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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/45/2022

ACPR/543/2022 du 10.08.2022 ( PSPECI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC
Normes : CPP.56; CPP.58

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/45/2022 ACPR/543/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 août 2022

 

Entre

A______, domiciliée B______ - ______, VD, comparant en personne,

requérante,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A. Par lettre datée du 27 octobre 2021, A______ demande la récusation de l'ensemble des membres du Ministère public, dans la procédure P/1______/2021.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier du 27 octobre 2021, A______ a déposé plainte "contre les membres de la 4ème Chambre du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant" (ci-après, TPAE) "et/ou les membres" de cette juridiction, pour violation du secret de fonction (art. 320 CP) et contrainte (art. 181 CP). Elle précisait que cette plainte "visait directement" la juge C______. Aussi, une demande de récusation "en bloc" du Ministère public serait déposée, des liens d'amitié ou d'inimitié existant entre cette dernière juridiction et la magistrate précitée, celle-ci ayant exercé pendant de nombreuses années la fonction de procureure.

Les informations utiles, relatives à sa plainte, seraient produites après examen de sa demande de récusation.

b. Par lettre du même jour, A______ a demandé la récusation de l'ensemble des membres du Ministère public, puisqu'il n'était "pas possible d'exclure" que des liens particuliers (rapport d'amitié ou d'inimitié) se soient créés lors "des nombreuses années" durant lesquelles C______ avait exercé la fonction de procureure au sein du Ministère public.

c. Par plis des 20 janvier et 8 février 2022, au contenu identique, le Procureur général a prié A______ d'étayer sa plainte et les motifs de sa demande de récusation. En effet, pour qu'il puisse se prononcer (art. 59 CPP), respectivement que l'autorité visée puisse se déterminer (art. 58 CPP), l'objet de la procédure devait être connu.

d. Par lettre du 22 février 2022, A______ a demandé une prolongation de délai de trente jours pour répondre, ce qui lui a été accordé.

e. Le même jour, elle a demandé à pouvoir consulter le dossier de la procédure, accès qui lui a été refusé, au motif que celui-ci contenait uniquement son courrier du 27 octobre 2021.

f. Par deux courriers du 23 mars 2022, A______ a indiqué au Ministère public ne pas avoir reçu de réponse à sa demande de consultation du dossier ni à sa demande de prolongation de délai.

g. Le même jour, elle a formé recours auprès de la Chambre de céans pour déni de justice, se plaignant que ses demandes de consultation du dossier et d'extension du délai imparti par le Ministère public – formulées par courrier du 22 février 2022 – n'avaient reçu aucune réponse.

h. Dans ses observations, le Ministère public a indiqué revenir sur son refus d'octroyer la consultation du dossier et mettre dès lors celui-ci à la disposition de A______. Pour le surplus, la demande de récusation en bloc de la juridiction serait traitée, que la prénommée consultât ou non le dossier et qu'elle donnât ou non suite à son invitation à préciser sa plainte.

i. Par arrêt du 2 mai 2022 (ACPR/295/2022), la Chambre de céans a déclaré le recours sans objet et rayé la cause du rôle.

j. Par pli du 9 mai 2022, le Ministère public a informé A______ que le dossier de la procédure était à sa disposition au greffe de ladite juridiction, et ce jusqu'au 9 juin suivant. Passé cette date, qu'elle ait ou non consulté la procédure et développé sa plainte pénale, sa demande de récusation de l'ensemble du Ministère public serait traitée, la suite de la procédure étant, pour le surplus, réservée.

k. Le 8 juin 2022, A______ a consulté le dossier.

l. Depuis, elle n'a pas explicité les motifs de sa plainte pénale et de sa demande de récusation.

C. a. Dans ses déterminations sur la demande de récusation, le Ministère public, par son Procureur général, conclut à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

Par lettre du 27 octobre 2021, A______ avait simultanément déposé plainte contre C______ et annoncé le dépôt d'une demande de récusation "en bloc" du Ministère public, précisant qu'elle produirait les informations utiles relatives à sa plainte, après examen de cette dernière requête. Ainsi, malgré l'emploi du futur, le courrier en question devait être considéré comme une plainte et une demande de récusation, de sorte que celle-ci avait été déposée en temps utile.

A______ s'était limitée à solliciter la récusation "en bloc" de tous les procureurs du Ministère public, sans démontrer qu'il existerait des motifs de récusation concrets et individuels à l'encontre de chacun d'eux. En outre, elle n'avait pas motivé sa demande de manière à ce qu'il puisse être compris que celle-ci était dirigée contre chaque membre de la juridiction concernée pris individuellement. Sa demande était par conséquent irrecevable.

