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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19981/2021

ACPR/528/2022 du 05.08.2022 sur OTDP/258/2022 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE;RESTITUTION DU DÉLAI;EXCUSABILITÉ;LANGUE;TRADUCTION
Normes : CPP.354; CPP.94; CPP.68

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19981/2021 ACPR/528/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 5 août 2022

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ Genève, comparant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 8 février 2022 par le Tribunal de police et celle de refus de restitution de délai rendue le 9 février 2022 par le Ministère public,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par un seul acte expédié le 18 février 2022, A______ recourt, d'une part, contre l'ordonnance du 8 février 2022, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de l'opposition qu'il avait formée à l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021, celle-ci étant assimilée à un jugement entré en force, et, d'autre part, "en tant que de besoin", contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue par le Ministère public le 9 février 2022, qui lui a été notifiée par pli simple.

Le recourant, qui agit en personne, conclut, sous suite de frais, préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation des décisions querellées; au constat de la validité de son opposition et à la reprise de la procédure préliminaire par le Ministère public. Subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouvelle décision.

b. Par ordonnance du 21 février 2022 (OCPR/10/2022), la direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif au recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du casier judiciaire suisse, A______, ressortissant marocain, né le ______ 1971, a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public le 2 septembre 2021, à une peine privative de liberté de 150 jours, avec sursis, pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI).

b. Par ordonnance pénale du 16 octobre 2021, le prénommé a derechef été condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de 160 jours – par suite de la révocation du précédent sursis –, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, pour infractions à la LStup et à la LEI.

L'ordonnance pénale, qui lui a été notifiée en mains propres, le même jour, dans les locaux du Vieil Hôtel de police, porte sa signature. Il a été relaxé.

c.a. Entendu préalablement par la police, ce jour-là, A______ avait renoncé à la présence d'un avocat, déclaré ne pas avoir besoin d'un traducteur et répondu de manière circonstanciée aux questions des policiers. En substance, il avait admis savoir faire l'objet d'une interdiction d'entrée sur le territoire genevois, y avoir séjourné sans les autorisations nécessaires, être consommateur de haschich depuis environ cinq ans – à raison de six ou sept joints par semaine – et s'être adonné au trafic de stupéfiants du mois d'octobre 2019 au 1er septembre 2021 pour subvenir à ses besoins. Lors de son interpellation, la veille, la drogue en sa possession, acquise pour un montant de CHF 30.-, était destinée à sa consommation personnelle et non à la vente. Quant à la somme d'argent retrouvée sur lui, elle provenait pour partie (CHF 70.-) d'un ami qui voulait l'aider et d'un travail rémunéré en France (CHF 136.-). Pour le surplus, il était arrivé à Genève en 2013, à l'âge de 42 ans, pour y chercher du travail, avait vécu en France entre 2015 et 2018, et avait le projet de se marier avec une femme prénommée B______ de nationalité suisse, vivant à Genève.

Lors de son audition, une décision d'interdiction d'entrée en Suisse valable du 30 septembre 2021 au 29 septembre 2026 lui a été notifiée, qu'il a refusé de signer, souhaitant pouvoir "en discuter" avec le Ministère public.

c.b. Sous la rubrique "langue maternelle, parlée" du procès-verbal d'audition figure la mention "arabe, français". Par ailleurs, A______ a signé tous les documents, dont le formulaire "Autorisation de fouille d'appareils électroniques" et le procès-verbal, rédigés en français. Ses droits lui ont été notifiés à l'aide du formulaire "droits et obligations du prévenu" en arabe, qu'il a signé, lequel faisait formellement mention de son droit de se faire assister d'un avocat et d'un interprète.

d. Selon le rapport d'arrestation de la police établi le même jour, l'examen du téléphone portable de A______ a révélé qu'il avait reçu un message SMS faisant référence à un trafic de stupéfiants. Une capture d'écran d'une conversation en français, datée du 6 octobre 2021, entre l'intéressé et C______ a été annexée audit rapport.

