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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16913/2018

ACPR/541/2022 du 10.08.2022 sur CTCO/226/2022 ( TCO ) , REJETE

Descripteurs : CITATION À COMPARAÎTRE;REPORT(DÉPLACEMENT)
Normes : CPP.331.al5; CPP.205; CPP.202.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16913/2018 ACPR/541/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

recourant,

contre la décision rendue le 22 juillet 2022 par le Tribunal correctionnel,

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715,
1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 août 2022, A______ recourt contre la décision du 22 juillet 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Tribunal correctionnel a refusé l'ajournement de l'audience de jugement, fixée au 6 octobre 2022.

Le recourant conclut, préalablement, à la "suspension" de la procédure jusqu'à droit jugé sur son recours ; principalement, à l'annulation de la décision précitée et au report de l'audience de jugement à une date ultérieure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est prévenu dans la présente procédure, depuis septembre 2018.

b. Par lettre du 16 octobre 2018, Me B______ a informé le Ministère public avoir été contacté par le précité pour la défense de ses intérêts. Le prévenu sollicitait une défense d'office.

c. Par ordonnance du 30 octobre 2018, Me B______ a été nommé en qualité de défenseur d'office de A______.

d. Par acte d'accusation du 23 mars 2022, le Ministère public a renvoyé A______ en jugement par-devant le Tribunal correctionnel, pour mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), viol (art. 190 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), contrainte (art. 181 CP) et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP).

e. Une première audience de jugement, fixée au 23 août 2022, a été reportée après que Me B______ avait exposé que lui-même et sa collaboratrice étaient convoqués ce jour-là à une audience dans le canton de Vaud pour laquelle ils ne pouvaient pas se faire remplacer.

f. Par mandat de comparution du 4 juillet 2022, A______ a été cité par le Tribunal correctionnel à comparaître à l'audience de jugement du 6 octobre 2022. Un avis d'audience a été adressé au défenseur d'office.

g. Par lettre du 13 juillet 2022, Me B______ a requis du Tribunal correctionnel le report de l'audience, expliquant que Me C______, qui travaillait avec lui sur le dossier, serait absente de Suisse du 26 septembre au 8 octobre 2022 en raison d'un déplacement prévu de longue date – attesté par pièces – qui ne pouvait être reporté. Il en allait du droit à l'assistance d'un avocat et d'une défense efficace, au sens de l'art. 6 CEDH, que Me C______ puisse être présente à l'audience de jugement. Elle avait en effet assisté A______ lors des audiences et suivi à ses côtés "les nombreux périples" de la procédure. Aucun intérêt prépondérant ne s'opposait au report de l'audience, la cause ayant cours depuis bientôt quatre ans.

C. Dans la décision querellée, la direction de la procédure du Tribunal correctionnel a maintenu l'audience du 6 octobre 2022, rappelant que l'audience de jugement avait déjà été reportée en raison d'une indisponibilité du défenseur, que la procédure était ancienne et que le Ministère public serait présent aux débats. En outre, aucun élément ne permettait de penser que Me B______ ne serait pas à même de défendre efficacement les intérêts de son mandant, pour lequel il avait été nommé d'office le 30 octobre 2018.

La décision précise qu'elle n'est pas susceptible de recours (art. 331 al. 5 CPP).

D. a. A______ considère son recours recevable, la refus d'ajournement lui causant un préjudice irréparable.

Sur le fond, il expose que bien que Me B______ ait été nommé d'office à sa défense, celui-ci avait immédiatement délégué le dossier à Me C______, alors avocate-stagiaire, laquelle était par la suite devenue collaboratrice. Elle avait assuré sa défense effective, l'avait assisté à la plupart des audiences et rédigé les différents actes de procédure. Elle avait assuré le suivi intégral du dossier, y compris sous l'angle civil. Elle était sa principale interlocutrice.

À l'appui du recours, il produit copie du courriel adressé le 3 août 2022 à Me B______ et Me C______, dans lequel il prend note de l'absence de la seconde à Genève le 6 octobre 2022, qu'il qualifie d'extrêmement ennuyeux ("extremely annoying"). Il souhaitait que les deux avocats soient présents ce jour-là et avait besoin de Me C______ à ses côtés, puisqu'elle l'avait assisté durant la procédure et cette période difficile. La présence de la précitée était essentielle.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane de l'accusé, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. Reste à déterminer si le recours vise une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et si le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.1. À teneur de l'art. 331 al. 5 CPP, la direction de la procédure se prononce de manière définitive sur les demandes d'ajournement qui lui parviennent avant le début des débats.

