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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18980/2018

ACPR/636/2022 du 20.09.2022 sur OMP/7990/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.10.2022, rendu le 30.03.2023, IRRECEVABLE, 1B_544/2022
Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.262.al1.letc; CPP.267

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18980/2018 ACPR/636/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 20 septembre 2022

 

Entre

 

A______ LIMITED, ayant son siège ______, Hong Kong (Chine), comparant par Me Christophe GAL, avocat, CG Partners, rue du Rhône 100, 1204 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 10 mai 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 23 juin 2022, A______ LTD recourt contre l'ordonnance du 10 mai 2022, dont elle dit avoir pris connaissance le 13 juin 2022, par laquelle le Ministère public a ordonné, "en vue de leurs restitutions à B______ SA, la mise sous séquestre des diamants suivants: diamant rond de 20.33 carats, dont le poids initial était de 21.14 carats (numéro de certificat: 1______) et diamant rond de 7.02 carats, dont le poids initial était de 7.03 carats (numéro de certificat: 2______)", étant précisé que ces pièces pouvaient se trouver en mains de [l'Institut de gemmologie] C______ (ci-après : C______).

La recourante sollicite préalablement à ce qu'il soit "ordonné" au Ministère public de lui donner accès au dossier, respectivement qu'elle puisse consulter celui-ci et disposer ensuite d'un délai de vingt jours pour compléter ses écritures. Principalement, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée en tant qu'elle concerne le diamant rond de 20.33 carats en mains de C______ à D______ [États-Unis] et à ce que le Ministère public soit requis d'informer toute autorité fédérale et/ou étrangère éventuellement saisie d'une demande d'entraide de la caducité de l'ordonnance entreprise en tant qu'elle concerne ledit diamant.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ SA, société anonyme ayant son siège 3______ à Genève, est notamment active dans le commerce de pierres précieuses.

F______ en est l'administrateur président avec signature individuelle.

La société exploite notamment la bijouterie F______, sise à la même adresse.

b. A______ LTD est une société sise à Hong Kong (Chine), également active dans le commerce de pierres précieuses.

c. C______ est un institut de référence dans le domaine de la gemmologie, compétent pour classifier et identifier les diamants ainsi que délivrer les certificats d'identification nécessaires à leur commerce.

d. Le 28 septembre 2018 vers midi, la police a été informée du vol de 24 diamants ronds, allant de 5.47 à 21.14 carats, au sein de la bijouterie F______ pour une valeur de 16 à 18 millions de francs suisses. Les diamants n'étaient pas accompagnés de leurs certificats C______, et six ou sept d'entre eux avaient été confiés par des fournisseurs (rapport de renseignements du 1er octobre 2018, p.1). Les factures relatives aux diamants n'appartenant pas à la bijouterie ont été transmises à la police (rapport de renseignements du 10 octobre 2018).

e. Le jour même, G______, gérant de ladite bijouterie, a déposé plainte.

À l'appui, il a produit deux documents listant les diamants volés ainsi que des copies de leurs certificats C______. Il en ressort que le diamant rond de 21.14 carats, numéro de certificat 1______, figure sur la liste à l'entête de la société H______, sise aussi au 3______ à Genève.

f. Le 5 octobre 2018, B______ SA, sous la plume de F______, a également déposé plainte.

g. Dans l'intervalle, la précitée a informé C______ du vol dont elle avait été victime et lui a adressé une liste des diamants volés, ainsi que leurs numéros de certificat.

h. Mi-avril 2019, C______ a informé la police de la découverte d'un sixième diamant provenant du lot dérobé à Genève, étant précisé que les pierres retrouvées entretemps par l'institut avaient, pour la plupart, été retaillées et leur numéro de série effacé. En l'occurrence, il s'agissait d'un diamant rond taillé 20.33 carats, numéro de certificat 1______, lequel pesait initialement 21.14 carat. Ledit diamant lui avait été envoyé par I______ de A______ LTD. Selon les explications fournies par le conseil du prénommé à la police, il avait acquis le diamant au début du mois de mars 2019 auprès d'un couple dont il ne savait rien, pour USD 600'000.- avec, en sus, la remise d'une pierre dont le certificat était joint au rapport. Aucun contrat n'avait été signé, les ventes à Hong Kong se concluant par le mot "Mazal" [soit "marché conclu" en yiddish, cette expression servant de laissez-passer dans les quartiers des diamantaires] et une poignée de main (rapport de renseignements du 4 juillet 2019).

