'assemblée générale des actionnaires de la société, elle a renoncé au mandat proposé.

b.d Les comptes de l'exercice 2008 ont été révisés par L______ SA le 12 octobre 2009. Selon le rapport signé par E______, qui ne contenait aucune réserve, le bénéfice net s'élevait à 1'010'526 fr.

Les états financiers 2009 de G______ SA

c.a L______ SA a établi des comptes intermédiaires arrêtés au 30 juin 2009, non datés, faisant état d'un bénéfice de 3'063'129 fr.

G______ SA était en litige avec O______ LTD et des stocks lui appartenant étaient bloqués de ce fait. Par jugement du 12 mars 2010, la High Court of Justice de Londres (Royaume-Uni) a condamné la précitée à verser 1'842'535 USD à G______ SA. Un accord est intervenu le 12 octobre 2010, qui devait être exécuté dans les trente jours.

G______ SA était également en litige avec P______ SHA. Un accord est intervenu le 15 mars 2011 à teneur duquel celle-ci devait verser 2'182'600 USD à G______ SA en respectant un échéancier, le premier versement devant intervenir le 15 mars 2011.

c.b Dès sa désignation en qualité de réviseur de la société, soit le 13 octobre 2010, M______ SA a transmis à E______ une "liste des suspens et régularisations", comportant des demandes d'informations et de documents manquants. Cette liste était actualisée au fur et à mesure de l'avancée des travaux du réviseur et envoyée à la comptable ainsi qu'aux personnes responsables du back-office de la société.

Par courrier du 21 décembre 2010, la conseillère juridique de G______ SA, Q______, a indiqué à M______ SA qu'aucun procès n'était en cours en 2009. Le litige avec O______ LTD s'était terminé en faveur de G______ SA, un accord avait été trouvé et celui-ci devait être exécuté fin décembre 2010.

Le 1er avril 2011, M______ SA a indiqué à C______ que le délai pour clôturer les comptes arrivait à échéance dans les six mois suivant le bouclement de ceux-ci, qu'il était dans l'incapacité d'obtenir, malgré de nombreuses demandes, les pièces lui permettant de terminer l'audit et qu'à défaut d'obtenir les informations requises, il se voyait contraint de mettre un terme au mandat.

Par courriel du 3 avril 2011 adressé à L______ SA, M______ SA a constaté l'impossibilité de terminer l'audit des comptes 2009, faute pour ceux-ci d'avoir été finalisés. Il a relevé que G______ SA n'avait pas pu satisfaire à ses obligations fiscales dès lors qu'elle avait été taxée d'office pour l'exercice 2009.

c.c Par courriel du 7 avril 2011 adressé à M______ SA et G______ SA, L______ SA a indiqué qu'elle n'était pas en mesure de préparer les comptes 2009, car elle demeurait toujours dans l'attente de certains documents.

En mai 2011, L______ SA a transmis à M______ SA une version bouclée et finale de la comptabilité 2009.

c.d Pour la clôture de l'exercice 2009, il a été décidé que les prêts de H______ SA, I______ LTD et J______ LTD allaient être postposés à concurrence de 20'275'790 fr. Dès janvier 2011, M______ SA a cherché à obtenir du conseil d'administration de G______ SA les conventions de postposition en bonne et due forme signées pour chacun de ces prêts. Sans nouvelles, elle a relancé C______ par courriel du 20 juin 2011. Le 31 août 2011, les documents demandés n'avaient pas été reçus par M______ SA.

c.e Les comptes 2009 et la déclaration d'intégralité ont été signés par C______ le 14 septembre 2011.

c.f Le 15 septembre 2011, C______, M______ SA, E______, en sa qualité d'administratrice de G______ SA, et D______, représenté par son conseil, se sont réunis.

Le réviseur a exposé que deux tiers des clients et fournisseurs faisaient partie du groupe O______ LTD. Les créances et dettes liées à ce litige n'étaient pas confirmées, mais un accord avait été signé en 2010 avec une issue favorable à G______ SA. Un arrangement avait aussi été trouvé avec P______ SHA et réglé en 2011. En outre, G______ SA devait recevoir environ 4'000'000 USD à titre de règlement d'un autre litige. Compte tenu de la sous-capitalisation de la société, il y avait lieu de subordonner les prêts octroyés par les sociétés du groupe et/ou proches de l'actionnariat, soit les prêts "I______ LTD" et "H______ SA" pour les exercices fiscaux 2009 et 2010 et le prêt "K______ LTD" pour l'exercice fiscal 2010.

C______ a indiqué que G______ SA allait cesser ses activités de trading pour se consacrer à des activités de consulting et de support informatique à d'autres sociétés actives dans le négoce du pétrole.

Les comptes 2009 présentés par le conseil d'administration ont été approuvés tels quels.

c.g Le 7 octobre 2011, l'organe de révision a obtenu les conventions de postposition signées pour les prêts de H______ SA (2'983'000 euros, 3'458'537 USD et 263'000 fr.) et de I______ LTD/J______ LTD (1'500'000 euros et 10'000'000 USD). Ces conventions étaient conclues pour une durée déterminée au 31 mars 2012.

c.h Le 14 octobre 2011, le réviseur a transmis à E______ et à C______ son rapport établi le 14 septembre 2011 à la suite d'un contrôle ordinaire des comptes 2009. A teneur du bilan, G______ SA subissait, contrairement aux comptes intermédiaires, une perte de 195'856 fr. et ses fonds propres s'élevaient à 914'678 fr. Il ressortait dudit rapport et des notes au bilan que G______ SA ne disposait pas d'une organisation et de contrôles internes appropriés, raison pour laquelle ses comptes n'avaient pas été remis dans le délai légal; que la société rencontrait des problèmes récurrents de trésorerie; que le sort du litige O______ LTD n'était pas encore réglé et qu'aucune provision n'avait été constituée en lien avec ce litige ou avec celui impliquant P______ SHA.

Les états financiers 2010 et 2011 de G______ SA

d.a Les états financiers pour ces exercices n'ont pas été révisés.

d.b Sur demande de D______, qui avait prévu de démissionner de son poste d'administrateur et voulait s'assurer de la bonne situation financière de la société avant son départ, L______ SA a établi, le 8 mars 2011, les comptes intermédiaires arrêtés au 30 juin 2010. La seule lecture de ces comptes ne faisait pas apparaître d'état de surendettement, mais il en ressortait que la société avait subi une perte de 3'478'786 USD. Il était également indiqué un bénéfice pour l'exercice 2009 de 6'869'605 fr. en lieu et place de 814'678 fr. (tel que retenu dans les comptes révisés au 31 décembre 2009).

Un projet de bilan au 31 décembre 2010, ni signé ni daté, corrigeait les actifs de G______ SA à la baisse par rapport à la comptabilité intermédiaire, ceux-ci passant de plus de 167'500'000 USD à près de 71'585'000 USD.

Le 5 décembre 2011, L______ SA a établi un bilan provisoire au 31 décembre 2010, lequel n'a jamais été transmis à l'organe de révision. Il en ressortait notamment que la perte de l'exercice se chiffrait à 3'623'389 fr. Les dettes à l'égard des fournisseurs étaient quant à elles passées de 17 millions de francs en 2009 à 108 millions de francs.

d.c Par courrier du 30 janvier 2012, E______ a été licenciée par L______ SA. Le 2 février 2012, elle a adressé sa démission à G______ SA. Dans son courrier, elle a exposé ne jamais avoir été informée des affaires en cours, ne pas avoir été en mesure d'établir la liste des créanciers de la société et ne pas avoir obtenu des informations sur les litiges en cours. Cette démission n'a jamais été inscrite au Registre du commerce.

Dans son courriel à D______ du 5 avril 2012, E______ a relevé que les chiffres des comptes 2010 étaient erronés, laissant apparaître une marge brute de 16%, alors que celle-ci avoisinait les 2 à 3%.

d.d Le 4 juin 2012, M______ SA qui n'avait pas pu obtenir les comptes bouclés pour les exercices 2010 et 2011, a mis en demeure G______ SA de régulariser la situation d'ici au 15 juin 2012. Elle y faisait état d'un potentiel surendettement, situation qui appelait l'administratrice de G______ SA à prendre des mesures, sans quoi le réviseur allait lui-même aviser le juge.

d.e Un bilan relatif à l'exercice 2011, non signé, a été préparé en vue du dépôt du bilan le 14 juin 2012. Celui-ci faisait état d'actifs pour plus de 300 millions USD, de passifs pour environ 90 millions USD et de pertes s'élevant à environ 300 millions USD.

d.f S'agissant des litiges, le groupe O______ LTD n'a pas respecté les échéances convenues et P______ SHA n'a que partiellement honoré ses engagements, dans la mesure où elle a cessé tout paiement au moment où G______ SA est tombée en faillite.

La faillite de G______ SA

e.a Le 26 juillet 2012, E______ a saisi le juge d'un avis de surendettement, dans lequel elle a notamment indiqué que G______ SA, nonobstant les nombreuses demandes formulées par l'organe de révision, n'avait pas été en mesure d'établir ses comptes annuels pour les exercices 2010 et 2011.

