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Décisions | Sommaires

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C/25548/2023

ACJC/307/2024 du 05.03.2024 sur JTPI/359/2024 ( SFC ) , CONFIRME

Normes : LP.191
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25548/2023 ACJC/307/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 5 MARS 2024

 

 

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 janvier 2024.

 


EN FAIT

A. a. Le 24 novembre 2023, A______ a déposé devant le Tribunal de première instance une requête par laquelle elle demandait le prononcé de sa faillite personnelle.

Elle a expliqué qu'elle percevait des rentes AI d'un montant mensuel de 2'078 fr. ainsi que des prestations complémentaires d'un montant mensuel de 1'449 fr, y compris 541 fr. réservé au paiement de ses primes d'assurance maladie, et disposait d'un solde de 808 fr. par mois. Selon la décision du 29 juin 2023 du Service des prestations complémentaires, elle devait percevoir un rétroactif de 21'353 fr., dont il lui restait environ 15'000 fr. Des actes de défaut de bien avaient été délivrés à son encontre à hauteur de 75'062 fr. et des poursuites avaient été engagées contre elle à concurrence de 7'000 fr. Il était dès lors manifeste qu'elle se trouvait dans une situation d'insolvabilité. Elle disposait néanmoins d'un certain montant lui permettant de prendre un nouveau départ.

Il ressort des pièces produites par A______ qu'elle fait l'objet de deux poursuites, fondées sur un acte de défaut de biens, pour des montants de 3'912 fr. et 3'031 fr., et de 52 actes de défauts de biens, pour un montant total de 75'658 fr. Elle a également produit une décision du Service des prestations complémentaires du 29 juin 2023 dont il ressort qu'elle peut bénéficier d'un rétroactif de prestations d'un montant de 21'353 fr. Quant au relevé bancaire produit, il fait état d'un solde de 12'474 fr. au 17 août 2023 et de 4'465 fr. au 10 novembre 2023.

b. A______ s'est acquittée d'une avance de frais totale de 3'550 fr. dans le cadre de la présente procédure, dont 3'500 fr. d'avance de frais de liquidation sommaire de la faillite par l'Office des faillites.

B. Par jugement du 11 janvier 2024, le Tribunal a rejeté la requête de faillite personnelle formée le 24 novembre 2023 par A______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 50 fr., à sa charge (ch. 2 et 3) et débouté celle-ci de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que A______ n'avait aucune fortune mobilière ou immobilière et que ses revenus étaient uniquement constitués de ses rentes. L'absence de biens de la précitée à abandonner à ses créanciers constituait un obstacle rédhibitoire à l'admission de la requête.

C. a. Par acte expédié le 24 janvier 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et au prononcé de sa faillite personnelle, avec suite de frais.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles en relation avec l'appartement HBM qu'elle occupe actuellement.

b. La cause a été gardée à juger le 5 février 2024.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 LP par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Le recours a été interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP) et selon la forme prescrite. Il est partant recevable.

1.2 En vertu de l'art. 174 al. 1 2ème phrase LP – applicable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP –, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'art. 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1, publié in SJ 2019 I p. 376).

Les allégations et pièces nouvelles de la recourante, relatives à des faits antérieurs au jugement attaqué, sont ainsi recevables. Elles ne sont cependant pas déterminantes pour l'issue du litige.

1.3 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

2. La recourante soutient que le Tribunal a retenu de manière manifestement inexacte qu'elle ne disposait d'aucune fortune mobilière ou immobilière puisqu'il ressortait des pièces produites qu'elle disposait d'une somme d'environ 15'000 fr. provenant d'un arriéré de rentes SPC. Elle disposait dès lors de biens qui pourraient être distribués à ses créanciers et le Tribunal aurait dû considérer que les conditions pour le prononcé de sa faillite personnelle étaient remplies.

2.1.
2.1.1 Aux termes de l'art. 191 LP, le débiteur peut lui-même requérir sa faillite en se déclarant insolvable en justice (al. 1); lorsque toute possibilité de règlement amiable des dettes selon les art. 333 ss est exclue, le juge prononce la faillite (al. 2).

La faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur offre à celui-ci d'importants avantages. En effet, les saisies à son encontre (même les saisies de salaire) tombent. En outre, cette institution lui procure immédiatement la tranquillité nécessaire pour se reprendre financièrement: déjà après l'ouverture de la faillite, il peut disposer librement de son salaire courant (c'est-à-dire les versements devenus exigibles après l'ouverture de la faillite). De plus, il peut à nouveau être poursuivi pour les créances nées avant la faillite uniquement après son retour à meilleure fortune (Amon/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9ème éd., 2013, § 38 n. 22-23).

