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Décisions | Chambre civile

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C/10922/2021

ACJC/79/2023 du 17.01.2023 sur JTPI/4724/2022 ( OO ) , JUGE

Normes : CC.737
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10922/2021 ACJC/79/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 JANVIER 2023

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 avril 2022, comparant par Me Maxime CHOLLET, avocat, VISCHER GENEVE SARL, rue du Cloître 2, case postale 3067, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Pierre BANNA, avocat, BANNA & QUINODOZ, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4724/2022 du 12 avril 2022, reçu par les parties le 19 avril 2022, le Tribunal de première instance a débouté A______ de ses conclusions prises à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires en 2'200 fr., ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ le solde de ses avances de frais de 200 fr. et à B______ son avance de frais de 200 fr. (ch. 2), condamné A______ à payer à B______ 3'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Le 24 mai 2022, A______ a formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et, statuant à nouveau, interdise, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à B______, en qualité de propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ [GE], ainsi qu'à toute personne faisant ménage commun avec lui, d'empêcher par quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, l'exercice des droits de passage n° 2______ et n° 3______ inscrits au Registre foncier à charge de la parcelle n° 1______ et en faveur des parcelles n° 4______ et 5______ de la commune de C______, dise qu'en cas de violation de cette interdiction B______ sera, sur requête de A______, condamné à une amende d'ordre de 5'000 fr. et que les forces de l'ordre seront autorisées à exécuter la décision, notamment en procédant ou faisant procéder à tout acte visant à rétablir l'exercice des droits de passage précités, avec suite de frais et dépens.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 24 novembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ est propriétaire des parcelles n° 4______ et 5______ sises sur la commune de C______. Son frère, B______, est propriétaire de la parcelle n° 1______ sise sur la même commune.

Ces trois parcelles faisaient notamment partie du domaine D______ exploité par le père des deux précités; elles se situent en zone agricole.

A______ est propriétaire d'une exploitation agricole située sur ses parcelles.

Une autre exploitation agricole et un centre équestre se trouvent sur la parcelle de B______.

b. Par acte notarié du 27 avril 1987, A______ et B______ ont constitué une servitude de passage réciproque entre les parcelles n° 1______, 4______ et 5______. La servitude a été inscrite au Registre foncier le ______ 1987.

Par acte notarié du 5 juillet 1990, les parties ont constitué une deuxième servitude de passage à tous usages sur la parcelle n° 1______ au profit des parcelles 4______ et 5______ et modifié l'assiette de la servitude de passage constituée le 27 avril 1987. La servitude ainsi que la modification ont été inscrites au Registre foncier le ______ 1990.

c. Les deux servitudes précitées portent ainsi aujourd'hui sur un droit de passage à tous usages sur le chemin 6______, qui traverse la parcelle n° 1______, propriété de B______.

Ce chemin privé est relativement rectiligne et ne comporte pas de trottoir. Un panneau "chemin privé" a été placé à l'entrée de celui-ci afin de signifier aux automobilistes l'interdiction d'y pénétrer, ainsi qu'aux deux entrées de la ferme de A______, soit sur le tronçon du chemin situé sur la parcelle de celui-ci. Ces derniers panneaux ont été placés par A______.

d. Les relations entre A______ et B______ sont tendues depuis de nombreuses années.

En février 2014, la police, qui avait dû intervenir à plusieurs reprises dans le cadre du conflit entre les deux frères, a tenté de procéder à une médiation. Il ressort de son rapport qu'une telle démarche était vouée à l'échec, dans la mesure où le conflit durait depuis 25 ans et que de nombreuses instances avaient déjà été saisies.

e. Par courrier du 29 novembre 2005, B______, faisant valoir des raisons de sécurité, a demandé à A______ qu'il s'engage à utiliser de la manière la moins dommageable possible les servitudes, en ce sens notamment que les gros engins de chantier et tracteurs empruntent "exclusivement la servitude mentionnée sous C2, à l'exclusion de celle mentionnée sous C3 car la présence de nombreux enfants à l'endroit de la servitude mentionnée sous C3 rendait problématique et dangereux le passage d'engins de chantier qui circulaient à forte vitesse sur cette route".