Le 23 août 2012, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de G______ SA, après avoir interrogé E______. Cette dernière a déclaré que les comptes 2010 et 2011 n'étaient vraisemblablement pas tout à fait conformes à la réalité, car certains contrats n'y étaient pas incorporés. Il ne lui était pas possible de les reconstituer, faute de contact avec le directeur qui avait disparu, et de fonctionnement du logiciel. Interrogée par l'Office des faillites le 13 septembre 2012, elle a déclaré que le surendettement était survenu en mai 2011, qu'elle ne s'en était rendu compte qu'en novembre 2011, que le capital était perdu depuis 2009 et qu'une recapitalisation avait été demandée auprès des actionnaires fin 2010. Elle a également exposé qu'en matière de négoce de pétrole, un état de surendettement "peut arriver ou disparaître en une seconde".

e.b L'Office des faillites a admis des créances en 3ème classe à hauteur de 36'359'309 fr. L'inventaire faisait état d'un total d'actifs de 1'764'829 fr., dont 1'712'574 fr. revenaient aux créanciers de 3ème classe.

e.c Par actes de cession de la masse en faillite du 7 juin 2013, les prétentions en responsabilité contre E______, C______, D______ et M______ SA ont été cédées notamment à A______ SIA et B______ LLP conformément à l'art. 260 LP.

e.d Au terme de la procédure de faillite, B______ LLP et A______ SIA se sont vues délivrer chacune un acte de défaut de biens à concurrence respectivement de 3'063'219 fr. 25 et de 2'694'179 fr. 04, montants légèrement réduits par la suite.

e.e Début juin 2014, B______ LLP et A______ SIA ont chacune fait notifier un commandement de payer à D______ à concurrence des montants précités, intérêts en sus (poursuites n° 1______ et 2______). Le 12 novembre 2014, elles en ont fait de même à l'égard de C______ (poursuites n° 3______ et 4______). Les deux poursuivis ont formé opposition.

B. a. Par acte du 21 avril 2015, A______ SIA et B______ LLP ont assigné C______, D______, E______ et M______ SA, conjointement et solidairement, en paiement de 2'693'931 fr. 68, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012, en faveur de A______ SIA et de 3'062'940 fr. 01, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012, en faveur de B______ LLP et requis le prononcé à due concurrence de la mainlevée définitive de l'opposition formée aux commandements de payer, poursuites n° 1______, 3______, 2______ et 4______.

b. C______, D______, E______ et M______ SA ont chacun conclu au rejet de cette demande.

D______ a notamment allégué qu'il n'était pas en charge de la gestion de G______ SA, qui relevait de C______. Il ne pouvait, en outre, pas être tenu pour responsable des activités de gestion et de comptabilité de la société, déléguées à des tiers qualifiés, qu'il surveillait. Il n'avait aucune raison de douter des comptes établis par L______ SA.

c. Le Tribunal a tenu six audiences, au cours desquelles il a notamment entendu les représentants de A______ SIA et B______ LLP, E______, l'administrateur-président de M______ SA, D______ et C______.

c.a R______, représentant A______ SIA, a déclaré avoir fait la connaissance de C______ en 2008. En 2010, A______ SIA et G______ SA avaient conclu un premier contrat de livraison de gasoil. Son interlocuteur était C______. La seconde livraison ayant été payée, mais non exécutée, celui-ci avait signé une reconnaissance de dette. Il avait compris que c'était D______ qui finançait G______ SA. Celui-ci lui avait indiqué qu'il avait perdu une vingtaine de millions et que la société avait bien fonctionné pendant une année uniquement.

c.b S______, représentant B______ LLP, a déclaré que celle-ci avait signé avec G______ SA, soit pour elle son seul interlocuteur C______, un contrat d'achat/vente portant sur du benzène. Celui-ci lui avait indiqué en juillet 2011 que la société ne serait plus en mesure de respecter ses engagements, de sorte qu'ils avaient convenu de modalités de remboursement.

c.c E______ a déclaré que C______ avait été son seul interlocuteur et ne jamais avoir eu de contacts avec D______.

Les comptes 2008 étaient fiables. En mai 2009, la situation était confuse. Par la suite, L______ SA avait pu obtenir des documents manquants et un système de classement avait été mis en place, ce qui avait permis d'établir une comptabilité. Jusqu'en août 2009, celle-ci était établie sur la base des relevés de débits et de crédits bancaires.

Les comptes 2009 donnaient une image sincère au moment de leur établissement. Aujourd'hui, elle doutait du fait que C______ lui avait transmis les informations nécessaires. Certains problèmes rencontrés dans le cadre de l'établissement des comptes 2008 avaient été résolus dans celui des comptes 2009. Par exemple, G______ SA utilisait un logiciel permettant d'établir une comptabilité par opération. Toutefois, le désordre et l'absence de contrôle interne demeuraient. En mars 2011, elle n'avait pas une vision claire de la comptabilité 2009. C______ n'avait jamais répondu à sa demande d'accès au logiciel. En 2011, il lui avait donné accès aux documents papiers. Lorsqu'elle avait signé les comptes intermédiaires au 30 juin 2010 le 8 mars 2011, elle était convaincue des chiffres uniquement pour les six premiers mois.

En mai 2011, C______ lui avait demandé d'occuper la fonction d'administratrice en raison du départ de D______. Elle s'imaginait qu'en acceptant ce mandat, elle aurait accès aux documents nécessaires au bouclement de la comptabilité 2009-2010. Les démarches entreprises évoquées lors de la réunion du 15 septembre 2011 et les décisions prises à cette occasion permettaient, à l'époque, à ses yeux, de régler le problème des comptes 2009.

L______ SA avait tenté d'établir la comptabilité 2010 courant octobre 2011. Elle avait dû saisir les mouvements bancaires et les réconcilier avec les contrats de trading (elle avait demandé sans succès à C______ un accès au logiciel, de sorte qu'il appartenait à celui-ci de leur fournir l'indication des transactions). Fin 2011/début 2012, faute de locaux, le précité n'avait plus été en mesure de déployer d'activité.

Pour l'exercice 2011, L______ SA avait pu saisir les mouvements bancaires, mais non les réconcilier avec les contrats de trading. Elle aurait dû commencer par les factures et les contrats, puis enregistrer les flux financiers. Vu la manière dont G______ SA était organisée, elle avait dû procéder de manière inverse. Elle avait découvert l'existence des litiges avec B______ LLP et A______ SIA à cette époque. Elle ne pensait pas en avoir parlé avec le réviseur puisque les comptes 2011 n'étaient pas terminés.

Après son licenciement, elle était interdite d'accès aux locaux de L______ SA, dont un collaborateur continuait d'établir la comptabilité 2011. Elle avait demandé à celui-ci d'établir également celle de 2012. Comme G______ SA ne payait plus, ce collaborateur avait cessé de travailler. S'agissant des comptes préparés dans le but de saisir le juge, toutes les factures n'avaient pas été enregistrées, faute de réception. Au cours de 2012, L______ SA avait reçu des pièces que ses collaborateurs n'avaient pas traitées. Elle-même les avait ensuite reçues en vrac dans des sacs fin juillet 2012, ce qui l'avait déterminée à saisir le juge.

Interpellée au sujet de l'incohérence entre les comptes au 31 décembre 2009, lesquels indiquaient une perte de 195'855 fr., et ceux au 30 juin 2010, lesquels faisaient état d'un bénéfice, au 31 décembre 2009, de 6'869'605 fr., elle a exposé que cet écart pouvait tenir à un seul contrat.

c.d T______ [administrateur de M______ SA] a déclaré que lorsque E______ lui avait demandé de s'occuper de la révision de G______ SA, celle-ci était prometteuse. Selon le rapport de révision pour l'exercice 2008, elle démarrait correctement, malgré un retard administratif qui ne l'inquiétait pas. Il savait que les comptes 2009 n'avaient pas été bouclés. Il avait demandé à pouvoir immédiatement réviser les comptes 2009 pour traiter ceux 2010. E______ ne l'avait pas informé de ce que jusqu'en 2009, la comptabilité avait été tenue sur la base des débits/crédits.

Le bilan au 30 juin 2009 ne lui avait pas été soumis. Sa seule interlocutrice au niveau de la comptabilité 2009 était E______. Le 3 novembre 2011, il avait reçu le bilan et le compte des pertes et profits 2009. Il avait dû relancer de nombreux interlocuteurs chez G______ SA pour obtenir les documents manquants. En mai 2011, il avait reçu la version des comptes telle qu'elle figurait dans son rapport. Les corrections avaient été effectuées sur la seconde version. Il avait rendu son rapport en septembre 2011 parce qu'il avait appris en décembre 2010 qu'il y avait deux importants litiges, notamment celui avec O______ LTD. Il fallait, pour consolider le capital que les créanciers acceptent de postposer leurs créances, condition à laquelle il accepterait de signer le rapport. Il avait donc interpellé C______ à ce sujet. Le 14 septembre 2011, il avait reçu les comptes signés par celui-ci et sa déclaration d'intégralité. Le 7 octobre 2011, il avait reçu les postpositions. Il avait ensuite émis le rapport qu'il avait daté du 14 septembre 2011. Il avait demandé à C______ de signer les comptes, car il était le directeur avec signature individuelle, l'un des deux actionnaires et, surtout, il commandait. Lors de la réunion du 15 septembre 2011, il avait été rassuré. Il y avait été question d'apport d'argent et de changement d'activités. Il était au courant de l'accord O______ LTD, mais ignorait s'il avait été exécuté en septembre 2011. Il était en possession du courrier de Q______, qui indiquait que tout était en ordre. Lors de la séance précitée, on lui avait confirmé l'issue favorable de ce litige. Il n'avait pas demandé si l'accord avait été exécuté, dès lors que ce n'était pas son rôle de réviseur. Il était au courant du litige P______ SHA, mais non de l'accord du 15 mars 2011. Il n'avait pas reçu la confirmation des soldes dus en 2009 dans le litige O______ LTD. Durant l'audit en octobre 2011, il avait en vain demandé cette confirmation à G______ SA, raison pour laquelle il avait formé une réserve dans son rapport de 2009. Il avait produit des postpositions à hauteur de 15 millions, sa note au bilan 2009 indiquant 20 millions à ce titre. Il manquait le montant de 2'983'000 euros (H______ SA). En 2011, il avait sollicité le document 2009, mais avait reçu la postposition 2010, dont il s'était satisfait pour l'exercice 2009. Lors de la réunion du 15 septembre 2011, il avait appris que G______ SA cessait ses activités de trading. A la manière dont C______ leur avait présenté la situation, il avait compris que G______ SA avait déjà arrêté ses activités. Il savait au printemps 2011 que du personnel avait été licencié.

