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Décisions | Sommaires

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C/14537/2023

ACJC/95/2024 du 25.01.2024 sur OSQ/39/2023 ( SQP ) , CONFIRME

Normes : LP.271.al1.ch6; CNY; LP.278
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14537/2023 ACJC/95/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 25 JANVIER 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 13 septembre 2023, représentée par Me Rodolphe GAUTIER, avocat, WALDER WYSS SA, boulevard du Théâtre 3, case postale, 1211 Genève 3,

et

1) B______ GUINEE SA, sise ______, GUINEE, intimée et

2) C______ GUINEE SA, sise ______, GUINEE, autre intimée,

toutes deux représentées par Me Blaise STUCKI, avocat, STUCKI LEGAL, rue Rousseau 5, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement OSQ/39/2023 du 13 septembre 2023, le Tribunal de première instance a, préalablement, ordonné la jonction des causes C/14537/2023 et C/15538/2023 sous la première référence (chiffre 1 du dispositif) et déclaré recevables les oppositions formées par A______ SA contre les ordonnances de séquestre rendues le 13 juillet 2023 dans les causes précitées (ch. 2). Au fond, le Tribunal a partiellement admis les oppositions à séquestre (ch. 3), confirmé le séquestre ordonné dans la cause C/14537/2023 à concurrence de 873'543 fr. 10, portant en particulier sur le compte n. 1______ USD détenu par A______ SA en mains de [la banque] D______ (ch. 4), ainsi que le séquestre ordonné dans la cause C/14538/2023 à concurrence de 1'026'254 fr. 96, portant en particulier sur le compte précité ouvert auprès de D______ (ch. 5) et ordonné la levée des séquestres pour le surplus (ch. 6).

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 3'000 fr., les a mis à la charge de A______ SA (ch. 7), condamné cette dernière à verser à ses parties adverses la somme de 10'000 fr. à titre de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B. a. Par acte déposé le 25 septembre 2023 auprès de la Cour de Justice, A______ SA recourt contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à l'annulation des ordonnances de séquestre rendues le 13 juillet 2023 portant sur les montants de respectivement 873'543 fr. 10 et 1'026'254 fr. 96 et à la libération des biens séquestrés. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

A l'appui de son recours, elle produit des pièces complémentaires comprenant des courriels datés des 19 septembre 2023 (pièce 25) et 6 septembre 2023 avec leurs annexes (pièces 27 et 28), ainsi qu'un arrêt rendu par la Cour d'appel de H______[France] le 23 mai 2023 (pièce 26).

b. Dans leur réponse commune, B______ GUINEE SA et C______ GUINEE S.A ont conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par avis de la Cour du 29 novembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ SA (ci-après: A______) est une société de droit suisse, active dans le négoce de matières premières et notamment de produits pétroliers.

b. B______ GUINEE SA (ci-après : B______) et C______ GUINEE S.A (ci-après : C______) sont des sociétés de droit guinéen, actives dans le secteur pétrolier.

c. Le 21 mai 2018, A______ a conclu avec B______, C______ et deux autres sociétés un "contrat d'importation de fuel lourd 380 Cst (HFO)" soumis au droit français et prévoyant une clause compromissoire en faveur d'un tribunal arbitral avec siège à H______[France] et l'application du règlement de la Chambre de commerce internationale (CCI).

d. Un litige est survenu entre les parties en 2022, lequel a conduit à l'ouverture d'une procédure arbitrale diligentée sous l'égide de la CCI.

e. En vue de la nomination d'un arbitre unique, la CCI a proposé aux parties trois candidats, dont E______. Cette dernière, comme chaque candidat, a rempli le formulaire de la CCI à teneur duquel elle a déclaré, sous la catégorie "indépendance et impartialité", qu'elle n'avait "rien à révéler", qu'elle était "impartiale et indépendante et entend[ait] le rester. A [sa] connaissance et après s'être dûment renseignée, il n'exist[ait] aucun fait ou circonstance, passés ou présents, à révéler qui pourraient être de nature à mettre en cause [son] indépendance dans l'esprit de l'une des parties, ni aucune circonstance qui pourrait faire naître des doutes raisonnables quant à [son] impartialité".

f. Par courriel du 20 mai 2022, le Secrétariat de la CCI a transmis aux parties un formulaire intitulé "curriculum vitae" concernant E______ qui retraçait brièvement son parcours professionnel. Il était renvoyé, pour plus d'informations, à son curriculum vitae détaillé en français.

