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Décisions | Chambre pénale de recours

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PG/500/2022

ACPR/833/2022 du 24.11.2022 sur OMP/14712/2022 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : PLAIGNANT;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;INTÉRÊT ACTUEL
Normes : CPP.382.al1; CPP.61

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PG/500/2022 ACPR/833/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 24 novembre 2022

 

Entre

 

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 30 août 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 6 septembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 août 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder l'assistance judiciaire.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 1'258.40, à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la nomination de Me B______ en tant que conseil d'office, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 29 août 2022, A______ a, par le biais de son conseil, informé le Ministère public vouloir déposer une plainte pénale contre C______ et inconnu, pour des faits vraisemblablement qualifiables d'escroquerie, abus de confiance, faux dans les titres, menaces et contrainte, notamment, et être d'ores et déjà convoqué le lendemain à la police.

À la fin de l'année 2019, son beau-frère et lui-même avaient été approchés par C______ qui leur a proposé de participer à une opération permettant de récupérer un portefeuille de 100'000 bitcoins (valeur approximative à la mi-2020 : CHF 900'000'000.-) que celui-ci avait constitué alors qu'il travaillait comme informaticien à D______, au Brésil, étant précisé que pour récupérer ces bitcoins, il fallait acheter du matériel informatique particulièrement puissant.

Il avait, sur la base de cette tromperie, investi au total une somme de plus de CHF 100'000.-, financée notamment par un prêt contracté auprès de son entreprise E______ SA, dans l'achat de ce matériel informatique. Il n'avait toutefois pas pu récupérer son investissement, C______ ayant disparu après l'avoir menacé (notamment de mort) et cherché à l'empêcher de déposer plainte pénale contre lui, respectivement pour qu'il abandonne ses démarches.

À l'appui de sa demande d'assistance judiciaire, il fait valoir la nécessité d'être assisté de son conseil, au regard de la complexité de l'état de fait et des nombreux moyens de preuves à produire. Il était légitimé à demander à tout le moins la réparation du préjudice subi, ses conclusions civiles devant encore être précisées et justifiées ultérieurement. En outre, sa situation financière était précaire. Il avait deux enfants à charge, son épouse était au chômage. Le chiffre d'affaires de son entreprise et son salaire avaient diminué drastiquement en raison des conséquences de la pandémie.

b. Il ressort de l'extrait du Registre du commerce que la société E______ SA est une société anonyme, inscrite le ______ 2001. A______ a été inscrit comme administrateur le 17 août 2021.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a constaté que la demande d'assistance judiciaire était prématurée. Il lui était impossible à ce stade de déterminer si A______ pouvait faire valoir des prétentions civiles ne paraissant pas vouées à l'échec. Il était loisible au précité de la formuler lors du dépôt de sa plainte pénale.

D. a. À l'appui de son recours, A______ estime avoir la qualité pour recourir. Il était directement visé par la décision de refus d'octroi de l'assistance judiciaire et même s'il pouvait renouveler sa demande ultérieurement, il avait le droit d'être fixé, un éventuel refus n'étant pas sans effet sur sa possibilité de se faire assister d'un avocat, pour des raisons financières. Sa demande était clairement déterminée et son intérêt actuel, dès lors que le dépôt de plainte était intervenu le jour même où la demande d'assistance judiciaire était parvenue au Ministère public. Il remplissait les conditions de l'art. 136 CPP. Sa situation financière était précaire. Ses conclusions civiles n'apparaissaient pas vouées à l’échec, vu le résumé des faits exposés dans son courrier du 29 août 2022. Dans le cas contraire, le Ministère public aurait dû, avant de statuer, solliciter de la police la copie du procès-verbal de son audition en qualité de partie plaignante.

b. Dans ses observations du 30 septembre 2022, le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le dépôt de plainte de A______ n'était pas conditionné à l'octroi de l'assistance judiciaire. En déposant plainte avant d'obtenir une décision à cet égard, il n'avait pas d'intérêt actuel et pratique à recourir contre l'ordonnance querellée. Il n'avait pas non plus d'intérêt juridiquement protégé à son annulation, dès lors que les investigations de police pouvaient se faire sans l'intervention de son conseil et que les conditions d'un éventuel octroi de l'assistance judicaire seraient examinées lors de la saisine du Ministère public. En outre, la manière de procéder "par anticipation", avant le dépôt de la plainte, ne permettait pas de déterminer si l'action civile paraissait vouée à l'échec ou non.

c. Dans sa réplique, le recourant persiste dans ses conclusions et précise que le Ministère public aurait pu surseoir à statuer dans l'attente du dossier constitué par la police, voire demander à la brigade concernée la copie du procès-verbal de dépôt de plainte.


