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Décisions | Sommaires

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C/10552/2022

ACJC/1525/2022 du 17.11.2022 sur ORTPI/920/2022 ( SQP ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10552/2022 ACJC/1525/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 17 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recouante contre une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 août 2022, comparant par Me Pierre SIEGRIST, avocat, Grand-Rue 17, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sis ______, intimés, comparant par Me Pascal MAURER, avocat, Keppeler Avocats, Rue Ferdinand-Hodler 15, Case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.


EN FAIT

A. a. Le 22 janvier 2021, le Tribunal de première instance a ordonné, à la requête des B______, le séquestre de différents biens de C______, parmi lesquels ses avoirs déposés auprès de [la caisse de prévoyance professionnelle] E______ (ci-après, la E______) et de la FONDATION [de libre passage] F______, pour une créance de 20’460’487 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2012, le titre de créance étant deux arrêts de respectivement la Chambre pénale d’appel et de révision du 26 mai 2020 et du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020.

Le séquestre porte la référence n° 1______.

b. Répondant à l'avis de séquestre reçu par elle le 22 janvier 2021, la E______ a précisé dans un courrier du 11 février 2021 à l'Office cantonal des poursuites (ci-après, l'Office) que lors de la procédure de divorce de A______/C______ la prestation de libre passage de C______ de 8'496'185 fr. avait été partagée, de sorte qu'un montant de 4'248'092 fr. revenait à A______.

L'Office a considéré ce courrier comme une revendication et en conséquence fixé un délai aux B______ pour contester la prétention du tiers revendiquant devant le juge compétent.

c. Par décision DCSO/417/21 du 21 octobre 2021, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après, la Chambre de surveillance), statuant sur plainte de C______ contre l'exécution du séquestre précité, a annulé celui-ci en tant qu'il portait sur les avoirs de prévoyance professionnelle déposés par C______ auprès de la E______ et invité l'Office des poursuites à rectifier le procès-verbal de séquestre en conséquence.

Le Tribunal fédéral, par arrêt 5A_907/2021 du 20 avril 2022, notifié le 2 juin 2022 aux B______, a confirmé l'arrêt de la Chambre de surveillance. Il a relevé que le moment déterminant pour décider du caractère saisissable d'un actif était celui de l'exécution du séquestre. Un bien qui avait été défini comme insaisissable pouvait, par la survenance d'événements le rendant saisissable, être séquestré à la condition toutefois que l'office soit requis de procéder à un nouvel examen du patrimoine du poursuivi (consid. 6.1).

d. B______, le séquestre des avoirs déposés par C______ auprès de la E______, de ceux transférés par la E______ auprès de la FONDATION F______ et de ceux revendiqués par A______ en mains de l'Office des poursuites de Genève, pour une créance de 20'460'487 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2012, le titre de créance étant deux arrêts de respectivement la Chambre pénale d'appel et de révision du 26 mai 2020 et du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020.

Le séquestre porte la référence n° 2______.

Le 20 juin 2022, l'Office des poursuites a dressé un procès-verbal de non-lieu de séquestre des biens en ses mains, en celles de la E______ et de la FONDATION F______, au motif que l'état de fait décrit dans l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_907/2021 ne s'était pas modifié, de sorte que les biens visés dans l'ordonnance étaient insaisissables.

e. Le 24 juin 2022, A______ a formé opposition au séquestre. La procédure a été enregistrée sous n° C/10552/2022.

A______ a exposé avoir appris qu'un séquestre avait été prononcé à l'encontre de C______ le 3 juin 2022 portant sur les avoirs "revendiqués par elle en mains de l'Office des poursuites". Elle sollicitait en conséquence la notification de l'ordonnance de séquestre et faisait d'ores et déjà opposition à dite ordonnance. Elle n'avait aucune dette envers les B______ et n'avait émis aucune revendication, les biens en mains de l'Office des poursuites étant sa seule propriété suite à son divorce.

Par ordonnance du 26 juillet 2022, le Tribunal a imparti aux B______ un délai au 15 août 2022 pour se déterminer par écrit sur l'opposition.

f. Le 1er juillet 2022, les B______ ont déposé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre du 20 juin 2022. L'effet suspensif a été accordé à la plainte par décision du 4 juillet 2022. La procédure, enregistrée sous n° A/3______/2022, est toujours en cours.

g. Par courrier du 15 août 2022, les B______ ont, dans la procédure d'opposition à séquestre, conclu préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la procédure de plainte contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre.

