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Décisions | Chambre civile

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C/18351/2022

ACJC/490/2023 du 12.04.2023 sur JTPI/581/2023 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18351/2022 ACJC/490/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 AVRIL 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 12 janvier 2023, comparant par Me Claudio FEDELE, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/581/2023 du 12 janvier 2023, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a ordonné l'exécution immédiate de l'arrêt de la Cour de justice ACJC/485/2022 du 5 avril 2022 (chiffre 1), autorisé B______, au cas où A______ ne se conformerait pas au chiffre 1 du dispositif, à recourir à l'intervention d'un huissier judiciaire et, au besoin, à la force publique pour ce faire (ch. 2), a arrêté les frais judiciaires à 1'250 fr. et les a mis à la charge du précité, - en disant qu'ils resteraient provisoirement supportés par l'Etat de Genève, en raison de l'assistance juridique accordée -, condamné en outre à verser à B______ 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 3 et 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Le Tribunal a retenu, en substance, que l'arrêt du 5 avril 2022 (dont il n'a pas distingué les prévisions du dispositif ordonnant une obligation de faire de celles relatives à la condamnation à verser une somme d'argent) était exécutoire et que les objections de A______ ne faisaient pas échec à l'exécution de cette décision.

B.            Par acte du 23 janvier 2023, A______ a formé recours contre le jugement précité. Il a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à ce que B______ soit déboutée des fins de sa requête en exécution, avec suite de frais judiciaires, sans allocation de dépens.

Par arrêt du 8 février 2023, la Cour a rejeté la conclusion préalable en suspension du caractère exécutoire attaché au jugement attaqué que comportait le recours.

B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Par avis du 8 mars 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a.    Par arrêt ACJC/485/2022 du 5 avril 2022, définitif et exécutoire, rendu dans la procédure de mesures protectrices C/9054/2021, la Cour, qui avait gardé la cause à juger le 3 février 2022, outre une condamnation de A______ à verser à B______ à titre de contribution à son entretien par mois et d'avance 2'100 fr. dès le 1er juillet 2022, a notamment attribué à cette dernière la jouissance exclusive du domicile conjugal situé no. ______, chemin 2______ à C______ [GE] et ordonné à A______ de quitter ledit domicile au plus tard le 30 juin 2022.

b.    Le 26 septembre 2022, B______ a saisi le Tribunal d'une requête tendant à ce que soit ordonnée, en exécution de l'arrêt susmentionné, l'expulsion immédiate de A______ du domicile conjugal sis no. ______, chemin 2______ à C______, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP et à être autorisée, en cas d'inexécution, à requérir l'évacuation de A______ par la force publique, avec suite de frais et dépens.

Elle a pris les mêmes conclusions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, lesquelles ont été rejetées par décisions du Tribunal des 26 septembre et 28 novembre 2022.

A______ a conclu au déboutement de B______ des fins de sa requête, subsidiairement a requis un délai de départ au 30 juin 2023. Il a notamment fait valoir que B______ avait quitté le domicile conjugal le 28 février 2022 (ce qui est admis par cette dernière) et qu'il souffrait d'une dépression. Il a, entre autres pièces, produit un certificat médical daté du 25 novembre 2022, qui comporte notamment le passage suivant : "Il a une capacité de travail et de gestion administrative de 0% ainsi il lui est impossible pour l'instant et probablement pour les mois à venir d'effectuer des démarches pour trouver un logement".

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

EN DROIT

1.             1.1 La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En procédure sommaire, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits nouvellement articulés par les parties, de même que les pièces que celles-ci déposent devant la Cour, ne sont donc pas recevables.

3. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir procédé à une mauvaise appréciation des faits qu'il avait allégués pour s'opposer à l'exécution de la décision de la Cour du 5 avril 2022 et de ne pas avoir appliqué l'art. 30 al. 4 LaCC par analogie.

3.1 Les décisions et les transactions judiciaires qui leur sont assimilées sont exécutées conformément aux dispositions du chapitre 10 du CPC (art. 335 à 346), si elles ne portent pas sur le paiement d'une somme d'argent ou la fourniture de sûretés (art. 335 al. 2 CPC). S'il n'est pas possible d'exécuter directement la décision, une requête d'exécution doit être déposée auprès du tribunal d'exécution (art. 338 CPC). Le tribunal statue d'office sur la force exécutoire en procédure sommaire (art. 339 al. 2 CPC) et après avoir entendu la partie adverse (art. 341 CPC).

