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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/54/2022

ACPR/782/2022 du 09.11.2022 ( PSPECI ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 12.12.2022, rendu le 16.02.2023, IRRECEVABLE, 6B_1472/2022
Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;SOINS MÉDICAUX;TRAITEMENT FORCÉ;COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE
Normes : CP.59.al2; LS.50; LS.51; REPM.4.al1; REPM.4.al6

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/54/2022 ACPR/782/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 9 novembre 2022

 

Entre

A______, actuellement placé à l'Unité B______ de l'Hôpital de psychiatrie de C______, ______[GE], comparant en personne,

recourant,

 

contre la décision rendue le 28 juillet 2021 [recte : 2022] par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 78-82, case postale 1629, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 8 août 2022, A______ – par le biais de son conseil d'alors – recourt contre la décision du 28 juillet 2021 [recte : 2022], notifiée par pli recommandé à une date non établie par le dossier, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) s'est déclaré incompétent pour statuer sur son recours interjeté contre la décision de traitement sans consentement du 1er juillet 2022.

Le recourant conclut à l'annulation de la décision précitée, au constat de la nullité de la décision de traitement rendue le 1er juillet 2022, au constat du déni de justice résultant de la décision du SAPEM, subsidiairement à l'annulation de la décision de traitement sans consentement précitée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant suisse né en 1978, a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu de la Chambre d'accusation, le 26 mai 2009, par laquelle il a été déclaré irresponsable des chefs de menaces et injure. Une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP a été prononcée.

Il lui était reproché d'avoir, le 24 septembre 2008, proféré des menaces, en disant "la prochaine fois je ne viendrai pas les mains vides", aux deux agents de la sécurité du greffe du Parquet du Procureur général. Le soir même, les infirmiers de la clinique de C______, où il avait été admis en raison de son état, avaient trouvé dans son manteau un pistolet 9 mm avec une balle engagée dans le canon, ainsi que trois couteaux. Devant le juge d'instruction, il avait reconnu que lorsqu'il s'était présenté au greffe du Parquet du Procureur général, il était déjà muni des armes retrouvées dans son manteau. Il portait en permanence sur lui une arme chargée, car il disait faire l'objet de menaces de la part d'inconnus ainsi que de la police.

b. Selon le rapport d'expertise psychiatrique du 6 mars 2009, A______ souffrait, au moment des faits, d'un grave trouble mental sous forme d'un trouble délirant persistant de type paranoïaque, de sévérité élevée. Convaincu d'être l'objet d'un complot international le mettant en danger de mort, il s'était muni d'une arme à feu dont il pourrait se servir en cas de nécessité, c'est-à-dire de sentiment de danger de mort imminent. Il présentait un risque de commettre de nouvelles infractions du même genre, soit des menaces et agressions verbales, mais il était possible que les infractions soient de nature différente et plus grave, du fait du caractère persécutoire de son délire, sous la forme de possibles actes dangereux pour la société. Un traitement institutionnel pourrait diminuer le risque de récidive. Son anosognosie était un signe particulièrement grave de sa maladie. Le traitement devait consister "absolument et nécessairement" en l'administration d'un traitement neuroleptique pendant plusieurs mois pour que la maladie psychotique puisse entrer en rémission et que A______ saisisse la nécessité de le continuer par lui-même. Une psychothérapie devait de plus être initiée pour lui permettre de mieux connaître sa maladie.

c. A______ a été placé en détention le 1er octobre 2008, puis en traitement institutionnel en milieu fermé (art. 59 al. 3 CP).

d. Fin 2014, en l'absence de toute collaboration de A______ en vue de la prise d'un traitement médicamenteux, les médecins ont prononcé une mesure de placement à des fins d'assistance (ci-après, PAFA) pour le lui prodiguer contre son gré.

Les instances civiles cantonales ont rejeté les recours formés par l'intéressé, qui s'est pourvu au Tribunal fédéral.