Les lettres C2 et C3 susmentionnées font références à des plans de géomètres qui ne figurent pas au dossier.

A______ n'a pas pris l'engagement requis par son frère.

f. Le 19 juin 2009, B______ a reproché à A______ d'avoir placé de grands tonneaux sur le chemin 6______ afin de ralentir la circulation. Il le mettait en demeure de les enlever et lui faisait interdiction d'installer des ralentisseurs sur le chemin en question. Il suggérait à son frère, "sans pouvoir l'y contraindre", de faire passer ses machines de chantier et engins de terrassement sur le chemin qui se trouvait sur sa parcelle n° 4______ car ces engins provoquaient de la poussière.

g. A______ allègue dans sa demande que B______ l'empêche régulièrement, ainsi que ses visiteurs, d'utiliser le chemin 6______, objet de la servitude de passage. Il entravait régulièrement le passage, notamment avec sa camionnette, ou éconduisait les visiteurs de A______ qui souhaitaient passer sur le chemin.

B______ conteste ces allégations faisant valoir dans sa réponse que le chemin en question fait l'objet d'intrusions non-autorisées qui le «poussent ( ) à être vigilant quant aux personnes qui l'empruntent, notamment en dehors des heures d'exploitation du manège». Il n'avait "aucune intention d'empêcher une utilisation normale des servitudes de passage dont bénéficie ( ) son frère, pour autant que ce dernier et ses ayants droits en fassent une utilisation conforme à leurs buts et respectueuse de l'exploitation de [sa] ferme ( ), ainsi que du centre équestre". Cela impliquait que les automobilistes empruntant ce chemin n'y circulent pas à une vitesse excessive.

h. Les incidents suivants relatifs à l'usage du chemin par A______ ressortent du dossier.

h.a Le témoin E______, associé-gérant du Domaine F______ à G______ [GE], a déclaré qu'en 2009, B______ avait demandé à ses employés, qui faisaient des travaux sur la parcelle de A______, de ne pas utiliser le chemin 6______. Les personnes en question avaient utilisé un autre chemin un certain temps avant que A______, informé de cet incident, leur confirme par écrit qu'ils pouvaient utiliser le chemin sans restriction car il était au bénéfice d'un droit de passage.

h.b En mai 2017, H______, qui revenait en tracteur de son travail sur la parcelle de A______ en passant par le chemin 6______, s'était fait arrêter par B______ qui lui avait "clairement et agressivement expliqué" qu'il ne devait plus jamais emprunter le chemin qui passait devant chez lui et que si cela se reproduisait il aurait des problèmes. Le tracteur en question ne pouvait pas rouler à plus de 40 km/h.

h.c Le 22 juin 2020, A______ a requis l'intervention de la police, au motif que son frère avait bloqué un de ses véhicules sur le chemin 6______. B______ absent, n'avait pas pu être interrogé.

Un autre incident est intervenu le 11 décembre 2020, décrit de la manière suivante dans le rapport d'intervention de la police "( ) un camion venu de Pologne devait passer entre les fermes. Or, Monsieur B______ l'aurait empêché de passer. Après une brève discussion, le camion a pu continuer son chemin".

h.d Le témoin I______, employé de A______ depuis 34 ans, a déclaré devant le Tribunal que B______ l'avait arrêté plusieurs fois alors qu'il passait sur le chemin 6______ avec un tracteur qui ne circulait pas à plus de 33 km/h. Il lui avait dit qu'il n'avait pas le droit d'utiliser ce chemin qui lui appartenait. Le témoin continuait néanmoins à l'utiliser.

h.e Le témoin J______, employée du Manège D______, exploité par B______, a déclaré qu'il y avait beaucoup de trafic sur le chemin 6______, et que cela était imputable aux clients du manège, aux personnes qui se rendaient sur la parcelle de A______ ainsi qu'aux tiers, notamment des travailleurs frontaliers. Elle avait demandé à plusieurs reprises aux gens de rouler moins vite. Elle n'avait jamais eu personnellement de problème avec A______. Il y avait eu une fois une altercation avec un ancien employé du manège qui était entré en collision avec le véhicule de A______. Une autre fois, un locataire de ce dernier roulait trop vite; le témoin lui avait fait signe de ralentir, en vain, de sorte qu'elle avait "utilisé [son] licol pour le mettre sur le côté du pare-choc". Une discussion calme avec le A______ avait eu lieu peu après. Ce locataire avait roulé moins vite par la suite.

