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Décisions | Chambre civile

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C/4593/2022

ACJC/1200/2022 du 13.09.2022 sur JTPI/6526/2022 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : cc.176
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4593/2022 ACJC/1200/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 13 septembre 2022

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 juin 2022, comparant par Me Clara SCHNEUWLY, avocate, Collectif de défense, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6526/2022 du 7 juin 2022, reçu par les parties le 8 du même mois, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du logement familial ainsi que celle des meubles le garnissant (ch. 2), dit qu'aucune contribution d'entretien n'était due par B______ en faveur de A______ (ch. 3), prononcé la séparation de biens des parties avec effet au 27 avril 2022 (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 400 fr. (ch. 5), les a répartis à raison de la moitié à la charge de B______ et la moitié à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire, condamné A______ à payer 200 fr. à l'Etat de Genève (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par acte expédié le 20 juin 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement, concluant à l'annulation des chiffres 2 et 3 de son dispositif et, cela fait, à ce que la Cour lui attribue la jouissance exclusive du domicile conjugal ainsi que celle des meubles le garnissant, condamne B______ à quitter le domicile dans un délai de 15 jours dès notification de l'arrêt, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, ordonne son évacuation avec l'aide de la force publique et condamne B______ à lui verser 1'000 fr., par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, dès son départ du domicile conjugal, avec suite de frais de dépens.

Elle a préalablement conclu à ce que l'effet suspensif soit octroyé au chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit des certificats médicaux datés des 28 avril, 3 mai, 9 mai, 17 mai et 25 mai 2022.

b. Par arrêt du 6 juin 2022, la Cour de justice a admis la requête de A______ tendant à suspendre l'effet exécutoire attaché chiffre 2 du jugement entrepris, et a dit qu'il serait statué sur les frais avec la décision à rendre sur le fond.

c. Dans sa réponse du 11 juillet 2022, B______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instance.

Il a produit une pièce nouvelle, soit un échange de courrier électronique entre les conseils des parties des 13 et 14 juin 2022.

d. Les parties ont été informées par plis du greffe du 2 août 2022 que la cause était gardée à juger.


 

C. Les éléments pertinents suivant résultent de la procédure :

a. A______, née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1987 à C______ (Genève), et B______, né le ______ 1985 à Genève, se sont mariés le ______ 2019 à D______ (Genève).

Aucun enfant est issu de cette union.

b. Les parties s'accusent mutuellement de violences conjugales, ce qui a donné lieu à l'ouverture de procédures pénales, où chacun des époux a la qualité de prévenu.

c. Le 9 mars 2022, A______ a sollicité du Tribunal le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale. Elle a conclu à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés, lui attribue la jouissance exclusive du domicile conjugal, condamne B______ à quitter celui-ci dans un délai de 15 jours dès la notification du jugement, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, ordonne son évacuation par la force publique en cas d'inexécution de cette obligation et condamne B______ à lui verser 1'000 fr., par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, dès son départ du logement.

Elle a notamment fait valoir que, contrairement à son époux qui pouvait retourner chez ses parents, elle ne disposait d'aucune solution de relogement, sa sœur ne pouvant l'accueillir, et que sa situation financière précaire ne lui permettrait pas de trouver un nouveau logement, de sorte que la jouissance exclusive du domicile conjugal devait lui être attribuée.

d. Lors de l'audience du 27 avril 2022, A______ a persisté dans les termes de sa requête. Elle a exposé être temporairement hébergée, gratuitement, par sa sœur qui occupait un appartement de quatre pièces.

B______ a acquiescé au principe de la vie séparée, a réclamé l'attribution en sa faveur du domicile conjugal, s'agissant d'une coopérative dont il était titulaire des parts sociales à hauteur de 6'000 fr., et a refusé de verser une contribution à l'entretien de son épouse.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions et le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

e. Les éléments pertinents suivant résultent de la procédure, étant relevé que les revenus et les charges de B______ tels qu'arrêtés par le premier juge (cf. let. f infra) ne sont pas remis en cause en appel.

e.a. A______ est titulaire d'un permis B avec activité lucrative autorisée.

Selon son curriculum vitae, après avoir fréquenté la faculté de ______ de E______ (Etats-Unis) entre 2005 et 2008, elle a étudié au département de ______ à Genève entre 2009 et 2010, puis a suivi des cours auprès de l'école de ______ de Genève en 2010-2011. Elle a enfin obtenu un certificat en marketing et communication en 2014.