Le curriculum vitae de E______ rédigé dans sa version française, disponible sur son site internet, indique qu'elle a été le "Conseil de B______ dans un arbitrage F______ l'opposant à l'Etat G______ en lien avec des investissements dans l'exploration, la production et le transport de gaz".

La version anglaise du curriculum vital, également disponible sur son site internet, mentionne à la même ligne "Advising a French group in the context of an F______ arbitration against G______ in relation to its investment in the field of a gas exploration, production and transport", le nom de "B______" n'étant pas mentionné.

g. Les parties ont consenti à nommer E______ comme arbitre unique (ci-après: l'arbitre) dans le cadre de la procédure arbitrale.

h. Une audience arbitrale s'est tenue à H______[France] le 20 janvier 2023. Au cours de cette audience, les conseils de B______ et C______ ont demandé si un tiers pouvait assister à l'audience. L'arbitre ne s'y est pas opposée. La requête a finalement été retirée au vu du refus de A______.

i. Le 4 avril 2023, le Tribunal arbitral a rendu une sentence condamnant A______ à payer à C______ les sommes de 952'651.22 USD, sous déduction de la somme de 23'010.39 USD, des intérêts compensatoires au taux de 6% capitalisés annuellement, calculés sur les sommes correspondant à chaque livraison à partir de laquelle A______ a tiré sur les lettres de crédit chacune de ses factures, selon le tableau incorporé au dispositif, 50'000 USD ainsi que 29'760.30 Euros.

Le Tribunal arbitral a par ailleurs condamné A______ à payer à B______ les montants de 1'128'276.69 USD, sous déduction de la somme de 21'558.07 USD, des intérêts compensatoires au taux de 6% capitalisés annuellement, calculés sur les sommes correspondant à chaque livraison à partir de laquelle A______ a tiré sur les lettres de crédit chacune de ses factures, selon le tableau incorporé au dispositif, 50'000 USD ainsi que 29'760.30 Euros.

La sentence a été communiquée aux parties le 11 avril 2023 et notifiée le 10 mai 2023.

j. Dans le cadre de la présente procédure, A______ a expliqué avoir découvert peu de temps après la notification de la sentence que l'arbitre unique avait été le conseil de la société B______ SA, société mère de B______ GUINEE SA, dans un arbitrage administré par le F______ l'opposant à la République G______. Cela ne ressortait ni de la procédure arbitrale en question ni de la sentence rendue à l'issue de ladite procédure, ni encore de la version anglaise du curriculum vitae de l'arbitre - mais uniquement de la version française de ce document -, de sorte qu'elle n'en avait pas eu connaissance lors de ses investigations d'usage au moment de la nomination de l'arbitre. Devant la Cour de céans, A______ a ajouté avoir été surprise par la sentence arbitrale, ce qui l'avait conduite à effectuer des recherches approfondies sur l'expérience et les activités de l'arbitre, découvrant ainsi, par regroupement des différentes versions de son curriculum vitae, ses liens avec l'une de ses parties adverses.

k. Le 20 avril 2023, A______ a formé une déclaration de recours en annulation auprès de la Cour d'appel de H______[France]. L'effet suspensif n'a pas été requis ni ordonné d'office par la Cour d'appel.

l. Le 31 mai 2023, A______ a déposé un mémoire préventif devant le Tribunal de première instance dirigé contre B______ et C______ tendant au rejet de toute éventuelle mesure superprovisionnelle, séquestre ou autre mesure qui seraient requises par ces dernières. A______ a exposé que la sentence arbitrale ne pouvait pas être reconnue en Suisse en raison du défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre découvert à la suite de la notification de la décision.

m. Par requêtes du 13 juillet 2023, C______ et B______ ont chacune requis le séquestre des avoirs détenus par A______, dont son compte ouvert en mains de [la banque] D______, à concurrence de 1'086'560 fr. 78 (soit la contrevaleur de 1'225'628.52 USD et 29’760.30 euros), respectivement 1’275'153 fr. 06 (soit la contrevaleur de 1'444'199.05 USD et 29'760.30 euros).

