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Décisions | Sommaires

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C/14906/2022

ACJC/1034/2023 du 07.08.2023 sur JTPI/1690/2023 ( SFC ) , MODIFIE

Normes : co.699
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14906/2022 ACJC/1034/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 7 AOÛT 2023

Entre

1)   Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

2)   Monsieur B______, domicilié ______ [GE],

3)   Monsieur C______, domicilié ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2023, comparants tous trois par Me Swan MONBARON, avocat, Monbaron Avocats, rue du Purgatoire 1, case postale 3374, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

D______ SA, sise c/o Me E______, ______ [VS], intimée, comparant par Me David PROVIDOLI, avocat, rue Marignac 9, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1690/2023 du 6 février 2023, reçu par les parties le 8 février 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de A______, B______ et C______ tendant à la convocation d'une assemblée générale de D______ SA (ch. 1 du dispositif), mis à leur charge les frais judiciaires arrêtés à 600 fr. (ch. 2), les a condamnés, conjointement et solidairement, à payer à D______ SA 1'770 fr. à titre de dépens (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Le 20 février 2023, A______, B______ et C______ ont formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule, ordonne la convocation d'une assemblée générale ordinaire de D______ SA portant sur l'exercice social achevé au 31 décembre 2021, dise que cette assemblée aura pour objet la présentation du rapport de gestion et de révision de l'exercice social clos au 31 décembre 2021, l'approbation du rapport de gestion et des comptes annuels au 31 décembre 2021, la détermination de l'emploi de l'éventuel bénéfice figurant au bilan, la décharge au conseil d'administration et les élections statutaires (reconduction/nomination), ordonne au conseil d'administration de D______ SA de procéder à ladite convocation et de leur remettre le rapport de gestion et les comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2021 dans les soixante jours suivant le jugement, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, le tout avec suite de frais et dépens.

Ils ont produit des pièces nouvelles

b. Le 16 mars 2023, D______ SA a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Le 30 mars 2023, les appelants ont déposé une écriture spontanée, persistant dans leurs conclusions.

d. Le 6 avril 2023, D______ SA a requis de la Cour un délai pour se prononcer sur l'écriture précitée. Il lui a été répondu le 12 avril 2023 qu'il lui incombait de déposer spontanément d'éventuelles déterminations, dans les délais prévus par la jurisprudence.

e. Le 20 avril 2023, D______ SA a déposé une détermination spontanée et fait valoir des faits nouveaux.

Elle a déposé des pièces nouvelles.

f. Le 5 mai 2023, les appelants ont déposé une écriture spontanée, persistant dans leurs conclusions.

g. Les parties ont été informées le 1er juin 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. D______ SA, inscrite au Registre du commerce du Valais central depuis le ______ 2018 et sise à K______, est active dans l'achat, la vente, [ainsi que] ______ en Valais.

Le capital-actions de la société est de 100'000 fr. divisé en 10'000 actions nominatives de 10 fr.

A______, B______ et C______ ont été administrateurs de la société de sa fondation jusqu'au 17 novembre 2020. Depuis cette date, F______ est présidente du conseil d'administration et G______ administrateur.

Le Registre du commerce indique que, selon déclaration du 31 janvier 2018, la société a renoncé à un contrôle restreint.

b. Les statuts de D______ SA, dans leur version modifiée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 5 mai 2021, prévoient que l'assemblée générale a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice annuel. Les assemblées extraordinaires sont convoquées aussi souvent que nécessaire (art. 10 al. 1). L'assemblée est convoquée par le conseil d'administration et, au besoin, par l'organe de révision ou par le juge (art. 10 al. 2). Un ou plusieurs actionnaires représentant ensemble au moins le dixième du capital-actions peuvent aussi requérir la convocation d'une assemblée générale. Celle-ci doit être requise par écrit, en indiquant les objets de discussion et les propositions (art. 10 al. 3). L'assemblée est convoquée 20 jours au moins avant la date de la réunion par courriel ou par lettre recommandée adressé à chaque actionnaire (art. 10 al. 4).

c. A______, B______ et C______ sont actionnaires de cette société et détiennent respectivement 4 %, 3 % et 3 % de son capital-actions.

