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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/15/2022

ACPR/520/2022 du 04.08.2022 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/15/2022 ACPR/520/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 4 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant en personne,

requérant,

et

B______, Procureur général, p.a Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565 - 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A. a. Par lettre du 7 février 2022, parvenue au Ministère public le lendemain, A______ a requis la récusation de B______, Procureur général, chargé de la procédure P/1______/2022.

b. B______ a transmis cette requête le 22 mars 2022 à la Chambre de céans, avec ses déterminations.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 20 janvier 2022, A______ a déposé plainte auprès du Procureur général contre le Procureur C______ pour entrave à l'action pénale.

Il y expose être en conflit avec une Procureure du Ministère public fribourgeois chargée d'instruire une autre de ses plaintes, qu'il accusait d'avoir, après plusieurs années d'enquête, négligemment omis de traiter une partie des faits dénoncés en ne reconnaissant sa compétence que pour certains auteurs présumés et prétextant que la poursuite des autres avait été déléguée au Ministère public de Genève.

Dans ce contexte, C______ avait tenté de couvrir "l'erreur" de cette Procureure en adressant à cette dernière, le 21 janvier 2020, une lettre faisant état d'un "malentendu" et cherché, par ce moyen, à soustraire sa collègue fribourgeoise à la justice.

b. À l'appui de sa plainte, A______ a produit les deux lettres reçues de C______, datées des 3 novembre 2021 et 21 janvier 2022. Sous la signature manuscrite, elles mentionnent sa fonction, à savoir "Premier Procureur".

c. La procédure P/1______/2022 ouverte par suite de la plainte de A______ du 20 janvier 2022 a été confiée au Procureur général.

C. a. Dans sa requête, A______ expose avoir appris "aujourd'hui" – soit le 7 février 2022 – que C______ était le "nouveau" procureur "adjoint" de B______. Ce dernier avait ainsi un intérêt personnel dans l'affaire, car un lien très fort l'unissait à son premier Procureur, mettant à mal son impartialité. Il requiert la nomination d'un procureur extraordinaire pour instruire sa plainte.

b. Dans ses déterminations, B______ souligne que C______ occupait le poste de premier Procureur depuis le ______, ce que A______ savait, notamment par le truchement des lettres reçues de l'intéressé faisant état de son titre. Sa requête en récusation était ainsi tardive. Sur le fond, le rôle de premier Procureur occupé par C______ n'avait pas pour conséquence qu'il (le Procureur général) aurait un intérêt personnel dans l'affaire. L'apparence de prévention était également inexistante, A______ n'avançant aucun élément concret à cet égard. Par principe, un magistrat était tenu par l'impartialité au moment d'instruire une plainte déposée contre l'un de ses collègues et, dans ce cas concret, ses relations avec C______ restaient strictement professionnelles. Le Ministère public n'était pas organisé hiérarchiquement et le Procureur général ne choisissait pas les premiers procureurs, qui étaient élus collégialement.

c. Dans sa réplique, A______ cite un article de presse, daté du ______ 2021 – qu'il ne produit pas –, dont il aurait eu connaissance le 7 février 2022, selon lequel C______ devenait le nouvel "adjoint spécial" de B______, chargé des affaires présidentielles. Or, la nature de sa plainte tombait dans cette catégorie, ce qui le conduisait à conclure qu'elle ne serait pas traitée de manière impartiale. Avant la lecture de cet article, il savait que C______ était premier Procureur mais ignorait les "liens privilégiés" de celui-ci avec B______. Il avait donc immédiatement agi. L'article citait B______, lequel expliquait que le choix de C______ s'était fait de manière "très consensuelle". Cette description l'inquiétait car elle démontrait un "lien trop fort" entre B______ et C______. B______ avait vraisemblablement pris part aux discussions informelles entre C______ et la Procureure fribourgeoise et il y avait donc à craindre qu'il soit mû par la volonté d'innocenter ce premier afin de se protéger lui-même de tout reproche ou maladresse.

EN DROIT :

1.             1.1. Partie à la procédure en tant que plaignant (art. 104 al. 1 let. b CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

1.2.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP), soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1), sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 4).

La jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_13/2021 du 1er juillet 2021 consid. 2).

1.2.2. En l'occurrence, le requérant a, certes, déposé plainte auprès du Procureur général le 20 janvier 2022, alors qu'il savait que C______ était Premier procureur. Toutefois, ce n'est qu'à la lecture de l'article de journal du ______ 2021 – selon lui le 7 février 2022 – qu'il aurait appris que C______ était le nouveau procureur adjoint du Procureur général.

Le recourant – qui a le fardeau de la preuve du moment de la découverte du motif de récusation – échoue à établir qu'il n'aurait eu connaissance de cet article de presse que deux mois après sa publication. La requête paraît dès lors tardive.

2.             Serait-elle recevable, que la demande de récusation devrait quoiqu'il en soit être rejetée.

2.1. En vertu de l'art. 56 let. a CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu'elle a un intérêt personnel dans l'affaire. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres b à e. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74; 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 s.).

Des liens ou affinités existant entre un juge et d'autres personnes exerçant la même profession, ou affiliées au même parti politique, ou actives dans la même institution publique ou privée, impliquées dans la cause, ne suffisent pas à justifier la suspicion de partialité, la personne élue ou nommée à une fonction judiciaire étant censée être capable de prendre le recul nécessaire par rapport à de tels liens ou affinités et de se prononcer de manière objective sur le litige qui divise les parties (arrêt du Tribunal fédéral 1P_3/2006 du 19 janvier 2006 consid. 3 ; ACPR/83/2013 du 7 mars 2013).

2.2. En l'espèce, le requérant fonde sa demande de récusation sur l'existence d'un intérêt personnel du cité dans l'affaire en raison des prétendus liens étroits qu'il entretiendrait avec le premier Procureur adjoint. Il estime que le "lien très fort" unissant les deux intéressés ferait naître une prévention de partialité.

En tenant compte du principe d'indépendance auxquels sont soumis les magistrat(e)s (art. 2 LOJ) et du serment qui gouverne leur fonction (art. 11 LOJ), la simple nomination d'un premier Procureur adjoint par le Procureur général n'est pas suffisante, en soi, à créer une prévention de partialité. Aucun élément ne permet de retenir que le cité aurait guidé son choix par des considérations autres que professionnelles, même si celui-ci a été fait de manière "très consensuelle". D'ailleurs, le requérant mentionne des "liens étroits", sans être en mesure d'en détailler la nature ni de les rendre d'une quelconque manière vraisemblables.

Au surplus, il développe des conjectures sur l'implication du cité dans de prétendus échanges informels entre ministères publics, sans être à nouveau en mesure d'étayer ses dires autrement que par ses propres convictions.

Compte tenu de ce qui précède, aucun motif de récusation n'apparait réalisé, le requérant paraissant uniquement mû, dans sa démarche, par des suppositions, sans être en mesure d'apporter le moindre élément objectif.

Dans ces circonstances, même une apparence de prévention ne saurait être retenue.

3.             La requête de récusation visant B______ est, partant, infondée et doit être rejetée.

4.             En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 600.-.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête de récusation, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au requérant et à B______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/15/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00