Il n'avait pas reçu, ni révisé les comptes 2010. Malgré le retard, on lui annonçait toujours qu'il allait les recevoir. Lors de la réunion du 15 septembre 2011, cela lui avait été garanti. A l'époque, il était évident à ses yeux qu'il devait poursuivre son mandat jusqu'à la révision de ceux-ci. Il ne pouvait faire plus que de relancer ses interlocuteurs pour obtenir ces comptes et rattraper le retard dans la révision des comptes 2009.

Lors de la réunion précitée, il n'avait pas été informé des problèmes rencontrés par G______ SA. Il n'avait pas à faire de contrôle supplémentaire. On ne lui avait pas remis de business plan. La société allait recevoir 4'000'000 USD en règlement d'un litige. Il avait attiré son attention sur le fait que les créanciers subordonnés ne devaient être payés qu'après le remboursement des créances tierces. Cela était compatible avec le fait que les postpositions n'avaient été consenties que jusqu'au 31 mars 2012. Les sociétés postposantes appartenaient aux actionnaires. Au vu des comptes 2009, il n'avait aucune raison de penser que la situation évoluerait mal. Vu les problèmes en cours en 2009, il avait demandé que les prêts viennent en renfort du capital, d'où sa demande de postpositions qu'il cherchait à obtenir depuis mai 2011. Le fait qu'elles ne soient valables que jusqu'au 31 mars 2012 n'avait pas amené de réaction de sa part. Le conseil d'administration avait estimé qu'il n'y avait pas besoin de créer une provision en lien avec le litige O______ LTD, ce qui était acceptable. Le litige s'était réglé en 2010 en faveur de G______ SA.

c.e D______ a déclaré avoir convenu avec C______ au moment de la création de G______ SA que celui-ci s'occuperait de l'aspect opérationnel, tandis que son rôle serait d'apporter le financement et les clients. Il avait financé G______ SA au travers d'autres sociétés lui appartenant ou liées à ses associés. Il connaissait bien C______ et lui faisait confiance. Il lui demandait des comptes périodiquement et les chiffres finaux concernant les transactions importantes. Celui-ci lui répondait oralement. C______ assurait la gestion quotidienne de G______ SA tandis qu'il se rendait dans les bureaux une fois tous les deux mois. Il avait une fois par semaine un contact avec le précité.

Lorsque H______ SA, I______ LTD, J______ LTD et K______ LTD avaient accordé des prêts, en 2008 et 2009, il ne s'était pas basé sur des informations financières. Il s'agissait de crédits pour financer les opérations de trading. A l'époque, les perspectives de G______ SA étaient bonnes et fin 2010, lorsqu'il avait accordé les derniers prêts, elles l'étaient toujours.

Il n'y avait pas eu d'assemblée générale en lien avec les comptes 2009 et 2010. Pendant qu'il était administrateur, on lui avait présenté des comptes qui lui paraissaient corrects. La différence entre le bénéfice de 6'800'000 fr. pour 2009 et la perte de 195'000 fr. au 30 juin 2010 s'expliquait par le business (les opérations se dénouaient sur plusieurs années et les transactions prenaient du temps avec de grandes variations de valeurs). Il avait constaté des retards dans la tenue de la comptabilité et avait contacté plusieurs fois C______ pour lui demander d'accélérer les choses. Les comptes 2009 avaient été révisés en septembre 2011, en raison de problèmes dans la transmission des informations comptables entre G______ SA et M______ SA. Il était inquiet de ce retard. La seule chose qu'il pouvait faire était de relancer C______. Il avait été en contact avec E______ à une ou deux reprises. Elle ne s'était jamais plainte de ce qu'elle ne parvenait pas à établir les comptes ou obtenir des informations.

Il ne s'était pas occupé de la relation client avec le groupe O______ LTD. C______ l'avait informé du litige. Des réunions, menées par celui-ci, auxquelles il avait parfois assisté, avaient eu lieu. Il ignorait si l'accord avec O______ LTD signé par C______ avait été exécuté. Celui-ci gérait cette question.

Les postpositions des créances des sociétés qu'il contrôlait étaient limitées dans le temps parce que C______ était optimiste et lui avait assuré que G______ SA serait en mesure de les rembourser aux dates d'échéance. Sauf erreur, dans la 2ème moitié de 2011, celui-ci l'avait informé de ce que G______ SA cessait ses opérations de trading pour se tourner vers le consulting et qu'il allait discuter avec les débiteurs pour obtenir des remboursements. Une liste de transactions qui n'étaient pas encore dénouées avait été établie. Il savait que T______ avait relancé C______ plusieurs fois pour obtenir les signatures des postpositions. Il ignorait pourquoi la signature de C______ était si difficile à obtenir.

A fin 2011, il avait appris que la situation n'était pas bonne et estimé ne pas avoir reçu toutes les informations, de sorte qu'il s'était adressé à son avocat.

c.f C______ a déclaré que L______ SA établissait les comptes sur la base des documents transmis par G______ SA. Il était content de son travail. Les comptes 2008 avaient été tenus à jour.

Le rapport de révision des comptes 2009 n'avait été finalisé qu'en septembre 2011; il ignorait pour quel motif, G______ SA ayant fourni les documents nécessaires à l'établissement de la comptabilité au fur et à mesure. En fait, quand G______ SA avait changé de réviseur en 2010, ce dernier avait dû auditer les comptes 2009 et 2010, ce qui expliquait le retard.

Les comptes 2010 avaient été établis par L______ SA et révisés. Il ne savait plus comment ils avaient été révisés. L______ SA et M______ SA s'étaient organisées entre elles. Le montant de 18 millions de bénéfice pour le 2ème semestre n'était pas correct. Il fallait entrer des informations complètes dans le logiciel pour obtenir un résultat correct. Selon lui, le résultat était de zéro, voire légèrement négatif.

Le logiciel avait été installé en 2010. En 2011, L______ SA, au bénéfice d'un compte et d'un mot de passe, pouvait y lire les données, mais non les corriger. Quand ce logiciel avait été installé, G______ SA avait transmis régulièrement les données à L______ SA. Les opérations de trading étaient enregistrées dans ce logiciel tenu à jour. Pour chaque transaction, il existait un dossier physique. Chaque mois, G______ SA transmettait une copie des dossiers de transactions terminées à L______ SA. G______ SA avait un coffre-fort dans lequel il conservait les documents originaux de shipping. Les autres documents financiers étaient transmis à L______ SA.

Il pensait que D______ consacrait suffisamment de temps à l'administration des affaires de G______ SA, sans pouvoir l'estimer. Quand il avait été question que E______ devienne administratrice, celle-ci avait voulu obtenir un accord qui l'exonérerait de toute responsabilité. Il avait signé un tel accord. En réalité, il n'en était plus certain.

Lors de la réunion du 15 septembre 2011, il avait informé les parties présentes d'un changement d'activité de G______ SA. Ce n'était toutefois pas avec effet immédiat. G______ SA avait peu de liquidités et les opérations se faisaient grâce à des crédits bancaires. En 2011, ils avaient arrêté les opérations de trading, ce qui avait diminué leur chiffre d'affaires.

Il ignorait ce qu'il en était de l'établissement et de la révision des comptes 2011 (il ne travaillait plus dans la société dès décembre 2011).

d. Le 2 février 2018, l'expert U______ a rendu son rapport relatif aux états financiers de G______ SA pour les exercices 2008 à 2011. Il a été entendu à deux reprises dans le cadre de la procédure. L'expert a précisé qu'il n'était pas en mesure de répondre à la plupart des questions qui lui avaient été soumises. En effet, aucune comptabilité probante n'avait été trouvée à l'Office des faillites. Les états financiers étaient certes disponibles, mais non les détails des comptes, ni les listes d'inventaires, les dossiers de révision des exercices 2008 et 2009, ou encore le rapport détaillé 2009 adressé par l'organe de révision au conseil d'administration de la société.

Selon l'expert, la méthode des encaissements/décaissements utilisée pour la tenue de la comptabilité n'était pas illégale, mais était peu courante pour les sociétés de trading. Elle n'était pas adaptée à certaines opérations menées par G______ SA.

L'expert a souligné qu'il était incapable de déterminer précisément la date de survenance et le montant du surendettement, ni s'il y avait eu aggravation du passif de G______ SA entre la date de l'apparition du surendettement (ou du moment où il aurait dû être annoncé) et celle du prononcé de la faillite. Il ne pouvait pas savoir si G______ SA était déjà surendettée durant les exercices 2008 ou 2009, puisqu'il n'était pas en mesure d'établir un bilan tenant compte des valeurs de liquidation. Les comptes de l'exercice 2008 ne respectaient pas le principe d'indépendance, puisqu'ils avaient été établis et révisés par la même entité juridique.

Il ressortait des états financiers 2009 audités, s'ils avaient été établis correctement, que la société n'était pas surendettée. Il n'y avait donc pas lieu d'examiner, à ce moment-là, la validité des postpositions. Il était parfaitement possible d'inscrire au bilan une créance postposée même si celle-ci n'avait pas été convenue pour une durée illimitée dès lors que ce critère n'entrait en considération que dans le cadre de l'avis au juge de l'état de surendettement. Si la société était surendettée, il était possible de se prévaloir de créances postposées uniquement si elles étaient conclues pour une durée indéterminée.

Cela étant, le rapport d'audit d'octobre 2011 pour l'exercice 2009 faisait état d'une perte potentielle de 1'843'535 USD pour G______ SA dans le cadre du litige avec O______ LTD, soit un montant important par rapport au résultat de l'exercice. Le réviseur devait ainsi proposer l'inscription d'une provision au conseil d'administration. Si celui-ci refusait, le réviseur devait inscrire une réserve dans son rapport ou recommander à l'assemblée générale de ne pas approuver les comptes. Avec l'écriture correspondante, l'exercice 2009 se serait traduit par un état de surendettement de la société.

S'agissant des états financiers 2010, l'expert n'était pas en mesure d'établir un bilan aux valeurs de liquidation. La seule lecture des comptes intermédiaires arrêtés au 30 juin 2010 ne laissait pas apparaître un état de surendettement. Cela étant, si l'on soustrayait du bénéfice de 814'678 USD, ressortant des comptes audités 2009, la perte de 3'478'786 USD indiquée dans les comptes intermédiaires au 30 juin 2010, la société était surendettée à cette date. A teneur du bilan provisoire au 31 décembre 2010, la société était également surendettée à ce moment-là.