Par ailleurs, le jour de son interpellation, dans les locaux de la police, A______ s'étant plaint de fortes douleurs à la poitrine, a été acheminé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) pour examens, avant d'être reconduit au poste en vue d'être auditionné sur les faits qui lui étaient reprochés. Son dossier médical, établi par les HUG le 16 octobre 2021, selon lequel il avait indiqué aux soignants être sujet à des hallucinations depuis trois ans, figure en annexe du rapport d'arrestation.

e. Par lettre du 9 novembre 2021, A______ a déclaré former opposition à l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021, "sur conseils" d'un avocat de la permanence de l'Ordre des avocats et de la Permanence juridique D______, consultés respectivement les 1er et 8 novembre 2021. Il contestait avoir vendu de la marijuana à C______ et regrettait "sincèrement" ses agissements, ayant conduit à sa condamnation et au prononcé d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse, alors qu'il y vivait depuis neuf ans.

B______, ressortissante helvétique, qui partageait sa vie depuis 9 mois et avec laquelle il s'était fiancé le 2 juillet 2021, avait rédigé son opposition car il n'était pas en mesure de se défendre seul, ne sachant ni lire ni écrire le français, qu'il parlait et comprenait au demeurant "mal", malgré le fait qu'il vivait à Genève depuis 2013.

Lors de son audition par la police, le 16 octobre 2021, il n'avait pas pu bénéficier de l'aide d'un interprète, en violation de ses droits procéduraux et un policier lui avait même dit "rentre chez toi!".

Par ailleurs, lorsqu'il avait été condamné une première fois, le 2 septembre 2021, il n'avait pas compris qu'il pouvait former opposition à l'ordonnance pénale dans un délai – très bref – de dix jours. De plus, il n'avait pas osé se confier au sujet de son arrestation ni de cette décision, qu'il avait "déchirée de façon inconséquente". Interpellé une nouvelle fois, le 15 octobre 2021, il avait eu le courage d'en parler cette fois-ci et avait pris conscience de ses actes.

f. Par ordonnance sur opposition tardive du 10 novembre 2021, le Ministère public, concluant à l'irrecevabilité de l'opposition, pour cause de tardiveté, a transmis la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.

g. Invité par le Tribunal de police à se déterminer sur l'apparente irrecevabilité de son opposition, A______ a, par lettre du 8 décembre 2021, maintenu son opposition et présenté ses excuses pour le retard, sollicitant la tenue d'une audience afin de pouvoir en expliquer les motifs. Il demandait à pouvoir y être assisté d'un interprète, ne comprenant pas suffisamment le français et s'exprimant "très mal" dans cette langue.

h. En prévision de l'audience appointée par le Tribunal de police le 8 février 2022, A______ a requis, par courrier du 28 décembre 2021, l'audition de sa compagne et de sept personnes de son entourage pouvant confirmer qu'il n'avait pas compris la portée de l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021, en particulier la nécessité de former opposition dans les 10 jours.

À l'appui, il a produit huit lettres émanant desdites personnes, faisant part de leur volonté de témoigner en sa faveur. Elles y exposent, en substance, que l'intéressé se trouvait en "état de choc" lors de son arrestation, avait, dans un premier temps, "tout gardé secret" avant de finalement se confier à sa compagne. Considérant sa condamnation trop sévère, il avait "décidé d'agir" et demandé des conseils juridiques. Il avait formé opposition tardivement en raison notamment d'un manque de ressources financières, de sa mauvaise compréhension de la langue française et de sa vie "toxique" et "marginale". Le français, qu'il ne lisait et n'écrivait pas, n'était "pas encore maîtrisé" et lui demandait "beaucoup d'efforts". Aussi, de nature timide et "peu à l'aise avec la langue française", il donnait "facilement l'impression de comprendre en hochant de la tête", alors qu'il était aisé de réaliser qu'il ne comprenait "que très peu" cette langue. S'il pouvait suivre une conversation très simple, il ne faisait aucun doute qu'il n'avait pas compris la teneur de l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021.

i. Par pli du 3 janvier 2022, le Tribunal de police a informé A______ que sa compagne et le policier en charge de son audition le 16 octobre 2021 étaient convoqués en qualité de témoins à l'audience du 8 février 2022.

