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Décisions | Sommaires

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C/13127/2023

ACJC/175/2024 du 09.02.2024 sur JTPI/11856/2023 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13127/2023 ACJC/175/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 9 FEVRIER 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 octobre 2023,

et

B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11856/2023 du 23 octobre 2023, reçu par A______ le 1er novembre 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté la précitée de sa requête de mainlevée de l'opposition déposée à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), l'a condamnée à payer les frais judiciaires en 300 fr. (ch. 2 et 3) et à verser 500 fr. de dépens à B______ SA (ch. 4).

B. a. Le 2 novembre 2023, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice revoie la décision et ordonne le paiement des deux salaires qui lui sont dus, avec intérêts dès le 31 décembre 2020.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b. B______ SA a conclu à ce que la Cour déclare le recours irrecevable, subsidiairement le rejette.

c. Les parties ont été informées le 9 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. B______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève le______ 2020, a comme but social toutes opérations liées au commerce de marchandises et matières premières et à la fourniture de services environnementaux.

A teneur du Registre du commerce, A______ n'a jamais eu le pouvoir de représenter cette société.

b. Le 7 juin 2023, A______ a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 9'825 fr. 79 avec intérêts à 5% dès le 30 novembre 2020 au titre de salaires de novembre et décembre 2020. Opposition a été formée à ce commandement de payer.

c. Le 20 juin 2023, A______ a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de cette opposition. Elle a joint à sa requête un contrat de travail entre B______ SA et elle-même, par lequel elle était engagée en tant que "Chief Executive Officer" dès le 1er juillet 2020 à 50% pour un salaire mensuel brut de 5'000 fr. Ce contrat n'est signé que par elle-même.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 16 octobre 2023, A______ a indiqué ce qui suit :"J'étais directrice générale de la société si bien que je ne signais pas pour la société. Le contrat produit n'a pas formellement la signature de l'employeur car c'est moi qui le représentais. (…) La procédure prud'homale portait sur les heures supplémentaires ce qui veut dire que les heures normales ont été accomplies".

Elle a déposé des pièces supplémentaires, notamment un certificat de salaire non signé, duquel il ressort qu'un salaire de 27'967 fr. nets lui a été versé pour la période de juillet à décembre 2020, et un jugement du Tribunal des prud'hommes du 19 septembre 2022 condamnant B______ SA à lui verser 28'075 fr. 26, intérêts en sus, au titre d'heures supplémentaires. Il ressort des considérants de ce jugement que le Tribunal des prud'hommes a retenu que A______ avait travaillé pour le compte de B______ SA du 1er mai au 31 décembre 2020.

B______ SA a conclu au rejet de la requête. Les arguments qu'elle a soulevés ne figurent pas au procès-verbal.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, contrairement à ce que fait valoir l'intimée, les conclusions de la recourante sont recevables. Ces conclusions doivent en effet être interprétées à la lumière des arguments soulevés dans le recours. A la lecture de celui-ci, l'on comprend que la recourante souhaite que la Cour annule le jugement querellé et fasse droit à ses conclusions en mainlevée de l'opposition formulées devant le Tribunal.

Le recours a par ailleurs été déposé en temps utile, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les pièces nouvelles produites par la recourante sont dès lors irrecevables, de même que les allégations y relatives.

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. En l'espèce, le Tribunal a considéré que la recourante n'avait pas produit de titre de mainlevée de l'opposition. La recourante avait fourni un contrat de travail signé uniquement par ses soins, se prévalant du fait qu'elle avait signé également pour sa partie adverse, en qualité de directrice générale de cette dernière. Elle n'avait cependant pas le pouvoir de représenter l'intimée à teneur du Registre du commerce. En outre, dans le contrat de travail produit, l'emplacement réservé à la fin du document à la signature de l'employeur ne comportait aucune signature.

La recourante fait valoir qu'il ressort du jugement du Tribunal des prud'hommes produit devant le Tribunal qu'elle était bien employée de l'intimée de juillet à décembre 2020. Ledit Tribunal lui avait alloué une indemnité à titre d'heures supplémentaires pour la période en question, ce qui impliquait que les heures de travail contractuelles avaient bien été effectuées.

2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1). Une reconnaissance de dette peut résulter d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2019 du 7 janvier 2020 consid. 4.1.2).

Le contrat individuel de travail signé par l'employeur vaut, en principe, reconnaissance de dette dans la poursuite en recouvrement du salaire s'il est constant que le travail a été fourni par l'employé (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 174, ad art. 82 LP).

La reconnaissance de dette doit être signée par le poursuivi. La signature est apposée à la main par celui qui s'oblige (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 15 et 15a, ad art. 82 LP).

Lorsque l'obligé est une personne morale, la mainlevée provisoire dans la poursuite contre celle-ci ne peut en principe être prononcée que si les pouvoirs du représentant ou de l'organe qui a signé sont documentés par pièces. La reconnaissance de dette signée par un employé sans pouvoir de représentation ne permet pas la mainlevée provisoire contre l'employeur (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 20, ad art. 82 LP).

2.1.2 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition n'a pas pour but de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire, le juge de la mainlevée se prononçant uniquement sur la force probante du titre produit (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 1, ad art. 84 LP).

L'existence d'un titre exécutoire doit être prouvée tant dans la mainlevée définitive que provisoire. L'existence des pouvoirs de représentation du signataire du titre doit être examinée d'office par le juge (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 104 et 105, ad art. 84 LP).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a constaté à juste titre que le contrat de travail produit par la recourante ne comportait pas la signature de l'intimée.

Il n'est pas non plus établi que la recourante avait le pouvoir de signer au nom de cette dernière. S'agissant de son propre contrat de travail, un tel procédé aurait d'ailleurs été discutable.

Le fait que le Tribunal des prud'hommes, dans une procédure ordinaire, a retenu que les parties étaient liées par un contrat de travail n'est quant à lui pas déterminant. En effet, les exigences d'une procédure sommaire de mainlevée, dans le cadre de laquelle seule l'existence d'un titre exécutoire, à l'exclusion de la réalité de la créance est examinée, diffèrent de celles applicables dans le cadre d'une procédure au fond.

Les griefs de la recourante sont par conséquent infondés, de sorte que le recours sera rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 450 fr. et compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 48 et 61 OELP, 111 CPC).

Une indemnité de 400 fr. débours et TVA inclus sera allouée à l'intimée à titre de dépens (art. 84, 85, 88 à 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/11856/2023 rendu le 23 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13127/2023-9 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______ les frais judiciaires de recours, arrêtés à 450 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l’Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ SA 400 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.