Elles ont affirmé que le séquestre se fondait sur la sentence arbitrale du 4 avril 2023 condamnant A______ à leur verser différents montants et portait sur la contre-valeur en francs suisses de ces montants.

n. Le même jour, le Tribunal a prononcé les séquestres requis.

o. A______ a formé opposition aux séquestres concluant à la révocation des ordonnances rendues le 13 juillet 2023.

Elle a fait valoir que la sentence arbitrale invoquée à la base du séquestre ne pouvait pas être reconnue en Suisse en raison du vice d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre. Elle a notamment affirmé que la sentence arbitrale serait annulée pour ce motif, l'arbitre unique ayant sciemment caché qu'elle avait conseillé la société B______ SA dans une procédure arbitrale, en violation du règlement CCI et de la convention d'arbitrage.

p. Dans leurs déterminations, B______ et C______ ont conclu au rejet de l'opposition aux séquestres. Elles ont contesté le fait que l'arbitre ait été le conseil de la société B______ SA, exposant que c'était quatre autres avocats du cabinet I______ qui avaient été les représentants de celle-ci. Si l'arbitre avait certes été employée de ce cabinet, elle ne faisait en revanche pas partie des représentants de la société.

q. Lors de l'audience du 4 septembre 2023, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. La cause a ensuite été gardée à juger par le Tribunal.

r. Dans le jugement querellé, le Tribunal a considéré que le seul fait que la version française du curriculum vitae de l'arbitre mentionnait la société "B______" ne suffisait pas pour retenir que la sentence litigieuse serait annulée. En effet, A______ n'avait aucunement allégué, ni a fortiori rendu vraisemblable à quel moment et dans quelles circonstances elle avait pris connaissance du fait que l'arbitre unique était intervenu en qualité de conseil de B______ SA, se limitant à indiquer qu'elle l'avait découvert "que peu de temps après la notification de la sentence". Il ne pouvait dès lors pas être exclu qu'elle détenait cette information à un stade antérieur et qu'elle s'était accommodée de la situation ou que le délai prévu par le règlement de la CCI pour solliciter la récusation de l'arbitre était échu. Pour le surplus, le montant des séquestres ressortait clairement de la sentence arbitrale, sous réserve des intérêts compensatoires qui n'étaient pas aisément vérifiables et dont le Tribunal n'a en conséquence pas tenu compte.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris est une décision sur opposition à séquestre, de sorte que seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé selon la forme et dans le délai requis par la loi (art. 130, 131 et 142 al. 1 CPC), le recours est en l'espèce recevable.

1.2 La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) étant une procédure sommaire au sens propre (art. 251 let. a CPC), il est statué sur la base de la simple vraisemblance des faits et après un examen sommaire du droit (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1).

La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases aux maximes de disposition et des débats (art. 58 al. 2 CPC; art. 255 CPC a contrario).

1.3 La recourante produit des pièces complémentaires devant la Cour.

1.3.1 Par exception au principe général de l'art. 326 al. 1 CPC, l'art. 278 al. 3 LP prévoit que, dans le cadre d'un recours contre une décision rendue sur opposition à séquestre, les parties peuvent alléguer des faits nouveaux et produire, à l'appui de ces faits, des moyens de preuve nouveaux (art. 326 al. 2 CPC).

Cette disposition vise tant les faits et moyens de preuves survenus après les dernières plaidoiries dans la procédure d'opposition au séquestre (vrais nova) que ceux qui existaient déjà avant (pseudo nova; ATF 145 III 324 consid. 6.6 et 6.6.4).