d. Par courrier du 28 mars 2022, A______ et B______ ont fait savoir au conseil d'administration de D______ SA qu'ils s'interrogeaient sur la situation financière de celle-ci et requéraient la remise de ses états financiers de même que la communication de la date de la prochaine assemblée générale ordinaire. Ils attendaient confirmation du fait que la société n'était pas surendettée et, cas échéant, des mesures prises.

e. Le 4 avril 2022, D______ SA leur a fait savoir qu'il serait répondu à leurs questions lors de la prochaine assemblée générale de la société, dont la date n'était pas encore fixée.

f. Par courrier du 2 mai 2022, A______ et B______, ont rappelé à D______ SA qu'une assemblée générale devait être convoquée en séance ordinaire une fois par année, dans les six mois suivant la clôture de l'exercice, afin de procéder à toutes opérations légales et statutaires, notamment se prononcer sur la gestion du conseil d'administration et sur les comptes de l'exercice. Ils ont requis la convocation d'une assemblée générale ordinaire dans les quinze jours et la remise, au moins vingt jours avant la date de l'assemblée, du rapport de gestion, des comptes annuels et du rapport de révision pour les exercices comptables des années 2018, 2019, 2020, 2021. Ils soulignaient qu'aucune assemblée générale ordinaire de la société n'avait été tenue depuis sa constitution.

g. Le 4 août 2022 A______, B______ et C______ ont déposé par devant le Tribunal une requête en convocation de l'assemblée générale ordinaire de la société, prenant les mêmes conclusions que celles figurant dans leur appel à l'exception de celle tendant à ce que la présentation du rapport de révision de l'exercice 2021 figure à l'ordre du jour de l'assemblée générale sollicitée.

Ils ont fait valoir qu'ils étaient en droit de demander une convocation de l'assemblée générale en application de l'art. 699 CO. L'art. 731b CO permettait en outre à tout actionnaire de requérir du juge qu'il remédie à l'omission par le conseil d'administration de convoquer l'assemblée générale dans le délai prévu par l'art. 699 al. 2 CO.

h. Par courrier du 31 octobre 2022, le conseil d'administration de D______ SA a convoqué les actionnaires à une assemblée générale ordinaire le 1er décembre 2022.

L'ordre du jour comportait notamment les points suivants : présentation et approbation du rapport de gestion 2021, approbation des comptes 2021, décharge au conseil d'administration et élections à ce dernier. Il était précisé que, par décision du 31 janvier 2018, la société avait renoncé à un contrôle restreint et donc au rapport de révision. Le rapport de gestion du conseil d'administration pouvait être consulté au siège de la société.

i. Par courrier du 17 novembre 2022, A______, B______ et C______ ont exigé de D______ SA la nomination d'un organe chargé de la révision restreinte, précisant qu'ils contestaient le rapport de gestion 2021.

i. Par réponse du 21 novembre 2022 D______ SA a conclu à ce que le Tribunal constate que la requête du 2 août 2022 était devenue sans objet et à ce qu'il raye la cause du rôle.

j. Par courrier du 22 novembre 2022 A______, B______ et C______ ont formulé différentes critiques à l'encontre du rapport de gestion qui leur avait été remis, relevant qu'il ne comprenait en particulier pas les états financiers de la société. Ils demandaient des documents supplémentaires et précisaient que l'assemblée générale ne pouvait se tenir le 1er décembre 2022, sous peine d'annulabilité.

k. Lors de l'assemblée générale du 1er décembre 2022, A______ et B______ ont contesté la validité de la convocation à celle-ci, se référant à leur courrier du 22 novembre 2022. Le président de l'assemblée a constaté que la convocation devait être complétée. Il a ainsi été décidé de reconvoquer les actionnaires à une nouvelle date.

A______ et B______ ne se sont pas opposés à cette manière de procéder.

l. Par courrier du 5 décembre 2022, D______ SA a convoqué une assemblée générale ordinaire en date du 30 décembre 2022.

Deux objets supplémentaires étaient ajoutés par rapport à l'ordre du jour de l'assemblée générale précédente, à savoir le transfert du siège de la société à J______ [VS] et l'élection d'un organe de révision en charge de la révision restreinte. Le conseil d'administration proposait d'approuver ces deux objets et suggérait deux noms de réviseurs.

