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Décisions | Sommaires

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C/675/2023

ACJC/1170/2023 du 11.09.2023 sur JTPI/6105/2023 ( SFC ) , JUGE

Normes : CO.699
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/675/2023 ACJC/1170/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 11 SEPTEMBRE 2023

Entre

A______ SARL, sise c/o B______ SA, ______[GE], appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 mai 2023, comparant par Me Lucien FENIELLO, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée D______, ______, Emirats Arabes Unis, intimée, comparant par Me Laurent STRAWSON, avocat, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6105/2023, reçu par les parties le 30 mai 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a ordonné à A______ SARL de convoquer son assemblée ordinaire des associés portant sur les exercices 2020 et 2021 au siège de la société, dans le délai de 20 jours, l'ordre du jour devant comporter les points suivants : approbation des rapports de gestion des exercices 2020 et 2021; approbation des comptes des exercices 2020 et 2021; approbation des rapports de l'organe de révision pour les exercices 2020 et 2021; emploi des bénéfices résultant des exercices 2020 et 2021; décharge au gérant; élections statutaires; divers (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SARL à payer à C______ 600 fr. de frais judiciaires (ch. 2 et 3) ainsi que 860 fr. de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Le 9 juin 2023, A______ SARL a formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et déboute C______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. C______ a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 10 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SARL, inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2000, est active dans le domaine immobilier. Son capital social, entièrement libéré, est de 20'000 fr.

A teneur du Registre du commerce, C______ est associée de cette société, sans signature, pour 200 parts de 100 fr., E______ en est le gérant, avec signature individuelle et F______ SA l'organe de révision.

b. Les assemblées générales ordinaires de A______ SARL n'ont pas été tenues pour les exercices 2020 et 2021.

c. Les 24 août, 12 octobre et 8 novembre 2022, C______ a demandé à A______ SARL de lui transmettre les comptes et rapports de la société pour les exercices précités et de tenir une assemblée générale.

Cette dernière n'a pas donné suite à ces requêtes.

d. Par acte déposé auprès du Tribunal le 18 janvier 2023, C______ a conclu à ce que celui-ci ordonne la convocation de l'assemblée ordinaire des associés de A______ SARL portant sur les exercices 2020 et 2021, au siège de cette dernière, dans le délai légal et statutaire de 20 jours et dise que l'ordre du jour comportera les points suivants : 1. Approbation des rapports de gestion des exercices 2020 et 2021; 2. Approbation des comptes des exercices 2020 et 2021; 3. Approbation des rapports de l'organe de révision pour les exercices 2020 et 2021; 4. Emploi des bénéfices résultant des exercices 2020 et 2021; 5. Décharge au gérant; 6. Elections statutaires; 7. Divers.

e. A______ SARL a conclu le 10 mars 2023 au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions. Elle a notamment allégué que, contrairement aux exigences légales, sa partie adverse n'avait pas formulé de proposition relatives aux différents points de l'ordre du jour. Il n'y avait aucune urgence justifiant la convocation de l'assemblée générale par le Tribunal lui-même.

f. C______ s'est déterminée spontanément le 24 mars 2023, persistant dans ses conclusions. Elle a notamment fait valoir qu'il n'existait pas d'obligation légale de formuler des propositions en lien avec les différents points de l'ordre du jour.

g. La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 30 mars 2023.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. a CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (al. 2).

Le droit de requérir du juge la convocation d'une assemblée générale
(art. 699 al. 4 CO), respectivement d’une assemblée des associés
(art. 805 al. 5 ch. 2 CO), tend à protéger les intérêts patrimoniaux de l'actionnaire, de sorte qu'un différend à ce sujet est de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral
4A_350/2011 du 13 octobre 2011 consid. 1.1, 4A_36/2010 du 20 avril 2010, consid. 1.1).

En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., puisque l'intimée détient l'intégralité des parts sociales de l'appelante, pour un montant de 20'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

Par ailleurs, interjeté selon la forme prescrite par la loi et dans le délai légal de dix jours, dans une cause relevant de la juridiction gracieuse et soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. e, 250 let. c ch. 9, 311 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La procédure sommaire atypique s'applique aux actes de la juridiction gracieuse. La cognition du juge n'est pas limitée à la vraisemblance et la décision rendue est définitive, c'est-à-dire qu'elle est revêtue de l'autorité de la chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2013 du 30 septembre 2013 consid. 2.3).

