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Décisions | Sommaires

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C/11969/2022

ACJC/563/2023 du 25.04.2023 sur OSQ/50/2022 ( SQP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 01.06.2023, rendu le 03.01.2024, CONFIRME, 5A_425/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11969/2022 ACJC/563/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 25 AVRIL 2023

 

Entre

A______ LTD, sise c/o B______ LTD, ______ (La Barbade), recourante contre un jugement rendu par la Vice-présidente du Tribunal de première instance de ce canton le 23 décembre 2022, comparant par Me Alexandre DE SENARCLENS, avocat,
Reiser Avocats, route de Florissant 10, 1206 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) C______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Patrick EBERHARDT, Eversheds Sutherland SA, rue du Marché 20, case postale, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

2) D______, sise ______ [État africain], autre intimée, comparant par
Me Pierre KOBEL, avocat, Athena Avocats, boulevard des Tranchées 16, 1206 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement OSQ/50/2022 du 23 décembre 2022, notifié aux parties le 5 janvier 2023, statuant par voie de procédure sommaire, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a déclaré recevable l'opposition formée le 24 août 2022 par [la société africaine] D______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 23 juin 2022 dans la cause C/11969/2022 (ch. 1 du dispositif), admis cette opposition (ch. 2), révoqué en conséquence ladite ordonnance de séquestre (ch. 3), mis les frais judiciaires - arrêtés à 6'000 fr. et comprenant les frais judiciaires de l'ordonnance de séquestre - à la charge de A______ LTD, compensé ces frais avec les avances de frais de 2'000 fr. respectivement fournies par chacune des parties (ch. 4 à 6), condamné A______ LTD à payer à [la banque] C______ et à D______ la somme de 2'000 fr. chacune à titre de restitution de leur avance (ch. 7 et 8) condamné A______ LTD à payer à C______ et à D______ la somme de 5'000 fr. chacune à titre de dépens (ch. 9 et 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 13 janvier 2023, A______ LTD recourt contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à l'irrecevabilité de l'opposition formée par C______ et au rejet de celle formée par D______, ainsi qu'à la confirmation de l'ordonnance de séquestre rendue le 23 juin 2022 dans la cause C/11969/2022, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans leurs réponses respectives, C______ et D______ concluent au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties n'ont pas spontanément répliqué, ni dupliqué.

Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 21 février 2023.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ LTD, sise à la Barbade, est, par le biais de sa succursale de F______ [capitale de E______, État africain], active dans l'extraction de pétrole et de gaz naturel en E______.

b. D______ est un établissement public intégralement détenu par l'Etat E______.

c. A______ LTD et D______ sont conjointement titulaires d'une concession pétrolière nommée G______, qu'elles exploitent par le biais de la société [de l'État] E______ H______ SA. Par accord du 6 octobre 2003, A______ LTD et D______ ont notamment convenu des modalités de l'affectation et de l'enlèvement du pétrole brut produit par ladite concession.

Le processus de vente de pétrole brut se résume comme suit : H______ SA informe D______ de la disponibilité d'une cargaison de pétrole "G______/1______". A______ LTD propose à D______ de lui vendre sa part nette de pétrole brut. D______ lance un appel d'offres et conclut un contrat de vente portant sur la totalité du pétrole brut. Ensuite, D______ achète à A______ LTD sa part nette selon un prix calculé sur la base de la vente de la totalité du pétrole.

d. Le 8 février 2022, H______ SA a informé D______ de la vente d'une cargaison de pétrole brut "G______/1______" d'environ 170'000 barils (+/- 5%). Cette quantité comprenait tant la part de A______ LTD que celle de D______.