Les chevaux pouvaient être effrayés par la vitesse et la taille des véhicules, de sorte qu'ils avaient plus peur d'un tracteur que d'une voiture, ce d'autant plus si le tracteur avait un chargement odorant. Le témoin n'avait cependant jamais eu de problème de ce type car, en principe, les conducteurs ralentissaient à la vue des chevaux.

i. Par action déposée en conciliation le 28 mai 2021 et introduite en temps utile devant le Tribunal, A______ a pris les mêmes conclusions que celles figurant dans son appel.

j. B______ a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions.

k. Lors de son audition par le Tribunal, A______ a déclaré que son frère l'empêchait occasionnellement d'utiliser le chemin 6______ depuis 20 ou 30 ans. Il disait notamment à ses employés qu'ils ne pouvaient pas passer avec des poids lourds. Il avait déposé une demande en justice car B______ s'était mis en travers quelques temps auparavant devant un camion de 40 tonnes qui venait lui amener de la marchandise et avait appelé la police. Celle-ci avait fait libérer le passage et lui avait indiqué que c'était à la justice de trancher.

B______ a relevé à cet égard lors de son interrogatoire qu'il avait un accord oral avec son frère selon lequel les camions de 40 tonnes devaient emprunter un autre chemin pour aller chez ce dernier. A______ conteste l'existence d'un tel accord.

A______ a ajouté que le trafic sur le chemin était relativement fréquent, notamment en raison de l'activité liée au manège. Il souhaitait mettre des ralentisseurs sur le chemin pour éviter que les usagers ne circulent trop vite, mais son frère s'y opposait. Selon B______ de nombreux automobilistes utilisaient ce chemin pour éviter la route 7______ en dehors des heures d'ouverture du manège. Les véhicules agricoles étaient susceptibles d'effrayer les chevaux.

l. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 8 avril 2022, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1. L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Une contestation relative à l'exercice d'une servitude foncière est une affaire patrimoniale (ATF 135 III 496 consid. 1.2; 109 II 491 consid. 1c/cc; arrêt du Tribunal fédéral 5A_125/2014 du 29 janvier 2015 consid. 1). En matière d'action en cessation de trouble, la valeur litigieuse se détermine selon l'intérêt du demandeur à l'admission de ses conclusions, voire, s'il est plus élevé, selon l'intérêt du défendeur au rejet des conclusions de la demande (arrêt du Tribunal fédéral 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 1).

Pour déterminer la valeur litigieuse, il faut évaluer la valeur dont augmentera le bien-fonds concerné par les atteintes, ou la valeur dont diminuera le bien-fonds qui cause ces atteintes, si les atteintes alléguées sont supprimées; le montant le plus élevé est alors décisif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 1.2.4).

En l'espèce, l'intimé ne conteste pas que la valeur litigieuse atteigne 10'000 fr. Compte tenu du fait que la servitude litigieuse est le seul accès aux deux parcelles de l'appelant et au regard du prix des terrains dans le canton de Genève, il convient de retenir que la valeur litigieuse atteint ce montant.

L'appel, déposé dans le délai légal de trente jours et répondant aux exigences de forme est par conséquent recevable (art. 311 CPC).

2. Le Tribunal a relevé qu'il était douteux que les allégations de l'appelant relatives aux entraves alléguées à son droit de passage soient suffisamment détaillées au regard des exigences relatives au fardeau de l'allégation. En tout état de cause, il n'était pas établi que l'appelant était empêché d'exercer son droit de passage. Les événements évoqués étaient anciens. De plus, il était compréhensible que l'intimé soit attentif au trafic, qui était en augmentation, ainsi qu'à la présence de camions ou tracteurs, susceptibles de faire peur aux chevaux. Or il appartenait à l'appelant et à ses visiteurs d'exercer son droit de la manière la moins dommageable.