Pour le reste, l'ordre du jour comportait les mêmes objets que celui de l'assemblée générale du 1er décembre 2022. Le conseil d'administration proposait de reporter l'approbation des comptes 2021 à une date à fixer après réception du rapport de révision restreinte. Il était précisé que F______ démissionnait du conseil et que celui-ci proposait d'élire H______ et G______ comme administrateurs.

Le rapport de gestion était remis en annexe de la convocation, avec les comptes de la société. Il était précisé que, comme, par le passé, le bilan ne comportait pas d'annexes.

L'exercice 2021 se clôturait sur un bénéfice de 349'061 fr. 82. Aucun surendettement ne ressortait du bilan.

m. Par courrier du 13 décembre 2022, A______, B______ et C______ ont fait savoir à D______ SA que, puisque l'assemblée générale du 30 décembre 2022 n'avait qu'un seul objet, à savoir la désignation de l'organe de révision, ils proposaient d'y procéder par voie circulaire. Ils formulaient par ailleurs différentes critiques et questions sur les états financiers de la société.

n. L'assemblée générale de D______ SA s'est tenue le 30 décembre 2022. Aucun des trois actionnaires précités n'y a participé.

Selon le procès-verbal authentique de ladite assemblée, l'approbation du rapport de gestion et des comptes 2021 a été reporté à une date ultérieure, après mise à disposition de la révision restreinte (ch. 4 et 5). Décharge a été donnée au conseil d'administration sous réserve de la question relative aux comptes 2021 (ch. 6). H______ a été élue au conseil d'administration en remplacement de F______ (ch. 7). Le siège de la société a été transféré à J______ [VS] (ch. 8). La fiduciaire I______ SA été désignée pour procéder à la révision restreinte des comptes 2021 (ch. 9).

o. A______, B______ et C______ ont répliqué spontanément le 12 décembre 2022, persistant dans leurs conclusions.

D______ SA a déposé une écriture spontanée le 17 janvier 2023, relevant que l'assemblée générale avait été valablement tenue le 30 décembre 2022, ce qui rendait la procédure sans objet.

Le Tribunal a retenu la cause à juger à l'issue de ces échanges.

r. Le 28 février 2023, A______, B______ et C______ ont déposé en conciliation par devant le Juge de commune de K______ [VS] une requête dirigée contre D______ SA, concluant à ce que celui-ci annule les décisions prises sous chiffres 1 à 9 de l'ordre du jour du 5 décembre 2022 de l'assemblée générale de D______ SA du 30 décembre 2022, voire constate leur nullité.

L'audience de conciliation a été fixée au 27 avril 2023.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Le droit de requérir du juge la convocation d'une assemblée générale (art. 699 al. 4 CO) tend à protéger les intérêts patrimoniaux de l'actionnaire, de sorte qu'un différend à ce sujet est de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_350/2011 du 13 octobre 2011 consid. 1.1; 4A_36/2010 du 20 avril 2010 consid. 1.1).

En l'espèce, les appelants détiennent ensemble 10% du capital-actions de l'intimée de 100'000 fr. de sorte que la valeur litigieuse est de 10'000 fr.

1.2 Interjeté selon la forme prescrite par la loi et dans le délai légal de dix jours, dans une cause relevant de la juridiction gracieuse et soumise à la procédure sommaire (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, 248 let. e, 250 let. c ch. 9, 311 et 314 al. 1 CPC; Haldy, Code de procédure civile commenté, 2ème éd., 2019, n. 4 ad art. 19 CPC), l'appel est recevable, sous réserve de ce qui sera exposé sous consid. 2 ci-dessous.

2.             Les parties allèguent des faits nouveaux et produisent des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). La demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies et si la modification repose sur des faits ou moyens de preuve nouveaux (al. 2).

A teneur de l'art. 227 al. 1 CPC, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l’une des conditions suivantes est remplie: a. la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention; b. la partie adverse consent à la modification de la demande.

2.2 Les appelants n'expliquent pas sur quels faits nouveaux se fonde leur conclusion nouvelle tendant à ce que la présentation du rapport de révision de l'exercice 2021 soit portée à l'ordre du jour de l'assemblée générale dont ils sollicitent la convocation. Cette conclusion est dès lors irrecevable.