Par arrêt 5A_96/2015 du 26 février 2015, le Tribunal fédéral a annulé la décision cantonale, pour les motifs suivants : "L'art. 59 CP constitue [ ] une base légale suffisante pour ordonner le traitement de force du délinquant, les mesures qu'elle prévoit ou permet ne pouvant ainsi être remplacées par une intervention de l'autorité civile fondée sur les art. 426 ss CC [ ]. L'on ignore cependant ici la teneur du jugement pénal ayant ordonné la mesure institutionnelle à laquelle est soumise le recourant et, ainsi, si la médication forcée s'insère dans le cadre du traitement décrit par cette décision. Dans ces conditions, il convient en conséquence d'annuler la décision entreprise et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour complément des faits et nouvelle décision au sens des considérants.

Le SAPEM finira par ordonner le traitement sous contrainte.

e. Au vu de l'évolution de A______, le SAPEM a ordonné, le 8 août 2019, l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle en milieu ouvert, selon l'art. 59 al. 2 CP. Le 23 octobre 2019, l'intéressé a été placé à la clinique psychiatrique de C______ (ci-après, C______), au sein de l'unité B______.

La mesure institutionnelle, qui a toujours cours, a été prolongée en dernier lieu au 12 juillet 2023.

f.a. Le 14 janvier 2020, A______ a été placé par le médecin en chambre sécurisée, en raison d'un état d’agitation avec insultes et casse, sans élément de décompensation franc. Selon le Service des mesures institutionnelles (ci-après, SMI) ce passage était une "prescription médicale de mesure de contrainte qui se fait directement dans DPI (dossier patient intégré) et qui est renouvelée quotidiennement".

Saisi d'un recours de A______, le TPAE l'a déclaré irrecevable, dans la mesure où le passage en chambre sécurisée était lié à la mesure thérapeutique institutionnelle ordonnée par la justice pénale.

La Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après, Chambre de surveillance) a rejeté le recours de A______ contre cette décision, se fondant sur l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 février 2015 précité. Lorsqu'une mesure thérapeutique institutionnelle était instituée, il n’y avait plus de place pour une intervention de l’autorité civile fondée sur les art. 426 ss CC.

f.b. Parallèlement, le SAPEM, à qui la cause avait été renvoyée, a également nié sa compétence.

Saisie d'un recours, la Chambre de céans a, par arrêt ACPR/693/2021 du 29 septembre 2020, retenu ce qui suit :

"Il est constant que la mesure litigieuse n'est pas une médication sous contrainte, au sens de l'art. 4 al. 1 à 5 REPM, laquelle vise à atteindre le but fixé par la mesure institutionnelle et favoriser l'amélioration du pronostic légal, qui relevait de la compétence du SAPEM. Le placement litigieux en "chambre de soins intensifs" consiste, au contraire, en une mesure ponctuelle de contrainte et/ou limitative de la liberté du patient – au sens de la description donnée par les Directives médico-éthiques sus-décrites –, en raison de son état ou de son attitude à un moment donné. La mesure querellée n'avait pas de visée thérapeutique dans le cadre de l'exécution de la mesure institutionnelle, mais était destinée à contenir les débordements du patient, un peu à l'instar d'une décision disciplinaire en milieu carcéral.

Ainsi, la Chambre de céans partage l'avis du Ministère public et du SAPEM, selon lequel toute personne hospitalisée, même soumise à un traitement thérapeutique institutionnel, demeure avant tout un patient et, de ce fait, doit pouvoir contester devant le TPAE, conformément aux art. 50 et 51 LS, une mesure de contrainte – autre qu'une médication forcée au sens de l'art. 4 REPM –, prise à son encontre par le personnel médical. Cette opinion est en adéquation avec l'articulation des dispositions légales précitées et le système qui semble avoir été voulu par le législateur genevois.

Cela étant, au vu des décisions prises dans la présente procédure par le TPAE et la Chambre de surveillance, qui font manifestement une autre lecture desdites dispositions, la Chambre de céans n'a d'autre choix, pour éviter de créer un déni de justice, que d'entrer en matière et de traiter le recours au fond."