i. Par pli du 18 avril 2019, C______ a informé B______ SA et A______ LTD que le diamant rond de 20.33 carats qui lui avait été soumis par A______ LTD était identique ou substantiellement similaire (the same or substantially similar) à celui déclaré perdu ou volé (lost or stolen) par B______ SA, numéro de certificat 1______.

Dès lors que tant B______ SA que A______ LTD revendiquaient la propriété dudit diamant et que C______ était compétent pour résoudre les litiges relatifs à des questions de propriété concurrente – conformément aux accords signés par les parties avec l'institut –, un délai de soixante jours leur était imparti pour lui faire parvenir un accord ou entamer une procédure judiciaire visant à identifier le légitime propriétaire.

j. Le 17 juin 2019, A______ LTD a introduit une action par-devant les tribunaux de Hong Kong concluant à ce qu'elle soit déclarée légitime propriétaire du diamant.

Ladite procédure est toujours pendante.

k. Le 29 novembre 2019, craignant que le diamant soit remis à A______ LTD à l'issue de la procédure hongkongaise, B______ SA a sollicité du Ministère public qu'il émette une commission rogatoire en vue de faire séquestrer le diamant auprès de C______.

l. Par ordonnance du 20 décembre 2019, le Ministère public a ordonné le séquestre, en mains de C______, du "diamant rond taillé 20.33 carats, numéro de certificat 1______, lequel pesait initialement 21.14 carats".

Cette décision a été notifiée à l'institut par la voie de l'entraide.

m. Le 23 novembre 2020, B______ SA a requis du Ministère public qu'il atteste, au regard de la procédure et des pièces en sa possession, du fait qu'elle était la légitime propriétaire du diamant rond de 20.33 carats, dont le poids initial était de 21.14 carats, numéro de certificat 1______.

n. Par pli du 16 décembre 2020, le Ministère public a répondu à B______ SA en ces termes: "Sur votre demande, le Ministère public de Genève vous confirme que le diamant rond de 20.33 carats, dont le poids initial était de 21.14 carats (numéro de certificat: 1______) est la propriété de B______ SA. Ce diamant faisait partie du lot de diamants, tous propriété de B______ SA, et qui lui ont été dérobés à Genève entre les 24 et 26 septembre 2018".

o. Par pli du 2 juillet 2021, B______ SA a informé le Ministère public que la lettre du 16 décembre 2020 avait été présentée par son avocat ______ à C______ afin de récupérer le diamant litigieux. C______ n'avait toutefois pas donné suite à sa demande. Elle demandait au Ministère public de confirmer la teneur de ladite lettre et d'inviter C______ à lui restituer les diamants, au besoin par le biais d'une demande d'entraide.

p.a. Dans l'intervalle, le 24 juillet 2019, B______ SA et H______ ont introduit une action par-devant la Cour suprême de l'État de D______ afin de faire constater que A______ LTD n'avait pas acquis le diamant de façon régulière et d'en obtenir la restitution.

p.b. Par décision du 4 mai 2020, la Division commerciale de cette juridiction s'est déclarée incompétente, le fait d'envoyer le diamant pour notation à D______ n'étant pas suffisant pour créer un for. Ainsi, le diamant devait rester en possession de C______ dans l'attente d'un accord entre les parties ou d'instructions du tribunal de Hong Kong, lequel était compétent à raison de la matière.

B______ SA a formé appel.

p.c. Le 6 avril 2021, la division d'appel de la Cour suprême de l'État de D______ a retenu que tant les juridictions hongkongaises que les suisses étaient compétentes, précisant que ces dernières étaient préférables ("both Hong Kong and Switzerland are adequate alternative forums with Switzerland being the preferred one"). La Cour a ordonné que le diamant reste en possession de C______ dans l'attente d'un accord des parties ou d'instructions d'un tribunal compétent.

q.a. Le 27 décembre 2021, B______ SA a introduit une action mobilière contre A______ LTD, assortie d'une demande de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, auprès du Tribunal de première instance à Genève, concluant à ce qu'il soit fait interdiction à ladite société de se dessaisir du diamant de 20.33 carats et/ou d'instruire ou d'autoriser C______ à se dessaisir dudit diamant.