En revanche, il n'entendait pas auditionner les autres témoins sollicités, les attestations produites étant suffisantes pour instruire la question de sa compréhension de l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021.

j.a. Lors de l'audience du 8 février 2022, A______, assisté d'un interprète de langue arabe, a exposé ne pas avoir compris le motif de son arrestation et la raison pour laquelle les policiers avaient mentionné une période de cinq ans.

Il partageait la vie de B______ depuis février 2021 et s'était fiancé avec elle au mois de juillet de la même année. Ils parlaient "en français un peu" et vivaient ensemble depuis à tout le moins octobre 2021.

Selon une note du Tribunal au procès-verbal, A______ a hoché de la tête avant d'entendre la traduction de la question.

S'agissant des témoins dont il sollicitait l'audition, il échangeait avec ceux qui n'étaient pas arabophones "un peu" en français, connaissant les mots "de base" de cette langue.

Son audition par la police s'était effectivement déroulée en français et il s'était "un peu" exprimé dans cette langue. Il avait, par exemple, compris lorsque les policiers lui avaient demandé son identité et de se prononcer sur les faits qui lui étaient reprochés.

S'il ressortait du procès-verbal de son audition qu'il avait été en mesure de donner des réponses étayées aux questions posées, c'était parce qu'il savait répondre "bonjour", "comment ça va" et s'exprimer sur les motifs de son arrestation; en revanche, il ne savait ni lire ni écrire le français. Il avait été capable de répondre à des questions précises, notamment au sujet de la "quantité" de stupéfiants, sans pour autant formuler des phrases complètes.

Le 15 octobre 2021, aux HUG, il s'était entretenu en français avec les soignants, ayant prononcé des mots comme "malade", "mal à la tête" et dit qu'il "voyait des choses".

Certes, il avait reçu en mains propres l'ordonnance pénale litigieuse, qu'il avait signée. En revanche, il n'en avait pas saisi la portée, n'ayant pas été assisté d'un interprète. La Procureure ne lui avait pas donné l'occasion de s'exprimer, s'étant limitée à lui lire le contenu de la décision avant de le relâcher.

j.b. Entendu en qualité de témoin, le policier chargé de l'audition de A______ le 16 octobre 2021 a déclaré que ce dernier n'avait émis aucune réserve quant à sa compréhension de la langue française, tant à l'oral qu'à l'écrit. De plus, il ne s'était pas limité à répondre par l'affirmative ou la négative mais avait développé ses réponses, lesquelles avaient été retranscrites dans le procès-verbal.

j.c. Egalement auditionnée comme témoin, B______ a exposé avoir rencontré A______ le 11 février 2021 et avoir débuté une relation intime avec lui dans les jours qui avaient suivi. Elle confirmait avoir rédigé l'opposition du 9 novembre 2021 et les courriers adressés au Tribunal de police les 8 et 28 décembre 2021, en présence de son compagnon. Elle ne parlait pas du tout l'arabe et communiquait avec lui en français, exercice qui était "fatiguant" et "laborieux" car il comprenait souvent à "l'envers".

C. a. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police a constaté que l'ordonnance pénale avait été remise à A______ en mains propres le 16 octobre 2021. Ce dernier avait déclaré à la police qu'il était présent à Genève depuis ses 42 ans, de sorte qu'il y vivait depuis plusieurs années et y échangeait en français, en particulier avec sa compagne depuis février 2021. Son audition par la police s'était déroulée en français et n'avait pas posé de problème particulier d'expression ou de compréhension. De plus, l'intéressé avait précisé que le Ministère public lui avait lu le contenu de l'ordonnance pénale au moment de sa notification. Dans ces circonstances, cette décision lui avait été valablement notifiée le 16 octobre 2021 et le délai pour y former opposition était venu à échéance le 26 octobre 2021. Expédiée le 9 novembre suivant, l'opposition avait été faite après l'expiration du délai de dix jours, de sorte qu'elle n'était pas valable.