A______ a occupé divers emplois à durée déterminée auprès de différentes organisations internationales. Elle a ainsi travaillé comme "junior customer service UK specialist" de décembre 2014 à avril 2015, comme secrétaire d'octobre 2016 à mars 2017 et de mars à août 2018 et comme "web publication assistant" de novembre 2019 à février 2020.

A______ a indiqué qu'il était très commun dans les organisations internationales de travailler avec des contrats à durée déterminée. Durant la pandémie, elle n'avait pas travaillé et, avant la pandémie, elle avait un revenu de 30 fr. de l'heure.

De février 2020 à mars 2022, elle n'a exercé aucune activité lucrative. Durant cette période, elle a répondu à quatre offre d'emploi auprès de F______ et postulé à neuf reprises auprès d'agences de recrutement pour des postes d'assistante ou activités similaires.

Elle a été engagée par [l'organisation internationale] G______ par contrat de durée déterminée du 29 mars au 15 juin 2022 pour un salaire mensuel net de 5'728 fr.

e.b. A______ est suivie depuis le 28 novembre 2018 par un médecin psychiatre qui a attesté que celle-ci présentait un "trait de personnalité limite d'un état de stress post-traumatique, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen et de difficultés dans les rapports avec son conjoint". Elle s'est plainte auprès de ce médecin de tristesse, d'anxiété, d'instabilité émotionnelle, de changements d'humeur, des troubles du sommeil, d'idées noires suicidaires, de troubles de l'appétit et d'hypervigilance. Son psychiatre lui a prescrit un traitement médicamenteux.

A______ produit des certificats médicaux, non circonstanciés, attestant de son incapacité totale de travailler pour cause de maladie du 28 au 29 avril, du 3 au 8 mai, du 9 au 10 mai et du 18 mai au 1er juin 2022.

e.c. A______ vit actuellement chez sa sœur, qui occupe un logement de quatre pièces et qui ne lui réclame pas de participation au loyer.

e.d. Devant le ministère public, en novembre 2021, A______ a allégué que le loyer du domicile conjugal était payé par B______ mais que son propre père s'acquittait de toutes ses autres charges courantes, son assurance-maladie et ses frais de nourriture, ce depuis le début du mariage.

Devant le Tribunal, en avril 2022, elle a confirmé que, du temps de la vie commune, B______ s'acquittait du loyer tandis qu'elle assumait ses propres charges, étant financièrement aidée par ses parents.

e.e. En juin 2020, le père de B______ a fait don à son fils d'une somme de 6'000 fr., ce qui lui a permis d'acquérir 6'000 fr. de parts sociales dans la coopérative abritant le domicile conjugal.

f. Dans la décision querellée, le Tribunal a notamment retenu qu'aucune des parties n'avait fait état d'une utilité prépondérante pour se voir attribuer le logement. L'épouse avait d'ores et déjà quitté le domicile et disposait d'une solution de logement provisoire, ce qui n'était pas le cas de l'époux, qui avait en outre investi une certaine somme d'argent dans les parts sociales de la coopérative. Le Tribunal a donc attribué la jouissance du domicile conjugal à l'époux.

A______ avait un certificat en marketing et en communication. Elle travaillait à G______ dans le cadre d'un contrat à durée déterminée jusqu'au 15 juin 2022 pour un revenu de 5'728 fr. Comme elle n'avait jamais eu de difficultés à trouver un emploi dans son secteur d'activité, le Tribunal a retenu qu'elle serait en mesure de réaliser un revenu de l'ordre de 5'700 fr. par mois en moyenne. Ses charges mensuelles se montaient au montant arrondi de 2'750 fr. comprenant le loyer (1'000 fr.), étant précisé qu'en l'état elle ne contribuait pas à celui de sa sœur chez qui elle logeait, la prime d'assurance-maladie (478 fr. 65), les frais de transport (70 fr.) et l'entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.). Son solde mensuel était ainsi de 3'950 fr. jusqu'à ce qu'elle trouve un logement, puis serait de 2'950 fr.

B______, associé gérant de la société H______ active dans la ______, réalisait un revenu moyen de 6'500 fr. Ses charges mensuelles se montaient à 2'790 fr. comprenant le loyer (999 fr. 25), la prime d'assurance-maladie (495 fr. 65), les frais de voiture et de moto nécessaires dans le cadre de son travail pour les livraisons (90 fr.) et l'entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), qui incluait l'assurance RC et l'électricité. Son solde mensuel était ainsi de 3'710 fr.