Le jour-même, le Tribunal a fait droit à la requête sur mesures superprovisionnelles.

Le 7 avril 2022, la requête a été déclarée irrecevable, faute de compétence à raison du lieu.

B______ SA a retiré l'appel qu'elle avait formé contre cette décision.

q.b. Le 3 juin 2022, B______ SA a introduit une nouvelle action mobilière contre A______ LTD, assortie d'une demande de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, contre A______ LTD auprès du Tribunal de première instance.

Le 7 juillet 2022, ladite requête a été rejetée, dans la mesure de sa recevabilité, considérant que les décisions judiciaires [la décision de blocage de la pierre en mains du C______ rendue par la Cour suprême de D______ et le séquestre pénal du 10 mai 2022], ajoutées à l'absence d'intention de C______ de se dessaisir du diamant, apparaissaient constituer des garanties suffisantes pour sauvegarder jusqu'à l'issue de la procédure la prétention au fond dont se prévalait la requérante.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'il ressort de la procédure que les diamants dont il prononçait le séquestre étaient la propriété de B______ SA et faisaient partie du lot de diamants, tous propriété de B______ SA, qui lui avait été dérobé à Genève entre les 24 et 26 septembre 2018. Il a ainsi ordonné leur séquestre "en vue de leurs restitutions à B______ SA".

Cette décision a été transmise à l'Office fédéral de la justice.

D. a. Dans son recours, A______ LTD soutient que l'ordonnance querellée consacre une violation de son droit d'être entendue dès lors que le Ministère public avait prononcé une mesure contre elle sans avoir procédé à son audition au préalable.

Au fond, la décision entreprise se fondait sur une constatation inexacte et erronée des faits entraînant la violation du droit (art. 197 et 263 CPP). Il n'était pas établi que le diamant de 20.33 carats fût le même que celui de 21.14 carats dérobé dans la boutique F______ à Genève. Même si tel devait être le cas, B______ SA n'était pas titulaire de la créance en restitution dans la mesure où, à teneur des pièces en sa possession, H______ était propriétaire du diamant de 21.14 carats volé. Deux procédures étaient pendantes par-devant les juridictions ______ quant à la titularité du diamant de 20.33 carats actuellement en mains de C______. Il était donc probable que B______ SA ne soit pas reconnue comme la légitime propriétaire du diamant litigieux. Il n'appartenait pas au Ministère public, mais aux juridictions compétentes saisies, de se prononcer sur la titularité du diamant querellé. Enfin, le séquestre ordonné violait le principe de la proportionnalité, la mesure étant inutile compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême de l'État de D______.

À l'appui, elle produit les documents issus des procédures civiles introduites à Hong Kong, à D______ et à Genève. Il en ressort que B______ SA a produit, à l'appui de l'action mobilière du 3 juin 2022, des pièces issues de la présente procédure, à savoir notamment les plaintes déposées et la liste des diamants déclarés volés (cf. B.e. et B.f.), l'ordonnance de séquestre du 20 décembre 2019 et la demande d'entraide (cf. B.l.), ainsi que le courrier du 16 décembre 2020 du Ministère public (cf. B.n.).

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Les diamants visés dans la décision entreprise faisaient partie du lot de pierres volées à la fin du mois de septembre 2018 dans un magasin exploité par B______ SA à Genève. Ainsi, ils constituaient des valeurs patrimoniales ayant vocation à être restituées au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP). Bien que la décision mentionne que la restitution serait "vraisemblablement" faite en faveur de B______ SA, cette indication était déclarative mais non constitutive d'un quelconque droit. Le Ministère public ne s'était pas prononcé sur la qualité de propriété dudit diamant mais uniquement sur le séquestre en vue de sa restitution au lésé, lequel était justifié.

c. A______ LTD réplique.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. b et 393 al. 1 let. a CPP) et émane du tiers saisi, lequel a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification de la décision entreprise (art. 382 al. 1 et 105 al. 1 let. f CPP).

