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Décisions | Chambre civile

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C/18358/2022

ACJC/384/2023 du 16.03.2023 sur DTPI/10832/2022 ( OS ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18358/2022 ACJC/384/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 16 MARS 2023

 

pour

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2022, comparant par Me Caroline FERRERO MENUT, avocate, ETUDE CANONICA & ASSOCIÉS, rue François-Bellot 2, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.

a.    A______ et B______ sont liés par un partenariat enregistré. Ils ont tous deux la nationalité suisse.

Le 8 mai 2019, A______ a déposé devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une demande unilatérale en dissolution de ce partenariat, assortie de mesures provisionnelles. La cause a été enrôlée sous n° C/1______/2019.

Par ordonnance OTPI/672/2019 du 22 octobre 2019, le Tribunal a notamment condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, une contribution d'entretien de 2'800 fr. dès le prononcé de la décision.

b.   Le 11 juin 2021, B______ a obtenu un séquestre à l'encontre de A______, dont l'assiette a été fixée en dernier lieu à 18'768 fr. 20 avec intérêts à 5% l'an dès le 9 juin 2021, par arrêt de la Cour ACJC/219/2022 du 10 février 2022, dans le cadre de la procédure d'opposition à séquestre initiée par A______.

c.    Le 22 juin 2021, B______ a quitté Genève pour la Russie.

d.   Sur réquisition de B______ du 6 juillet 2021, l'Office des poursuites a notifié à A______, le 16 juillet 2021, un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur la somme de 27'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 9 juin 2021, réclamée sur la base de l'ordonnance du Tribunal du 22 octobre 2019 et à titre de validation de l'ordonnance de séquestre précitée.

A______ y a formé opposition.

e.    Par jugement du 10 décembre 2021, confirmé par arrêt de la Cour du
4 mai 2022, le Tribunal a notamment prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______, à concurrence de 18'768 fr. 20.

f.     A______ a été convoqué par l'Office cantonal des poursuites le
16 septembre 2022 pour qu'il soit procédé à la saisie de ses biens dans le cadre de la poursuite susmentionnée.

g.    Le 26 septembre 2022, A______ a saisi le Tribunal d'une demande en annulation/suspension de la poursuite avec mesures provisionnelles et superprovisionnelles, dirigée contre B______, représenté par avocat.

h.   Le même jour, le Tribunal a sollicité une avance de frais de 3'000 fr., acquittée par A______ le 28 septembre 2022.

La requête de mesures superprovisionnelles a été rejetée par ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2022, le sort des frais étant réservé.

Le même jour le service de l'Assistance juridique a relevé Me C______ de sa nomination d'office de B______, ce dont le Tribunal a été informé par courrier du 3 octobre 2022.

i. Par décision DTPI/10832/2022 du 1er novembre 2022, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 18 novembre 2022 pour fournir une avance de frais de 12'500 fr., motif pris du domicile à l'étranger de B______ nécessitant des frais de traduction au sens de l'art. 95 CPC.

j.                        Par courrier du 11 novembre 2022 au Tribunal, A______ a demandé qu'un délai soit imparti à B______ pour élire domicile de notification en Suisse, conformément à l'art. 140 CPC, et, subsidiairement, que le montant de l'avance de frais soit révisé, notamment en se basant sur le fait que la traduction des pièces du bordereau n'était pas nécessaire, et plus subsidiairement encore, à ce que le délai imparti pour l'avance de frais soit prolongé jusqu'au 15 décembre 2022.

B.

a.    Par acte déposé le 14 novembre 2022 à la Cour de justice, A______ forme recours contre la décision DTPI/10832/2022 du 1er novembre 2022, qu'il a reçue le 3 novembre 2022, sollicitant son annulation, et cela fait, concluant à ce que l'émolument d'avance de frais soit fixé à 2'500 fr. au maximum, avec suite de dépens à la charge du Tribunal.

Il a produit une pièce nouvelle.

b.   Par décision du 15 novembre 2022, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision entreprise.

c.    Le 30 novembre 2022, le Tribunal, invité à transmettre ses observations à la Cour, a exposé que le montant de 12'500 fr., réclamé à titre d'avance de frais, correspondait aux frais de traduction en langue russe de la demande en annulation/suspension de la poursuite et du bordereau qui y était joint, de l'ordonnance impartissant un délai de 30 jours à B______ pour répondre à la demande et élire domicile en Suisse et des rubriques du formulaire de demande aux fins de notification à l'étranger d'un acte judiciaire prévu par
l'art. 5 CLaH65.

d.   Par courrier du 16 décembre 2022, A______ a persisté dans les conclusions de son recours, relevant que dans une procédure parallèle, B______ avait été invité par la Cour à faire élection de domicile en Suisse pour notification des actes de procédure au sens de l'art. 140 CPC (C/1______/2019).

e.    A______ a été informé par courrier du greffe de la Cour du 9 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours (art. 103 CPC). La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC.

Interjeté dans le délai requis et selon la forme prévue par la loi (art. 321
al. 1 CPC), le recours est recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

En l'espèce, la pièce nouvelle produite par le recourant est irrecevable. Elle est en tout état sans incidence sur la solution du litige.