Par fax du 28 février 2022, A______ LTD a proposé à D______ la vente de sa part nette de pétrole brut de 63'000 barils / 8'159 TM (+/- 5%). La fourchette de la période d'enlèvement était prévue entre le 18 et le 22 avril 2022. A______ LTD demandait à D______ de lui faire parvenir la meilleure offre pour l'achat de la quantité précitée.

e. A une date indéterminée, D______ a conclu un contrat de vente avec une entité du groupe I______, qui possède une filiale en Suisse, portant sur 171'834 barils, dont approximativement 63'000 barils appartenant à A______ LTD, pour un montant d'environ 18'000'000 USD.

f. Le 18 mars 2022, D______ a accepté d'acheter la part de pétrole brut de A______ LTD. Le paiement du prix devait intervenir par virement bancaire 45 jours après la date du connaissement, établi au moment de l'enlèvement (chargement) du pétrole. Tout litige entre les parties en lien avec cette transaction devait être réglé selon le règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale à Paris, et soumis au droit E______.

Le 24 mars 2022, A______ LTD a confirmé son accord avec ce qui précède.

g. Le 7 avril 2022, la banque C______, par sa succursale de Genève, a émis, sur ordre de I______ LTD à Guernesey, une lettre de crédit irrévocable référence 2______-GVRB, dont le bénéficiaire était D______, pour un montant de 18'000'000 USD.

Cette lettre était valable jusqu'au 31 mai 2022 et était payable au 30ème jour dès la date du connaissement. Elle devait être confirmée par [la banque E______] J______, que C______ s'engageait à rembourser à réception de son message confirmant que les documents présentés étaient conformes et après l'envoi des documents à son attention.

h. Le 21 avril 2022, H______ SA a établi un connaissement ("bill of lading") contenant la mention "to the order of C______, GENEVA" et indiquant que la cargaison de pétrole avait été chargée sur un navire au terminal de K______ ([à] E______), à destination de L______ (Italie).

Le même jour, A______ LTD a fait parvenir à D______ sa facture, pour un montant de 6'472'620 USD.

i. Par courriel du 27 avril 2022, D______ a indiqué à A______ LTD que la répartition de l'enlèvement du 21 avril 2022 concernait "D______/ETAT & M______".

j. Le 5 mai 2022, J______, banque confirmatrice, a demandé à C______ de lui verser, le 20 mai 2022 au plus tard, un montant de 17'114'321,86 USD, les documents reçus par elle étant conformes à ce qui était prévu dans la lettre de crédit.

Le lendemain, C______ a confirmé qu'elle procèderait au paiement de la somme requise.

k. Le 6 mai 2022, A______ LTD a mis D______ en demeure de payer sa facture du 21 avril 2022, ainsi que les intérêts de retard y relatifs.

l. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 23 juin 2022, A______ LTD a requis le séquestre, à concurrence de 6'240'635 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 6 juin 2022, de tous avoirs, espèces, liquidités, valeurs, titres et créances appartenant à D______ en mains de C______ et, en particulier, de la créance en faveur de D______ incorporée dans la lettre de crédit, référence 2______-GVRB émise le 7 avril 2022 par C______.

A______ LTD a invoqué le cas de séquestre prévu à l'article 271 al. 1 ch. 4 LP.

m. Par ordonnance du 23 juin 2022, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre requis.

D.           a. Par acte reçu le 4 juillet 2022 au greffe du Tribunal de première instance, C______ a formé opposition à l'ordonnance de séquestre, sollicitant son annulation avec suite de frais.

b. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 24 août 2022, D______ s'est également opposée au séquestre.

Exposant que celui-ci lui avait été notifié le jour même, elle a conclu à la révocation de l'ordonnance de séquestre et à la libération de C______ de toute mesure de séquestre, avec suite de frais.

c. Invitée à se déterminer par écrit, A______ LTD a conclu principalement, à la forme, à l'irrecevabilité de l'opposition formée par C______ et à la recevabilité de celle déposée par D______ et, au fond, au rejet de l'opposition déposée par D______, avec suite de frais. Subsidiairement, elle a conclu à ce que les deux oppositions soient déclarées recevables puis rejetées.

d. Lors de l'audience du 14 novembre 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