1.2. La recourante ne s'est jamais vu notifier l'ordonnance de séquestre querellée par le Ministère public. Il en découle que le délai de recours n'a jamais commencé à courir en ce qui la concerne (art. 85 al. 1 et 384 let. b CPP). La recourant a toutefois agi dans le délai de dix jours depuis la date à laquelle elle dit avoir pris connaissance de la décision entreprise de sorte que, formé à temps (art. 396 al. 1 CPP), le recours est recevable.

2.             La recourante a préalablement requis qu'il soit ordonné au Ministère public de lui donner accès au dossier, respectivement qu'il lui soit octroyé un délai supplémentaire pour compléter ses écritures, après consultation du dossier.

Ces conclusions sont toutefois irrecevables.

En premier lieu, il ne ressort pas du dossier que la recourante aurait demandé la consultation du dossier auprès du Ministère public. La Chambre de céans ne saurait donc se saisir de cette problématique, faute de décision préalable sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP).

Par ailleurs, les délais fixés par la loi ne peuvent être prolongés (art. 89 CPP). Ces délais sont ceux dont la loi prévoit expressément la durée. Parmi eux figurent notamment les délais de recours contre les décisions rendues par les autorités pénales (A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C.  PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 2-3 ad art. 89et les références citées).

Au vu de ce qui précède, la conclusion tendant à la consultation du dossier auprès de la Chambre de céans afin de pouvoir compléter les écritures de recours est donc rejetée, dans la mesure où elle a un objet.

3.             La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, pour n’avoir pas pu s’exprimer avant que l’ordonnance attaquée ne soit rendue.

Elle ne saurait toutefois être suivie, dès lors qu'il ressort de la procédure que la recourante a, par l'intermédiaire de son conseil, pu livrer ses explications à la police. En tout état, dans la mesure où la recourante a pu s’exprimer sans limite sur leur contenu dans son acte de recours et en réplique, et que la Chambre de céans jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (ATF 141 IV 396 consid. 4.4 p. 405; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1), l’éventuelle violation du droit d’être entendu sur ce point serait réparée en instance de recours.

4.             La recourante conteste que les conditions pour prononcer un séquestre soient remplies en l'espèce.

4.1. Selon l'art. 263 al. 1 CPP, des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mises sous séquestre, notamment, lorsqu'il est probable qu'elles seront utilisées comme moyens de preuves (let. a) (séquestre probatoire; Beweisbeschlagnahme), qu'elles devront être restituées au lésé (let. c) (Beschlagnahme zur Rückerstattung) ou qu'elles devront être confisquées (let. d) (séquestre conservatoire; Konfiskationsbeschlagnahme).

En raison de l'atteinte portée aux droits fondamentaux des personnes concernées, la mesure de séquestre doit être prévue par la loi; des soupçons suffisants doivent laisser présumer la commission d'une infraction; le principe de la proportionnalité doit être respecté, et il doit exister un rapport de connexité entre l'objet saisi et l'infraction.

Dans le cadre de l'examen d'un séquestre conservatoire, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP). Elle est proportionnée lorsqu'elle porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués ou restitués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une possibilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue. L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364 et les références citées).

4.2. La restitution au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP) vise, en première ligne, les objets provenant directement du patrimoine du lésé, qui doit être identifié, et tend au rétablissement de ses droits absolus (restitution de l'objet volé). La restitution doit porter sur des valeurs patrimoniales qui sont le produit d'une infraction dont le lésé a été lui-même victime. Il doit notamment exister entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales un lien de causalité tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première (ATF 129 II 453 consid. 4.1; ATF 140 IV 57 consid. 4.1 et les nombreuses références citées). C'est, en particulier, le cas lorsque l'obtention des valeurs patrimoniales est l'un des éléments constitutifs de l'infraction ou constitue un avantage direct découlant de la commission de l'infraction (ATF 126 I 97 consid. 3c/cc). Lorsque ces conditions sont réunies, la restitution doit avoir lieu sans égard aux autres créanciers ou lésés (ATF 128 I 129 consid. 3.1.2).