Les courriels produits par les appelants et datés des 6 et 14 février 2023 sont recevables car ils sont postérieurs au 17 janvier 2023, date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

La réquisition d'inscription de l'intimée avec "opting out" du 31 janvier 2018 déposée par l'intimée pour la première fois en appel est irrecevable car elle aurait pu être produite devant le Tribunal.

L'intimée explique qu'elle n'a pu obtenir le procès-verbal en la forme authentique de l'assemblée générale du 30 décembre 2022 de la part de la notaire en charge que le 14 mars 2023. Cette explication est crédible de sorte que cette pièce, produite sans retard, est recevable.

Les autres pièces nouvelles déposées par l'intimée sont recevables, car postérieures au 17 janvier 2023.

3. Le Tribunal a considéré que la requête de convocation de l'assemblée générale n'avait été signée que par A______ et B______, lesquels représentaient 7% du capital action alors que l'art. 699 al. 3 CO exigeait un minimum de 10%. De plus, cette requête n'indiquait pas précisément quels objets devaient figurer à l'ordre du jour, ni les propositions y relatives, de sorte qu'elle devait être rejetée. A cela s'ajoutait que la requête était devenue sans objet en raison du fait que deux assemblées générales avaient été convoquées, en date des 1er et 30 décembre 2022. L'affirmation des appelants, selon laquelle ils gardaient un intérêt à l'action en raison du fait qu'aucune convocation visant spécifiquement l'approbation des comptes 2021 n'était intervenue, n'était pas décisive car ce point avait été porté à l'ordre du jour et il n'appartenait pas au juge de la convocation d'examiner si l'assemblée pouvait ou non prendre une décision valable sur cette question, car celui-ci ne procédait à aucun examen matériel des requêtes en convocation.

Les appelants font valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, leur requête n'est pas devenue sans objet car la convocation "proposait d'emblée de reporter l'approbation des comptes 2021 à une date à fixer après réception du rapport de révision restreinte". Cette assemblée "ne pouvait ainsi porter que sur la désignation de l'organe de révision pour le contrôle restreint" ( ) et elle n'avait "tout simplement pas été convoquée, du point de vue matériel". Elle n'avait de plus "selon toute vraisemblance, jamais eu lieu". Ils ajoutent que leur requête devait être admise en application de l'art. 731b CO, question qui n'avait pas été examinée par le Tribunal, en violation de leur droit d'être entendus. En tout état de cause, le seuil minimal de 10% du capital-action ne s'appliquait pas à une requête tendant à la convocation d'une assemblée générale ordinaire. La requête indiquait de manière suffisamment claire les objets devant être soumis à l'assemblée générale.

3.1.1 L'art. 699 CO a été modifié par le ch. I de la LF du 19 juin 2020 (Droit de la société anonyme), en vigueur depuis le 1er janvier 2023 (RO 2020 4005; 2022 109; FF 2017 353). La cause ayant été introduite avant cette date et portant sur des faits s'étant déroulés en 2022, l'ancien droit est applicable en l'espèce (art. 1 du Titre final du CC).

A teneur de l'article 699 al. 3 aCO, un ou plusieurs actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions peuvent requérir la convocation de l'assemblée générale. La convocation et l'inscription d'un objet à l'ordre du jour doivent être requises par écrit en indiquant les objets de discussion et les propositions.

Si le conseil d'administration ne donne pas suite à la requête des actionnaires dans un délai convenable, la convocation est ordonnée par le juge, à la demande des requérants (art. 699 al. 4 aCO).

La requête adressée au conseil d'administration doit indiquer clairement quels sont les objets qui doivent être soumis à l'assemblée générale et comporter les propositions concernant les objets de l'ordre du jour dont l'inscription est requise (Peter/Cavadini, Commentaire romand, 2017, n. 25 s ad art. 699 aCO,).

