Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/3565/2022

ACPR/715/2022 du 13.10.2022 sur OMP/13814/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PARTIE À LA PROCÉDURE;INTÉRESSÉ;CONSULTATION DU DOSSIER;PERQUISITION DE DOCUMENTS ET ENREGISTREMENTS
Normes : CPP.101; CPP.102; CPP.105; CPP.382

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3565/2022 ACPR/715/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 13 octobre 2022

 

Entre

 

A______ S.A., sise ______[GE], comparant par Me Yama SANGIN, avocat, Etude Lexpro Avocats, rue Rodolphe-Toepffer 8, 1211 Genève 12,

recourante,

 

contre la décision rendue le 15 août 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 26 août 2022 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, A______ S.A. recourt contre la décision du 15 précédent, notifiée le 17 août 2022, par laquelle le Ministère public a refusé de lui donner accès au dossier.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision, à la constatation de sa qualité de partie à la procédure et à la mise à sa disposition, par le Ministère public, de l'intégralité de la procédure pour consultation.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par décisions du 16 février 2022 – l'une, urgente et manuscrite; l'autre formelle et dactylographiée –, le Ministère public a délégué à la police la perquisition des locaux du bureau de change B______, à C______, exploité par A______ S.A. D______, prévenu né en 1991, y a assisté, mais a refusé de signer la notification.

À cette occasion ont été saisies, principalement, de nombreuses espèces, en EUR, USD et CHF, ainsi qu'une documentation comptable, des listes de clients et des ordinateurs.

b. Les 13 mai et 15 juin 2022, E______, administrateur unique de A______ S.A et frère du prévenu, a demandé la restitution de toute la documentation sociale saisie.

c. Le 16 juin 2022, A______ S.A. a réitéré cette demande ou, à tout le moins, la délivrance d'une copie des pièces concernées.

d. Par retour du courrier, le Ministère public lui a répondu que les copies demandées lui seraient transmises par les soins de la police.

e. Le 9 août 2022, A______ S.A. s'est plainte auprès du Ministère public de n'avoir reçu aucune information au sujet de la procédure, nonobstant le séquestre d'importantes valeurs patrimoniales. Elle a requis la consultation du dossier en qualité de tiers touché, au sens de l'art. 105 al. 2 CPP.

C. Dans la décision attaquée, le Ministère public refuse de conférer à A______ S.A. la qualité de partie à la procédure. L'instruction en cours était menée du chef de blanchiment d'argent contre un employé du bureau de change susmentionné, qui se trouvait être le frère de l'administrateur. Rien ne montrait que A______ S.A. aurait été lésée de manière directe, immédiate et personnelle; elle ne s'était d'ailleurs pas constituée partie plaignante.

D. a. À l'appui de son recours, A______ S.A. se plaint que l'ordre de perquisition ne lui ait pas été notifié. En tant que tiers touché, privé des liquidités nécessaires à l'exercice de son activité commerciale, elle devait se voir reconnaître la qualité de partie, au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP et, partant, le droit de consulter le dossier.

b. Le 31 août 2022, elle a avisé la Chambre de céans que le Ministère public lui avait communiqué copie du mandat de perquisition. Elle observe que cette autorité s'était trompée en y désignant le frère de l'administrateur comme le gérant du bureau de change.

c. Le Ministère public propose de rejeter le recours. L'administrateur de la recourante avait été arrêté le 28 septembre 2022 pour soupçon de blanchiment d'argent. Toutes les activités délictueuses soupçonnées présentaient un lien avec le bureau de change perquisitionné. Il convenait donc de refuser à A______ S.A. la consultation du dossier.

d. La recourante réplique que le Ministère public invoque maintenant un risque de collusion, alors que la décision attaquée ne porte pas sur ce point, mais uniquement sur sa qualité de partie. Comme son administrateur avait été placé en détention provisoire jusqu'au 28 décembre 2022, le risque de collusion devait de toute façon être exclu.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1 CPP) et concerne une décision de refus d'accès à la procédure, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

Dans la mesure où elle prétend avoir un droit à consulter le dossier par suite de la perquisition pratiquée dans ses locaux, la recourante jouit a priori d'un intérêt juridiquement protégé à demander l'annulation ou la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante se plaint d'une violation de l'art. 105 al. 1 let. f CPP.

2.1.       Selon cette disposition, les tiers touchés par des actes de procédure participent également à la procédure. Lorsqu'ils sont directement touchés dans leurs droits, la qualité de partie leur est reconnue dans la mesure utile à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 2 CPP). À ce titre, ils ne sauraient toutefois prétendre à un droit à la consultation de l'intégralité du dossier de la procédure pénale, mais uniquement aux éléments pertinents pour l'exercice de leurs droits de défense (arrêt du Tribunal fédéral 1B_612/2019 du 13 mai 2020 consid. 4.3). De la même manière que le tiers frappé par une mesure de confiscation (art. 70 al. 2 CP), respectivement par le prononcé d'une créance compensatrice (art. 71 al. 1 in fine CP), le tiers touché par une perquisition suivie d'une saisie dispose du droit d'être entendu sur ce point seulement; il peut en conséquence consulter les pièces du dossier qui touchent à cette question.

2.2.       En l'occurrence, la recourante veut voir reconnue ou constatée sa qualité de partie à la procédure, sans expliciter en quoi ce statut serait nécessaire à la défense de ses intérêts. Elle a reçu copie de l'ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 16 février 2022. Elle n'ignore donc pas les raisons, de fait et de droit, qui ont motivé l'intervention des autorités pénales dans son bureau de change. Sous l'angle de ses droits procéduraux, peu importe que l'ordre urgent émis dans un premier temps ait été exhibé au prévenu soupçonné, présent sur les lieux, plutôt qu'à elle-même ou à son administrateur : le détenteur des locaux n'est tenu d'assister à une perquisition que s'il est présent, à défaut un membre majeur de sa famille ou une autre personne idoine peut en être requise (art. 245 al. 2 CPP). Or, le prévenu qui a assisté à la perquisition s'avère être, précisément, le frère, majeur, de l'administrateur de la recourante.

Par ailleurs, la consultation du dossier par un tiers touché par une mesure de contrainte n'est pas une fin en soi. La recourante ne pourrait l'obtenir que dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts. Or, elle n'explique pas quelles informations – non déjà contenues dans l'ordonnance formelle de perquisition et de séquestre – lui seraient encore nécessaires ni à quelles fins. En particulier, elle ne prétend pas avoir voulu recourir contre les mesures prises le 16 février 2022 et avoir été empêchée de le faire, faute d'avoir obtenu une décision motivée. Elle ne paraît au demeurant pas avoir exercé de recours dans les dix jours qui ont suivi la communication de celle-ci à son avocat, à la fin du mois d'août 2022. Sa première intervention auprès du Ministère public visait à obtenir la restitution de pièces comptables, au moins sous la forme de copies, et elle a obtenu satisfaction.

Dans ces circonstances, il ne saurait être question de conférer à la recourante le droit de consulter la procédure. La question de savoir si un risque de collusion eût pu faire obstacle à un accès, même restreint, au dossier ne se pose pas.

Le grief est infondé.

3. Le recours est par conséquent rejeté.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État fixés en totalité à CHF 1'000.-, émolument compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ S.A. aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ S.A., soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

Voie de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3565/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00