b. Dans sa décision querellée, le Ministère public a estimé que les conditions d'une restitution de délai pour former opposition n'étaient pas réunies. En effet, interrogé par la police le 16 octobre 2021, A______ avait indiqué ne pas avoir besoin d'un traducteur et l'audition s'était déroulée sans problème de compréhension. Pour le surplus, l'ordonnance pénale lui avait été remise en mains propres avec lecture de son contenu et de ses droits. Même sans l'assistance d'un interprète, l'intéressé était manifestement en mesure de comprendre le contenu de cette décision, en particulier le délai de dix jours pour former opposition, puisqu'il s'exprimait aisément en français.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Tribunal de police d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation, constaté les faits de manière inexacte et violé son droit d'être entendu en ne donnant pas suite à ses offres de preuves.

Il vivait à Genève depuis ses 42 ans, soit depuis 2013, et avait principalement vécu à la rue, n'étant pas titulaire d'un permis de séjour. Il avait quitté l'école à l'âge de quinze ans, parlait arabe au quotidien et s'exprimait très mal en français. Renonçant souvent à se faire comprendre, il était uniquement capable de converser en français au sujet de sujets très simples et "évitait" les discussions.

En février 2021, il avait fait la connaissance de B______, de nationalité suisse, devenue sa compagne, qui l'aidait à lutter contre ses addictions et qui avait rédigé son recours.

La Procureure ne lui avait pas laissé l'occasion de s'exprimer et n'avait, de ce fait, pas constaté – ni ne s'était souciée – de son niveau de français. Lors de la remise de l'ordonnance pénale, elle lui en avait lu le contenu, qu'il n'avait pas du tout compris. N'ayant pas saisi la portée de cette décision et ignorant le fait qu'il avait le droit de la contester, il n'avait pas osé en parler à qui que ce soit. Lorsque, plusieurs jours plus tard, sa compagne avait pris connaissance de l'ordonnance pénale, elle lui avait indiqué qu'il pouvait s'y opposer mais que le délai pour ce faire était échu. Ils avaient alors consulté une permanence juridique.

De nature polie et empathique, il hochait de la tête lorsqu'on lui adressait la parole, sans que cela ne signifiât pour autant qu'il comprenait la teneur des propos en question, ce que les auditions de témoins sollicitées auraient pu confirmer.

Il contestait par ailleurs avoir formulé des phrases complètes lors de son audition par la police, précisant qu'il était notoire que les procès-verbaux retranscrivaient le contenu d'une audition dans un français clair et correct, sans que cela ne signifiât pour autant que la personne auditionnée eût formulé elle-même lesdits propos.

Le Tribunal de police ne s'était pas enquis de savoir si le Ministère public avait expliqué de manière claire son droit de former opposition et le délai pour agir. De plus, il avait instruit de manière sommaire la question de son niveau de français.

Cette autorité n'avait pas jugé utile d'auditionner les personnes qui le côtoyaient au quotidien – hormis B______. Leurs attestations écrites ne semblaient pas non plus avoir été prises en compte.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.              Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 85 al. 4, 91 al. 1, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner deux ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a et b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation des décisions querellées (art. 382 al. 1 CPP).

Il sera statué par un seul arrêt.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit, en fait et en opportunité (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Tribunal de police auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-dessus.

Partant, le grief y relatif sera rejeté.

4.             Le recourant reproche au Tribunal de police une violation de son droit d'être entendu en lien avec ses réquisitions de preuves.

4.1.  Le droit d'être entendu, consacré par l'art. 29 al. 2 Cst féd., impose à l'autorité de motiver sa décision, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; 126 I 97 consid. 2b). L'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Dès lors qu'on peut discerner ces motifs, le droit d'être entendu est respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 2.1).

4.2.  En l'espèce, le Tribunal de police a clairement exposé les raisons pour lesquelles il n'entendait pas procéder à l'audition des personnes citées par le recourant, ayant considéré que leurs témoignages écrits suffisaient pour instruire la question de la compréhension de la langue française par l'intéressé. Il s'ensuit que la décision querellée respecte les principes sus-évoqués.

Pour le surplus, le recourant a pu faire valoir devant la Chambre de céans – qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) – les arguments et faits qu'il considérait déterminants. Il s'ensuit que son droit d'être entendu n'a pas été violé.