4.3. Selon l'art. 267 al. 2 CPP – qui constitue l'expression du séquestre en restitution du lésé prévu à l'art. 263 al. 1 let. c CPP –, la restitution anticipée à l'ayant droit de valeurs patrimoniales saisies est possible s'il n'est pas contesté qu'elles proviennent d'une infraction. Ces conditions réunies, le Ministère public peut même statuer d'office (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 29 ad art. 267 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2e éd., Zurich 2013, n. 1 ad art. 267). L'art. 267 al. 2 CPP instaure une exception au principe selon lequel le sort des séquestres pénaux se règle avec la décision sur le fond de l'action publique (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 6 ad art. 267). En effet, s'il est incontesté que des valeurs patrimoniales ont été directement soustraites à une personne déterminée du fait de l'infraction, elles sont restituées à l'ayant droit avant la clôture de la procédure.

Si les droits sur l'objet sont contestés, la procédure de l'art. 267 al. 3 à 5 CPP entre en considération. L'application de l'art. 267 al. 3 et 4 CPP relève du juge du fond et non du Ministère public, ce dernier pouvant statuer, au titre d'"autorité pénale", au sens de l'art. 267 al. 5 CPP (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1229), qui prévoit que l'autorité pénale peut attribuer les objets ou les valeurs patrimoniales à une personne et fixer aux autres réclamants un délai pour intenter une action civile. Cette disposition trouve donc application lorsque les droits de propriété sur un objet ne sont pas limpides. Il s'agit ainsi de maintenir l'objet sous main de justice aussi longtemps que le délai imparti n'est pas échu ou que la cause civile n'a pas été jugée, puis de le remettre à l'ayant droit (arrêts du Tribunal fédéral 1B_298/2014 du 21 novembre 2014 consid. 3.2 in SJ 2015 I p. 277; 1B_270/2012 du 7 août 2012 consid. 2.2).

4.4. En l'espèce, il ressort du dossier que le diamant rond de 20.33 séquestré est bien celui qui a été annoncé comme dérobé à la bijouterie exploitée par la lésée, dont le poids initial était de 21.14 carats. En effet, bien que la recourante conteste qu'il s'agisse de la même pierre, C______ – dont les aptitudes ne sont pas remises en cause – a confirmé à la police que le diamant qui lui avait été soumis par la recourante était celui pour lequel elle avait établi le certificat numéro 1______, précisant aussi que la plupart des diamants volés avaient été, dans l'intervalle, retaillés et leur numéro de série effacé. L'on ne saurait considérer que la teneur de la lettre du 18 avril 2019 nuancerait ces affirmations, dans la mesure où il s'agit d'une lettre type envoyée aux parties en cas de conflit relatif à la propriété. Les conditions d'un séquestre en vue de la restitution au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP) apparaissent ainsi remplies.

Toutefois, dès lors que tant la lésée que la recourante – acquéreuse invoquant sa bonne foi – revendiquent la propriété du diamant litigieux, celui-ci devra faire l'objet d'une attribution par l'autorité pénale, ce en vertu de l'art. 267 al. 3 à 5 CPP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_298/2014 du 21 novembre 2014 consid. 3.2 in SJ 2015 I p. 277). À ce stade, il n'appartient donc pas à la Chambre de céans de se pencher sur les questions liées à la propriété du diamant. Dans l'intervalle, leur mise sous main de justice est justifiée et proportionnée.

Enfin, bien que son dispositif le mentionne malencontreusement, l'ordonnance entreprise ne constitue pas encore une décision de restitution au sens de l'art. 267 al. 2 CPP. En effet, à teneur du dossier, il n'apparait pas que le Ministère public ait pris des dispositions concrètes et effectives en vue de la remise du diamant litigieux, conformément aux dispositions sur l'entraide pénale internationale. Le recours sur ce point parait dès lors prématuré.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


7.       


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ LIMITED aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18980/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

-

CHF

Total

CHF

1'500.00