L'expert a encore précisé, au sujet des comptes intermédiaires arrêtés au 30 juin 2010, que les chiffres comparatifs 2009 ne concordaient pas avec les états financiers 2009 définitifs. De ce fait, les fonds propres ressortant des états financiers intermédiaires au 30 juin 2010 étaient présentés beaucoup plus favorablement. Mais ces derniers avaient été établis en date du 8 mars 2011, alors que le rapport de révision 2009 accompagné des états financiers 2009 définitifs était daté du 14 septembre 2011.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 22 juin 2018, V______, expert réviseur agréé auprès de N______ SA entendu en qualité de témoin, a déclaré que son collègue avait été approché pour faire l'audit des comptes de G______ SA, ce qui n'avait pas été possible, car L______ SA était inscrite en cette qualité au Registre du commerce. Cela étant, N______ SA pouvait procéder à un audit pour le conseil d'administration, mais ne l'avait pas effectué, faute d'informations complètes, ce qui expliquait pourquoi le rapport établi était resté au stade de projet non signé.

f. Le témoin W______, responsable financier de G______ SA d'août 2009 à début janvier 2010, a déclaré qu'il s'occupait d'assurer le financement des opérations de trading. Lorsqu'il avait démissionné en janvier 2010, C______ lui avait ordonné de partir immédiatement. La société prenait trop de risques par rapport à sa taille et n'était pas bien organisée. Elle achetait et vendait des marchandises sans sécurité. Avant qu'il la rejoigne, G______ SA ne disposait pas de contrôle interne. C'est lui qui l'avait mis en place. A son départ, de l'ordre avait été apporté, mais les opérations restaient risquées. Il s'occupait du financement des opérations entre G______ SA et O______ LTD, mais non des autres relations. Une comptabilité basée sur des encaissements était insuffisante. Il n'avait aucune relation avec D______, qu'il n'avait rencontré qu'une seule fois.

g. Par jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019, le Tribunal a condamné C______ à verser à A______ SIA 2'693'931 fr. 68, avec intérêts à 5% dès l'entrée en force du jugement (chiffre 1 du dispositif), et 3'062'940 fr. 01 à B______ LLP, avec intérêts à 5% dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée aux commandements de payer, poursuite n° 3______ et 4______, à hauteur des montants précités (ch. 3 et 4), arrêté les frais judiciaires à 97'393 fr. 85, compensés avec les avances versées et mis à la charge de C______, condamné celui-ci à verser ce montant à A______ SIA et à B______ LLP (ch. 5), ainsi que 80'000 fr. à titre de dépens (ch. 6), condamné ces dernières, solidairement entre elles, à verser 20'000 fr. à D______ à titre de dépens (ch. 7), le même montant à E______ et à M______ SA (ch. 8 et 9) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

Le Tribunal a retenu que, dans le cadre de la gestion de G______ SA, C______ avait fautivement violé les prescriptions légales relatives à la tenue de la comptabilité et la conservation des documents, ainsi qu'à l'avis au juge de la situation de surendettement au 31 décembre 2009.

D______ avait violé les mêmes devoirs, mais sans faute. En effet, il se renseignait régulièrement auprès de C______ sur l'état de la société. Lorsqu'il avait constaté le retard dans l'établissement des comptes, il avait relancé le précité et n'avait aucune raison de douter des comptes établis par L______ SA. Au vu des informations reçues, il ne pouvait pas se douter de la mauvaise situation financière de G______ SA. Avant de démissionner, il avait, en outre, requis l'établissement de comptes intermédiaires au 30 juin 2010. Or, la lecture de ceux-ci ne permettait pas de constater un état de surendettement. Dès 2008, il avait d'ailleurs prêté plusieurs millions à G______ SA via des sociétés dont il était le bénéficiaire économique. Enfin, ses sociétés étaient, économiquement, les principales créancières dans la faillite de G______ SA. Pour toutes ces raisons, D______ n'avait commis aucune faute.

Il en allait de même de E______, la condition du lien de causalité n'étant au demeurant pas réalisée. Enfin, M______ SA avait également manqué à ses obligations, la question de sa faute pouvant demeurer indécise, la réalisation de la condition du lien de causalité n'étant pas démontrée.

h.a Le 28 juin 2019, C______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et au déboutement de B______ LLP et A______ SIA de toutes leurs conclusions.

Le 5 juillet 2019, A______ SIA et B______ LLP ont également formé appel contre le jugement susvisé, concluant à la confirmation des chiffres 1 à 6 de son dispositif, à son annulation pour le surplus et à ce que E______, M______ SA, D______, conjointement et solidairement avec C______, soient condamnés à verser à la première 2'693'931 fr. 68, intérêts en sus, et à la deuxième 3'062'940 fr. 01, intérêts en sus, et au prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer y afférents.

h.b Dans le cadre de cette procédure, D______ a formé une requête de sûretés en garantie des dépens à l'encontre de B______ LLP, qui a été admise à hauteur de 20'000 fr.

h.c Par arrêt ACJC/92/2021 du 19 janvier 2021, la Cour a partiellement admis l'appel formé par A______ SIA et B______ LLP à l'encontre du jugement entrepris, réformé celui-ci s'agissant du dies a quo du cours des intérêts, ceux-ci courant dès le prononcé de la faillite de G______ SA, soit le 23 août 2012, et confirmé le jugement pour le surplus. Elle a notamment arrêté les frais judiciaires de l'appel formé par A______ SIA et B______ LLP à 60'000 fr., compensés avec l'avance de même montant fournie par elles, mis à leur charge à hauteur de 45'000 fr. et à la charge de C______ à hauteur de 15'000 fr., condamné les précitées à verser à D______ 15'000 fr. à titre de dépens d'appel et C______ à verser 15'000 fr. à A______ SIA et B______ LLP à titre de dépens d'appel. Invité en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à libérer à concurrence de 15'000 fr. en faveur de D______ les sûretés en garantie de dépens fournies par B______ LLP, arrêté les frais judiciaires de la requête en sûretés formée par D______ à 1'920 fr., mis à charge de B______ LLP et compensés avec l'avance de même montant fournie par le précité, condamné en conséquence B______ LLP à rembourser 1'920 fr. à D______ et à lui verser 2'000 fr. à titre de dépens lié à la requête de sûretés.

La Cour a retenu que G______ SA était désorganisée dès sa création, qu'elle ne disposait d'aucun système de contrôle interne et que les documents nécessaires à l'établissement de sa comptabilité, s'ils avaient été établis, avaient été communiqués avec un grand retard, voire pas du tout. Cela avait entraîné des incohérences, des erreurs, des manquements et des retards dans l'établissement et la révision des comptes, voire l'absence de toute comptabilité pour les exercices 2010 et 2011. Le défaut de tenue régulière de la comptabilité était à l'origine du retard de l'avis au juge de l'état de surendettement de la société, lequel existait déjà au 31 décembre 2009 et aurait dû être constaté au plus tard le 30 juin 2010. Un dommage de poursuite d'exploitation, soit un accroissement du surendettement entre la date à laquelle la faillite aurait dû être prononcée si les responsables n'avaient pas manqué à leurs devoirs et celle où elle a été prononcée, était forcément intervenu et ce, à tout le moins, à hauteur des montants réclamés par A______ SIA et B______ LLP.

S'agissant de C______, la Cour a confirmé la réalisation des conditions de l'art. 754 CO et sa condamnation à payer des dommages-intérêts à A______ SIA et B______ LLP.

La Cour a retenu que la question de savoir si les manquements de D______ ne lui étaient imputables à faute pouvait demeurer ouverte. En effet, les prétentions de A______ SIA et B______ LLP devaient être rejetées en raison de l'absence d'un lien de causalité entre lesdits manquements et le dommage subi. Il en allait de même pour E______ et pour M______ SA. A cet égard, l'expert s'était déclaré incapable de déterminer la date de survenance et le montant du surendettement. Il n'avait pas non plus pu déterminer s'il y avait eu aggravation du passif entre les semaines suivant l'apparition du surendettement et la date du prononcé de la faillite, ou entre la date à laquelle le surendettement aurait dû être annoncé et celle du prononcé de la faillite. L'on ne pouvait dès lors exclure l'hypothèse selon laquelle le dommage de poursuite d'exploitation aurait, en tout ou partie, déjà été causé lorsque D______, E______ et M______ SA, avaient manqué à leurs devoirs, de sorte que le respect de leurs obligations n'y aurait rien changé.