1.3 La cause est soumise à la maxime inquisitoire (art. 255 let. b CPC). La preuve est rapportée par titres et par d'autres moyens de preuve (art. 254 a. 1
et al. 2 let. c CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Le Tribunal a retenu que l'intimée avait la légitimité active puisqu'elle était inscrite au Registre du commerce comme titulaire des toutes les parts sociales de l'appelante. Le fait que l'intimée agisse à titre fiduciaire, comme l'alléguait l'appelante, n'était pas déterminant à ce stade. L'appelante n'avait pas donné suite aux demandes de convocation de l'assemblée des associés formulées par l'intimée et les objets proposés pour l'ordre du jour étaient de la compétence de ladite assemblée, de sorte qu'il devait être fait droit à la requête.

L'appelante fait valoir que c'est à tort que le Tribunal lui a ordonné de convoquer l'assemblée requise par l'intimée car la demande de convocation n'indiquait pas les propositions de celle-ci quant aux objets qu'elle souhaitait voir portés à l'ordre du jour. Le premier juge avait de plus statué ultra petita en lui ordonnant de convoquer l'assemblée alors que l'intimée avait conclu à ce que celle-ci soit convoquée par le Tribunal.

2.1.1 La requête de l'intimée ayant été déposée le 18 janvier 2023, celle-ci est régie par l'art. 699 CO dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur au 1er janvier 2023 (art. 1 des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020, RO 2020 4061; art. 1 du Titre final du Code civil), applicable par analogie aux sociétés à responsabilité limitée en vertu du renvoi de l'art. 805 al. 5 CO (Peter/Cavadini, Commentaire romand, 2017, n° 17 ad art. 805 CO).

Selon l'art. 699 al. 1 CO, l’assemblée générale est convoquée notamment par le conseil d’administration. L’assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice (al. 2).

Des actionnaires peuvent requérir la convocation de l’assemblée générale s’ils détiennent ensemble au moins 10 % du capital-actions ou des voix (al. 3).

La convocation d’une assemblée générale doit être requise par écrit. Les objets de l’ordre du jour et les propositions doivent être mentionnés dans la requête (al. 4).

Si le conseil d’administration ne donne pas suite à la requête dans un délai raisonnable, mais au plus tard dans les 60 jours, les requérants peuvent demander au tribunal d’ordonner la convocation de l’assemblée générale (al. 5).

La requête est formulée à l'encontre de la société. Elle doit notamment contenir l'ordre du jour désiré, ainsi que les propositions formulées par les actionnaires qui présentent la requête. Les objets portés à l'ordre du jour doivent pouvoir être concrétisés par une décision de l'assemblée générale. Le juge est tenu de vérifier si les conditions formelles et matérielles de la requête sont satisfaites (Peter/Cavadini, op. cit., n° 17 et 24 ad art. 699 CO).

Selon le Message du Conseil fédéral concernant la révision du droit des sociétés anonymes, l'exigence de l'indication des propositions que veulent faire à l'assemblée générale les actionnaires qui en demandent la convocation est motivée par le fait qu'il incombe à celui qui veut déclencher la procédure de convocation et la tenue d'une assemblée générale de savoir auparavant exactement ce qu'il attend de cette dernière. Il doit en outre le faire connaître aux autres actionnaires, au conseil d'administration et aux organes de gestion, en l'annonçant dans sa demande de convocation (FF 1983 II 941).

Aux termes de l'art. 700 al. 2 CO, sont mentionnés dans la convocation de l'assemblée générale les objets portés à l'ordre du jour, ainsi que les propositions des actionnaires qui ont demandé la convocation de l'assemblée ou l'inscription d'un objet à l'ordre du jour.