L'appelant fait valoir qu'il a allégué et démontré que l'intimé le troublait dans l'exercice de son droit de passage, notamment par les déclarations des témoins E______, H______ et I______ ainsi que par le fait que la police était intervenue à plusieurs reprises. L'ancienneté de certains incidents n'était pas un motif de rejet de l'action; cela attestait au contraire de la persistance du trouble. L'intimé n'avait ni allégué ni démontré que l'appelant usait de son droit de manière abusive. Il n'était pas responsable du comportement des tiers et avait pris de mesures pour limiter les nuisances, comme poser des panneaux "propriété privée" ou proposer de mettre des ralentisseurs. Le fait que les tracteurs soient susceptibles d'effrayer les chevaux n'était pas déterminant puisque leur passage était autorisé par la servitude. En tout état de cause, il n'était pas démontré que les chevaux étaient effectivement effrayés par le passage de ses tracteurs.

L'intimé fait notamment valoir que les parties ont conclu un accord selon lequel "les lourds engins de chantier et les camions de plus de quarante tonnes" devaient utiliser un autre chemin.

2.1 La servitude foncière est une charge imposée sur un immeuble en faveur d'un autre immeuble et qui oblige le propriétaire du fonds servant à souffrir, de la part du propriétaire du fonds dominant, certains actes d'usage ou à s'abstenir lui-même d'exercer certains droits inhérents à la propriété (art. 730 al. 1 CC).

Selon l'art. 737 al. 1 CC, le bénéficiaire d'une servitude peut prendre toutes les mesures nécessaires pour la conserver et en user. L'ayant-droit est toutefois tenu d'exercer son droit de la manière la moins dommageable (al. 2). Le propriétaire grevé ne peut en aucune façon empêcher ou rendre plus incommode l'exercice de la servitude (al. 3).

L'art. 737 CC fournit deux actions imprescriptibles : une action en revendication de la servitude quand le titulaire du droit est complétement empêché d'exercer son droit et une action confessoire quand il est gêné dans l'exercice de son droit (Argul, Commentaire romand, n. 5-7 ad art. 737 CC).

L'action confessoire tend à faire cesser l'état de chose incompatible avec la servitude et/ou à faire interdire tout nouveau trouble à l'avenir (Steinauer, Les droits réels, Tome II, 5ème éd., n° 3481).

Le titulaire de la servitude doit exercer son droit de la manière la moins dommageable. Autrement dit, s'il a le choix entre plusieurs manières d'exercer sa servitude, il doit opter pour celle qui implique le moins de désagréments pour le propriétaire grevé. Le titulaire de la servitude a cependant droit à la pleine satisfaction des besoins pour lesquels son droit a été créé. Le principe servitus civiliter exercenda ne saurait donc conduire à une restriction de l'objet de la servitude tel qu'il a été convenu : il ne limite pas le droit en tant que tel, mais seulement les formes abusives de son exercice (Argul, op. cit., n. 9 ad art. 737 CC).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'appelant a correctement allégué dans sa demande que l'intimé l'empêchait régulièrement, ainsi que ses visiteurs, d'utiliser le chemin 6______, en dépit de la servitude de passage (cf. p. 4 de la demande). Il a fourni des titres et des témoignages à l'appui de ses allégations.

Il ressort des documents figurant à la procédure et des déclarations des témoins entendus par le Tribunal que l'intimé a entravé par le passé de manière répétée l'usage de la servitude par l'appelant.

Le témoin I______ a en effet déclaré que B______ l'avait arrêté à plusieurs reprises alors qu'il passait en tracteur sur le chemin litigieux, pour lui dire qu'il n'avait pas le droit de l'utiliser. Ce comportement constitue une entrave à la servitude et est contraire aux obligations du titulaire du fonds servant au sens de l'art. 730 al. 1 et 737 al. 3 CC.