Le recours a été rejeté au fond, en raison de l'important état d'agitation de l'intéressé, lequel justifiait, selon l'art. 50 LS, son passage en chambre sécurisée. Mais la Chambre de céans a précisé que, "à l'avenir, le SAPEM n'aura plus à entrer en matière sur des recours analogues, mais les transmettra sans autre et d'office à l'autorité dont la compétence résulte de la loi elle-même, à savoir le TPAE".

g. Par décision du 11 décembre 2020, le SAPEM a ordonné que A______ soit soumis à un traitement neuroleptique sous contrainte, à des fins d'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle, pour une durée initiale maximale d'un an.

La Chambre de céans a accordé l'effet suspensif au recours formé par A______, et l'a très partiellement admis, la médication sous contrainte étant maintenue mais limitée au 11 décembre 2021 (arrêt ACPR/410/2021 du 22 juin 2021). Il a en outre été enjoint au SAPEM d'ordonner une nouvelle expertise psychiatrique de A______.

h. Le 24 janvier 2022, l'expertise, à laquelle A______ a accepté de se soumettre, a fait l'objet d'un rapport par le Dr D______, dont il ressort que l'intéressé présente toujours une psychose paranoïaque actuellement non décompensée et non "médiquée" par des neuroleptiques.

Selon l'expert, le transfert en milieu institutionnel ouvert avait, depuis fin 2020, permis une stabilisation claire de la clinique sans éliminer le noyau paranoïaque. Au moment de l'expertise, il n'y avait pas de médication dépôt neuroleptique depuis au moins une année.

Ce changement de mesure avait contribué positivement à, lentement, modifier la position subjective de A______, même s'il n'était pas toujours preneur des soins psychiques, puisqu'il se considérait "sain d'esprit". Il était extrêmement important que le précité bénéfice d'un encadrement et d'une thérapie de soutien psychique à très long terme. La visée de la thérapie n'était pas la guérison – puisqu'on ne guérit pas d'une paranoïa –, mais d'amener l'intéressé à "désarmer", c'est-à-dire choisir de réduire sa quérulence vis-à-vis de l'autre.

Les traitements contre la volonté, soit les injections forcées aiguës et/ou dépôt de neuroleptiques, ne devraient avoir lieu qu'en cas de décompensation de la paranoïa. Dans ces moments-là, le traitement neuroleptique était objectivement efficace pour réduire la tension interne de l'intéressé et le conduire à nouveau vers un lien social.

S'agissant d'un éventuel risque de passage à l'acte violent, l'expert a exposé que A______ souffrait d'une paranoïa "quérulente" et "bruyante". Il insultait, menaçait et cassait du matériel. Il tenait l'autre à distance, mais n'était jamais physiquement passé à l'acte, même lorsqu'il avait été armé. Le risque global de passage à l'acte a ainsi été évalué comme peu élevé. La paranoïa non décompensée n'avait pas à être considérée comme naturellement dangereuse. Il ne fallait toutefois pas laisser un sujet psychotique face à un vide, au risque de le pousser vers l'acte. Tant que A______ pourrait "se battre", légalement, pour la révision de son procès et bénéficier d'un "lieu d'adresse", il était peu probable qu'il passe à l'acte avec violence. Néanmoins, ce risque était à évaluer en permanence avec l'ouverture du cadre, puisque la réalité externe n'allait pas dans le sens des revendications de A______. Une mesure plus incisive que le milieu ouvert n'était pas indiquée.

i. Le 14 juin 2022, un médecin de C______ a décidé le PAFA de A______ au sein de l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (ci-après, UHPP). La décision est ainsi motivée : "Je demande l'hospitalisation ou PAFA-MED à l'UHPP de ce patient sous mesure art. 59 CP, connu pour un trouble délirant à thème de persécution. Après une période de relative stabilité clinique, [A______] présente à nouveau une décompensation de son trouble mental, qui se manifeste par une opposition, une forte tension interne et des somatisations. Dans ce contexte, il existe un risque auto- et/ou hétéro-agressif. Le patient refuse tout entretien, mais il est régulièrement évalué par l'équipe de l'unité qui confirme ce tableau clinique".

A______ a formé recours devant le TPAE, à l'aide du formulaire ad hoc qui lui a été remis.