S'agissant des frais judiciaires relatifs à l'appel formé par A______ SIA et B______ LLP, la Cour a retenu de les attribuer à hauteur d'un quart à chacun des litiges opposant celles-ci à leurs quatre parties adverses qu'elles poursuivaient chacune pour le tout. Ainsi, un quart des frais judiciaires (15'000 fr.) devait être mis à la charge de C______, qui succombait, et à la charge des sociétés, s'agissant des trois quarts restants (45'000 fr.), celles-ci succombant à l'égard de leurs trois autres parties adverses.

i.a B______ LLP et A______ SIA, d'une part, et C______, d'autre part, ont interjeté un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt susvisé.

i.b Par arrêt du 26 octobre 2021, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par C______ et a admis celui formé par B______ LLP et A______ SIA, annulé l'arrêt attaqué en tant qu'il concernait D______ et renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le Tribunal fédéral a retenu que le report injustifié de l'avis au juge avait indubitablement eu pour effet de provoquer une aggravation de l'état de surendettement de la société. La Cour avait ainsi, de manière contradictoire et insoutenable, affirmé qu'il était impossible d'exclure l'hypothèse selon laquelle le dommage de poursuite d'exploitation aurait, en tout ou partie, déjà été causé lorsque D______ avait manqué à ses devoirs. Or, une telle hypothèse était inconcevable. En effet, la Cour avait retenu l'existence d'un dommage de poursuite d'exploitation entre le 31 décembre 2009 et le 23 août 2012 à concurrence, à tout le moins, des montants réclamés par B______ LLP et A______ SIA. De plus, elle avait retenu qu'un accroissement du surendettement était forcément intervenu postérieurement au moment où la faillite aurait dû être prononcée, si les responsables n'avaient pas manqué à leurs devoirs. Ainsi, si D______ avait observé ses devoirs et, partant, avisé le juge du surendettement au plus tard le 30 juin 2010 comme il aurait été tenu de le faire, le dommage de poursuite d'exploitation de G______ SA, lequel correspondait à l'augmentation du découvert entre le moment où la faillite aurait été prononcée si l'administrateur n'avait pas manqué à ses devoirs et le moment où la faillite a effectivement été prononcée, ne se serait pas produit (consid. 9.3.2). L'omission de D______ d'aviser le juge apparaissait donc comme une condition sine qua non du préjudice subi par G______ SA. La Cour avait ainsi arbitrairement nié l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les manquements de D______ et le dommage de poursuite d'exploitation. La condition de la causalité adéquate était également remplie, dans la mesure où le lien de causalité hypothétique entre l'omission et le dommage était en l'occurrence établi et où le retard dans le dépôt du bilan était, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, de nature à causer un préjudice à la société faillie.

La Cour devait encore déterminer si D______ avait violé fautivement ses devoirs et, dans l'affirmative, fixer l'étendue de son obligation de réparer en application de l'art. 759 al. 1 CO et prononcer la mainlevée définitive des oppositions formées par le précité aux commandements de payer qui lui avaient été notifiés. Dans ce cas, la Cour devait aussi revoir la répartition des frais judiciaires de l'appel formé par B______ LLP et A______ SIA, les indemnités de dépens mises à la charge de celles-ci en faveur de D______ pour la procédure de première et seconde instances, ainsi que la répartition des frais liés à la requête de sûretés formée par le précité contre B______ LLP.

j. Dans ses déterminations, faisant suite à cet arrêt de renvoi, D______ a conclu au rejet de l'appel interjeté le 5 juillet 2019 par A______ SIA et B______ LLP.

Dans leurs déterminations du 21 mars 2022, B______ LLP et A______ SIA ont sollicité l'annulation des chiffres 7 et 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019. Cela fait, elles ont conclu à la condamnation de D______, solidairement avec C______, à verser à A______ SIA 2'693'931 fr. 68 à, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012, la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, devant être prononcée,


et à verser à B______ LLP 3'062'940 fr. 01, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012, la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______, devant être prononcée, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances, y compris les frais liés à la requête en sûretés formulée à l'encontre de B______ LLP.

k. Par arrêt ACJC/697/2022 du 24 mai 2022, la Cour a confirmé le chiffre 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019, débouté les parties de toutes autres conclusions, dit qu'il n'y avait pas lieu à perception de frais judiciaires et condamné B______ LLP et A______ SIA, solidairement entre elles, à verser 9'000 fr. à D______ à titre de dépens.

La Cour a retenu que le précité n'avait pas agi fautivement, dès lors qu'il se trouvait sous l'emprise d'une erreur inévitable sur la situation financière réelle de G______ SA. Il avait violé son devoir de diligence en ne veillant pas à la tenue régulière de la comptabilité de la société, tâche qui lui incombait en sa qualité d'administrateur même s'il ne s'occupait pas de la gestion quotidienne de celle-ci, et en ne faisant pas constater le 30 juin 2010 au plus tard qu'elle se trouvait en état de surendettement au 31 décembre 2009. De telles violations emportaient en principe la faute de leur auteur. A cet égard, D______ avait fait valoir qu'il se renseignait régulièrement auprès de C______ sur la santé de la société, qu'il n'avait aucune raison de ne pas lui faire confiance et qu'il avait relancé ce dernier lorsqu'il avait constaté un retard dans l'établissement des comptes. Ces seuls agissements ne suffisaient toutefois pas pour l'exonérer de toute responsabilité, dès lors qu'il aurait pu prendre d'autres mesures lorsqu'il avait contesté un retard dans l'établissement des comptes 2009, en demandant notamment directement à E______ de boucler ces comptes dans les meilleurs délais.

Cela étant, la Cour doutait qu'une telle intervention aurait changé la situation, dès lors que E______ avait déjà été interpellée à ce sujet par l'organe de révision en octobre 2010 et qu'elle attendait elle-même de recevoir les documents nécessaires de la part de C______. Par ailleurs, D______ avait sollicité, préalablement à sa démission, un bilan intermédiaire au 30 juin 2010, lequel ne révélait aucune situation de surendettement. Il savait, lorsqu'il avait demandé l'établissement de ce bilan, que le résultat de l'exercice 2009 n'était pas définitif, les comptes n'étant ni bouclés ni révisés. En l'absence de réserves de la part de E______ concernant la fiabilité dudit bilan, il ne pouvait pas se voir reprocher de ne pas avoir sollicité d'informations complémentaires. Les états financiers de la société au 31 décembre 2008 étaient d'ailleurs bénéficiaires, raison pour laquelle D______ pouvait se limiter à l'examen du bilan sans devoir mener de plus amples investigations sur le plan financier. La confiance placée par ce dernier dans la situation financière intermédiaire qui lui avait été transmise était d'autant moins blâmable qu'il avait eu connaissance du courrier du 21 décembre 2010 de Q______, laquelle affirmait qu'aucun litige n'était en cours en 2009 et que celui avec O______ LTD avait été réglé à l'avantage de G______ SA.

l. B______ LLP et A______ SIA ont interjeté un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt susvisé.

Par arrêt 4A_292/2022 du 22 décembre 2022, le Tribunal fédéral a admis ce recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le Tribunal fédéral a nié que D______ se trouvait sous l'emprise d'une erreur inévitable et partant qu'il n'avait pas violé fautivement ses devoirs. En effet, G______ SA était désorganisée dès sa création, ne disposait d'aucun système de contrôle interne et les documents nécessaires à l'établissement de sa comptabilité, s'ils avaient été établis, avaient été communiqués avec un grand retard, voire pas du tout. Cela avait entraîné des incohérences, des erreurs, des manquements et des retards dans l'établissement et la révision des comptes, voire l'absence de toute comptabilité pour les exercices 2010 et 2011. Le défaut de tenue régulière de la comptabilité était à l'origine du retard de l'avis au juge de l'état de surendettement. Or, D______ savait pertinemment que la comptabilité n'était pas régulièrement tenue, puisqu'il avait constaté des retards dans l'établissement des comptes, raison pour laquelle il avait interpellé C______ sur ce point. Lorsqu'il avait démissionné, D______ savait, en outre, que les comptes 2009 n'étaient toujours pas bouclés ni révisés. Dans ces circonstances, la représentation erronée du précité quant à la véritable situation financière de la société n'était pas subjectivement excusable.

D______ ne pouvait pas se dédouaner de toute responsabilité aux motifs qu'il ne s'occupait pas de la gestion quotidienne de G______ SA, qu'il se renseignait régulièrement auprès de C______ sur l'état de celle-ci et qu'il n'avait aucune raison de ne pas lui faire confiance. Il ne pouvait pas davantage tirer argument du fait qu'il ignorait certaines informations relatives à la gestion désorganisée de la société ou à la tenue irrégulière de sa comptabilité. En effet, un administrateur devait faire preuve de toute la diligence nécessaire. Il ne pouvait donc pas s'abriter derrière le fait qu'il s'était fié aux paroles rassurantes du directeur. Il ne pouvait pas non plus se borner à affirmer qu'il ne disposait pas des informations utiles, le devoir des organes consistant précisément à recueillir les renseignements nécessaires. Or, il s'était toujours adressé exclusivement à C______, qu'il avait d'ailleurs relancé lorsqu'il avait constaté des retards dans l'établissement de la comptabilité. De telles mesures ne suffisaient pas à exonérer D______ de toute faute. Celui-ci aurait pu s'enquérir de la situation auprès de E______ ou de l'organe de révision afin de déterminer les raisons pour lesquelles l'établissement des comptes de la société rencontrait des difficultés. Il aurait ainsi découvert que C______ était à l'origine des retards dans l'établissement des comptes, puisque celui-ci ne transmettait pas les documents nécessaires à E______ et, partant, aurait pu prendre des mesures, sur le plan organisationnel, afin de remédier à ces problèmes de gestion et de tenue de la comptabilité. Au lieu de cela, il s'était contenté d'interpeller C______ et de lui faire confiance, ce qui était manifestement insuffisant.

En outre, la Cour errait en considérant que le retard dans l'établissement des états financiers 2009 n'était pas imputable à faute à D______, sous prétexte que d'éventuelles mesures supplémentaires entreprises par celui-ci n'auraient rien changé à la situation. Une telle motivation était insoutenable, car elle faisait fi d'éléments définitivement tranchés par le Tribunal fédéral dans son premier arrêt de renvoi (consid. 9.3.2). Ainsi, D______ avait manqué fautivement à ses devoirs, puisqu'il n'avait pas veillé à la tenue régulière de la comptabilité de la société et n'avait pas observé son devoir de faire constater au plus tard le 30 juin 2010 l'état de surendettement de celle-ci, sans que de telles violations ne puissent être considérées comme excusables.

Dans la mesure où le Tribunal fédéral était liée par son premier arrêt de renvoi et où la Cour n'avait toujours pas fixé l'étendue de l'obligation de réparer de D______ en application du régime de la solidarité différenciée, il y avait lieu de renvoyer une nouvelle fois la cause à celle-ci afin qu'elle règle cette question, prononce la mainlevée définitive des oppositions formées par le précité aux commandements de payer qui lui avaient été notifiés et revoie la répartition des frais judiciaires et dépens mis à la charge de B______ LLP et A______ SIA en faveur de D______.