Les époux disposaient chacun d'un solde disponible important et quasiment équivalent. En outre, durant la vie commune, qui avait été de courte durée, l'épouse avait assumé seule ses charges. Dans ces conditions, le Tribunal a considéré qu'aucune contribution d'entretien en faveur de l'épouse ne devait être mise à la charge de l'époux.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur l'attribution du domicile conjugal ainsi que sur la contribution due à l'entretien de l'épouse qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, conduit à une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 271 let. a et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire, la cognition de la Cour est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 138 III 97 consid. 3.4.2; 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352).

1.4 La cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC). L'obligation du juge d'établir les faits d'office ne dispense cependant pas les parties de collaborer activement à la procédure. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.3.2).

2. Les parties ont déposé des pièces nouvelles en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, les pièces produites par les parties en appel ont été émises postérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, soit le 27 avril 2022, et se rapportent à des faits nés après à cette date. Ayant été produites sans retard, elles sont donc recevables ainsi que les faits qui s'y rapportent.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à l'intimé.

3.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC, à la requête de l'un des conjoints et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge prend les mesures en ce qui concerne le logement et le mobilier de ménage.

Le fait qu'un des époux ait par exemple quitté le logement conjugal non pas pour s'installer ailleurs mais pour échapper provisoirement à un climat particulièrement tendu au sein du foyer ou encore sur ordre du juge statuant de manière superprovisionnelle ne saurait entraîner une attribution systématique de la jouissance du logement à celui des époux qui l'occupe encore (arrêt du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 4.1).

Le juge des mesures protectrices de l'union conjugale attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_951/2013 du 27 mars 2014 consid. 4.1 et 5A_291/2013 du 27 janvier 2014 consid. 5.3).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile, par exemple si le logement a été aménagé spécialement en fonction de son état de santé. Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. Doivent notamment être pris en compte l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux qui, bien que l'immeuble n'ait pas été aménagé en fonction de ses besoins, supportera plus difficilement un changement de domicile, ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement. Si ce second critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci  (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.1; 5A_470/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.1; 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 4.2 et les références). 

3.2 En l'espèce, on ne saurait suivre l'intimé lorsqu'il fait valoir que l'appelante s'est d'ores et déjà constitué un nouveau domicile de sorte que la question de l'attribution du logement conjugal ne se pose plus. En effet, celle-ci n'a fait que trouver une solution temporaire lui permettant de mettre rapidement fin à la vie commune, dont il a été rendu vraisemblable qu'elle était devenue insupportable pour les deux parties. Si l'appartement de quatre pièces de la sœur de l'appelante permet d'accueillir deux personnes, il ne peut être imposé à aucune d'elle de cohabiter à long terme, chacune étant en droit d'avoir son propre logement.

Comme l'a retenu le Tribunal, le logement conjugal n'est pas plus utile à l'une qu'à l'autre des parties puisqu'aucune d'elle ne s'en sert pour y développer son activité professionnelle et qu'il n'a pas été aménagé de manière spécifique pour des raisons de santé de l'un ou l'autre des époux. En outre, aucun des époux n'a rendu vraisemblable avoir un lien affectif particulier avec ce domicile, qu'ils ont intégré en juin 2020.

L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de sa situation précaire qui selon elle, ne permettrait pas raisonnablement de lui imposer de déménager. Outre que des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents à cet égard, la situation de l'appelante n'est pas précaire. Elle a certes connu des périodes sans emploi et son dernier emploi était à durée déterminée. Cela ne suffit cependant pas à rendre vraisemblable qu'elle ne serait pas en mesure d'être acceptée comme locataire, ou sous-locataire, sa famille – qui la soutient financièrement depuis des années – pouvant, cas échéant, se porter caution pour elle.

Pour la première fois devant la Cour, l'appelante fait valoir que, compte tenu de son état de santé psychique, il n'est pas raisonnable de lui demander de s'atteler à la recherche d'un logement. Outre qu'il s'agit d'un fait dont l'appelante aurait dû se prévaloir devant le premier juge puisque son affection psychique n'est pas nouvelle, de sorte que sa recevabilité est douteuse, l'appelante n'a pas rendu vraisemblable que son état de santé l'empêcherait de rechercher un logement. Le certificat médical établi par son psychiatre ne fait pas état d'une incapacité de l'appelante à accomplir certains actes en raison de ses problèmes de santé et elle peut, au besoin, se faire aider par sa sœur ou un organisme social dans ses démarches.