Si celle-ci devait, par impossible, être considérée comme recevable, et dirigée contre le Procureur général, la requérante ne faisait état d'aucun indice lui permettant de rendre concret son grief, étant relevé qu'elle évoquait des liens d'amitié ou d'inimitié, démontrant par-là ignorer les liens unissant ou n'unissant pas le prénommé à C______. En l'occurrence, il avait entretenu avec ladite magistrate des rapports professionnels sans particularité, qui n'avaient débouché ni sur un rapport d'inimitié ni d'amitié, a fortiori étroit, conformément à
l'art. 56 let. f CPP. Sa demande était dès lors infondée.

b. Les observations du Ministère public ont été communiquées par le greffe à A______, qui a choisi de prolonger le délai de garde de l'envoi auprès de la poste et n'a donc pas répondu à l'expiration du délai qui lui a été fixé.

EN DROIT :

1.             1.1. La récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires au sein d'une autorité pénale est régie expressément par le CPP (art. 56 et ss. CPP).

À Genève, lorsque, comme en l'espèce, le Ministère public est concerné, l'autorité compétente pour statuer sur la requête est la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ).

1.2. La requérante, partie plaignante dans la P/1______/2021, dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP).

1.3.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP), soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1), sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 4).

La jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, N. 3 ad art. 58 CPP et références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_14/2016 du 2 février 2016
consid. 2 et 1B_60/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.2).

1.3.2. En l'espèce, la requérante a déposé plainte le 27 octobre 2021 et s'est prévalue, le même jour, de l'existence de motifs de récusation envers les membres du Ministère public. Il s'ensuit qu'elle a agi dans le délai utile.

2.             2.1. En principe, une requête tendant à la récusation "en bloc" des membres d'une autorité appelée à statuer est irrecevable, à moins que des motifs de récusation concrets et individuels soient exposés dans la requête à l'encontre de chacun des membres de ladite autorité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_249/2015 du 29 septembre 2015 consid. 5.1 et les arrêts cités; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2017, n. 7 ad. Art. 59; DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 3e éd., Zürich 2020, n. 10 ad. Art. 58; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 2 ad. art. 58).

Une demande de récusation "en bloc" sans indication de motifs propres à chaque membre peut, dans certains cas, néanmoins être considérée comme dirigée contre ceux-ci individuellement, à charge toutefois pour le requérant de motiver dûment sa démarche sur ce point (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op.cit., n. 2 ad. art. 58; arrêts du Tribunal pénal fédéral BB.2019.117 du 24 juin 2019; BB.2016.333 du 18 octobre 2016, p. 3, et BB.2015.18 du 12 mars 2015, p.3).

2.2. En l'espèce, la requérante sollicite la récusation de l'ensemble des magistrats du Ministère public, au motif qu'il n'était pas "possible d'exclure" que des liens d'amitié ou d'inimitié se soient tissés entre des membres de cette juridiction et la magistrate C______, lors des années durant lesquelles cette dernière avait exercé la fonction de procureure.

Force est cependant de constater que la requérante ne présente aucun motif de récusation individuel et concret à l'encontre de chacun des membres du Ministère public, pris individuellement. Eu égard aux principes sus-rappelés, elle était pourtant tenue d'exposer de façon motivée pour quelle raison la récusation de ceux-ci se justifie, in casu. Ses allégations ne reposent sur aucune circonstance constatée objectivement, se limitant à des impressions purement subjectives et vagues sur ses craintes quant à l'impartialité des magistrats du Ministère public.

Pour le surplus, aucun élément au dossier ne permet de douter de l'objectivité du Ministère public dans le traitement de la procédure pénale en cause, respectivement de supposer qu'il existe un lien d'amitié ou d'inimitié – qui plus est étroit – entre des membres de cette autorité et C______, tel qu'exigé par l'art. 56 let. f CPP. À cet égard, il y a lieu de rappeler que des liens ou affinités existant entre un magistrat et d'autres personnes exerçant la même profession ou actives dans la même institution publique ou privée, impliquées dans la cause, ne suffisent pas à justifier la suspicion de partialité, la personne élue ou nommée à une fonction judiciaire étant censée être capable de prendre le recul nécessaire par rapport à de tels liens ou affinités et de se prononcer de manière objective sur le litige qui divise les parties (arrêt du Tribunal fédéral 1P. 3/2006 du 19 janvier 2006 consid. 3 ; ACPR/83/2013 du 7 mars 2013).

La requête tendant à la récusation in corpore du Ministère public est, partant, irrecevable.

3.             En tant qu'elle succombe, la requérante supportera les frais de la procédure
(art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 600.-, y compris un émolument de décision.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare la requête irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la requérante et au Ministère public.

Siégeant :

 

Monsieur Christian COQUOZ président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président:

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/45/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur demande de récusation (let. b)

CHF

515.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

600.00