Le grief y relatif est donc rejeté.

5.             Le recourant reproche au Tribunal de police d'avoir jugé irrecevable, car tardive, son opposition à l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021.

5.1.  Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale.

5.2.  À teneur de l'art. 354 CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le Ministère public, par écrit et dans les 10 jours
(al. 1 let. a). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3).

5.3.  Le système de l'ordonnance pénale n'est conforme aux exigences découlant des art. 6 CEDH et 14 Pacte ONU II que si le prévenu peut librement accepter ou refuser l'offre qui lui est faite. Mais accepter cette offre de jugement c'est aussi renoncer à l'exercice des droits fondamentaux de la personne faisant l'objet d'une accusation en matière pénale. Les droits fondamentaux liés au statut de l'accusé ne sont pas des droits absolus; l'accusé peut y renoncer, y compris de manière implicite. C'est d'ailleurs le cas de l'ordonnance pénale, puisque l'acceptation de l'offre de jugement repose sur l'absence de réaction du prévenu dans le délai institué par la loi pour former opposition. Pour renoncer valablement à ces prérogatives, il est notamment indispensable que l'accusé donne un consentement univoque, libre et éclairé. Dans le domaine de l'ordonnance pénale, il faut donc s'assurer que c'est en toute connaissance de cause que le prévenu n'a pas formé opposition. Il faudra donc, notamment, que le prévenu ait conscience de recevoir une offre de condamnation et qu'il en comprenne, à tout le moins dans les grandes lignes, la portée. Il doit encore être pleinement conscient de son droit d'être jugé par un tribunal, en formant opposition. Cette exigence de compréhension pose notamment la question de la maîtrise de la langue dans laquelle l'ordonnance est rédigée. En règle générale, singulièrement lorsqu'il n'est pas défendu par un avocat, le prévenu a le droit que lui soient traduits, à tout le moins, le dispositif du jugement ou de l'ordonnance pénale et l'énoncé des voies de droit (Y. JEANNERET, L'ordonnance pénale et la procédure simplifiée dans le CPP, in Procédure pénale suisse, Approche théorique et mise en œuvre cantonale, 2010, n. 7-9 pp. 77-78 et les références citées).

5.4.  Selon l'art. 68 al. 1 CPP, la direction de la procédure fait appel à un traducteur ou un interprète lorsqu'une personne participant à la procédure ne comprend pas la langue utilisée ou n'est pas en mesure de s'exprimer suffisamment bien dans cette langue (al. 1, 1ère phrase). Le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants est porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu'il comprend, même si celui-ci est assisté d'un défenseur (al. 2).

Il appartient au magistrat d'apprécier les connaissances linguistiques du prévenu. Pour juger de la maîtrise suffisante de la langue – soit de la faculté passive de comprendre et active de s'exprimer –, il y a lieu de prendre en considération les circonstances du cas particulier, notamment la nature de l'objet de l'audition, son but et son importance (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire CPP, Bâle 2016, n. 7 ad art. 68 CPP et les références citées).

5.5.  Le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP) concerne, en procédure pénale, non seulement les autorités pénales mais, le cas échéant, les différentes parties, y compris le prévenu (ATF 144 IV 189 consid. 5.1 ; 143 IV 117 consid. 3.2 p. 121). On en déduit, en particulier, l'interdiction d'adopter des comportements contradictoires (ATF 131 I 185 consid. 3.2.4).

5.6.  En l'espèce, le recourant ne conteste pas la tardiveté de son opposition, celle-ci étant du reste manifeste. Pour justifier son retard, il affirme ne pas avoir saisi la portée des voies de droit mentionnées dans l'ordonnance pénale du 16 octobre 2021 – remise par le Ministère public le jour même de son prononcé –, faute à cet égard d'avoir été informé dans une langue qu'il comprend.