B. Par ordonnance ORTPI/920/2022 du 17 août 2022, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure [d'opposition à séquestre jusqu'à ce que la Chambre de surveillance ait rendu sa décision au sujet du non-lieu de séquestre] et invité la partie la plus diligente à solliciter la reprise de la procédure.

Il a retenu que la décision de la Chambre de surveillance pourrait avoir une incidence sur la procédure en opposition à séquestre.

C. a. Par acte déposé le 29 août 2022 à la Cour de justice, A______ forme recours contre cette ordonnance, reçue le 19 août 2022, concluant à son annulation et à ce que soit ordonnée la reprise de la procédure, sous suite de frais et dépens.

Ils ont produit des pièces nouvelles.

b. Par réponse du 16 septembre 2022, les B______ ont conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Ils ont produit des pièces nouvelles.

c. Par réplique du 29 septembre 2022, A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a produit une pièce nouvelle.

d. Les B______ ayant renoncé à dupliquer, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger par courrier du 11 octobre 2022.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (ch. 2).

La décision ordonnant la suspension de la cause est une mesure d'instruction qui peut, conformément à l'art. 126 al. 2 CPC, faire l'objet du recours de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (Gschwend/Bornatico, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 17a ad art. 126 CPC).

1.2 En l'espèce, dirigé contre une ordonnance ordonnant la suspension de la procédure, le recours, écrit et motivé, et déposé auprès de l'instance de recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1et 2 CPC), est recevable.

1.3 Dans la procédure de recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.4 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les pièces nouvelles sont irrecevables.

2. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir ordonné la suspension de la cause.

2.1.1 Le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d’opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d’un autre procès (art. 126 al. 1 CPC).

L’art. 126 al. 1 CPC ne dit rien sur le droit d’être entendu avant la décision. Dès lors, les principes généraux de l’art. 53 al. 1 CPC sont applicables. L’importance que le législateur accorde à la décision (positive) de suspension s’exprime dans le fait qu’il aménage expressément une possibilité de recours (art. 126 al. 2 CPC); la décision a une portée particulière, car la suspension est en conflit avec l’exigence de célérité et peut ainsi contrevenir à l’interdiction constitutionnelle du retard à statuer. Le droit d’être entendu ne peut pas non plus être respecté par l’examen des objections du recourant par le TF, dans une procédure de recours. En effet, le juge qui conduit le procès dispose d’un pouvoir d’appréciation, que le TF ne revoit qu’avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 4A_409/2015 du 2 décembre 2015 consid. 4 et réf.). Le droit d’être entendu est dès lors violé lorsque la possibilité d’une détermination préalable n’est pas accordée [Cf. ég. arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.2-4.3: si les parties ont pu se déterminer sur la suspension de la procédure lors du double échange d'écritures, il n'est pas nécessaire de les entendre à nouveau avant de rendre la décision sur ce point . Il n'y a pas de violation du droit d'être entendu] (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2016 du 8 novembre 2016 consid. 2).

Le droit d'être entendu - dont le respect doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid.1) - est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1). En d'autres termes, si l'autorité précédente a violé des garanties formelles de procédure, la cassation ("Kassation") de sa décision est la règle (ATF 137 I 195 consid. 2.7). Toutefois une violation - pas particulièrement grave - du droit d'être entendu peut exceptionnellement être guérie si l'intéressé peut s'exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d'examen en fait comme en droit (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2).

2.2 En l'occurrence, il ne résulte pas du dossier que le premier juge aurait recueilli la position de la recourante, avant de décider la suspension de la présente procédure.

Pareil procédé constitue une violation du droit d'être entendu.

Par conséquent, la décision entreprise sera annulée, quoi qu'il en soit de son bien-fondé. Il sera cependant relevé que la question de la saisissabilité des biens séquestrés, objet de la plainte devant la Chambre de surveillance, n'est pas la même que celle soulevée dans le cadre de l'opposition à séquestre, et que les parties à ces deux procédures ne sont pas les mêmes.

3. Les frais de la présente décision arrêtés à 500 fr. seront mis à la charge du canton (art. 107 al. 3 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à la recourante son avance de frais.

La répartition des dépens, arrêtés à 2'000 fr. (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23 LaCC), sera déléguée au Tribunal à qui la cause est renvoyée (art. 104 al. 4 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté 29 août 2022 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/920/2022 rendue le 17 août 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10552/2022-16 SQP.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Renvoie la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 500 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de 500 fr.

Arrête les dépens à 2'000 fr., et délègue leur répartition au Tribunal.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.