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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24309/2020

ACPR/504/2022 du 27.07.2022 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24309/2020 ACPR/504/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 juillet 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE],

B______, domiciliée ______[GE],

C______ SA, ayant son siège ______ Genève,

D______ SA, ayant son siège ______ Genève,

E______ Sàrl, ayant son _____ Genève,

comparant tous cinq en personne,

recourants,

en déni de justice et retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 

 


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 18 mai 2022, A______, B______, C______ SA, D______ SA et E______ Sàrl (ci-après: les recourants ou les plaignants) concluent, sous suite de frais et dépens, à la constatation d'un déni de justice et à la violation du principe de célérité, qu'ils reprochent au Ministère public, et à ce qu'il soit enjoint à celui-ci de "poursuivre" l'instruction et de se prononcer sur les mesures requises dans la plainte du 14 juin 2020 ainsi que dans les lettres des 19 mars 2021 et 9 février 2022.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par pli du 14 décembre 2020, les recourants ont déposé plainte contre F______ – lequel est décédé le ______ 2022 – et G______, pour abus de confiance (art. 138 CP), escroquerie (art. 146 CP), gestion déloyale (art. 158 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).

Dans le cadre de leur déménagement depuis la France en 2019, les époux A/B______ avaient rencontré F______ ainsi que son associé, G______, le premier cité s'étant présenté comme spécialisé dans le conseil en finance et en investissement. Ces derniers les avaient assistés dans la réalisation de leur projet professionnel en Suisse, à savoir le développement d'une maison de santé au sein de laquelle une pharmacie, une herboristerie et un restaurant seraient exploités. Les prénommés leur avaient proposé d'acheter les sociétés exploitant trois commerces correspondant à leurs souhaits. Sur leur conseil, ils avaient donc acquis la société C______ SA (Holding) et deux sociétés filles, à savoir D______ SA et E______ Sàrl et nommé F______ administrateur, respectivement gérant, desdites sociétés. Par la suite, les époux avaient perdu toute "visibilité" sur la gestion des sociétés. En novembre 2020, ils s'étaient finalement aperçu que l'inactivité de F______ avait conduit à d'importants retards comptables et fiscaux. En l'état, ils n'étaient toutefois pas en mesure de communiquer l'étendue des actes de gestion déloyale reprochés au prénommé ni de lister la totalité des conséquences de ces actes. Enfin, il était apparu que F______ facturait des activités fictives à leurs sociétés et effectuait des paiements réguliers en faveur de la société I______ Sàrl – dont il était l'associé gérant et G______ l'associé –, à leur insu. Ces points devraient être aussi détaillés ultérieurement par les époux.

En outre, le couple avait confié aux précités la somme de CHF 1'000'000.-, laquelle devait être placée par l'intermédiaire de H______. Le 6 mai 2020, ils avaient donc versé ladite somme sur le compte de la société C______ SA, à la demande de F______. Durant cette même période, ce dernier leur avait aussi parlé de placement de type "private equity". Ainsi, le 26 mai 2020, ils avaient versé CHF 500'000.- sur le compte de C______ SA, conformément à ses instructions. Les 26 juin et 30 juillet 2020, F______ avait viré respectivement CHF 100'000.- et CHF 400'000.- en faveur de I______ Sàrl ou J______ SA. Ils ignoraient ce qu'il était advenu de cet argent.

En septembre 2020, ils avaient informé F______ de leur souhait de récupérer l'argent. Le précité n'avait eu de cesse de repousser leurs demandes. Le 29 septembre 2020, ils avaient récupéré CHF 975'063.-. S'agissant de la seconde somme remise, seuls CHF 90'418.86 leur avait été restitués via le compte de I______ Sàrl. Simultanément, ils avaient reçu une facture de la part de ladite société pour un montant de CHF 409'581.14. Or, les intéressés ne pouvaient démontrer avoir déployé une telle activité en leur faveur. Ils soupçonnaient donc F______ et son associé de ne pas avoir investi l'argent confié mais de l'avoir utilisé à leur profit.