Lors de son audition par la police du même jour, il a pourtant renoncé à la présence d'un avocat et a décliné l'aide d'un interprète, bien qu'il ait été rendu expressément attentif à ce droit, le formulaire idoine – qu'il a daté et signé – lui ayant été remis, en langue arabe. De plus, il s'est exprimé spontanément en français et a signé sans réserve le procès-verbal et les documents qui lui ont été soumis, à l'exception de la décision d'interdiction d'entrée sur le territoire helvétique, qui lui a été notifiée ce jour-là et dont il souhaitait pouvoir "discuter" avec le Ministère public, démontrant par-là une maîtrise suffisante du français. Pour le surplus, il n'a nullement semblé désemparé par le fait que la police s'adresse à lui en français, au point de se taire, et n'a jamais fait montre d'un signe d'incompréhension, ce qui a été confirmé par le policier ayant procédé à son audition. Le recourant n'a pas davantage argué avoir eu des difficultés à saisir le sens des questions qui lui ont été posées ou à se faire comprendre, ni que le procès-verbal ne correspondrait pas à ce qu'il voulait déclarer.

Le jour de son interpellation, il a par ailleurs été en mesure d'échanger en français lors de sa consultation aux HUG, s'étant notamment confié aux médecins sur des hallucinations visuelles dont il souffrirait depuis trois ans. Pour le surplus, il ressort de la capture d'écran de la conversation SMS produite au dossier qu'il est également capable de s'exprimer par écrit en français.

À cela s'ajoute qu'il vit à Genève depuis 2013, qu'il entretient une relation intime avec B______ depuis le mois de février 2021 et qu'il échange avec celle-ci exclusivement en français. Il paraît ainsi peu vraisemblable qu'il soit en mesure d'entretenir une relation sérieuse avec cette dernière – qui ne parle pas l'arabe – sans maîtriser suffisamment le français. Il ressort enfin de ses propres déclarations et des attestations produites au dossier, qu'il fréquente plusieurs personnes francophones à Genève et qu'il est capable de parler de sujets simples et familiers avec celles-ci en français.

Enfin, il a déjà fait l'objet d'une précédente notification d'ordonnance pénale par le Ministère public, de sorte que la procédure ne lui était pas inconnue.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, sa connaissance de la langue française apparaît amplement suffisante, ses capacités lui permettant de saisir le sens de l’ordonnance pénale du 16 octobre 2021 ainsi que les moyens de s’y opposer.

Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que les éléments essentiels de la procédure ont été portés au recourant de manière conforme et que le moyen qu'il invoque tombe à faux.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal de police a constaté que son opposition du 9 novembre 2021 était tardive et n'est pas entré en matière sur le fond.

Le recours est dès lors infondé sur ce point.

6.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une restitution du délai d'opposition.

6.1.  Selon l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.

Une restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_360/2013 du 3 octobre 2013 consid. 3.1; 6B_158/2012 du 27 juillet 2012 consid. 3.2 et les références citées). En d'autres termes, il faut comprendre, par empêchement non fautif, toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d'agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014).

6.2.  En l'espèce, force est de constater que le motif invoqué par le recourant n'est pas de nature à justifier une restitution de délai au sens de l’art. 94 CPP. En effet, ses explications ne sont ni propres ni suffisantes à établir qu'il aurait été dans l'incapacité, dans les dix jours suivant la notification de l'ordonnance pénale, de former opposition à celle-ci, par une lettre, qui n'avait au demeurant pas besoin d'être motivée (art. 354 al. 2 CPP), ou de charger une personne de le faire pour son compte, ce d'autant que les voies de droit étaient détaillées de manière exhaustive dans l'ordonnance pénale litigieuse. L'argument qu'il avance, à savoir sa méconnaissance du français, outre qu'elle n'est pas démontrée et même contredite par les éléments au dossier, ne constitue pas un empêchement au sens de la disposition précitée, ce d'autant que le recourant pouvait se faire aider par sa compagne, ce qu'il a du reste fait, tardivement.

Faute ainsi d'avoir été objectivement empêché de former opposition à l'ordonnance pénale, c'est à bon droit que le délai pour former dite opposition ne lui a pas été restitué.

7.             Justifiées, les ordonnances querellées seront donc confirmées.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au Ministère public et au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19981/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

315.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

400.00