C. La Cour a imparti aux parties un délai au 10 mars 2023 pour se déterminer à la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral.

a. Dans leurs déterminations conjointes du 10 mars 2023, reçues par D______ le 17 mars 2023, B______ LLP et A______ SIA ont conclu à la condamnation du précité à verser à la première 3'062'940 fr. 01 et à la deuxième 2'693'931 fr. 68, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012, et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et 2______, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances.

Elles ont, en substance, soutenu que le Tribunal fédéral avait retenu un lien de causalité naturel et adéquat entre les graves manquements de D______ et leur dommage, de sorte que la faute de celui-ci ne pouvait pas être "reléguée au second plan". Il ne pouvait se prévaloir d'aucun motif d'atténuation de sa responsabilité.

b. Dans ses déterminations du 10 mars 2023, reçues par B______ LLP et A______ SIA le 17 mars 2023, D______ a conclu au rejet de l'appel interjeté le 5 juillet 2019 par les précitées contre le jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019 et au déboutement de celles-ci de toutes leurs conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a, en substance, soutenu que sa faute était légère. Sa responsabilité était d'autant plus limitée qu'elle découlait de la faute de tiers, soit celle de C______, E______ et Q______, et que le lien de causalité entre le dommage et la violation de ses obligations était ténu. Enfin, il n'avait perçu aucune rémunération durant son mandat d'administrateur.

c. C______ a informé la Cour de ce qu'il n'entendait pas se déterminer suite à l'arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2022 et qu'il s'en rapportait à justice.

d. M______ SA a conclu à la constatation que l'arrêt ACJC/92/2021 du 19 janvier 2021 était entré en force à son égard et s'en est, pour le surplus, rapportée à justice s'agissant d'une éventuelle modification des frais judiciaires et dépens d'appel.

e. E______ ne s'est pas déterminée.

f. B______ LLP, A______ SIA et D______ ont déposé leurs réponses respectives le 27 mars 2023, reçues le 2 mai 2023, par lesquelles ils ont persisté dans leurs conclusions.

D______ a, pour le surplus, conclu à l'irrecevabilité des conclusions prises par B______ LLP et A______ SIA. Elles avaient renoncé à solliciter l'annulation des chiffres 7 et 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019, de sorte qu'ils étaient entrés en force. En tout état, leur conclusion visant les frais était irrecevable, en ce sens que les précitées avaient renoncé à la modification de la répartition des frais afférents à sa requête en sûretés formée à l'encontre de B______ LLP.

g. Dans leurs réplique et duplique des 5 et 8 mai 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions et argumentation.

h. Par avis du greffe de la Cour du 12 juin 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Il n'y a pas lieu de revenir sur la recevabilité de l'appel formé par A______ SIA et B______ LLP (ci-après : les appelantes), qui a été admise par la Cour dans son arrêt ACJC/92/2021 du 19 janvier 2021 et non critiquée devant le Tribunal fédéral.

1.2 Les déterminations des parties à la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 22 décembre 2022 ont été déposées dans le délai imparti à cet effet (art. 144 al. 2 et 316 al. 1 CPC), de sorte qu'elles sont recevables.

1.3 Il en va de même des réponses et écritures subséquentes des appelantes et de D______ (ci-après : l'intimé) déposées dans un délai raisonnable, soit dix jours, conformément au droit inconditionnel de réplique (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 139 I 189 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_31/2020 du 6 juillet 2020 consid. 3.1 et 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 6).

2. 2.1.1 Après avoir partiellement admis le recours, le Tribunal fédéral a renvoyé l'affaire à la Cour de céans pour qu'elle prenne une nouvelle décision dans le sens des considérants (art. 107 al. 1 LTF).

En vertu du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, qui découle du droit fédéral non écrit, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès. Les considérants en droit de l'arrêt retournant la cause pour nouvelle décision à l'autorité cantonale lient aussi le Tribunal fédéral et les parties. Par conséquent, la nouvelle décision cantonale ne peut plus faire l'objet de griefs que le Tribunal fédéral avait expressément rejetés dans l'arrêt de renvoi ou qu'il n'avait pas eu à examiner, faute pour les parties de les avoir invoqués dans la première procédure de recours, alors qu'elles pouvaient - et devaient - le faire. La portée de l'arrêt de renvoi dépend donc du contenu de cet arrêt en relation avec les mémoires de recours et de réponse qui avaient été déposés (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1; 135 III 334 consid. 2; 133 III 201 consid. 4.2; 131 III 91 consid. 5.2 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_394/2020 du 5 novembre 2020 consid. 3.1).

2.1.2 L'art. 317 al. 2 let. a CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).

Il y aurait formalisme excessif à pénaliser une partie pour une formulation malheureuse ou un libellé imprécis de ses conclusions lorsque leur sens peut être d'emblée déterminé au vu de la motivation de la demande, des circonstances du cas à trancher ou de la nature juridique de l'action introduite (arrêts du Tribunal fédéral 5A_775/2018 du 15 avril 2019 consid. 4.1 et 5A_377/2016 du 9 janvier 2017 consid. 4.2.3).

2.2 En l'occurrence, dans son arrêt de renvoi du 22 décembre 2022, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt de la Cour ACJC/697/2021 du 24 mai 2022, en tant qu'il confirmait le chiffre 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019, soit le déboutement des appelantes de leurs conclusions en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de l'intimé, au motif que ce dernier avait agi fautivement au sens de l'art. 754 al. 1 CO.

A teneur de l'arrêt de renvoi, la Cour doit dorénavant fixer l'étendue de l'obligation de réparer de l'intimé en application du régime de la solidarité différenciée prévu à l'art. 759 al. 1 CO, prononcer la mainlevée définitive de l'opposition formée par ce dernier aux commandements de payer qui lui ont été notifiés et revoir la répartition des frais judiciaires et dépens mis à la charge des appelantes en faveur de l'intimé, soit le chiffre 7 du dispositif du jugement susvisé, ainsi que le dispositif y afférent de l'arrêt de la Cour ACJC/92/2021 du 19 janvier 2021.

Dans son premier arrêt de renvoi du 26 octobre 2021, le Tribunal fédéral avait d'ailleurs déjà indiqué que la Cour devait, si elle admettait l'existence d'une faute commise par l'intimé, revoir la répartition des frais judiciaires de l'appel formé par les appelantes le 5 juillet 2019, des indemnités de dépens mises à la charge de celles-ci en faveur de l'intimé pour les procédures de première et seconde instances, ainsi que la répartition des frais liés à la requête de sûretés formée par ce dernier contre l'appelante B______ LLP.

Il s'ensuit que l'argumentation de l'intimé, selon laquelle les chiffres 7 et 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019 sont entrés en force, car les appelantes n'ont pas expressément conclu à leur annulation dans leurs déterminations du 10 mars 2023, n'est pas fondée. En effet, sur instruction du Tribunal fédéral, la Cour doit justement se prononcer sur ces points dans la présente décision. Les conclusions condamnatoires prises à l'encontre de l'intimé dans lesdites déterminations sont donc recevables. Elles correspondent d'ailleurs à celles prises par les appelantes dans leurs déterminations du 21 mars 2022.

Le fait que les appelantes n'aient pas expressément conclu, dans leurs déterminations du 10 mars 2023, à ce que la Cour se prononce sur les frais afférents à la requête de sûretés, ne constitue pas une modification de leurs conclusions, comme soutenu par l'intimé. En effet, ces frais font partie intégrante de la procédure et doivent donc être répartis en fonction de l'issue du litige, comme relevé par le Tribunal fédéral dans son premier arrêt de renvoi. Dans leurs déterminations du 21 mars 2022, les appelantes n'avaient d'ailleurs fait que préciser que les frais de la procédure comprenaient également ceux afférents à la requête en sûretés formulée par l'intimé à l'encontre de l'appelante B______ LLP.

Enfin, les appelantes ayant limité leur premier recours en matière civile à la question de la responsabilité de l'intimé, l'arrêt ACJC/92/2021 du 19 janvier 2021 est entré en force en tant qu'il les déboutait de leurs conclusions formulées à l'encontre de M______ SA et de E______. Cet arrêt a dès lors acquis force de chose jugée à l'encontre des précitées et également de C______, dont le recours en matière civile a été rejeté par le Tribunal fédéral.

3. Les appelantes font valoir que l'intimé est solidairement responsable de l'entier de leur dommage aux côtés de C______.

L'intimé, quant à lui, se prévaut de plusieurs motifs personnels d'exclusion de sa responsabilité.

3.1.1 L'art. 754 al. 1 CO prescrit que les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.

La responsabilité des administrateurs est subordonnée à la réunion des quatre conditions générales suivantes, à savoir un manquement par l'organe à ses devoirs, une faute (intentionnelle ou par négligence), un dommage et un lien de causalité naturelle et adéquate entre le manquement et le dommage (ATF 132 III 342 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_133/2021 du 26 octobre 2021 consid.7.1 et 4A_294/2020 du 14 juillet 2021 consid. 4.1.1).

L'administrateur est tenu d'accomplir sa mission avec diligence (art. 717 al. 1 CO). Il lui appartient notamment de contrôler de manière régulière la situation économique et financière de la société (ATF 132 III 564 consid. 5.1). En vertu de l'art. 716a al. 1 CO, le conseil d'administration a notamment pour attributions intransmissibles et inaliénables d'exercer la haute direction de la société et établir les instructions nécessaires (ch. 1), de fixer les principes de la comptabilité et du contrôle financier, ainsi que le plan financier pour autant que celui-ci soit nécessaire à la gestion de la société (ch. 3) et d'informer le juge en cas de surendettement (ch. 7; art. 725 al. 2 CO).

En pratique, pour déterminer s'il existe des "raisons sérieuses" d'admettre un surendettement, le conseil d'administration ne doit pas seulement se fonder sur le bilan, mais aussi tenir compte d'autres signaux d'alarmes liés à l'évolution de l'activité de la société, tels l'existence de pertes continuelles ou l'état des fonds propres. L'administrateur qui tarde de manière fautive à aviser le juge au sens de l'art. 725 al. 2 CO répond du dommage qui en découle (ATF 132 III 564 consid. 5.1 et les références).