Incapables de lister la totalité des infractions commises à leur endroit, ils comptaient adresser, ultérieurement, un complément de plainte au Ministère public.

Ils sollicitaient la perquisition des locaux de la société I______ Sàrl et du domicile des mis en cause, le séquestre du compte bancaire auprès de K______ AG (ci-après: K______) appartenant à I______ Sàrl ou J______ SA, des comptes bancaires privés de F______, en particulier de celui ouvert auprès de K______ ainsi que le dépôt de ses relevés pour les deux dernières années. Enfin, ils souhaitaient que les comptes bancaires appartenant à G______ soient identifiés puis séquestrés.

b. Le 21 décembre 2020, le Ministère public a adressé un ordre de dépôt à K______, laquelle s'est exécutée le 18 janvier 2021.

c. Les 4 et 30 mars 2021, il a adressé des ordres de dépôt à la G______ (ci-après: L______) ainsi qu'à M______ SA (ci-après: M______), lesquels se sont exécutés respectivement les 16 mars et 15 avril 2021.

d. Dans l'intervalle, le 9 mars 2021, le Ministère public a transmis aux plaignants le résultat de l'ordre de dépôt adressé à K______ et relancé ces derniers s'agissant des compléments annoncés dans leur plainte.

e. Par pli du 19 mars 2021, les plaignants ont répondu au Ministère public que lesdits compléments lui parviendraient ultérieurement.

Néanmoins, il ressortait de la documentation bancaire reçue que la somme de
CHF 500'000.- confiée à F______ avait été employée au profit de ce dernier ou de sociétés dont il avait le contrôle et non placée dans le domaine du "private equity", comme convenu. En effet, les fonds avaient été, dans un premier temps, transférés, sur un compte appartenant à la société I______ Sàrl avant d'être virés sur le compte de J______ SA, N______ Sàrl, O______ SA ou P______ SA – sociétés dont F______ était l'administrateur –, ou encore en faveur du compte personnel de ce dernier, avec les mentions "remboursement frais", "avance" ou encore "salaire août 2020". Ils demandaient donc le séquestre des comptes bancaires ayant reçu l'argent confié ainsi que le dépôt des documents permettant d'analyser les mouvements opérés depuis ces comptes. Enfin, il ressortait d'un échange avec F______ – qu'ils produisent – que ce dernier leur avait confirmé avoir effectué le placement convenu, alors même que les virements susmentionnés avaient déjà été effectués, ce qui démontrait qu'il avait abusé de leur confiance. Ils demandaient au Ministère public de procéder à la perquisition des locaux des sociétés I______ Sàrl, J______ SA et du domicile de F______, et d'ordonner le séquestre de tous les comptes bancaires sur lesquels leur argent avait été versé. Enfin, il convenait d'ordonner le dépôt des relevés de compte desdites sociétés et de procéder à l'audition des mis en cause.

f. Par plis des 10 et 31 mai 2021, les plaignants ont relancé la Procureure, faute d'avoir reçu de réponse, s'agissant notamment des actes d'instruction à venir.

g. Le 1er juin 2021, le Ministère public a convoqué une audience au 24 suivant, pour y entendre les plaignants.

h. À l'issue de celle-ci, le Ministère public a ouvert une instruction contre F______ et G______ et décerné des mandats d'amener contre eux. Il a en outre chargé la police de les entendre et de lui faire parvenir un rapport.

i. Entendus par la police le 20 septembre 2021, les prévenus ont, en substance, contesté les faits reprochés.

j. Le 29 septembre 2021, le Ministère public a reçu un rapport de la Brigade financière.

k. Le 4 octobre 2021, il a convoqué une audience de confrontation au 24 novembre 2021.

l. Le 23 novembre 2021, ladite audience a été annulée en raison d'une indisponibilité personnelle de l'avocat de F______.