A______ LTD a produit un avis de droit de Me N______, avocat, indiquant qu'actuellement, le bénéficiaire de la lettre de crédit disposait de deux créances, l'une envers la banque confirmante, l'autre auprès de la banque émettrice. Par ailleurs, la créance du bénéficiaire contre la banque émettrice était séquestrable.

e. A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'intervention de C______ en Suisse était limitée à l'émission d'une lettre de crédit garantissant les obligations de l'acheteur final envers la venderesse D______, et non celles découlant du contrat à l'origine de la créance en garantie de laquelle le séquestre était requis, à savoir le contrat de vente entre A______ LTD et D______. Ce contrat était soumis au droit E______ et tout litige en découlant devait faire l'objet d'un arbitrage à Paris. A______ LTD, qui était sise à la Barbade, n'alléguait pas que le montant lui revenant devait lui être versé sur un compte bancaire en Suisse. La créance invoquée par celle-ci ne présentait dès lors pas de lien suffisant avec la Suisse, au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, et le fait que son ayant droit puisse être domicilié en Suisse, voire y exerce ses activités, ce qui n'était d'ailleurs pas rendu vraisemblable, ne lui était d'aucun secours. Il en allait de même du fait que l'acheteur final puisse être situé en Suisse. Par conséquent, l'ordonnance de séquestre devait être révoquée.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris étant une décision sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et art. 319 let. a CPC).

En matière de séquestre, la procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC). Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 33 al. 2, 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé selon la forme et dans le délai requis par la loi (art. 130, 131 et 142 al. 1 CPC), le recours est en l'espèce recevable, ce qui n'est pas contesté.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases aux maximes de disposition et des débats (art. 58 al. 2 CPC; art. 255 CPC a contrario) et la procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC).

2.             Sur le fond, la recourante reproche principalement au Tribunal d'avoir nié l'existence d'un cas de séquestre, au motif que la créance invoquée à l'appui du séquestre ne présenterait pas de lien suffisant avec la Suisse. La recourante conteste également la qualité d'opposante de l'intimée C______.

2.1 Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP.

2.1.1 La notion de "lien suffisant avec la Suisse" ne doit pas être interprétée restrictivement (ATF 135 III 608 consid. 4.5; 124 III 219 consid. 3; 123 III 494 consid. 3a et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_60/2013 du 27 mai 2013 consid. 4.2.1). L'idée centrale au cœur de cette exigence est de rendre plus difficile le prononcé d'un séquestre dans les situations où le seul lien avec la Suisse réside dans la présence de biens du débiteur en Suisse, tout en protégeant les droits menacés des créanciers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_222/2012 du 2 novembre 2012 consid. 4.2).

L'autorité de séquestre doit apprécier l'existence d'un lien suffisant à la lumière de l'ensemble des circonstances, en mettant en balance les intérêts du créancier et ceux du débiteur. Ainsi, le lien de la créance avec la Suisse est suffisant lorsque l'intérêt du créancier à poursuivre le débiteur au lieu du séquestre se base sur un point de rattachement avec la Suisse qui l'emporte, au regard de l'ensemble des circonstances, sur l'intérêt du débiteur à conserver intacte sa possession (arrêts du Tribunal fédéral 5A_519/2018 du 1er mai 2019 consid. 3.3; 5A_222/2012 précité consid. 4.2).

2.1.2 Outre les cas dans lesquels le droit suisse est applicable au litige ou pour lesquels les juridictions suisses sont compétentes ratione loci, la jurisprudence retient notamment comme point de rattachement le lieu d'exécution en Suisse de la prestation du créancier séquestrant ou de celle du débiteur séquestré (ATF 124 III 219 consid. 3b/bb; 123 III 494 consid. 3a). Ainsi, le paiement sur un compte en Suisse en relation avec le contrat litigieux peut constituer un lien suffisant avec la Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_222/2012 précité consid. 4.1.1 et les références citées).