L'invocation devant l'autorité de recours de pseudo nova n'est toutefois admissible que pour autant que les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC, applicables par analogie, soient réalisées (ATF 145 III 324 consid. 6.6.2). La partie qui entend se prévaloir de pseudo nova doit ainsi démontrer n'avoir pas pu le faire avant la procédure de recours bien qu'elle ait fait preuve de la diligence requise (cf. ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

La possibilité d'invoquer des faits nouveaux vaut non seulement dans la procédure de recours visée à l'art. 278 al. 3 LP, mais aussi devant le premier juge selon l'art. 278 al. 1 LP (ATF 140 III 266 consid. 4.2.3).

1.3.2 En l'espèce, la pièce 26 produite par la recourante vise à établir le contenu du droit étranger, de sorte qu'elle est recevable.

Pour le surplus, les pièces produites par la recourante sont postérieures, ou lui ont été signifiées postérieurement, à l'audience du 4 septembre 2023 à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Elles sont donc également recevables.

1.4 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

2. La recourante s'oppose aux séquestres, alléguant que la sentence arbitrale sur laquelle ils reposent ne peut être reconnue en Suisse en raison du manque d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre.

2.1.1 En vertu de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut notamment requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsqu'il possède contre lui un titre de mainlevée définitive.

La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) a le même objet que la procédure de séquestre, à savoir les conditions d'autorisation de celui-ci (art. 272 LP; ATF 140 III 466 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_228/2017 du 26 juin 2017 consid. 3.1). Le juge réexamine en contradictoire la réalisation des conditions du séquestre qu'il a ordonné. L'opposant doit tenter de démontrer que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant. Le juge doit revoir sa cause dans son entier et tenir compte de la situation telle qu'elle se présente au moment de la décision sur opposition. Il s'agit d'une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques de la simple vraisemblance des faits, l'examen sommaire du droit et une décision provisoire (ATF 140 III 466 consid. 4.2.3).

2.1.2 Toute décision étrangère portant condamnation à payer une somme d'argent ou à constituer des sûretés et exécutable en Suisse selon une convention internationale – en particulier la Convention de New-York (CNY) – constitue un titre de mainlevée définitive (Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 36 ad art. 81 LP).

Les décisions des tribunaux arbitraux qui n'ont pas leur siège en Suisse sont des sentences arbitrales étrangères. Comme les jugements étrangers rendus par des tribunaux étatiques, elles nécessitent d'être reconnues pour produire leurs effets en Suisse. La décision d'exequatur peut être prise à titre incident. A cet effet et pour juger des exceptions recevables, le juge doit, en vertu de l'art. 194 LDIP, appliquer la CNY (ATF 135 III 136 consid. 2.1).

2.1.3 L'art. V CNY énumère, de manière exhaustive, les motifs d'opposition à l'exequatur. Ces motifs doivent être invoqués et prouvés par celui qui s'oppose à la reconnaissance de la sentence arbitrale. Ils doivent être interprétés restrictivement pour permettre de favoriser la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale. La reconnaissance de la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 143 III 404 consid. 5.2.3; 142 III 180 consid. 3.1; 135 III 136 consid. 3.3).

Aux termes de l'art. V ch. 1 let. a CNY, la reconnaissance et l'exécution seront refusées si, en particulier, la preuve est apportée que la convention d'arbitrage n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l'ont subordonnée ou, à défaut d'une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue.

La reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale pourront aussi être refusées si l'autorité compétente du pays où elles sont requises constate que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence serait contraire à l'ordre public de ce pays (art. V ch. 2 let b. CNY). En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public s'interprète de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution de jugements étrangers où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public; arrêts du Tribunal fédéral 5A_760/2021 du 22 juillet 2022 consid. 5.1.1; 4A_40/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.1.2).

