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Décisions | Sommaires

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C/21656/2022

ACJC/509/2023 du 17.04.2023 sur JTPI/15040/2022 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21656/2022 ACJC/509/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 17 AVRIL 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 décembre 2022, comparant en personne,

et

B______, sise ______, intimée, comparant en personne.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15040/2022 du 15 décembre 2022, reçu par A______ le 21 décembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur requête de [la caisse de pension] B______, a prononcé la faillite de ce dernier (ch. 1 du dispositif) et l'a condamné à verser à sa partie adverse 120 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 2 et 3).

B. a. Le 21 décembre 2022, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et rejette la requête de faillite.

Il a établi avoir payé la dette poursuivie, intérêts et frais compris, et a fait valoir qu'il était solvable.

Il a allégué des faits nouveaux et produit son bilan et son compte de pertes et profits de l'année 2021, non audités.

b. Par décision du 30 décembre 2022, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

c. Par ordonnance du 3 janvier 2023, reçue le 9 janvier suivant, la Cour a imparti à A______ un délai de dix jours pour déposer les pièces justifiant de sa solvabilité et se prononcer sur la liste des actes de défaut de biens et des poursuites en cours jointe à l'ordonnance.

d. Par courrier déposé le 19 janvier 2023 au greffe de la Cour, A______ a produit un nouvel exemplaire de son bilan et de son compte de pertes et profits 2021, ainsi que son compte de pertes et profits provisoire de l'année 2022.

Il a allégué des faits nouveaux.

e. Dans sa réponse du 25 janvier 2023, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit trois relevés de compte concernant A______, respectivement le restaurant C______, et couvrant la période allant du 1er janvier 2020 au 24 janvier 2023.

f. En l'absence de réplique, les parties ont été informées par avis de la Cour du 23 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.


 

C. La situation financière de A______ est la suivante:

a. A______ est inscrit au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2020 comme exploitant en raison individuelle de l'entreprise C______, qui a comme but social notamment l'exploitation d'un café-restaurant.

b. A teneur de son extrait des poursuites au 22 décembre 2022, il fait l'objet de dix poursuites en cours, introduites entre novembre 2021 et décembre 2022, pour un montant total de plus de 8'230 fr., non compris la poursuite faisant l'objet de la présente procédure.

Trois de ces poursuites, portant sur des montants de 220 fr., 668 fr. et 216 fr. se trouvent au stade de la commination de faillite. Une poursuite est en voie de continuation pour un montant de 3'500 fr. Les six autres poursuites sont au stade de l'ouverture.

A ces poursuites s'ajoutent 14 actes de défaut de biens pour un total non éteint de 52'574 fr., dont 27'762 fr. en faveur de B______.

Entre 2020 et 2022, onze autres poursuites ont été intentées pour un montant d'environ 14'000 fr. Elles ont été soit acquittées à l'Office, soit soldées après réalisation.

c. A______ a allégué devant la Cour que sa situation résultait en particulier du non-octroi des aides instaurées en raison de la pandémie de covid-19 (indemnités RHT et pour cas de rigueur, etc.). Il avait toutefois procédé à une "réorganisation financière du restaurant" et l'exercice 2022 avait été meilleur que l'exercice 2021. Il disposait en outre de deux autres entreprises, D______ SARL et E______ SARL et pensait qu'il pourrait, compte tenu des projections pour 2023, devenir prochainement salarié de ces sociétés. A cela s'ajoutait que son épouse percevait désormais une rente d'invalidité "en complément du revenu familial". Au vu de cette amélioration de ses affaires, il était en mesure d'amortir progressivement ses dettes et sollicitait l'annulation de sa mise en faillite.

d. B______ a quant à elle fait valoir qu'à teneur des relevés de compte joints à sa réponse, ses créances envers A______ s'élevaient à 27'499 fr. 80 (restaurant C______, caisse de compensation), 5'308 fr. 50 (restaurant C______, caisse de pension) et 1'422 fr. 48 (A______, cotisations personnelles AVS) au 24 janvier 2023. A______ ne respectait ainsi pas ses obligations d'employeur. Il accumulait en outre les dettes, ce qui justifiait sa mise en faillite.

e. A______ a produit des états financiers non audités et non accompagnés de pièces justificatives.

Selon le compte de pertes et profits de la raison individuelle au 31 décembre 2021, le chiffre d'affaires de l'exercice s'est élevé à 342'509 fr., les charges à 316'313 fr. (83'533 fr. + 232'780 fr.) et le bénéfice à 26'196 fr.