3.1.2 Aux termes de l'art. 759 al. 1 CO, si plusieurs personnes répondent d'un même dommage, chacune d'elles est solidairement responsable dans la mesure où le dommage peut lui être imputé personnellement en raison de sa faute et au vu des circonstances.

Cette disposition légale institue une solidarité différenciée (ATF 132 III 564 consid. 7; 122 III 324 consid. 7b). Dans les rapports externes, c'est-à-dire dans les rapports entre les organes responsables et le lésé, le montant du dommage auquel un administrateur peut ainsi être condamné solidairement ne peut dépasser le dommage qu'il a causé ou contribué à causer et qui lui est imputable personnellement en raison de sa faute et au vu des circonstances (ATF 122 III 324 consid. 7b; 127 III 453 consid. 5d). Chaque coresponsable peut donc faire valoir les facteurs d'atténuation prévus par l'art. 43 al. 1 et 44 CO qui lui sont propres, soit ses motifs personnels d'atténuation de la responsabilité, tels que la faute légère, la gêne, l'action de complaisance, la différence des situations économiques ou la faible rémunération (ATF 132 III 564 consid. 7; Corboz/Aubry Girardin, Commentaire romand CO II, 2017, n° 14 ad art. 759 CO).

Les notions de "faute" et de "circonstances" doivent être interprétées restrictivement. En l'état actuel, seule une faute légère ou des circonstances exceptionnelles peuvent conduire à une responsabilité différenciée, soit à un allègement de la responsabilité au sens de l'art. 759 al. 1 CO (Mustaki, Obligations et responsabilités des organes dirigeants découlant des normes de corporate governance, in SJ II 2006 189, p. 227). Pour certains auteurs de doctrines, s'agissant de la réduction pour faute légère, celle-ci n'est possible qu'en cas de faute particulièrement légère (Corboz/Aubry Girardin, op. cit., n° 18 ad art. 759 CO et les références). La faute légère se définit comme le comportement objectif ou le manquement subjectif qui, sans être acceptable, n'est pas particulièrement répréhensible (Werro, La responsabilité civile, 2005, p. 288).

La solidarité différenciée instituée par l'art. 759 al. 1 CO ne s'oppose pas à ce que le comportement d'un responsable puisse, le cas échéant, libérer son coresponsable solidaire s'il fait apparaître comme inadéquate la relation de causalité entre le comportement de ce dernier et le dommage (ATF 112 II 138 consid. 4a). Il faut alors que la faute du tiers soit si lourde et si déraisonnable qu'elle relègue le manquement en cause à l'arrière-plan, au point qu'il n'apparaisse plus comme la cause adéquate du dommage (ATF 123 III 306 consid. 5b; 116 II 422 consid. 3; 108 II 51 consid. 3). On peut imaginer que le comportement d'un autre responsable ait été à ce point extraordinaire et imprévisible qu'il relègue à l'arrière-plan le manquement reproché au défendeur. On peut aussi imaginer qu'un administrateur ait dissimulé des irrégularités d'une manière tellement raffinée que la faute reprochée au défendeur, qui n'a pas décelé la supercherie, apparaisse particulièrement légère (Corboz/Aubry Girardin, op. cit., n° 15 ad art. 759 CO). La jurisprudence se montre stricte quant à la réalisation de ces exigences. Elle précise clairement qu'une limitation (et, a fortiori, une libération) de la responsabilité fondée sur la faute concurrente d'un tiers ne doit être admise qu'avec la plus grande retenue si l'on veut éviter que la protection du lésé que vise, d'après sa nature, la responsabilité solidaire de plusieurs débiteurs, ne soit rendue en grande partie illusoire (ATF 127 III 257 consid. 6b; 127 III 453 consid. 5d; 112 II 138 consid. 4a).

Le droit fédéral n'impose pas l'obligation de régler les rapports internes dans le même procès que les rapports externes. Le débiteur recherché peut donc attendre d'être condamné définitivement dans les rapports externes avant d'ouvrir une action récursoire contre le ou les coresponsables à l'effet d'opérer une répartition interne du fardeau de la réparation (Corboz/Aubry Girardin, op. cit., n° 30 ad art. 759 CO).

3.2.1 En l'espèce, il est acquis que G______ SA était surendettée au 31 décembre 2009, que le montant du surendettement pouvait être estimé à cette date à 3'263'604 fr. et que cet état de surendettement aurait dû être constaté au plus tard le 30 juin 2010.

Le Tribunal fédéral a également définitivement jugé que l'intimé avait fautivement violé son devoir de diligence en ne veillant pas à la tenue régulière de la comptabilité de la société, tâche qui lui incombait en sa qualité d'administrateur même s'il ne s'occupait pas de la gestion quotidienne de celle-ci, et en ne faisant pas constater le 30 juin 2010 au plus tard que celle-ci se trouvait en état de surendettement au 31 décembre 2009.

L'intimé soutient toutefois que sa faute serait légère, dès lors que le Tribunal, dans son jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019, et la Cour, dans son arrêt ACJC/697/2022 du 24 mai 2022, avaient considéré que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée à défaut de faute au sens de l'art. 754 al. 1 CO. Cette argumentation ne saurait être suivie, le Tribunal fédéral, dans son deuxième arrêt de renvoi du 22 décembre 2022, ayant justement retenu l'existence d'une telle faute, sans qualifier l'intensité de celle-ci. Ainsi, le fait que la Cour a, arbitrairement, retenu des circonstances exceptionnelles conduisant à la conclusion que l'intimé était exempt de faute, ne permet pas à lui seul de retenir que celle-ci serait légère.

La faute de l'intimé ne peut pas non plus être qualifiée de légère, ou particulièrement légère, au motif qu'il se renseignait régulièrement auprès de C______ sur l'état de la société, qu'il avait relancé ce dernier lorsqu'il avait constaté le retard dans l'établissement des comptes et qu'il n'avait aucune raison de ne pas lui faire confiance. Il en va de même du fait que E______ et M______ SA ne lui avaient pas rapporté les déficits de comptabilité de la société, que les états financiers présentés ne faisaient pas mention de difficultés ou encore que Q______ lui avait indiqué, à tort, que la société ne faisait plus l'objet de litige. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs considéré l'ensemble de ces éléments comme étant manifestement insuffisants pour exonérer l'intimé de toute faute. En effet, en sa qualité d'administrateur de la société, du 30 septembre 2008 au 16 mars 2011, il était de son devoir, intransmissible et inaliénable, de notamment fixer les principes de la comptabilité et du contrôle financier de la société. Or, il est établi que la société était désorganisée dès sa création et qu'elle ne disposait d'aucun système de contrôle interne. En outre, le Tribunal fédéral a retenu que l'intimé savait pertinemment que la comptabilité de la société n'était pas tenue régulièrement, de sorte que sa représentation erronée de la véritable situation financière n'était pas excusable. L'intimé n'a effectivement pas recueilli les informations nécessaires, qui lui auraient permis de prendre des mesures, sur le plan organisationnel, pour résoudre les problèmes de gestion et comptabilité de la société. Le défaut de certaines informations, ou encore le caractère erroné de celles-ci, ne constitue donc pas une excuse permettant de qualifier de légère la faute de l'intimé.

Le précité ne peut pas non plus se prévaloir du fait, qu'avant de quitter son poste au sein de la société, il avait requis l'établissement de comptes intermédiaires au 30 juin 2010, afin de s'assurer de la bonne santé de la société, dès lors qu'il savait que le résultat de l'exercice 2009 n'était pas définitif, les comptes n'étant ni bouclés ni révisés. En outre, ces comptes intermédiaires laissaient apparaître que la société avait subi une perte de 3'478'786 USD pour les six premiers mois de l'exercice 2010. Cet élément ne l'a toutefois pas alarmé et il n'a pris aucune mesure ni recueilli de plus amples informations à ce sujet.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, le Tribunal fédéral ne lui a pas simplement reproché de ne pas avoir interpellé d'autres personnes que C______, mais bien d'avoir fautivement failli, durant toute la durée de son mandat d'administrateur, soit près de deux ans et demi, à son obligation de surveillance de la situation économique et financière de la société, ce qui ne saurait constituer une faute particulièrement légère, voire légère.

L'intimé ne peut pas non plus se prévaloir de l'arrêt du Tribunal fédéral 4C.155/2002 du 9 septembre 2002, la question de la solidarité différenciée n'ayant pas été revue par le Tribunal fédéral dans cet arrêt (cf. consid. 2.4 de celui-ci).

Dans ces circonstances, les défaillances de l'intimé sont répréhensibles et ne peuvent pas être qualifiées de légères. Il a failli à ses devoirs élémentaires et intransmissibles d'administrateur. Il ne se justifie donc pas de l'exonérer de sa responsabilité pour ce motif, voire de réduire celle-ci, dans les rapports externes, compte tenu de sa responsabilité envers les créanciers de la société.

3.2.2 L'intimé fait également valoir que sa responsabilité - sa faute - serait limitée, car elle découlerait des fautes commises par C______, E______ et par Q______.

Or, le degré de la faute au sens de l'art. 759 al. 1 CO s'apprécie de manière personnelle et non en comparaison avec les fautes commises par des co-responsables. D'ailleurs, la responsabilité de E______ n'a pas été retenue, ce qui a été définitivement jugé, et Q______ n'a pas été actionnée en justice par les appelantes, de sorte qu'aucune faute n'a été retenue à son encontre.