2.1.4 L'art. 11 du règlement d'arbitrage de la CCI prévoit que tout arbitre doit être et demeurer impartial et indépendant des parties en cause. Il doit faire connaître les faits ou circonstances qui pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance dans l'esprit des parties, ainsi que des circonstances qui pourraient faire naître des doutes raisonnables quant à son impartialité, de sorte que les parties puissent se déterminer.

Une partie peut former une demande de récusation à l'encontre de l'arbitre dans les trente jours qui suivent la connaissance des faits ou circonstances qui fondent la demande de récusation (art. 14 CCI).

2.2 En l'espèce, la recourante soutient que l'arbitre aurait sciemment dissimulé le fait d'avoir été le conseil de la société mère de l'intimée 1 et que, de par cette activité, elle n'offrait pas les garanties d'indépendance et d'impartialité pour statuer dans le litige qui l'opposait aux intimées.

Elle reproche en particulier au Tribunal d'avoir retenu que ce grief serait tardif pour obtenir la récusation dès lors qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable à quel moment et dans quelles circonstances elle avait pris connaissance du fait que l'arbitre était intervenue en qualité de conseil de la société mère de l'intimée 1.

Or, à la lecture de ses écritures de première instance, force est de constater que la recourante n'a jamais expliqué de manière suffisamment claire et détaillée les circonstances qui l'ont conduite à découvrir ce fait. Comme l'a retenu le Tribunal, elle s'est dans un premier temps limitée à affirmer avoir découvert que l'arbitre était intervenu en tant que conseil de B______ SA "peu de temps après la notification de la sentence". Dans son mémoire préventif, elle a indiqué avoir fait cette découverte "de manière fortuite". L'on comprend certes que c'est en comparant les versions française et anglaise du curriculum vitae de l'arbitre que la recourante a pris connaissance de la mention à l'activité de conseil de la société B______ SA, constitutive du motif de récusation. Cela étant, comme l'a relevé le Tribunal, il paraît vraisemblable que la recourante détenait déjà cette information à un stade antérieur. En effet, il ressort des pièces du dossier qu'un formulaire intitulé "curriculum vitae" concernant l'arbitre a été transmis aux parties avant la nomination de celle-ci et faisait expressément référence à un curriculum vitae plus détaillée en français pour plus d'informations, lequel était disponible sur son site internet. De surcroît, il est admis que les représentants des parties et leurs conseils ont procédé en français et que la langue de la procédure arbitrale était le français. Dès lors, on peine à comprendre pour quel motif la recourante se serait fondée (uniquement) sur la version anglaise du curriculum vitae, également disponible sur le site internet de l'arbitre, en lieu et place de la version française qui leur avait été indiquée. C'est donc à bon droit que le Tribunal a retenu qu'il était vraisemblable que le délai de récusation puisse être échu en raison du fait que la recourante disposait déjà du motif de récusation allégué à un stade antérieur.

Les explications complémentaires que la recourante apporte devant la Cour de céans ne permettent pas d'aboutir à une autre conclusion. Bien qu'elle explique, pour la première fois, avoir procédé à des recherches approfondies en raison de la teneur "surprenante" de la sentence arbitrale, elle n'apporte aucun élément qui permettrait d'étayer ses propos. Outre le prétendu vice d'impartialité, elle n'expose en particulier pas en quoi cette sentence serait erronée ni pour quel motif elle laisserait paraître ne serait-ce qu'un début de partialité. Il ressort d'ailleurs de ses explications qu'elle a contesté la sentence arbitrale auprès des autorités françaises en raison du (seul) vice d'indépendance et d'impartialité, sans qu'il ne soit allégué d'autres arguments de fond.