Dans la procédure d'exécution, le débiteur de la prestation ne peut soulever des objections contre l'exécution que de manière très limitée. D'une part, il peut soulever des objections formelles, notamment contre la force exécutoire en tant que telle (cf. art. 336 CPC), ou des objections procédurales qui sont en rapport avec la procédure d'exécution. D'autre part, il peut soulever des objections de droit matériel - telles que notamment l'extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due -, mais uniquement dans la mesure où celles-ci reposent sur des faits qui ne sont survenus que depuis la notification de la décision (vrais nova) (art. 341 al. 3 CPC; ATF 145 III 255 consid. 5.5.2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 81 LP, à laquelle on peut se référer, la procédure sommaire d'exécution ne tend pas à statuer sur des questions délicates de droit matériel ou sur d'autres dans lesquelles le pouvoir d'appréciation du tribunal joue un rôle important (cf. ATF 136 III 624 consid. 4.2.3; 124 III 501 consid. 3a; 115 III 97 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_455/2022 du 9 novembre 2022 consid. 5).

L'extinction et le sursis doivent être prouvés par titre (art. 341 al. 3 CPC).

3.2 En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

En matière de baux et loyers, l'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal des baux et loyers peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

3.3 En l'espèce, il est constant que la décision dont l'intimée a requis l'exécution est exécutoire.

Le recourant a invoqué, au titre d'objections de droit matériel, son état de santé, dont la dégradation serait postérieure à l'arrêt dont l'exécution est requise, ainsi que la circonstance que l'intimée aurait quitté le logement après que la cause avait été retenue à juger par la Cour.

Pareils arguments n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 341 al. 3 CPC, qui n'évoque expressément que des moyens juridiques, de nature à conduire à l'extinction, respectivement à la suspension ou la perte de l'exercice du droit. De purs éléments de fait liés à la situation personnelle des parties, qui supposeraient l'exercice de son pouvoir d'appréciation par le juge, ne trouvent pas leur place à ce stade de la procédure d'exécution.

Par ailleurs, le principe de la proportionnalité, dont l'art. 30 al. 4 LaCC prévu pour la procédure devant le Tribunal des baux et loyers est la concrétisation, ne fait pas obstacle à l'exécution de la décision rendue par la Cour en avril 2022, étant précisé que par l'écoulement du temps, une longue prolongation de fait aura bénéficié au recourant. Au demeurant, ce dernier n'a pris aucune conclusion à titre subsidiaire relative à un délai de départ.

Il s'ensuit que le grief est infondé.

4. Le recourant reproche encore au Tribunal d'avoir alloué des dépens à l'intimée, en dépit du caractère familial de la procédure.

Il est exact que l'art. 107 al. 1 let. c CPC permet au juge de s'écarter des règles générales en matière de répartition des frais et de répartir ceux-ci selon sa libre appréciation lorsque le litige relève du droit de la famille.

En l'occurrence, le Tribunal est resté dans le cadre de son pouvoir d'appréciation en s'en tenant à la règle selon laquelle les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Sa décision n'est pas critiquable, de sorte que le grief n'est pas fondé.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Le dispositif de la décision entreprise ne sera pas corrigé (vu l'absence d'effet concret de son imprécision; cf art. 335 al. 2 CPC) en dépit de ce que seule la prévision du dispositif de l'arrêt de la Cour du 5 avril 2022 relative au domicile conjugal faisait l'objet des conclusions de la requête en exécution formée par l'intimée.

6. Les frais du recours seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC); il ne sera pas tenu compte, s'agissant de la répartition des frais, de ce que la procédure oppose des époux séparés, au vu de ce que celle-ci a trait à l'exécution d'une décision, dont le caractère dilatoire ne peut être entièrement exclu. Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 31, 37 RTFMC), décision sur effet suspensif comprise, et supportés provisoirement par l'Etat de Genève, au vu de l'assistance juridique consentie.

Le recourant versera à l'intimée, à titre de dépens, le montant de 700 fr. (art. 84, 85, 88, 90 RTFMC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre le jugement JTPI/581/2023 rendu le 12 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18351/2022-24.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 1'000 fr., et les met à la charge de A______.

Dit qu'ils sont provisoirement supportés par L'Etat de Genève en raison de l'assistance juridique octroyée.

Condamne A______ à verser à B______ 700 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.