Certains auteurs soutiennent qu'entrerait aussi en considération comme point de rattachement pertinent l'activité commerciale que le débiteur exerce en Suisse. Ainsi, lorsque la créance invoquée pour obtenir le séquestre est en lien avec l'activité commerciale exercée par le débiteur en Suisse, la condition du lien suffisant serait réalisée, quand bien même la créance n'est pas soumise au droit suisse (not. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, art. 271-352 LP, n° 74 ad art. 271 LP; Pedrotti, Le séquestre international, thèse, 2001, p. 194). A cet égard, certains auteurs affirment que l'intervention d'une banque sise en Suisse dans une opération de crédit documentaire pourrait conduire à admettre que le débiteur développe une activité commerciale en Suisse (not. Stoffel in Basler Kommentar, SchKG II, n. 93 ad art. 271 LP). La majorité d'entre eux précise toutefois qu'il faut que la banque suisse ait assumé un engagement de paiement (banque émettrice – soit la banque qui émet un crédit - ou banque confirmante - soit la banque qui ajoute, en sus de la banque émettrice, sa confirmation et son engagement dans le cadre d'un crédit documentaire irrévocable et confirmé) ou ait joué au moins un rôle actif. Selon une autre partie de la doctrine, le lien suffisant doit déjà être retenu lorsque la banque assume un rôle même marginal dans la relation contractuelle en cause. La doctrine ne précise cependant pas si un lien suffisant avec la Suisse doit aussi être retenu lorsque le crédit documentaire ne concerne pas directement la relation contractuelle dont est issue la créance en garantie de laquelle le séquestre est demandé, mais une autre relation contractuelle, telle qu'un contrat de vente se trouvant seulement en relation de connexité avec elle (arrêt du Tribunal fédéral 5A_222/2012 précité consid. 4.1.2 et les nombreuses références doctrinales). Pour l'heure, le Tribunal fédéral n'a pas tranché cette question.

2.2 En l'espèce, la créance invoquée à l'appui du séquestre concerne la vente d'une quantité de pétrole par une société sise à la Barbade, soit la recourante A______ LTD, à une société E______, soit l'intimée D______, en vertu d'un contrat soumis au droit E______ et prévoyant en cas de litige un arbitrage à Paris.

Il n'est pas allégué, ni rendu vraisemblable, que le paiement du prix revenant à la recourante A______ LTD devait être payé par l'intimée D______ sur un compte bancaire en Suisse, ni à partir d'un tel compte. Contrairement à celui de la créance séquestrée, le paiement de la créance à la base du séquestre ne supposait pas l'intervention d'une banque suisse, dans le cadre d'une opération documentaire ou à un quelconque autre titre.

Comme l'a correctement retenu le Tribunal, aucun lien entre la créance concernée et la Suisse ne résulte donc des éléments précités.

Le fait que l'intimée D______ ait eu pour but de revendre la quantité de pétrole acquise de la recourante, additionnée d'autres quantités propres, à une entité du groupe I______, ne permet par ailleurs pas de retenir que ladite intimée déploierait une activité commerciale en Suisse, au sens des principes rappelés ci-dessus. Outre que la vente régulière par celle-ci de marchandises audit groupe n'est pas alléguée, ni rendue vraisemblable, il n'est pas établi que l'acquéreur final du pétrole litigieux serait en l'espèce la filiale suisse du groupe en question, étant observé que le donneur d'ordre de la lettre de crédit émise en faveur de l'intimée D______ est une entité sise à Guernesey.