Quoi qu'il en soit, l'argument de la recourante pour s'opposer à la reconnaissance de la sentence arbitrale part d'une prémisse erronée ou à tout le moins pas suffisamment établie selon laquelle l'arbitre aurait été le conseil de la société mère de l'intimée 1. Or, selon la procédure arbitrale ayant opposé B______ SA à G______, en particulier les informations disponibles dans la base de données du "F______" qui mentionnent les représentants des parties ainsi que la sentence arbitrale en elle-même, l'arbitre - qui a rendu la sentence sur laquelle se fondent les séquestres litigieux - n'était pas constituée en faveur de la société mère de l'intimée 1 et ne faisait dès lors pas partie des avocats représentant celle-ci. Si elle a certes travaillé pour le même cabinet d'avocats que certains représentants, aucun élément ne permet de retenir que’elle a effectivement déployé une activité dans ce cadre, respectivement l'étendue de celle-ci. A cet égard, il convient de relever que pendant que cet arbitrage était en cours, l'arbitre a cessé d'exercer ses activités au sein de l'Etude I______ en 2012, ayant été détachée au Bureau juridique de l'Organisation J______, puis a ensuite travaillé pour deux autres cabinets d'avocats.

Il s'ensuit que la prétendue activité déployée par l'arbitre sur le dossier impliquant la société-mère de l'intimée 1, alors qu'elle était employée en tant que collaboratrice au sein d'un grand cabinet d'avocats, ne pouvait en tout état de cause, selon toute vraisemblance, être que secondaire puisqu'elle n'était pas elle-même constituée et que cette activité remontait en tous les cas à près de dix ans avant l'ouverture du présent litige entre les parties. Dans ces circonstances et à défaut de tout autre élément, il n'est pas rendu vraisemblable qu'elle ait développé une activité suffisamment importante dans le cadre de cette affaire pour mettre en péril son indépendance et son impartialité.

Par ailleurs, au vu de la grande expérience de l'arbitre en question, on peut raisonnablement penser qu'elle aurait annoncé cette activité si elle avait estimé qu'elle revêtait une certaine importance. Contrairement à l'avis de la recourante, rien ne permet de penser que l'arbitre aurait "sciemment" dissimulé ce fait pour avantager sa partie adverse.

En définitive, la seule mention de la société B______ dans le curriculum vitae français de l'arbitre n'est vraisemblablement pas suffisante pour fonder le grief du défaut d'indépendance et d'impartialité tel qu'invoqué par la recourante.

La recourante prétend aussi que l'arbitre a démontré des signes de partialité en faveur de sa partie adverse en acquiesçant à la demande "incongrue" de l'intimée 1 tendant à ce qu'un tiers participe à l'audience du 20 janvier 2023. Or il n'en est rien. Quoi qu'en dise la recourante, la participation du tiers en question ne semblait pas "incongrue" ni totalement injustifiée puisque, selon les explications fournies par l'intimée 1, ce tiers avait occupé la fonction de directeur financier de la société B______ GUINEE et, à ce titre, avait été l'interlocuteur de la recourante et supervisé l'exécution du contrat ayant donné lieu au litige opposant les parties, de sorte qu'il était susceptible de s'exprimer sur des faits directs de la cause. On ne saurait en conséquence déceler un quelconque élément de partialité dans le comportement de l'arbitre lors de cette audience, étant précisé qu'elle a donné l'occasion à chaque partie de s'exprimer sur cette requête et de faire valoir ses arguments.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne rend pas vraisemblable un manque d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre qui pourrait justifier le refus de reconnaissance de la sentence arbitrale en Suisse.

Infondé, le recours sera rejeté.

3. Les frais judiciaires de recours seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 3'750 fr. (art. 48 et 61 OELP) et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par cette dernière, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige, la recourante sera, en outre, condamnée à verser la somme de 5'000 fr. aux intimées, prises solidairement, à titre de dépens de recours (art. 84, 85 et 88 à 90 RTFMC), débours compris (art. 25 et 26 LaCC), mais sans TVA compte tenu du domicile à l'étranger de ces dernières (ATF 141 IV 344 consid. 4.1).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 25 septembre 2023 par A______ SA contre le jugement OSQ/39/2023 rendu le 13 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14537/2023-SQP.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 3'750 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance de frais du même montant qu'elle a versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à B______ GUINEE SA et C______ GUINEE SA, solidairement, la somme de 5'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.