C'est donc à juste titre que le Tribunal, faisant application du dernier critère admis par la jurisprudence, a attribué le logement familial à l'intimé dès lors qu'il était détenteur des parts sociale de la coopérative propriétaire de l'immeuble.

Compte tenu de ce qui précède, le chiffre 2 du dispositif du jugement sera confirmé.

4. L'appelante reproche au Tribunal de lui avoir dénié le droit à une contribution à son entretien. Elle lui fait grief d'avoir mal établi la situation financière respective des parties.

4.1.1 Lorsque la suspension de la vie commune est fondée, le juge fixe, à la requête de l'un des conjoints, la contribution d'entretien à verser par l'une des parties à l'autre (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Le point de départ de tout calcul d'entretien est ce que l'on appelle l'entretien convenable, qui se calcule, dans les relations conjugales comme dans les relations après le mariage, sur la base du dernier standard vécu en commun (en dernier lieu ATF 147 III 293 consid. 4.4). L'entretien convenable doit donc être distingué du minimum vital. Il ne se limite pas à ce dernier lorsque les circonstances sont favorables. Au contraire, les deux époux ont droit, dans la mesure des moyens disponibles et jusqu'à concurrence de l'ancien standard commun déterminé, au maintien de celui-ci tant que le mariage existe (en dernier lieu ATF 147 III 293 consid. 4.4 p. 296 et 299 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_849/2020 du 27 juin 2022 consid. 5 destiné à la publication et 5A_112/2020 du 28 mars 2022 consid. 6.2).

4.1.2 Dans trois arrêts récents (ATF 147 III 265, SJ 2021 I 3016; 147 III 293;
147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille.

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites puis, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie (ATF 147 III 265 consid. 7.1). L'éventuel excédent - après retranchement de la part des revenus dévolue à l'épargne, qui ne participe pas à l'entretien de la famille - est ensuite réparti en principe par "grandes et petites têtes", la part pour un parent étant le double de celle pour un enfant mineur. De multiples raisons fondées sur les particularités du cas d'espèce permettent toutefois de déroger à cette répartition, notamment la répartition de la prise en charge des enfants ou des besoins particuliers (ATF 147 III 265 consid. 7, 7.3 et 8.3.2).

4.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2019 du 6 mars 2020 consid. 3.1). Cette incombance s'applique en particulier lorsque la reprise de la vie commune, et donc le maintien de la répartition antérieure des tâches, ne sont ni recherchés, ni vraisemblables; le but de l'indépendance financière des époux, notamment de celui qui jusqu'ici n'exerçait pas d'activité lucrative, ou seulement à temps partiel, gagne alors en importance. Cela est également valable en matière de mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 137 III 385 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2018 du 10 octobre 2018 consid. 5.1.1).

Lorsqu'il entend tenir compte d'un revenu hypothétique, le juge doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2019 précité consid. 3.1).

Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (ATF
147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_407/2021 du 6 mai 2022 consid. 3.2). Il faut souligner que les deux conditions précitées sont interdépendantes et ne peuvent être clairement distinguées. L'exigibilité est ainsi inhérente aux critères factuels déterminants qui viennent d'être rappelés, en sorte que la détermination du revenu hypothétique doit résulter d'une appréciation globale : un emploi possible en soi peut être déraisonnable et, à l'inverse, un emploi apparemment raisonnable peut ne pas être réellement possible. Pour qu'un revenu hypothétique soit retenu, un emploi réellement considéré comme possible doit également être raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_1049/2019 du 25 août 2021 consid. 5; 5A_7/2021 du 2 septembre 2021 consid. 4.4; 5A_191/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1.2).

Si le juge entend exiger d'un conjoint ou parent la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, lui imposant ainsi un changement de ses conditions de vie, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_554/2017 du 20 septembre 2017 consid. 3.2 et la jurisprudence citée; 5A_235/2016 du 15 août 2016 consid. 4.1; 5A_1008/2015 du 21 avril 2016 consid. 3.3.2).