2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir fixé une avance de frais qui représente 75% de la valeur litigieuse, violant ainsi le principe de l'équivalence établi par le Tribunal fédéral, ainsi que son droit d'accès au juge prévu par l'art. 29a Cst. Le Tribunal aurait dû impartir un délai à l'intimé pour faire élection de domicile en Suisse. Les frais de traduction avancés par le Tribunal étaient excessifs, dans la mesure où seule la demande, à l'exclusion des pièces, devrait être traduite.

2.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés, lesquels comprennent notamment les frais de traduction.

L'art. 98 CPC est une "Kann-Vorschrift", le tribunal jouissant en la matière d'un important pouvoir d'appréciation, puisque s'il doit en principe réclamer une avance de frais correspondant à l'entier des frais judiciaires présumables, il peut également réclamer un montant inférieur, voire renoncer à toute avance de frais, étant cependant relevé que le prélèvement d'une avance de frais pleine et entière est la règle et que celle d'une avance moindre, ou la renonciation à percevoir une avance, sont l'exception (ATF 140 III 159 consid. 4.2).

Par conséquent, la Cour examine avec une certaine réserve (ACJC/10902/2020 du 15 juin 2021; ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du
25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014; Tappy, CR-CPC, n. 8
ad. art. 98 CPC) si le juge précédent a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit s'il a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou en a abusé ("Ermessensmissbrauch"), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.1).

2.1.2 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

La fixation des frais doit évidemment respecter les principes généraux du droit constitutionnel (Message CPC, 6904). Ceux-ci interdisent notamment de porter atteinte à l’accessibilité de la justice en percevant des émoluments disproportionnés par rapport à l’enjeu ou aux ressources des parties (cf. id.,
6905s., estimant que le montant de l’avance| demandée pourrait devoir être réduit lorsque p.ex. un demandeur est proche du minimum vital sans remplir les conditions d’octroi de l’assistance judiciaire). Ils exigent aussi plus spécifiquement (outre le respect de règles générales découlant de l’interdiction de l’arbitraire ou des exigences de proportionnalité et de légalité) de respecter en la matière les principes de la couverture des frais et de l’équivalence (ATF 143 I 227; ATF 139 III 334 et les réf. citées; sur le principe d’équivalence en matière de frais judiciaires pénaux cf. aussi ATF 141 I 105) (tappy, CR CPC, n. 9
ad art.95 CPC).

Selon l'art. 19 al. 2, 3 et 6 de la Loi du 11 octobre 2012 d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (LaCC - RS GE E 1 05), les frais correspondent aux coûts effectifs des actes concernés. Les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure. Ils sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat, soit le Règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC - RS GE E 1 05. 10).

Dans la fixation des frais de justice, la valeur litigieuse joue un rôle déterminant (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

2.1.3 Selon le guide de l'entraide judiciaire internationale et ses lignes directrices, établies par l'Office fédéral de la justice (OFJ) (https://www.rhf.admin.ch/ rhf/fr/home/rechtshilfefuehrer.html), il existe une voie de transmission alternative des actes judiciaires en Russie, à des citoyens suisses, via l'OFJ,
sans qu'une traduction ne soit nécessaire (art. 8 CLaH65, lignes directrices
ch. II, E.1.1 et II, F.2).

2.1.4 Le Tribunal peut ordonner aux parties dont le domicile ou le siège se trouve à l'étranger d'élire en Suisse un domicile de notification (art. 140 CPC).

L’intéressé doit toutefois être informé de ces mécanismes et, pour ce faire, la première notification doit être effectuée de manière conforme aux règles internationales en la matière. Le tribunal pourra accompagner sa première ordonnance qui doit être notifiée à |l’étranger d’une injonction ordonnant à la partie de désigner un domicile de notification en Suisse, en l’informant qu’à défaut les notifications pourraient intervenir désormais par voie de publication (Bohnet, CR-CPC, n. 5 ad art. 140 CPC).

2.2 En l'espèce, l'intimé, domicilié en Russie, est de nationalisé suisse. Conformément au guide de l'entraide internationale et aux lignes directrices susmentionnées, les actes judiciaires peuvent ainsi lui être notifiés selon la "voie alternative" valable pour les citoyens suisses, soit directement par l'OFJ, sans qu'il soit nécessaire de traduire tous les documents et pièces en langue russe. Il pourra lui être demandé d'élire domicile en Suisse, en même temps que lui sera notifiée la demande du recourant.

Compte tenu de ce qui précède, les frais de traduction compris dans l'avance de frais querellée n'apparaissent pas devoir être engagés, de sorte celle-ci est excessive et manifestement disproportionnée au regard de la valeur litigieuse.

Ce montant sera ramené à 3'000 fr. (art. 17 RTFMC), étant relevé qu'il a déjà été acquitté par le recourant. La décision entreprise sera, partant, annulée et il ne sera pas statué à nouveau.

Si l'Etat requis devait s'opposer à la voie de transmission alternative via l'OFJ, une nouvelle avance de frais pourrait cas échéant être demandée (tappy, op. cit., n. 22 ad art. 98 CPC).

3. Les frais du recours, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge du canton, et l'avance fournie par le recourant lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens, ceux-ci ne pouvant être mis à la charge du canton (ATF 140 III 385 consid. 4.1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2022 par A______ contre la décision DTPI/10832/2022 rendue le 1er novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18358/2022-5.

Au fond :

Annule cette décision.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 400 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance en 400 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD et
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.