Dans un arrêt 1B_324/2016 du 12 septembre 2016 consid. 3.2, le Tribunal fédéral a retenu que la décision de refus de report d'audience privant le prévenu de son défenseur est susceptible de lui causer un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_324/2016 du 12 septembre 2016 consid. 3.2.), de sorte que la voie de recours est ouverte (cf., depuis, ACPR/848/2017 du 12 décembre 2017).

1.2.2. En l'espèce, le recourant invoque que le refus d'ajournement de l'audience de jugement le priverait d'une défense efficace, au sens de l'art. 6 CEDH, lui causant un préjudice irréparable. Dans cette mesure, le recours est recevable.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. À teneur de l'art. 205 CPP, quiconque est cité à comparaître par une autorité pénale est tenu de donner suite au mandat de comparution (al. 1). Celui qui est empêché de donner suite audit mandat doit en informer sans délai l'autorité qui l'a décerné; il doit lui indiquer les motifs de son empêchement et lui présenter les pièces justificatives éventuelles (al. 2). Le mandat de comparution peut être révoqué pour de justes motifs. La révocation ne prend effet qu'à partir du moment où elle a été notifiée à la personne citée (al. 3).

L'art. 205 al. 3 CPP octroie à l'autorité pénale une certaine latitude dans l'appréciation des justes motifs imposant la révocation d'un mandat de comparution. Dans l'examen du principe de la proportionnalité, il y a lieu de faire une pesée des intérêts en présence.

L'art. 202 al. 3 CPP prévoit que lorsqu'elle fixe les dates de comparution aux actes de procédure, l'autorité tient compte de manière appropriée des disponibilités des personnes citées (art. 202 al. 3 CPP).

Le droit de participer à l'administration des preuves suppose le droit d'être informé en temps utile sur le lieu, la date, l'heure et la nature de l'acte d'instruction qui sera entrepris, afin de garantir le caractère effectif du droit au débat contradictoire. Lorsque l'autorité pénale a connaissance de ce que le prévenu est assisté par un conseil juridique et que ce dernier est autorisé à l'accompagner à l'acte de procédure couvert par le mandat de comparution, elle cherchera, dans la mesure du possible, à prendre contact avec son conseil aux fins de sonder ses propres disponibilités. Il est toutefois admis que le mandat de comparution (notamment pour le prévenu) et l'avis d'audience (pour l'avocat) puissent être délivrés dans de brefs délais, en cas d'urgence (art. 203 al. 1 CPP) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1080/2013 du 22 octobre 2014 consid. 1.1.3).

3.2. En l'espèce, Me B______ a été nommé en qualité de défenseur d'office du recourant au début de la procédure. L'avocat précité, convoqué à l'audience du 6 octobre prochain, n'allègue pas être empêché d'assister personnellement le prévenu.

Le recourant allègue avoir, en réalité, tout au long de la procédure, été assisté par Me C______, d'abord en qualité d'avocate-stagiaire de Me B______, puis comme collaboratrice, de sorte que la présence de celle-ci, le jour de l'audience, aux côtés du défenseur d'office, serait indispensable à assurer une défense efficace.

Or, si, lorsqu'un avocat est nommé d'office, il est autorisé à déléguer la conduite du dossier à un collaborateur ou un avocat stagiaire, il doit en assurer le suivi. Tel est d'ailleurs le cas en l'espèce, comme cela ressort tant de la lettre de Me B______ du 13 juillet 2022, que du courriel du prévenu, du 3 août 2022, dans lequel ce dernier requiert la présence, à l'audience de jugement, de son défenseur d'office et de la collaboratrice de celui-ci.

Au surplus, le recourant invoque, s'agissant de la collaboratrice du défenseur d'office, des motifs de nature purement privée de celle-ci (voyage à l'étranger), que le Tribunal fédéral ne paraît pas considérer comme suffisants (arrêt 6B_324/2016 précité, consid. 3.2).

Ainsi, le recourant ne se trouve pas, ici, dans une situation quasi similaire au prévenu qui se verrait de facto refuser la nomination d'un défenseur d'office pour la procédure de première instance. C'est donc à bon droit que l'autorité précédente a retenu que les intérêts du prévenu seront efficacement défendus par son défenseur d'office, qu'il a lui-même choisi, lors de l'audience de jugement.

L'intérêt public de l'autorité pénale à conduire la procédure pénale selon le principe de la célérité (art. 5 al. 1 CPP) prime donc celui, privé, du recourant à ce que son défenseur d'office soit assisté, le jour de l'audience, de sa collaboratrice.

4.             Partant, le recours sera rejeté, ce qui rend sans objet la demande de "suspension", c'est-à-dire d'effet suspensif.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.0).

6.             L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur d'office), au Tribunal correctionnel et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16913/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00