m. Le 9 décembre 2021, une nouvelle audience de confrontation a été convoquée au 27 janvier 2022.

n. Le ______ 2022, le Ministère public a été informé du décès de F______ de sorte que l'audience prévue le lendemain a été annulée.

o. Par pli du 9 février 2022, les plaignants ont sollicité du Ministère public qu'il poursuive l'instruction contre G______. La question de l'utilisation des fonds remis à feu F______ devait aussi être clarifiée et le séquestre des comptes bancaires en cause envisagé. Ils sollicitaient, par conséquent, l'audition de personnes appartenant au conseil d'administration des sociétés ayant reçu une partie de l'argent leur appartenant.

p. Par avis de prochaine clôture du 10 février 2022, le Ministère public a informé les parties qu'une ordonnance de classement serait prochainement rendue en faveur des prévenus, plus précisément en raison du décès de F______ et de l'absence de charges suffisantes contre G______. Un délai au 21 février 2022 leur était imparti pour lui faire parvenir leurs réquisitions de preuves complémentaires.

q. Par pli du 21 février 2022, les plaignants se sont opposés au classement, se référant notamment aux observations contenues dans leur pli du 19 mars 2021
(cf. B.e.). Ils réitéraient leurs demandes d'actes d'instruction formulées dans la plainte du 14 décembre 2020 et les courriers des 19 mars 2021 et 9 février 2022 (cf. B.o.), celles-ci ayant été ignorées par le Ministère public.

r. Par plis des 21 et 28 mars 2022, les plaignants ont relancé le Ministère public. Ainsi qu'ils l'avaient détaillé dans leur pli du 19 mars 2021, le séquestre des comptes des sociétés sur lesquels le produit de l'infraction s'était retrouvé devait être ordonné. Il appartenait aussi au Ministère public de rendre une décision s'agissant des valeurs patrimoniales mentionnées dans ledit courrier, soit celles ayant été transférées sur divers comptes bancaires, contrairement à leur accord, et ce indépendamment du décès de F______. Ils concluaient d'ores et déjà à l'allocation de ces valeurs en leur faveur (art. 73 al. 1 let b et c CP).

C. a. À l'appui de leur recours, les recourants reprochent au Ministère public la lenteur de l'instruction. En deux ans, le Ministère public leur avait transmis, "sans autre commentaire", une clé USB contenant les résultats de l'ordre de dépôt adressé à K______, chargé la Brigade financière d'auditionner les prévenus et convoqué trois audiences, dont seule une avait eu lieu. En outre, le Ministère public n'avait jamais statué sur les autres mesures d'instruction sollicitées dans la plainte et les courriers subséquents, ignorant systématiquement leurs demandes, et ce alors qu'ils avaient fourni un exposé détaillé des faits reprochés. Ils avaient également attiré l'attention du Ministère public sur la nécessité d'ordonner des mesures urgentes. Or, le séquestre des comptes bancaires en lien avec les infractions dénoncées n'avait toujours pas été ordonné.

Opposés au classement prochain de la procédure, ils estiment que l'instruction présentait des "carences". Le Ministère public devait rendre une décision concernant les valeurs patrimoniales visées dans le pli du 28 mars 2022, lesquelles correspondaient à une part substantielle du produit de l'infraction commise par feu F______, et renvoyer G______ en jugement. Les explications de ces derniers étaient d'ailleurs peu convaincantes et les documents fournis par K______ suffisaient à démontrer la commission d'infractions pénales. La Brigade financière avait d'ailleurs conclu à une utilisation non conforme, par le prévenu, des fonds remis par les recourants. "Le traitement réservé par le Magistrat instructeur à la présente procédure [était] donc inacceptable".