Le requérant n'a pas un droit inconditionnel au prononcé de sa faillite (ATF 133 III 614 consid. 6.1.2). Pour que la faillite puisse être prononcée ensuite d'une déclaration d'insolvabilité en justice, il faut que se réalise une condition positive, soit un état d'insolvabilité, et que, simultanément, ne soit satisfaite aucune condition négative, à savoir la possibilité de règlement amiable des dettes, un ajournement de la décision de faillite en raison d'un sursis concordataire ou extraordinaire, une procédure de faillite déjà en cours, une procédure de détermination de retour à meilleure fortune en cours ou un abus de droit manifeste au sens de l'art. 2 al. 2 CC (Cometta, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 4 ad art. 191 LP).

L'interdiction de l'abus de droit est applicable à tout l'ordre juridique, donc également en matière de poursuites et faillite. Dans la procédure de faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur, le juge doit ainsi vérifier d'office l'application de ce principe à la lumière des circonstances particulières du cas d'espèce (ATF 118 III 27, 113 III 2 consid. 2a).

A titre d'exemple, un débiteur commet un abus de droit lorsqu'il requiert sa faillite, en sachant que la masse en faillite ne comprendrait aucun actif ou lorsqu'il souhaite par ce moyen faire tomber une saisie de salaire (ATF 145 III 26 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_776/2008 du 15 janvier 2009 consid. 2.1 in fine; cf. également ATF 123 III 402 consid. 3a/aa = JdT 1999 II 102, p. 103).

La faillite volontaire prévue à l'art. 191 LP n'est pas une procédure visant à régler la problématique du surendettement des particuliers obérés. Si l'on devait agréer la demande de faillite volontaire de chaque débiteur qui poursuit le but de faire tomber une saisie sur ses revenus, l'art. 93 LP serait pratiquement vidé de sa substance; il ne saurait y avoir libre choix entre la saisie des revenus et la déclaration d'insolvabilité, car les intérêts des créanciers doivent également être pris en compte; dans ce domaine, il ne peut s'agir de faire triompher uniquement le point de vue du débiteur (ATF 145 III 26 consid. 2.2 et les références citées).

2.1.2 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, lorsqu'il a tiré des déductions insoutenables des éléments recueillis, ou encore lorsqu'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée (ATF 138 I 305 consid. 4.3; 137 I 58 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_583/2014 du 23 janvier 2014 consid. 1.1).

Il ne suffit pas d'affirmer que le premier juge a "arbitrairement" retenu un fait; il faut au contraire décrire l'élément de fait taxé d'arbitraire, puis se référer aux pièces du dossier qui contredisent l'état de fait arrêté par le premier juge. Il ne suffit pas de présenter sa propre version des faits ou d'opposer son appréciation des preuves à celle du premier juge (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 138 III 232 consid. 4.1.2 in JdT 2012 II 511; 137 III 226 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, la recourante soutient que le Tribunal a constaté de manière manifestement inexacte, et donc arbitraire, qu'elle ne disposait pas de fortune alors que l'examen des pièces produites laissait apparaître qu'elle disposait d'une fortune de 15'000 fr. environ provenant d'un arriéré de prestations du SPC. Elle n'indique cependant pas quelle pièce ferait état d'une telle fortune. Il ressort effectivement de la décision du 29 juin 2023 qu'elle devait percevoir un arriéré de prestations sociales de 21'353 fr. Toutefois, selon l'extrait de son compte bancaire, elle ne dispose plus de cette somme puisque le solde de son compte était de 4'465 fr. au 10 novembre 2023, avant paiement de l'avance de frais de 3'550 fr. qui lui a été demandée dans le cadre de la présente procédure.

Dans ces circonstances, il ne peut être retenu que le Tribunal aurait omis de manière manifestement inexacte de constater que la recourante disposerait d'une somme de 15'000 fr.

Au vu de la situation financière de la recourante, et en particulier de la fortune dont elle dispose, soit 4'465 fr., voire 915 fr. après paiement de l'avance de frais pour la liquidation de sa faillite, et compte tenu du montant de ses dettes, il doit être considéré qu'elle ne dispose pas d'actif suffisants à abandonner à ses créanciers, ainsi que l'a jugé le Tribunal. Les conditions nécessaires à l'application de l'art. 191 LP ne sont donc pas réunies.

Enfin, il apparaît que la recourante a requis sa faillite personnelle en particulier parce qu'elle craint que le loyer de son logement HBM augmente de manière significative après que son fils aura commencé à travailler et percevra un salaire et qu'elle souhaiterait trouver un autre appartement, ce qui ne serait pas possible compte tenu des poursuites dont elle fait l'objet. Un tel motif n'est toutefois pas de nature à permettre le prononcé de la faillite personnelle de la recourante.

Le recours n'est dès lors pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judicaires, arrêtés à 75 fr. (art. 48 et 61 OELP), compensés avec l'avance qu'elle a fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 24 janvier 2024 par A______ contre le jugement JTPI/359/2024 rendu le 11 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25548/2023–S1 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 75 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.