Le bilan 2021 fait apparaître des actifs circulants à hauteur de 113'070 fr. (1'500 fr. de caisse, 10 fr. et -935 fr. en banque, 31'918 fr. de stock, 54'500 fr. de créances et 26'076 fr. d'actifs transitoires), des actifs immobilisés à hauteur de 14'831 fr. (soit au total 127'900 fr. d'actifs) et des dettes à court terme de 139'875 fr. Le résultat de l'exercice (26'196 fr.) est en outre entièrement absorbé par les prélèvements privés (79'974 fr.). La raison individuelle est ainsi surendettée à hauteur de 11'974 fr.

Selon le compte de pertes et profits provisoire 2022, le chiffre d'affaires du dernier exercice s'est élevé à 360'156 fr., les charges à 276'378 fr. (73'958 fr. + 202'420 fr.) et le bénéfice net à 83'778 fr. Aucun bilan provisoire n'a été produit.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par le recourant sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui a été imparti par la Cour et servent à établir que la dette a été payée ainsi que sa solvabilité. Il en va de même des pièces produites par l'intimée qui concernent pour l'essentiel des faits antérieurs au jugement entrepris.

2. 2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1; 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25).

Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 précité, ibidem; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, le recourant a payé la dette pour laquelle il était poursuivi par l'intimée, de sorte que la première condition pour annuler le jugement de faillite est remplie.

Reste à examiner s'il a rendu vraisemblable qu'il était solvable.

A cet égard, il convient de relever tout d'abord que les documents comptables produits par le recourant ne sont ni audités, ni accompagnés de pièces justificatives. Leur valeur probante est dès lors très faible.

En tout état de cause, ces documents comptables ne rendent pas la solvabilité du recourant vraisemblable.

Il appert tout d'abord que le recourant était surendetté à hauteur de 11'974 fr. à l'issue de l'exercice 2021 et ne disposait d'aucune liquidité. Sur quelques 113'000 fr. d'actifs circulants au 31 décembre 2021, seuls 1'500 fr. se trouvaient en effet en caisse. Les comptes bancaires présentaient quant à eux un solde débiteur.

Le recourant est certes, selon ses allégations, parvenu à augmenter son chiffre d'affaires et à diminuer ses charges en 2022, ce qui lui aurait permis de réaliser un bénéfice de 83'778 fr. Dans la mesure où le recourant a continué à accumuler des poursuites en 2022, ce bénéfice n'a cependant pas été suffisant pour lui permettre de faire face à ses échéances de paiement.

Le recourant n'a par ailleurs pas détaillé dans quelle mesure l'hypothétique obtention d'un salaire de la part des deux sociétés lui appartenant, D______ SARL et E______ SARL, ainsi que l'octroi d'une rente d'invalidité à son épouse, lui permettraient de régler les montants en souffrance et de faire face aux échéances courantes. Il n'a pas non plus prétendu avoir réglé des poursuites durant la présente procédure de recours, ni n'a établi de plan de désendettement. Son affirmation, selon laquelle il pense pouvoir amortir progressivement les dettes de son entreprise individuelle, n'est dès lors pas rendue suffisamment vraisemblable.

En tout état de cause, il ressort de l'extrait du registre des poursuites versé à la procédure que le recourant fait l'objet de poursuites exécutoires à son encontre, soit trois comminations de faillite et une poursuite en voie de continuation d'un montant de 3'500 fr. A cela s'ajoutent six nouvelles poursuites récemment introduites pour une somme totale de 4'676 fr. Sa situation est ainsi obérée, et il n'est pas rendu vraisemblable qu'il s'agirait de difficultés passagères. En effet, depuis 2020, onze poursuites ont été intentées à l'encontre du recourant pour un montant d'environ 14'000 fr., avant d'être soldées. Pendant cette même période, quatorze actes de défaut de biens ont été délivrés à l'encontre du recourant, pour un montant total de plus de 52'000 fr.

Le recourant manque ainsi de liquidités depuis plusieurs années et rien ne permet de retenir que cette situation serait susceptible d'évoluer favorablement à court terme.

Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être considéré, au vu des éléments apportés par l'intéressé, que celui-ci a rendu vraisemblable qu'il était solvable. Une des conditions posées par l'art. 174 al. 2 LP fait ainsi défaut.

Le recours doit par conséquent être rejeté et la faillite confirmée.

3. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

La faillite du recourant sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de son recours, arrêtés à 220 fr., couverts par l'avance de frais déjà opérée qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 61 al. 1 OELP, art. 105 al. 1 et 111 al. 1 CPC).

L'intimée ayant comparu en personne, il ne se justifie pas de lui allouer des dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 21 décembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/15040/2022 rendu le 15 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21656/2022-10 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ prenant effet le 17 avril 2023 à 12h00.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente
(art. 74 al. 2 let. d LTF).