D'une manière générale, la recourante feint de confondre la créance séquestrée, soit la créance de D______ contre une entité du groupe I______, laquelle présente vraisemblablement un lien suffisant avec la Suisse, au sens des principes susvisés, du fait du recours de ladite entité à une lettre de crédit émise par une banque suisse pour satisfaire à son obligation de paiement, avec la créance invoquée à la base du séquestre, soit la créance propre de la recourante contre l'intimée D______, pour le paiement de laquelle le recours à aucun instrument particulier n'est apparemment prévu, et qui ne présente aucun autre point de rattachement avec la Suisse. La seule connexité pouvant être aperçue entre les deux créances, puisque la recourante était informée du prix auquel sa marchandise serait revendue à l'acquéreur final, ne suffit pas à conférer à la créance de celle-ci un lien qualifié avec la Suisse. Il n'est notamment pas allégué, ni rendu vraisemblable, que la recourante fût alors informée du fait que l'acquéreur final s'acquitterait de son obligation par le biais d'une lettre de crédit émise par une banque suisse, ni que le recours à cet instrument aurait revêtu une importance quelconque dans sa décision de vendre sa part du pétrole à l'intimée pour le prix qui lui était indiqué. Il est au surplus rappelé que l'existence d'un lien suffisant avec la Suisse en présence de créances seulement connexes n'est, à ce stade, reconnue ni par la doctrine, ni par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

S'agissant de l'intérêt respectif des parties au maintien du séquestre litigieux, que la recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné, on relèvera que la solution choisie par les parties, dans laquelle la recourante se contente de vendre "préalablement" une quantité de pétrole à l'intimée D______, plutôt que d'apparaître aux côtés de celle-ci dans la vente à l'acquéreur final - et d'être également désignée bénéficiaire de l'instrument de paiement choisi - revient à faire théoriquement supporter à l'intimée D______ la totalité du risque de défaut ou de fraude dudit acquéreur, la recourante demeurant fondée à obtenir le paiement de sa part de marchandise auprès de l'intimée en pareil cas. La recourante ne peut simultanément vouloir tirer profit du mode de paiement convenu par l'intimée avec l'acquéreur final - et des liens que ce mode présente in casu avec la Suisse - pour obtenir des garanties que ses accords avec l'intimée ne prévoient pas, dans l'éventualité où comme en l'espèce, un litige naîtrait non pas avec l'acquéreur susvisé, mais avec l'intimée elle-même. Il est ici observé que la recourante a librement consenti au mode de règlement alternatif des litiges convenu avec ladite intimée et qu'elle a pleinement accepté les éventuelles difficultés de recouvrement auxquelles elle prétend être exposée en cas d'issue favorable de la procédure en cause, sans d'ailleurs rendre lesdites difficultés autrement vraisemblables. Pour sa part, l'intimée D______, qui assume seule les risques de la transaction finale, doit pouvoir compter sur le paiement effectif de son cocontractant à cette transaction, même si le principe ou la quotité d'une part de pétrole provenant de la recourante sont contestés par celle-ci, y compris lorsque que le paiement de l'acquéreur final offre par hypothèse un point de rattachement avec la Suisse.

2.3 Dans ces conditions, les intérêts respectifs des parties et le rapport très indirect que la créance invoquée à l'appui du séquestre possède avec la Suisse ne permettent pas de retenir l'existence d'un lien suffisant entre cette créance et notre pays, au sens de la disposition et des principes rappelés ci-dessus.

Par conséquent, c'est à bon droit que, sur opposition de l'intimée D______, le Tribunal a nié l'existence d'un cas de séquestre, étant rappelé qu'il n'est pas allégué qu'il existerait en l'espèce une reconnaissance de dette, ni un autre cas de séquestre.

Le recours sera dès lors rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si l'intimée C______ était elle aussi fondée à former opposition.

3.             Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 48 et 61 OELP) et mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

A titre de dépens du recours, la recourante sera en outre condamnée à verser la somme de 3'300 fr. à l'intimée C______ (art. 23 LaCC, art. 84, art. 88 à 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC), ainsi que la somme de 3'100 fr. à l'intimée D______ (art. 23 LaCC, art. 84, art. 88 à 90 RTFMC), débours compris (art. 25 LaCC), sans TVA compte tenu du siège de celle-ci à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2023 par A______ LTD contre le jugement OSQ/50/2022 rendu le 23 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11969/2022.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 3'000 fr., les met à la charge de A______ LTD et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ LTD à payer à C______ la somme de 3'300 fr. à titre de dépens de recours.

Condamne A______ LTD à payer à D______ la somme de 3'100 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.