À réception du recours, le TPAE a ordonné une expertise psychiatrique, rendue le 29 suivant, laquelle conclut que A______ "nécessite actuellement des soins qui ne peuvent pas être administrés d'une autre manière que par une hospitalisation non volontaire". Les experts estimaient indiqué "un traitement de type antipsychotique atypique en milieu hospitalier".

Le 30 juin 2022, le TPAE, après s'être déclaré compétent car la cause du placement à des fins d'assistance actuel n'était pas identique à celle ayant justifié la mesure pénale, a rejeté le recours de A______.

j. Saisie d'un recours par le précité, la Chambre de surveillance a, dans un arrêt du 14 juillet 2022, annulé la décision du TPAE.

Il devait être déduit de la motivation de ladite décision que le placement était rendu nécessaire par le trouble ayant motivé l'application de l'art. 59 CP. Le médecin avait constaté une exacerbation des troubles existants, la rechute étant liée à l'avancée de la mesure. On devait donc en déduire que le trouble actuel n'était pas nouveau. Selon l'expertise du 29 juin 2022, l'assistance était nécessaire pour éviter une aggravation des symptômes déjà présents, son but étant d'éviter une nouvelle décompensation comportementale persécutoire.

La cause différait de celle ayant donné lieu à l'arrêt de la Chambre de céans du 29 septembre 2020, puisqu'il s'était agi alors d'un événement particulier, ponctuel, sans lien avec le trouble délirant persistant et la personnalité paranoïaque du recourant. L'indication, dans l'arrêt précité, selon laquelle le SAPEM n'aurait plus à entrer en matière sur des "recours analogues" n'était dès lors pas déterminante en l'espèce.

En définitive, la mesure contestée s'inscrivait dans le prolongement de la mesure pénale prononcée, de sorte que le TPAE n'était pas compétent. Le recours de A______ contre le PAFA a été transmis aux autorités pénales d'exécution.

k. Par décision du 25 juillet 2021 [recte : 2022], le SAPEM a, à son tour, nié sa compétence pour statuer sur l'opposition de A______ au PAFA du 14 juin 2022. Le recours interjeté par le précité contre la décision du SAPEM fait l'objet d'un recours devant la Chambre de céans (cf. arrêt parallèle ACPR/783/2022).

l. Le 1er juillet 2022, le médecin responsable de l'UHPP a pris, sur la base de l'art. 434 CC, une "décision de traitement sans consentement" à l'égard de A______. Le traitement a consisté en l'administration d'un neuroleptique et de benzodiazépine. Le diagnostic provisoire était décrit comme une "décompensation psychotique". Sous la rubrique "nature du danger grave", la décision est ainsi libellée : "patient persécuté et hétéroagressif verbalement, tendu psychiquement, profère des menaces. Risque suicidaire qui ne peut pas être exclu, car refuse évaluation. Pas d'alliance thérapeutique". L'administration du traitement a eu lieu immédiatement.

m. Le 5 juillet 2022, A______ a recouru contre cette décision, à l'aide du formulaire ad hoc, auprès du TPAE, qui l'a transmis au SAPEM.

C. Dans la décision querellée, le SAPEM considère ne pas être compétent pour statuer sur un recours interjeté contre une mesure de contrainte civile, prise en application de l'art. 51 al. 2 LS. La médication litigieuse, du 1er juillet 2022, n'avait pas été ordonnée dans l'exécution de la mesure pénale, mais dans le cadre d'un épisode distinct et spécifique de décompensation psychotique de l'état mental de A______, qui proférait des menaces et présentait un risque suicidaire, de sorte qu'il s'agissait d'un "autre cas" de médication sous contrainte, prévu à l'art. 4 al. 6 REPM. À titre de comparaison, la médication sous contrainte que lui-même (SAPEM) avait ordonnée le 11 décembre 2020 – laquelle ne déployait aujourd'hui plus d'effet – était à l'époque motivée par l'attitude d'opposition générale à la prise en charge du concerné et son refus de prendre la médication, comportement qui rendait inexécutable la mesure pénale.

En outre, il n'était aucument une autorité de recours.