Seule est déterminante la capacité propre d'un époux de réaliser un revenu. L'assistance versée par des parents en ligne directe (art. 328 CC) ne doit pas être prise en compte à ce titre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_733/2007 du 9 avril 2008 consid. 2.3).

4.1.4 Dans le calcul des besoins, le minimum vital du droit des poursuites, comprend l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2021, RS/GE E 3 60.04; l'entretien de base OP comprend, notamment, l'alimentation, les vêtements et le linge, ainsi que les soins corporels et de santé), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles soit les frais de logement, la prime d'assurance-maladie de base, les frais de transports et les frais de repas pris à l'extérieur (ATF 147 III 265 précité consid. 7.2).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquittent réellement doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.2).

Lorsqu'une contribution d'entretien est fixée en faveur d'un des conjoints, la charge fiscale doit être estimée de sorte à ce que celui qui perçoit la contribution puisse jouir, après acquittement des impôts, d'un montant couvrant toutes les autres charges nécessaires au maintien de son train de vie (arrêts du Tribunal fédéral 5A_127/2017 du 29 juin 2017 consid. 3.3 et 5A_166/2016 du 11 octobre 2016 consid. 8.3).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3).

4.1.5 Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

Les certificats médicaux, rapports médicaux et autres actes analogues produits par une partie sont considérés, sous l'angle du droit de la preuve, comme de simples expertises privées, qui font partie des allégués des parties et ne constituent pas des moyens de preuves proprement dits. Si elle est contestée de manière motivée par la partie adverse, l'expertise privée à elle seule ne saurait être probante. Elle peut cependant l'être pour autant qu'elle soit corroborée par des indices qui, eux, sont établis par des moyens de preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6, SJ 2016 I 162; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1040/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1.2). Lorsqu'une partie prétend ne pas être en mesure de travailler pour des raisons médicales, le certificat qu'elle produit doit justifier les troubles à la santé et contenir un diagnostic. Des conclusions doivent être tirées entre les troubles à la santé et l'incapacité de travail ainsi que sur sa durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_94/2011 du 16 juin 2011 consid. 6.3.3; 5A_807/2009 du 26 mars 2010 consid. 3).

4.2.1 En l'espèce, le premier juge a considéré à juste titre que, en faisant les efforts qui peuvent être attendu d'elle, l'appelante est susceptible de réaliser un revenu de 5'700 fr. par mois, correspondant à celui qu'elle a touché dans le cadre de son dernier emploi de durée déterminée, qui a pris fin le 15 juin 2022.

L'appelante ne conteste pas ce montant en tant que tel, mais allègue qu'il ne lui est possible de trouver du travail qu'à raison de quelques mois par an.

Ces allégations ne sont cependant pas rendues vraisemblables par les pièces produites. Si l'appelante est restée pendant deux ans sans emploi, elle a finalement conclu un contrat de travail de durée déterminée en mars 2022 avec une organisation internationale, ce qui lui a permis de réaliser un salaire mensuel net de l'ordre de 5'700 fr. jusqu'au 15 juin 2022.

Elle n'a pas indiqué si ce contrat serait renouvelé ou non et, si tel n'est pas le cas, quelles étaient les démarches qu'elle avait entreprises pour trouver du travail.

L'appelante est âgée de 36 ans, n'a pas à prendre en charge l'éducation d'enfants et est au bénéfice d'une formation lui permettant d'occuper un poste d'assistante de direction ou similaire. Les certificats médicaux qu'elle a produits n'attestent pas que son état de santé l'empêcherait de manière durable d'exercer une activité professionnelle à plein temps. Elle est d'ailleurs suivie pour des troubles dépressifs et un état de stress depuis 2018, ce qui ne l'a cependant pas empêchée de trouver du travail au cours de la période en question.

Les derniers certificats médicaux produits ne font état que d'incapacités de travail passagères, qui font suite à la dernière audience devant le Tribunal et qui ne sont pas circonstanciées. Ils ne suffisent pas à rendre vraisemblable que l'appelante est durablement incapable de travailler.

Le fait que l'appelante n'ait, jusqu'à ce jour, occupé que des emplois de durée déterminée résulte vraisemblablement plus de son propre choix que de la nécessité, étant rappelé qu'elle a toujours été aidée financièrement par ses parents. A teneur de pièces produites, l'appelante a en effet recherché essentiellement des emplois dans des institutions internationales lesquelles proposent le plus souvent des contrats de durée déterminée. Aucun élément du dossier ne permet ainsi de retenir que l'appelante, qui a de solides qualifications, ne pourrait pas trouver un emploi de durée indéterminée.