Le bien-fondé d'une requête en convocation au sens de l'article 699 al. 4 aCO ne s'apprécie qu'en examinant des questions formelles, c'est-à-dire celles de savoir si le requérant est actionnaire, s'il satisfait aux conditions formelles de l'article 699 al. 3 aCO et si une demande de convocation a été effectivement adressée au conseil d'administration, à laquelle il n'a pas été donné suite dans un délai convenable (ATF 142 III 16 consid. 3.1). Le juge ne peut entrer en matière sur la requête de l'actionnaire que si celui-ci a encore un intérêt à la tenue d'une assemblée générale. S'il constate que le conseil d'administration a finalement procédé à la convocation d'une assemblée qui rend sans objet la requête de l'actionnaire, il ne donnera pas suite à sa demande. Autrement dit, l'intérêt de l'actionnaire requérant disparaît en règle générale lorsque sa prétention (soit son droit d'obtenir la convocation et la tenue d'une assemblée générale) a été satisfaite (arrêt du Tribunal fédéral 4A_507/2014 du 15 avril 2015 consid. 5.6.1).

Le juge de la convocation ne procède ainsi à aucun examen matériel des requêtes de convocation et d'inscription à l'ordre du jour, car la convocation judiciaire au sens de l'article 699 al. 4 aCO est une pure mesure formelle dont le contenu ne lie ni l'assemblée générale, ni le juge saisi d'une action en contestation des décisions prises lors de l'assemblée générale convoquée judiciairement. Le juge saisi ne doit pas non plus décider si les décisions pour lesquelles l'assemblée est convoquée seront valables ; ces questions ne seront au contraire examinées que dans le cadre d'une éventuelle action en annulation ou en nullité (art. 706 ss CO) ouverte contre les décisions prises lors de l'assemblée (ATF 142 III 16 consid. 3.1).

3.1.2 Selon l'article 52 CPC, quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi.

3.2 En l'espèce, il ressort du dossier que l'intimée a déféré à toutes les demandes des appelants. Ceux-ci ont requis, le 2 mai 2022, la convocation d'une assemblée générale ordinaire, sans préciser exactement quels étaient les objets à porter à l'ordre du jour. L'intimée a fait droit à leur requête en convoquant, le 31 octobre 2022, une assemblée générale prévue le 1er décembre 2022, ayant six objets à l'ordre du jour, notamment l'approbation du rapport de gestion et des comptes 2021.

Lors de l'assemblée générale du 1er décembre 2022, les appelants ont contesté la validité de la convocation et l'intimée s'est pliée à leurs exigences, acceptant de convoquer une nouvelle assemblée générale, ce à quoi les appelants ne se sont pas opposés.

L'assemblée générale convoquée le 5 décembre 2022 pour le 30 décembre 2022 comportait neuf objets à son ordre du jour, y compris ceux mentionnés par les appelants dans leur requête déposée au Tribunal le 4 août 2022.

Leur grief selon lequel cette assemblée ne pouvait "porter que sur la désignation de l'organe de révision pour le contrôle restreint" et qu'elle n’a "tout simplement pas été convoquée, du point de vue matériel" est obscur et en contradiction manifeste avec la teneur des pièces produites.

En tout état de cause, la désignation d'un organe de révision par l'assemblée générale est une conclusion nouvelle, formulée en cours de procédure par les appelants, qui est irrecevable. Cette question est ainsi exorbitante de l'objet du litige.

L'on ajoutera que l'intimée relève à bon droit que l'attitude des appelants est contradictoire, puisque ceux-ci réclament tant la tenue à bref délai d'une assemblée générale, que la nomination d'un réviseur, tout en affirmant que l'assemblée générale ne peut pas avoir lieu faute de rapport de révision.

Les exigences des appelants sont d'autant moins compréhensibles qu'ils ont eux-mêmes effectué les démarches pour la renonciation au contrôle restreint lorsqu'ils étaient administrateurs de l'intimée, à savoir jusqu'en 2020. Quand ils ont requis, le 2 mai 2022, la remise des rapports de révision pour les années 2018 à 2020, ils savaient dès lors pertinemment que ces rapports n'existaient pas.

Le fait que les appelants aient finalement omis de se présenter à l'assemblée générale convoquée à leur demande le 30 décembre 2022 corrobore le caractère vraisemblablement chicanier de leur démarche, laquelle n'est pas conforme à l'exigence de bonne foi en procédure prévue par l'art. 52 CPC.