S'agissant de C______, il a été définitivement jugé que ce dernier avait fautivement violé ses devoirs de tenir régulièrement la comptabilité, de conserver les pièces y relatives et d'aviser le juge de l'état de surendettement. L'intimé fait valoir que ce dernier lui avait délibérément dissimulé la réelle situation économique de la société et avait fait en sorte que personne ne lui rapporte les difficultés rencontrées par celle-ci, de sorte que sa propre faute était "reléguée à l'arrière-plan". Or, cette argumentation ne saurait être suivie. A nouveau, l'intimé a failli à ses devoirs inaliénables d'organisation et de surveillance de la société, en se limitant à faire confiance aux paroles rassurantes de C______, alors même qu'il savait que la comptabilité de la société n'était pas tenue régulièrement. L'intimé connaissait donc les manquements du précité, de sorte que le comportement de celui-ci ne peut pas être qualifié d'imprévisible et ne peut donc pas interférer dans le lien de causalité adéquate entre le défaut de surveillance de l'intimé et le dommage subi par les appelantes. En outre, une limitation et, a fortiori une libération, de la responsabilité fondée sur la faute concurrente d'un tiers ne doit être admise avec la plus grande retenue, de sorte qu'il se justifie d'autant moins d'admettre l'interruption du lien de causalité en raison de la faute commise par C______.

3.2.3 L'intimé soutient encore que le lien de causalité entre ses manquements et le dommage serait ténu.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, le fait que la Cour a retenu, dans son arrêt ACJC/92/2021 du 19 janvier 2021, qu'une intervention plus importante de sa part n'aurait rien changé quant à la situation de la société, de sorte que lien de causalité serait faible, n'est pas pertinent. En effet, dans son premier arrêt de renvoi du 26 octobre 2021, le Tribunal fédéral a définitivement jugé que si l'intimé avait observé ses devoirs et, partant, avisé le juge du surendettement au plus tard le 30 juin 2010, comme il aurait dû le faire, le dommage de poursuite d'exploitation de la société ne se serait pas produit (consid. 9.3.2). L'omission de l'intimé d'aviser le juge de l'état de surendettement de la société au plus tard le 30 juin 2010 constituait donc une condition sine qua non du préjudice subi par la société et donc les appelantes.

Dans ces circonstances, admettre une atténuation ou une exonération de la responsabilité de l'intimé équivaudrait à considérer que sa faute n'aurait été que partiellement causale du dommage, ce qui serait contraire à ce qui précède.

Les déclarations de E______, à teneur desquelles, en matière de négoce de pétrole, un état de surendettement pouvait apparaître ou disparaître rapidement, ne sont pas non plus déterminantes. En effet, outre le fait que celles-ci n'ont pas été établies, elles ne permettent pas de rompre le lien de causalité entre les violations commises par l'intimé et le dommage subi par les appelantes. Au contraire, ces déclarations plaident pour un devoir accru de surveillance de la santé financière de la société, ce que l'intimé n'a pas effectué avec la diligence requise durant tout son mandat.

3.2.4 Enfin, l'intimé fait valoir que sa responsabilité serait marginale, car il n'avait pas été rémunéré durant son mandat d'administrateur de la société.

Or, indépendamment de la recevabilité de cette allégation, le critère de rémunération ne saurait à lui seul atténuer la responsabilité de l'intimé, dans les rapports externes, compte tenu de ses importants manquements en matière de surveillance et d'organisation de la société, qui ont conduit au dommage subi par les appelantes. D'autant plus que l'intimé était le seul administrateur officiel de celle-ci entre le 30 septembre 2008 et le 16 mars 2011.

Enfin, le fait que ses sociétés, dont il était l'ayant droit économique, étaient également créancières de G______ SA, ne constitue pas un facteur d'atténuation de sa responsabilité dans le cadre des rapports externes.

3.2.5 En définitive, compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'intimé est solidairement responsable aux côtés de C______, dans la mesure où l'entier du dommage subi par les appelantes peut lui être imputé personnellement en raison de sa faute et au vu des circonstances.

Il sera donc condamné à verser, solidairement avec C______, à l'appelante A______ SIA 2'693'931 fr. 68, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012, et à l'appelante B______ LLP 3'062'940 fr. 01, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012. En outre, la mainlevée définitive de l'opposition formée aux commandements de payer, poursuites n° 2______ et 1______, sera prononcée.

Partant, le chiffre 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019 sera annulé et il sera à nouveau statué sur ce point dans le sens qui précède.

4. Le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la Cour pour qu'elle revoie, cas échéant, la répartition des frais judiciaires et dépens de la procédure cantonale.

4.1.1 En l'espèce, compte tenu de l'issue du litige et des instructions du Tribunal fédéral dans ses deux arrêts de renvoi des 26 octobre 2021 et 22 décembre 2022, il se justifie de revoir la répartition des frais entre les parties, en ce sens que l'intimé a finalement entièrement succombé (art. 106 al. 1 CPC).


* = Rectification erreur matérielle le 17 juillet 2023 (art. 334 CPC).

Ainsi, le chiffre 7 du dispositif du JTPI/8032/2019 du 3 juin 2019 sera annulé, aucun dépens ne devant être versés à l'intimé par les appelantes. Il sera relevé que les chiffres 5 et 6 de ce jugement n'ont pas été remis en cause par les parties et que seule la répartition des frais concernant les appelantes et l'intimé doit être revue. * Compte tenu de l'issue du litige, les chiffres 5 et 6 seront également annulés et réformés en ce sens que les frais judiciaires, arrêtés à 97'393 fr. 85, compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève, seront mis à la charge de C______ et D______, solidairement entre eux et seront condamnés, conjointement et solidairement, à verser 97'393 fr. 85 aux appelantes, solidairement entre elles, ainsi que 80'000 fr. à titre de dépens.

4.1.2 Les frais judiciaires de l'appel interjeté par les appelantes le 5 juillet 2019 ont été arrêtés à 60'000 fr., ce qui n'est pas remis en cause par les parties et sera donc confirmé. Ce montant sera mis à la charge des appelantes à hauteur de 30'000 fr. et de 15'000 fr. à charge de l'intimé, comme ce qui a été retenu pour C______. Pour le même motif, l'intimé sera également condamné à verser aux appelantes 15'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront donc invités à libérer les sûretés en garantie des dépens réclamées par l'intimé et fournies par l'appelante B______ LLP. Les frais judiciaires de cette requête en sûretés, arrêtés au montant non contesté de 1'920 fr., seront mis à charge de l'intimé et compensés avec l'avance de même montant fournie par lui, qui devra également verser à l'appelante B______ LLP 2'000 fr. à titre de dépens lié à cette requête.

4.2.1 Il sera renoncé à percevoir un émolument de décision dans le cadre de la présente procédure de renvoi devant la Cour, celle-ci ayant été rendue nécessaire par l'annulation de l'arrêt ACJC/697/2022 du 24 mai 2022 par le Tribunal fédéral.

4.2.2 Compte tenu de l'ampleur de l'activité déployée par le conseil des appelantes, ayant consisté à prendre connaissance de l'arrêt du Tribunal fédéral, ainsi qu'à rédiger une détermination et une réplique d'une dizaine de pages, ainsi que des écritures spontanées de deux pages, les dépens pour la procédure de renvoi devant la Cour seront fixés à 5'000 fr. (art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC), débours compris, étant précisé que les appelantes sont domiciliées à l'étranger, de sorte qu'il n'y a pas de TVA à prélever (art. 85, 88, 89 et 90 RTFMC; 23 et 25 LaCC). L'intimé, qui succombe, sera condamné à verser ce montant aux appelantes, prises conjointement (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC).

L'arrêt de la Cour du 24 mai 2022 ayant acquis force de chose jugée à l'encontre de M______ SA, de C______ et de E______ (cf. consid. 2.2 supra) et ceux-ci s'en étant rapportés à justice dans le cadre de la présente procédure de renvoi, respectivement ne s'étant pas déterminée, il n'y a pas lieu de leur allouer de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

* 5, 6,

= Rectification erreur matérielle le 17 juillet 2023 (art. 334 CPC).

Statuant sur renvoi du Tribunal fédéral :

Annule les chiffres *7 et 10 du dispositif du jugement JTPI/8032/2019 rendu le 3 juin 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18471/2014 et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne D______, solidairement avec C______, à verser à A______ SIA la somme de 2'693'931 fr. 68, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012.

Condamne D______, solidairement avec C______, à verser à B______ LLP la somme de 3'062'940 fr. 01, avec intérêts à 5% dès le 23 août 2012.

Prononce à hauteur des montants susvisés la mainlevée définitive de l'opposition formée aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et 2______.

* Condamne C______ et D______, solidairement entre eux, aux frais judiciaires de première instance, arrêtés à 97'393 fr. 85.

* = Rectification erreur matérielle le 17 juillet 2023 (art. 334 CPC).

* Condamne C______ et D______, solidairement entre eux, à verser la somme de 97'393 fr. 85 à A______ SIA et B______ LLP, solidairement entre elles.

* Condamne C______ et D______, solidairement entre eux, à verser 80'000 fr. à titre de dépens à A______ SIA et B______ LLP, solidairement entre elles.

Dit que les frais judiciaires de l'appel formé par A______ SIA et B______ LLP le 5 juillet 2019, arrêtés à 60'000 fr. et entièrement compensés avec l'avance de même montant fournie par elles, acquise à l'Etat de Genève, seront mis à la charge de celles-ci, solidairement entre elles, à hauteur de 30'000 fr. et à la charge de D______ à hauteur de 15'000 fr.

Condamne en conséquence D______ à verser 15'000 fr. à A______ SIA et B______ LLP, prises solidairement, à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne D______ à verser 15'000 fr. à A______ SIA et B______ LLP, prises solidairement, à titre de dépens d'appel.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à libérer les sûretés en garantie des dépens réclamées par D______ et fournies par B______ LLP, en faveur de B______ LLP.

Dit que les frais judiciaires de la requête en sûretés formée par D______ à l'encontre de B______ LLP, arrêtés à 1'920 fr. et entièrement compensés par l'avance de même montant fournie par D______, acquise à l'Etat de Genève, seront mis à la charge de D______.

Condamne D______ à verser à B______ LLP 2'000 fr. à titre de dépens liés à la requête de sûretés.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de la présente procédure de renvoi :

Dit qu'il n'y a pas lieu à perception de frais judiciaires pour la procédure postérieure à l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 22 décembre 2022.

Condamne D______ à verser à A______ SIA et B______ LLP, solidairement entre elles, 5'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.