La servitude permet le passage "à tous usages", ce qui implique également le passage de tracteurs et de camions. Comme le relève à juste titre l'appelant, la servitude a été constituée afin de lui permettre d'avoir accès à son exploitation agricole, ce qui, dès la création de celle-ci, impliquait le passage de camions et tracteurs.

La proposition faite par l'intimé en 2005, tendant à limiter le droit de passage conféré à l'appelant, n'a pas été acceptée par ce dernier. L'intimé ne l'ignore d'ailleurs pas puisqu'il remarquait dans un courrier adressé à l'appelant en juin 2009 qu'il ne pouvait pas le contraindre à faire passer ses machines de chantiers et engins de terrassement par un autre chemin.

Par ailleurs, aucun accord oral entre les parties impliquant l'obligation pour les camions de 40 tonnes de passer par un autre chemin n'a été établi.

Les déclarations du témoin I______ sont corroborées par celles des témoins E______ et H______ qui ont indiqué que l'intimé les avait interpellés pour leur enjoindre de ne pas utiliser le chemin en 2009 et 2017.

Des incidents similaires ont eu lieu en juin et décembre 2020.

Un tel comportement enfreint les obligations de l'intimé découlant de la servitude.

L'appelant a ainsi établi que l'intimé trouble depuis plusieurs années de manière récurrente l'usage de la servitude dont il bénéficie.

Compte tenu de la position adoptée par l'intimé tant par le passé que dans le cadre de la présente procédure, ce trouble est susceptible de se reproduire à l'avenir.

Il n'est par ailleurs pas établi que l'appelant exercerait la servitude de manière abusive ou excessivement dommageable pour le fonds servant. Il n'est pas démontré que le passage des véhicules se rendant sur sa parcelle effraye les chevaux du manège de l'intimé. Le témoin J______ a déclaré sur ce point qu'elle n'avait jamais constaté d'incident en ce sens.

En tout état de cause, il incombe à l'intimé, propriétaire du manège, de prendre les mesures de sécurité nécessaires pour s'assurer que l'exercice de son activité professionnelle soit compatible avec un usage normal de la servitude.

Rien ne permet de plus de retenir que l'appelant ou ses ayants droits circuleraient à une vitesse excessive sur le chemin en question. L'appelant a d'ailleurs proposé à l'intimé de placer des ralentisseurs sur le chemin, pour s'assurer que les usagers y circulent prudemment. Or l'intimé a refusé cette proposition pour des raisons peu compréhensibles.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement querellé sera annulé et il sera fait interdiction à l'intimé, ainsi qu'à toute personne faisant ménage commun avec lui, d'empêcher par quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, l'exercice des droits de passage n° 2______ et n° 3______ inscrits au Registre foncier à charge de la parcelle n° 1______ et en faveur des parcelles n° 4______ et 5______ de la commune de C______, conformément aux conclusions de l'appelant sur la formulation desquelles l'intimé n'a pas formé de grief.

3. 3.1 Selon l'art. 343 al. 1 CPC, lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut notamment assortir la décision de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (let. a), prévoir une amende d'ordre de 5000 francs au plus (let. b) ou de 1000 francs au plus pour chaque jour d'inexécution (let. c).

La personne chargée de l'exécution peut requérir l'assistance de l'autorité compétente (art. 343 al. 3 CPC).

Le législateur ne donne aucun ordre de préférence entre les mesures proposées; le choix du tribunal doit en tout état de cause respecter le principe de la proportionnalité (Jeandin, Commentaire romand, n. 8a ad art. 343 CPC).

La deuxième mesure (art. 343 al. 1 let. b CPC), qui relève de la contrainte indirecte, consiste en la menace d'une amende d'ordre. Cette sanction n'a pas un caractère pénal au sens de l'art. 333 al. 1 CP, mais vise à faire pression sur la partie succombante, supposée être impressionnée par les perspectives financières d'une non-exécution de sa part. Pour obtenir l'effet dissuasif escompté, il faut en conséquence que le montant de l'amende, qui peut aller jusqu'à 5000 francs, soit perçu comme onéreux par la partie visée. Il importe peu que l'inexécution soit délibérée ou résulte de la simple négligence. Quoi qu'il en soit – qu'il s'agisse de l'amende d'ordre ou de l'amende journalière (art. 343 al. 1 let. b et c CPC) – le principe de la proportionnalité prévaut: il ne saurait être question de faire usage du montant d'amende maximum prévu par la loi lorsque la partie succombante ne s'exécute pas sur un point accessoire de l'obligation à exécuter (Jeandin, op. cit., n. 12-12b ad art. 343 CPC).