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conteste être resté inactif. Après avoir obtenu le dépôt de nombreuses pièces bancaires, il était apparu qu'une large partie des fonds (soit près de CHF 300'000.-) avait été versée sur des comptes de sociétés avec, pour motif, "capital consignation", soit des opérations pouvant constituer des investissements de type "private equity", comme convenu entre les recourants et feu F______. Le résultat des ordres de dépôt ne permettait donc pas de confirmer les soupçons à l'égard de feu F______ mais exigeait plutôt des clarifications de la part des recourants, lesquels avaient également annoncé des compléments de plaintes qui ne lui étaient jamais parvenus.

Reconnaissant ne pas avoir donné de suite à l'intégralité des actes d'instruction sollicité, il n'apparaissait pas que les perquisitions puissent être utiles à l'enquête. Les demandes de séquestre n'indiquaient pas des comptes visés, de sorte qu'il était nécessaire, dans un premier temps, de procéder à une analyse complète de la documentation bancaire afin de les identifier. Toutefois, les soldes desdits comptes s'étaient avérés pour la plupart négatifs ou peu importants, rendant ainsi la mesure sollicitée peu utile.

Enfin, l'absence de réponse au courrier du 21 février 2022, lequel faisait suite à l'avis de prochaine clôture, ainsi qu'aux relances subséquentes, ne constituait pas un déni de justice, ces demandes devant être traitées dans l'ordonnance de classement qu'il s'apprêtait à rendre, laquelle pourrait faire l'objet d'un recours.

c. Les recourants ont répliqué.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP). Par ailleurs, le présent recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP) et émane des parties plaignantes, qui ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée (art. 104 al.1 let. b et 382 CPP).

Partant, il est recevable.

2.             2.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Cette disposition concrétise le principe de célérité, et prohibe le retard injustifié à statuer, posé par l'art. 29 al. 1 Cst., qui garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Un déni de justice ou un retard injustifié est établi lorsqu'une autorité s'abstient tacitement ou refuse expressément de rendre une décision dans un délai convenable (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4132). Une autorité commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. lorsqu'elle n'entre pas en matière dans une cause qui lui est soumise dans les formes et délais prescrits, alors qu'elle devrait s'en saisir (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157; 135 I 6 consid. 2.1 p. 9; 134 I 229 consid. 2.3 p. 232).

Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 144 II 486 consid. 3.2 p. 489).

Dans l'appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel la cause doit être traitée, il faut tenir compte, entre autres éléments, du comportement du justiciable; il incombe à celui-ci d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_341/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.2; 2C_227/2020 du 21 août 2020 consid. 9.2 in Pra 2021 n° 2; 1B_122/2020 du 20 mars 2020 consid. 3.1; 5D_205/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.3.1). Il s'agit de conditions alternatives; autrement dit, le justiciable n'est pas tenu de s'adresser d'abord au juge qui diffère indument sa décision, le recours pour déni de justice étant précisément l'un des moyens d'accélérer la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_917/2020 du 12 février 2021 consid. 2.2.2.). Un retard ou un refus inexprimé de statuer ne saurait être légitime sous le prétexte que la voie du recours ne serait pas ouverte en cas de refus formel des actes demandés par le justiciable. C'est bien le silence prolongé et injustifié qui est prohibé. Du reste, la simple courtoisie, déjà, voudrait qu'une réponse fût apportée, épargnant ainsi d'inutiles relances (ACPR/476/2013 du 17 octobre 2013 consid. 4.3.2.), voire le dépôt d'un recours pour déni de justice.

2.2. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ATF 124 I 139 consid. 2c; 119 IV 107 consid. 1c).

2.3. En l'espèce, le 21 décembre 2020, soit cinq jours après réception de la plainte, le Ministère public a ordonné le dépôt par K______, de documents bancaires relatifs à toute relation dont les prévenus et deux de leurs sociétés seraient titulaires, ayant droit ou fondé de procuration, dès lors qu'il ressortait de la plainte que l'argent confié avait transité sur ces comptes. Ces documents ont été transmis aux recourants.