D. a. Dans son recours, A______ invoque un déni de justice et une violation de l'art. 50 LS.

Dès lors qu'il était soumis à une mesure pénale, au sens de l'art. 59 CP, toute décision de traitement sans consentement devait être prise par le SAPEM, seule autorité compétente pour la prononcer. Celui-ci ayant rejeté sa compétence, alors que l'autorité civile avait fait de même, la décision querellée consacrait un déni de justice.

Par ailleurs, dans la mesure où il exécutait une mesure thérapeutique institutionnelle, il se trouvait dans le cadre de l'art. 4 al. 1 à 5 REPM, et nullement de l'art. 4 al. 6 REPM retenue par le SAPEM. Sur la base d'une application correcte du droit cantonal genevois, le SAPEM était toujours et exclusivement compétent pour ordonner toute éventuelle médication forcée à son égard.

Au surplus, le traitement ordonné le 1er juillet 2022 ne pouvait être considéré comme une mesure de contrainte ponctuelle au sens de l'art. 50 al. 2 LS, puisqu'elle avait mené à sa médication forcée, au sein de l'UHPP, durant 33 jours. Il s'agissait précisément d'une médication forcée au sens de l'art. 4 REPM, que les autorités civiles n'étaient pas aptes à ordonner. Elle s'inscrivait dans le prolongement de la mesure thérapeutique institutionnelle dont il faisait l'objet.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. A______ faisait assurément l'objet d'un placement civil à des fin d'assistance (art. 426 CC), de sorte que le TPAE s'était à bon droit saisi du recours. La problématique était exactement la même que celle examinée dans l'arrêt de la Chambre de céans du 29 septembre 2020. Il serait dépourvu de pertinence de forcer l'autorité pénale d'exécution, qui n'était pas une autorité médicale, à entrer dans le détail des modalités de traitement d'un détenu, alors que le dispositif du placement civil à des fins d'assistance confiait au premier chef à un médecin le soin d'ordonner la mesure adéquate. Il fallait en outre tenir compte de la notion d'urgence. À suivre le recourant et la Chambre de surveillance, le personnel médical chargé de mettre en œuvre un traitement institutionnel ne pourrait jamais réagir dans l'immédiat lorsqu'il était confronté à des situations de décompensation psychotique qui exigeaient une riposte immédiate.

La décision de traitement sans consentement était donc bien une décision civile s'inscrivant dans le cadre du PAFA ordonné le 14 juin 2022.

c. Le SAPEM conclut au rejet du recours. Selon l'art. 4 al. 1 REPM, il était compétent pour ordonner la médication sous contrainte servant à la bonne exécution de la mesure pénale, dans le cas de personnes qui refusaient d'être traitées. La médication sous contrainte visée par cette disposition était celle rendue nécessaire pour l'application de la mesure. Le traitement sans consentement prévu par le droit civil se distinguait, notamment, de la médication sous contrainte sus-décrite par le fait qu'il s'agissait d'une mesure prise en urgence pour traiter une décompensation ponctuelle. La situation revêtait une telle urgence que le défaut de traitement mettait gravement en péril la santé de la personne concernée, ou la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui.

L'expertise – civile – du 29 juin 2022 avait également conclu à un risque de passage à l'acte auto- ou hétéro-agressif si l'intéressé n'était pas placé à des fins d'assistance. Le traitement sans consentement ordonné par la suite dans le cadre du PAFA ne visait ainsi pas la bonne exécution de la mesure pénale.

d.A______ – dont le conseil a cessé d'occuper le 23 août 2022 – n'a pas répliqué.

E. Le 2 août 2022, A______ a réintégré l'unité le B______.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été formé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP), par le condamné visé par la décision querellée, contre une décision d'un service du Département de la sécurité et de l'économie (art. 379 à 397 CPP; art. 42 al. 1 let. a LaCP) soumis à recours devant la Chambre de céans (128 al. 2 let. a et al. 3 LOJ).

1.2. Bien que le traitement litigieux n'ait plus cours, le recourant dispose toujours d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP), dès lors qu'en raison du double refus de compétence, par le SAPEM et l'autorité de surveillance, sa contestation n'a pu être traitée à ce jour et que la situation est susceptible de se reproduire.