En outre, contrairement à ce que plaide l'appelante, le fait d'avoir répondu à treize offres d'emploi en deux ans ne peut être considéré comme des recherches suffisantes, compte tenu des circonstances.

Puisque l'appelante savait que son contrat de durée déterminée prendrait fin le 15 juin 2022, il pouvait être attendu d'elle qu'elle commence à chercher un nouvel emploi il y a plusieurs mois déjà, de sorte qu'il ne se justifie pas de lui accorder un délai supplémentaire pour ce faire.

Conformément à ce qui précède, le Tribunal a jugé à bon droit qu'un revenu hypothétique de 5'700 fr. par mois devait être imputé à l'appelante.

4.2.2 Les charges de celle-ci s'élèvent actuellement à environ 1'750 fr. par mois comprenant son entretien de base (1'200 fr.), sa prime d'assurance-maladie (478 fr. 65) et ses frais de transport (70 fr.). Ces dernières seront de 2'750 fr. lorsque l'appelante aura trouvé un logement propre, étant rappelé qu'on ne peut exiger de sa sœur qu'elle l'héberge indéfiniment. L'appelante n'a en outre pas critiqué l'estimation effectuée (1'000 fr.) par le Tribunal quant à son loyer futur.

Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le solde disponible mensuel de l'appelante était de 3'950 fr. (5'700 fr. – 1'750 fr.) jusqu'à ce qu'elle trouve un logement, puis serait de 2'950 fr. (5'700 fr. – 2'750 fr.). Ce solde permettra également à l'appelante de couvrir ses acomptes d'impôts, qui peuvent être estimés à 900 fr. par mois (cf. calculette disponible sur le site Internet de l'Administration fiscale genevoise en tenant compte de son statut de personne séparée, d'un revenu de 5'700 fr. par mois et des déductions usuelles [primes d'assurance-maladie, frais professionnels]).

4.2.3 Comme l'a pertinemment constaté le Tribunal, le solde disponible de l'intimé est de 3'710 fr. par mois. Les acomptes d'impôts de l'intimé peuvent être estimés à 1'100 fr. par mois (compte tenu des mêmes critères retenus que pour l'appelante).

Une fois que l'appelante aura son propre logement, le solde disponible de l'intimé (2'610 fr.) sera supérieur de 560 fr. à celui de l'appelante (2'050 fr.). Il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette dernière a déclaré que du temps de la vie commune son époux ne s'acquittait que du loyer du domicile conjugal et que le reste de ses charges – nourriture et assurance-maladie – était pris en charge par son père. Il est ainsi vraisemblable que le train de vie de l'appelante n'a pas été financé au moyen de l'excédent de l'intimé. Elle n'est donc pas en droit de prétendre à ce jour au partage de celui-ci auquel elle n'a jamais participé.

Le Tribunal a dès lors retenu à juste titre qu'aucune contribution d'entretien ne devait être allouée à l'appelante.

Par conséquent, le chiffre 3 du dispositif du jugement sera confirmé.

5. 5.1 L'intimé a conclu à ce que les frais judicaires et les dépens de première instance soient mis intégralement à la charge de l'appelante. Toutefois, non seulement l'appel joint est irrecevable en procédure sommaire (art. art. 314 al. 2 CPC) mais en tout état l'intimé n'a formulé aucun grief s'agissant de la quotité (400 fr.) et de la répartition des frais (par moitiés) fixées par le Tribunal.

Les chiffres 6 et 7 du dispositif du jugement seront donc confirmés.

5.2 Les frais judiciaires d'appel, comprenant les frais relatifs à la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 31 et 35 RTFMC).

Ils seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, compte tenu de la nature familiale du litige (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, art. 104 al.1, art. 105 al. 1, 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). La part de l'appelante, qui plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, sera laissée provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 et 123 CPC).

L'intimé sera ainsi condamné à verser 500 fr. à l'Etat de Genève au titre des frais judiciaires d'appel.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens (art. 95 al. 1 let. b et al. 3 et 107 al. 1 let c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPI/6526/2022 rendu le 7 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4593/2022.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les met à charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Dit que la part de A______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire au titre des frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites des art. 93 et 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.