 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Il faut encore examiner si le recours est recevable sous l'angle de l'art. 382 al. 1 CPP.

1.2.1. À teneur de cette disposition, seule une partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.

Le recourant, quel qu'il soit, doit être directement atteint dans ses droits et doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut, par conséquent, en déduire un droit subjectif. Le recourant doit en outre avoir un intérêt à l'élimination de cette atteinte, c'est-à-dire à l'annulation ou à la modification de la décision dont provient l'atteinte (A. KUHN / Y. JEANNERET [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 382 ; DCPR/139/2011 du 10 juin 2011 ; ACPR 637/2015 du 25 novembre 2015). L'intérêt doit être juridique et direct, le but étant de permettre aux tribunaux de ne trancher que des questions concrètes et de ne pas prendre des décisions uniquement théoriques. À noter que l'intérêt juridiquement protégé se distingue de l'intérêt digne de protection qui n'est pas, lui, nécessairement juridique mais peut aussi être un pur intérêt de fait ; ce dernier ne suffisant pas à fonder une qualité pour recourir. Ainsi, l'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt futur ne suffit pas (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 2 ad art. 382 CPP et les références).

Le recours d'une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision est en principe irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2012 du 12 mars 2013 consid. c. 2.3.1).

1.2.2. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'al. 2 de cet article, l'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

L'assistance judiciaire de la partie plaignante se justifie en priorité pour défendre ses conclusions civiles. L'art. 136 al. 1 CPP n'exclut cependant pas que le conseil juridique assistant le plaignant au bénéfice de l'assistance judiciaire puisse intervenir, déjà au stade de l'instruction préliminaire, également sur les aspects pénaux, qui peuvent avoir une influence sur le principe et la quotité des prétentions civiles (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.2 ; 6B_458/2015 du 16 décembre 2015 consid. 4.3.3 et références citées). À cela s'ajoute que la partie plaignante doit être indigente et sa cause ne doit pas être dénuée de toute chance de succès.

1.2.3. Selon l'art. 61 CPP, l'autorité investie de la direction de la procédure est le ministère public, jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation (let. a), l'autorité pénale compétente en matière de contraventions, s'agissant d'une procédure de répression des contraventions (let. b), le président du tribunal, s'agissant d'une procédure devant un tribunal collégial (let. c) ou le juge, s'agissant d'une procédure devant un juge unique (let. d).

La direction de la procédure ordonne les mesures nécessaires au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Dans le cadre d'une procédure devant un tribunal collégial, la direction de la procédure exerce toutes les attributions qui ne sont pas réservées au tribunal lui-même (al. 2).

1.2.4. Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (art. 29 al. 3 Cst).

1.2.5. Dans l'arrêt 6B_721/2013 du 22 octobre 2013 cité par le Ministère public, le Tribunal fédéral a dénié un intérêt juridique au recourant qui souhaitait pour l'avenir, tant que durerait son hospitalisation dans le cadre d'une mesure thérapeutique institutionnelle, obtenir le bénéfice de l'assistance judiciaire. Le Tribunal fédéral a précisé que l'intérêt juridique devant être actuel, le recourant ne pouvait prétendre par anticipation à bénéficier d'une assistance juridique pour toute procédure relative à la mesure thérapeutique dont il faisait l'objet. Cette question devait être réglée pour chaque procédure (consid. 1.2).

1.2.6. En l'espèce, le recourant sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la plainte déposée à la police le lendemain de sa requête.

Or, les dispositions précitées n'accordent pas un droit d'obtenir, de manière anticipée, l'assistance judiciaire pour une plainte pénale pas encore déposée. La demande du recourant visait clairement à recevoir la garantie d'une couverture des frais pour une procédure pénale à venir, et il n'avait pas encore la qualité de partie. Il n'existait d'ailleurs pas de direction de la procédure au sens de l’art. 61 CPP.

Il s'ensuit que le recourant ne peut pas, en l'espèce, se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé et actuel à recourir au sens de l'art. 382 al. 1 CPP.

2. Partant, le recours est irrecevable.

3. Les frais resteront à la charge de l'État (art. 20 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'Etat.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).