Les 4 et 30 mars 2021, soit après avoir procédé à l'analyse de la documentation bancaire reçue et pris connaissance du pli adressé le 19 mars 2021 par les plaignants, le Ministère public a ordonné le dépôt de documents par la L______ et M______. La Procureure a en outre demandé aux plaignants de lui faire parvenir leurs compléments de plainte.

Le 24 juin 2021, le Ministère public, n'ayant pas obtenu les précisions annoncées, a entendu les plaignants. Le jour-même, la Procureure a ouvert une instruction et chargé la police de procéder à l'audition des prévenus et de rédiger un rapport circonstancié.

Puis, à réception dudit rapport de renseignements, le 29 septembre 2021, elle a convoqué, le 4 octobre 2021, une audience de confrontation au 24 novembre 2021, laquelle a été annulée sur demande de l'avocat de feu F______. Le 9 décembre suivant, le Ministère public a convoqué une nouvelle audience de confrontation au 27 janvier 2022, laquelle a été annulée en raison du décès du prévenu. Le 10 février 2022, le Ministère public a annoncé le classement de la procédure aux parties.

Ce qui précède démontre que le Ministère public n'est pas resté inactif dans la conduite de l'instruction.

Par contre, il est vrai que la Procureure n'a jamais répondu aux – ni statué sur les – demandes d'actes d'instruction, en particulier sur les demandes de séquestres formulées clairement dans la plainte de décembre 2020 ainsi que dans les relances des 19 mars 2021 et 9 février 2022.

Si le Ministère public estimait que ces actes étaient infondés ou prématurés à ce stade de l'enquête, faute d'avoir obtenu des clarifications et autres compléments de plainte, il lui incombait d'en aviser les plaignants, étant relevé que des mesures de contrainte sollicitées pouvaient découler les clarifications en question.

Par conséquent, le déni de justice et le retard injustifié sont constitués.

Il n’y a toutefois pas lieu de donner des instructions au Ministère public, au sens de l’art. 397 al. 4 CPP. En effet, compte tenu de l’avis de prochaine clôture, annonçant la reddition imminente d'une ordonnance de classement, il appartiendra au Ministère public, dans ce cadre, de se déterminer sur les réquisitions de preuve des recourants
(art. 318 al. 2 CPP) et, le cas échéant, sur les autres demandes formulées (art. 320 al. 2 CPP).

Certes, le Ministère public a d'ores et déjà indiqué dans ses observations les raisons pour lesquelles il ne donnera pas suite aux réquisitions de preuve des recourant. Toutefois, sauf à vider de leur sens le principe du double degré de juridiction et les réquisits de l’art. 318 CPP, il n'y a pas lieu de se prononcer ici sur ce refus. En tout état, les recourants n'ont pas démontré en quoi la prise de position du Ministère public leur causerait un préjudice juridique au sens de l'art. 394 let. b CPP, étant précisé que seule cette démonstration leur eût ouvert la voie du recours à la Chambre de céans sur ce point.

Pour le surplus, il n'appartient pas à la Chambre de céans, à ce stade, de se déterminer sur les arguments de fond présentés par les plaignants à l'appui de leur recours, faute de décision attaquable, puisque le Ministère public n'a pas encore statué.

3.             Les recourants, qui ont partiellement gain de cause, n'assumeront pas de frais judiciaires (art. 428 al. 1 CPP).

4.             Représentés par un avocat lors de l'introduction du recours, les plaignants n’ont ni chiffré ni justifié de prétentions en indemnité au sens de l'art. 433 al. 2 CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP), de sorte qu'il ne leur en sera point alloué (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2016 du 30 novembre 2017 consid. 7.2).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Constate un déni de justice et un retard injustifié à statuer, au préjudice de A______, B______, C______ SA, D______ SA et E______ Sàrl dans la conduite de la procédure P/24309/2020.

Laisse les frais de l'instance à la charge de l'État.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer aux recourants les sûretés versées (CHF 1'000.-).

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).