Partant, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur la question de savoir si le SAPEM a décliné à bon droit sa compétence ratione materiae en lien avec la décision du médecin ayant ordonné, le 1er juillet 2022, un traitement médicamenteux (neuroleptique et benzodiazépine) sans le consentement de A______.

2.1.       Conformément à l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que la mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble.

Le traitement institutionnel s’effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d’exécution des mesures (al. 2).

2.2.       À Genève, l'art. 4 du Règlement sur l'exécution des peines et mesures (REPM – E 4 55.05) régit la "médication sous contrainte".

Cette disposition légale est séparée en deux parties :

La première, qui porte le sous-titre "À des fins d'exécution de la mesure", prévoit, aux alinéas 1 à 5, qu'une personne sous mesure de l'art. 59 CP peut être traitée contre sa volonté au moyen d'une médication à des fins d'exécution de la mesure (al. 1), médication qui est ordonnée par le SAPEM (al. 2) et administrée sous la responsabilité du psychiatre traitant (al. 5).

La seconde, qui porte le sous-titre "Dans les autres cas", prévoit, à l'alinéa 6, que pour les autres cas de médication sous contrainte de personnes détenues, les art. 379, 434 et 435 CC sont applicables.

2.3. L'art. 50 de la loi genevoise sur la santé (LS - K 1 03) prévoit qu'en principe toute mesure de contrainte à l'égard des patients est interdite (al. 1). Sont réservés toutefois le droit pénal et civil en matière de mesures thérapeutique et d'internement, ainsi que la réglementation en matière de placement à des fins d'assistance (al. 2). À titre exceptionnel, le médecin responsable d'une institution de santé peut [aux conditions énoncées], imposer pour une durée limitée des mesures de contrainte strictement nécessaires à la prise en charge du patient : a) si d'autres mesures moins restrictives de la liberté personnelle ont échoué ou n'existent pas; b) si le comportement du patient présente un grave danger menaçant sa vie ou son intégrité corporelle ou celles d'un tiers (al. 2).

Lorsqu'une mesure de contrainte dans les situations précitées est mise en oeuvre, un protocole comprenant notamment le but et le type de mesure utilisée est inséré dans le dossier du patient (art. 51 al. 1 LS), qui peut s'adresser au TPAE pour demander l'interdiction ou la levée de la mesure. Les dispositions du CC régissant la procédure en matière de mesures limitant la liberté de mouvement s'appliquent par analogie (al. 2).

2.4. En l'espèce, la Chambre de céans a retenu, dans son précédent arrêt du 29 septembre 2020, que toute personne hospitalisée, même soumise à un traitement thérapeutique institutionnel, demeure avant tout un patient et, de ce fait, doit pouvoir contester devant le TPAE, conformément aux art. 50 et 51 LS, une mesure de contrainte – en l'occurrence il s'agissait d'un placement en chambre sécurisée durant quelques heures – prise à son encontre par le personnel médical, autre qu'une médication forcée au sens de l'art. 4 REPM.

Dans le cas présent, la décision prise par le médecin le 1er juillet 2022 concerne précisément l'administration au recourant d'un traitement médicamenteux sans son consentement, alors qu'il était hospitalisé de manière non volontaire depuis le 14 juin précédent.

Dans la mesure où le recourant est soumis à une mesure pénale selon l'art. 59 CP, il convient de déterminer si ledit traitement sous contrainte, intervenait, ou non, à des fins d'exécution de la mesure, au sens de l'art. 4 al. 1 REPM.

Tel est le cas.

On se trouve, ici, dans la même situation que celle dans laquelle, à l'égard de A______, le Tribunal fédéral (dans l'arrêt 5A_96/2015 susmentionné) a rejeté, en raison de l'existence d'une mesure pénale, la compétence des autorités civiles qui avaient ordonné son PAFA pour lui prodiguer, contre son gré, le traitement souhaité.