Le fait que l'assemblée était fixée en fin d'année, soit le 30 décembre 2022, n'est d'aucune pertinence pour expliquer leur absence.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'assemblée générale du 30 décembre 2022 n'aurait pas eu lieu. Le procès-verbal en la forme authentique de cette assemblée atteste au contraire que celle-ci a bien été tenue.

De plus, l'on comprend mal pour quel motif ils ont engagé une action judiciaire tendant à l'annulation, entre autres, de la décision de l'assemblée générale précitée nommant une fiduciaire chargée de la révision restreinte des comptes 2021, alors qu'ils ont eux-mêmes requis, à maintes reprises, ladite nomination.

Il résulte de ce qui précède que l'intimée a fait droit à la requête des appelants de convoquer une assemblée générale ordinaire, de sorte que cette requête, à supposer qu'elle ait été fondée, ce qui n'est pas établi, est devenue en tout état de cause sans objet, comme l'a constaté à juste titre le Tribunal.

Il n'est dès lors pas nécessaires d'examiner les autres griefs formés par les appelants contre le jugement querellé.

Le chiffre 1 du dispositif de celui-ci sera par conséquent confirmé.

4. Les appelants font valoir que le Tribunal a mis à tort les frais et dépens de la procédure à leur charge car la convocation de l'assemblée générale n'est intervenue qu'après le dépôt de leur requête. Cette assemblée n'avait de plus toujours pas eu lieu.

4.1 Selon l'art. 106 al. 1 CPC, les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n’entre pas en matière et en cas de désistement d’action; elle est le défendeur en cas d’acquiescement. Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (al. 2).

A teneur de l'art. 107 CPC, le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsqu'une partie a intenté le procès de bonne foi (let. b), si la procédure est devenue sans objet et la loi n’en dispose pas autrement (let. e) ou si des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (let. f).

4.2 En l'espèce, la procédure est devenue sans objet parce que l'intimée a fait droit à la demande de convocation de l'assemblée générale peu après le dépôt de la requête. Les appelants ont ainsi eu gain de cause, dans cette mesure, devant le Tribunal.

Cependant, la procédure s'est prolongée en raison du fait qu'ils ont, en cours de procédure formulé une exigence nouvelle concernant la nomination d'un réviseur, demandé la reconvocation de la première assemblée générale, pour finalement se dispenser d'assister à l'assemblée générale du 30 décembre 2022, attitude dont il a été précédemment relevé qu'elle était peu compatible avec le principe de la bonne foi.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de mettre les frais judiciaires de première instance à charge des parties à raison d'une moitié chacune. Ces frais seront fixés à 600 fr., montant arrêté par le Tribunal et non contesté devant la Cour, et compensés avec l'avance fournie par les appelants, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC, 13 et 26 RTFMC).

L'intimée sera condamnée à verser 300 fr. aux appelants à ce titre.

Chaque partie gardera ses dépens à sa charge.

5. Les frais d'appel seront mis à la charge des appelants, qui succombent pour l'essentiel dans leurs conclusions d'appel (art. 106 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 1'000 fr. et partiellement compensés avec l'avance de 720 fr. fournie par les appelants, acquise à l'Etat de Genève (art. 26 et 35 RTFMC). Les appelants seront condamnés solidairement à verser le solde en 280 fr. à l'Etat de Genève.

Ils seront en outre condamnés à verser aux intimés 1500 fr., débours et TVA inclus, au titre des dépens d'appel (art. 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 juin 2023 par A______, B______ et C______ contre le jugement JTPI/1690/2023 rendu le 6 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14906/2022-19 SFC.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement précité et, statuant à nouveau sur ces points :

Met à la charge des parties, à raison d'une moitié chacune, les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 600 fr. et compensés avec l'avance fournie par A______, B______ et C______.

Condamne D______ SA à verser 300 fr. à A______, B______ et C______, pris solidairement, au titre des frais judiciaires de première instance.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______, B______ et C______, pris solidairement, les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'000 fr. et partiellement compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne solidairement A______, B______ et C______ à verser 280 fr. à l'Etat de Genève au titre des frais judiciaires d'appel.

Condamne solidairement A______, B______ et C______ à verser 1'500 fr. à D______ SA au titre des dépens d'appel.


 

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.