La proposition des actionnaires doit présenter un lien évident avec le point de l'ordre du jour qu'elle concerne. Le degré de précision des propositions doit être suffisant. Sont insuffisants une référence à une annexe ou l'énoncé d'un simple mot clé. Certains auteurs soutiennent que la proposition doit toujours être formulée de manière positive. Cette opinion se fonde sur le fait que l'assemblée générale doit être mise face à une alternative simple et compréhensible : accepter ou refuser la proposition. Le refus d'une proposition par hypothèse négative ne signifie en effet pas nécessairement l'acceptation de son contraire. Par exemple, lorsqu'un groupe d'actionnaires propose de refuser la décharge, le refus de la proposition ne signifie pas que la décharge est donnée aux membres du conseil d'administration. La question qui doit être posée est donc de savoir si (oui ou non) la décharge est accordée (Peter/Cavadini, op. cit., n° 17 à 18a ad art. 700 CO).

Si un objet porté à l'ordre au jour n'est pas énoncé de façon suffisamment claire, la décision de l'assemblée générale est sujette à annulation (Peter/Cavadini,
op. cit., n° 16 ad art. 700 CO).

2.1.2 Le bien-fondé d'une requête en convocation au sens de l'art. 699 al. 4 CO ne s'apprécie qu'en examinant des questions formelles, c'est-à-dire celles de savoir si le requérant est actionnaire, s'il satisfait aux conditions formelles de
l'art. 699 CO et si une demande de convocation a été effectivement adressée au conseil d'administration, à laquelle il n'a pas été donné suite dans un délai convenable. Le juge de la convocation ne procède ainsi à aucun examen matériel des requêtes de convocation et d'inscription à l'ordre du jour, car la convocation judiciaire est une pure mesure formelle dont le contenu ne lie ni l'assemblée générale, ni le juge saisi d'une action en contestation des décisions prises lors de l'assemblée générale convoquée judiciairement. Le juge saisi ne doit pas non plus décider si les décisions pour lesquelles l'assemblée est convoquée seront valables; ces questions ne seront au contraire examinées que dans le cadre d'une éventuelle action en annulation ou en nullité (art. 706 ss CO) ouverte contre les décisions prises lors de l'assemblée (ATF 142 III 16 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_605/2014 du 5 février 2015 consid. 2.1.2 et 4A_529/2017 du 21 février 2018, consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, l'appelante fait valoir à juste titre que la demande de convocation de l'assemblée générale déposée par l'intimée ne contient pas ses propositions concernant les objets portés à l'ordre du jour.

Dans cette mesure, la requête de l'intimée ne respecte pas les exigences formelles prévues par l'art. 699 al. 4 CO.

Le fait que l'intimée allègue ne pas pouvoir émettre des propositions, à défaut de disposer des éléments utiles, notamment concernant la situation financière de l'appelante n'est pas déterminant. Au besoin, elle a la possibilité d'obtenir les informations nécessaires par la voie du droit aux renseignements et à la consultation prévu par l'art. 802 CO. L'action en convocation de l'assemblée générale n'a quant à elle pas pour but de permettre aux associés d'obtenir des renseignements puisque les objets portés à l'ordre du jour doivent pouvoir être concrétisés par une décision.

C'est par conséquent à tort que le Tribunal a fait droit à la requête de l’intimée.

Le jugement querellé sera dès lors annulé et l'intimée déboutée de ses conclusions, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé du second grief soulevé par l'appelante.

3. Les frais des deux instances seront mis à la charge de l'intimée qui succombe
(art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 600 fr. et ceux d'appel au même montant (art. 26 et 35 RTFMC). Ils seront compensés avec les avances versées par les parties, soit 600 fr. par l'intimée et 600 fr. par l'appelante. L'intimée sera condamnée à payer 600 fr. à ce titre à cette dernière (art. 111 CPC).

Les dépens de première instance seront arrêtés à 1'000 fr. et ceux d'appel à 800 fr. débours et TVA compris (art. 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 9 juin 2023 par A______ SARL contre le jugement JTPI/6105/2023 rendu le 25 mai 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/675/2023-19 SFC.

Au fond :

Annule le jugement querellé et, statuant à nouveau :

Déboute C______ des fins de sa requête en convocation de l'assemblée ordinaire des associés de A______ SARL.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Met à la charge de C______ les frais judiciaires de première instance et d'appel, arrêtés à 1'200 fr. et compensés avec les avances versées par les parties, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à payer à A______ SARL 600 fr. au titre des frais judiciaires d’appel.

Condamne C______ à payer à A______ SARL 1'800 fr. au titre des dépens des deux instances.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.