Dans le cas présent, la médication sans consentement est non seulement en lien avec le trouble mental du recourant, qui a précisément conduit au prononcé de la mesure pénale, mais intervient dans le cadre de l'exécution de celle-ci. En effet, la mesure pénale a pour but la stabilisation du recourant – désormais en milieu ouvert –, pour l'amener à reconnaître le trouble qui l'affecte et réduire ainsi, progressivement, le risque de réitération d'infractions de même nature et de passage à l'acte violent. Or, lorsque le recourant se trouve dans un état de décompensation du trouble mental se manifestant notamment par un risque auto- ou hétéro-agressif, et que le médecin estime nécessaire une médication sans consentement, le but de celle-ci vise, certes, dans l'immédiat, à assurer la sécurité et l'amélioration de l'état psychique de l'intéressé, mais, incontestablement, à assurer le succès de la mesure. En effet, si elle n'était pas prise en charge, la décompensation psychotique constatée par le médecin le 1er juillet 2022 serait de nature à compromettre l'évolution favorable de la mesure pénale.

D'ailleurs, les symptômes décrits dans la décision de traitement sans consentement, le 1er juillet 2022, sont ceux détaillés par les experts, tant en 2009 qu'en 2022, comme constituant le trouble mental du recourant, à l'origine de la mesure pénale.

Il s'ensuit que ce n'est pas à l'autorité civile de statuer sur le bien-fondé d'un traitement sans consentement, mais à l'autorité d'exécution de la mesure.

D'ailleurs, le SAPEM avait – dans le cadre de l'exécution de la mesure pénale – lui-même ordonné, le 11 décembre 2020, la médication forcée du recourant durant une année. Dans son arrêt ACPR/410/2021 du 22 juin 2021, la Chambre de céans a constaté que l'amélioration de l'état psychique du recourant constatée dans l'intervalle devait continuer à être surveillée et, en cas de nouvelle péjoration, le traitement sans consentement devait pouvoir être à nouveau administré. La médication forcée a donc été maintenue jusqu'au 11 décembre 2021 et une nouvelle expertise psychiatrique du recourant, demandée. Or, la décompensation psychotique du 1er janvier 2022 s'inscrit dans cette continuité. Elle ne paraît pas être étrangère au trouble mental à l'origine de la mesure pénale, ce qui ressort également de l'expertise psychiatrique du 24 janvier 2022, laquelle mentionne la possibilité de décompensations de la paranoïa.

La décision querellée, par laquelle le SAPEM décline sa compétence pour examiner la demande de traitement sans consentement, fait ainsi courir le risque d'un contournement des décisions pénales en matière de médication forcée, et, surtout, de la superposition de décisions – civiles et pénales – à l'intérieur d'une mesure pénale, de nature à nuire à la bonne exécution de celle-ci.

Par conséquent, le traitement sans consentement aurait, conformément à l'art. 4 al. 2 REPM, dû être, sur demande du médecin, ordonné par le SAPEM, ou, s'il avait déjà été administré dans l'urgence, validé par celui-ci. Dans chacune de ces deux hypothèses, le recourant aurait dû recevoir une décision du SAPEM mentionnant les voies de recours devant la Chambre de céans.

Au vu de ce qui précède, le recours est fondé sur ce point, en ce sens que c'est à tort que le SAPEM s'est déclaré incompétent pour ordonner le traitement sous contrainte demandé par le médecin le 1er juillet 2022.

3. Partant, le recours sera partiellement admis. La compétence du SAPEM pour ordonner le traitement sans consentement du 1er juillet 2022 sera constatée et la cause retournée à l'autorité précédente, pour qu'elle statue sur celle-ci.

4. L'admission, même partielle, du recours ne donnera pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule la décision rendue par le Service de l'application des peines et mesures le 28 juillet 2021 [recte : 2022] et déclare cette autorité compétente pour statuer sur le traitement sans consentement décidé par le médecin le 1er juillet 2022.

Renvoie la cause au Service de l'application des peines et mesures, pour nouvelle décision au sens des considérants.

Rejette le recours pour le surplus.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au Service de l'application des peines et mesure, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et à la Chambre de surveillance de la Cour de justice.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).