Le tribunal de l'exécution ordonne les mesures prévues à l'art. 343 al. 1 CPC, mais il ne les met pas en œuvre directement. En d'autres termes, le tribunal de l'exécution n'exécute pas lui-même ses propres décisions mais il en charge la personne ou l'autorité désignée à ces fins par la loi d'organisation judiciaire du canton. L'art. 343 al. 3 CPC est la base légale qui habilite lesdites personnes ou autorités à requérir à leur tour l'assistance d'une autorité exécutive compétente spécifique, principalement lorsqu'il s'agira de mettre en œuvre la force publique (p.ex. pour évacuer un appartement). Il pourra s'agir de la police cantonale ou communale, d'un huissier judiciaire, d'un notaire, d'un huissier de l'office des poursuites ou de toute autre entité administrative (Jeandin, op. cit., n. 22-23, ad art. 343 CPC).

3.2 En l'espèce, compte tenu de la persistance du comportement de l'intimé tendant à entraver l'usage de la servitude, il se justifie de prononcer l'interdiction précitée sur menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

En l'absence de cette menace, il existe en effet un risque que le trouble se reproduise.

Cette mesure semble suffisante à ce stade pour assurer l'exécution de la présente décision.

Il serait disproportionné de prévoir d'ores et déjà le prononcé d'une amende d'ordre d'un montant déterminé, sanction dont la mise en œuvre concrète paraît au demeurant difficile compte tenu notamment de la nature du trouble, de son caractère ponctuel et des difficultés de preuves liées à l'établissement des faits constitutifs de l'infraction.

Pour les mêmes motifs, il n'y a pas non plus lieu de prévoir d'ores et déjà l'intervention des forces de l'ordre pour exécuter la présente décision.

4. 4.1 L'intimé, qui succombe pour l'essentiel, sera condamné aux frais des deux instances (art. 318 al. 3 CPC et 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 2'200 fr. montant fixé par le Tribunal et non contesté en appel (art. 17 RTFMC). Ils seront compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

L'intimé sera dès lors condamné à verser 2'200 fr. à sa partie adverse. Chacune des parties se verra restituer le solde de son avance de frais en 200 fr., comme prévu par le Tribunal.

L'intimé versera en outre 3'000 fr. de dépens de première instance à l'appelant, débours et TVA compris (art. 84 et 85 RTFMC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel, mis à charge de l'intimé, seront fixés à 2'000 fr. et compensés avec l'avance versée par l'appelant, acquise à l'Etat de Genève (art. 35 RTFMC). L'intimé sera condamné à rembourser ce montant à l'appelant.

L'intimé sera en outre condamné à verser à l'appelant 2'500 fr. débours et TVA inclus, au titre des dépens d'appel (art. 84, 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/4724/2022 rendu le 12 avril 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10922/2021.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Interdit à B______, en sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, ainsi qu'à toute personne faisant ménage commun avec lui, d'empêcher par quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, l'exercice des droits de passage n° 2______ et n° 3______ inscrits au Registre foncier à charge de la parcelle n° 1______ et en faveur des parcelles n° 4______ et 5______ de la commune de C______.

Prononce cette injonction, à l'encontre de B______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, lequel prévoit ce qui suit : "Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende".

Arrête les frais judiciaires à 2'200 fr. et les compense avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 2'200 fr. à A______ au titre des frais judiciaires.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à chacune des parties 200 fr. au titre de soldes de leurs avances de frais.

Condamne B______ à verser 3'000 fr. de dépens à A______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de B______ les frais judiciaires d'appel, fixés à 2'000 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 2'000 fr. à A______.

Condamne B______ à verser à A______ 2'500 fr. au titre des dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.