Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/346/2022 du 13.05.2022 sur OMP/5897/2022 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6309/2022 ACPR/346/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 13 mai 2022 |
Entre
A______, domicilié c/o B______, rue ______, France, comparant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de refus de qualité de partie plaignante rendue le 5 avril 2022 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 12 avril 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 avril 2022, notifiée le 12 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de lui reconnaître la qualité de partie plaignante.
Le recourant déclare "faire recours de cette décision", sans prendre de conclusions formelles.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. C______ SA, en liquidation, société active dans le domaine des pierres précieuses et de la consignation de bijoux et montres, a été radiée le ______ 1999 par suite de faillite.
A______ en était l'administrateur président avec signature individuelle.
b. Le 7 mars 2022, A______ a déposé une plainte pénale ainsi libellée:
"Monsieur le Procureur général,
J'ai l'honneur de remettre entre vos mains une plainte pénale à l'encontre de la banque E______ SA pour la disparition de deux comptes courants et la falsification de documents dont deux relevés de comptes créés de toutes pièces par E______ SA et qui sont à l'origine de la faillite de C______ SA. Pourquoi cette faillite?
Je joins à la présente tous les justificatifs à ce dossier.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Procureur général, mes respectueuses salutations".
c. À l'appui de sa plainte, A______ a produit de nombreuses pièces, en vrac, en particulier des extraits de comptes n. 1______, 2______ et 3______ ouverts au nom de C______ SA auprès de E______ SA, la correspondance entre la société, la banque et lui-même, ainsi que les poursuites intentées par E______ SA à son encontre et contre la société.
c.a. En substance, il en ressort que par contrat du 28 mars 1978, E______ SA (anciennement E______) avait octroyé à C______ SA (anciennement F______) et à A______, en qualité de codébiteur solidaire des comptes n. 1______ et 2______, un crédit dont la limite avait progressivement été augmentée, – garanti par le nantissement du safe n. 4______ au nom de C______ SA contenant un lot de pierres précieuses, selon l'acte de gage du 1er mai 1986 signé par A______ –, puis réduite.
Au 30 juin 1995, E______ SA était au bénéfice de créances "en comptes"
n. 1______ et 2______ contre C______ SA, soit respectivement
CHF 2'214'411.10 et CHF 614'793.20.
Par courrier du 27 novembre 1995, E______ a confirmé à C______ SA qu'à réception du versement de CHF 1'000'000.- au plus tard le 15 janvier 1996, elle renoncerait aux créances précitées ainsi qu'au droit de gage sur les pierres précieuses.
Après avoir intenté des poursuites contre C______ SA, E______ SA lui a fait notifier, le 17 juin 1998, une commination de faillite.
c.b. A______ a en outre fait l'objet d'une procédure pénale (P/5______/1984), laquelle a été classée en sa faveur le 2 octobre 1986. En substance – selon les notes figurant sur les pièces produites à l'appui du recours –, il lui était reproché d'avoir agi de concert avec les auteurs du sinistre commis au préjudice de C______ SA en 1982, ensuite duquel la société avait perçu des indemnités de CHF 1'500'000.- et
USD 5'500'000.- des assurances.
c.c. Selon les notes figurant sur les documents produits à l'appui de la plainte, "l'argent versé par les assurances se trouvait sur les comptes de C______ SA n°1______ et 3______, à E______, à Genève". "Le compte 3______ a[vait] disparu et le compte 1______ [était] devenu débiteur aussitôt après le classement de cette affaire".
Les extraits du compte n. 1______ pour les mois de juillet et août 1986, faisant état d'un solde débiteur en faveur de E______ SA, portaient la mention "faux créé de toutes pièces par la banque E______" ainsi que les notes suivantes: "[a]vant le classement de l'instruction par le juge D______, nous étions largement créditeur. À cause des falsifications faites par E______, nous sommes devenus largement débiteurs"; "[à] cause des falsifications de ce compte par E______, nous sommes devenus débiteurs et pour cette raison, E______ a demandé des pierres précieuses en garantie. J'ai établi la liste des pierres le 21 avril 1986 et j'ai joint une page de gage datée du 1er mai 1986".
Il est aussi précisé sur un autre extrait "[c]oncernant le compte courant n. 2______ en francs suisses au nom de C______ SA, ce compte a été créé débiteur, de toutes pièces, par E______, le 13.11.1987. Ce compte ne figurait pas dans la comptabilité de la société".
En outre, figurent sur la lettre adressée le 22 novembre 1995 par C______ SA à E______ SA – à laquelle la banque avait répondu le 27 suivant (cf. infra B.c.a.) –, "falsifié de toute pièce" et "la décision par E______ de mettre en faillite C______ SA a été prise au moment où les deux comptes courants en USD et en CHF ont été volés par la banque elle-même".
Enfin, s'agissant de l'acte de gage, il est noté que le "nantissement de pierres précieuses du 1er mai 1986" est un faux. E______ SA y avait ajouté "une mention" relative à l'inventaire du safe n. 4______, à savoir "selon liste détaillée annexée au présent acte et faisant partie intégrante dudit acte", laquelle n'existait pas lors de la signature de l'acte.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ n'était pas directement lésé par l'infraction dénoncée, dès lors que les documents produits concernaient exclusivement une relation bancaire entre C______ SA et E______ SA.
C______ SA, radiée le ______ 1999, ne pouvait pas non plus avoir la qualité de partie plaignante.
D. a. À l'appui de son recours, A______ déclare "faire recours de cette décision", se présentant comme détenteur de la "totalité des actions" de C______ SA et être "P.D.G" de ladite société.
Outre les documents déjà produits, il joint à son recours des documents relatifs à la procédure pénale dont il avait fait l'objet.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.
EN DROIT :
1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.![endif]>![if>
2. 2.1. Le recours, déposé dans le délai prescrit (art. 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la personne qui s'est vu refuser la qualité de partie plaignante et qui a donc qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 104 al. 1 let. b, 118 et 382 al. 1 CPP).![endif]>![if>
2.2. À teneur de l'art. 385 al. 1 CPP, le recours doit être motivé et indiquer précisément les points de la décision attaquée (let. a), les motifs qui commandent une autre décision (let. b) et les moyens de preuves invoqués (let. c).
Dans le cas d'espèce, bien que le recours ne comprenne pas de conclusions formelles, l'on comprend de ses écritures que le recourant souhaite l'annulation de la décision entreprise et que la qualité de partie plaignante lui soit reconnue. On peut ainsi admettre que le recours se situe dans les limites de ce qui peut être toléré en matière de motivation d'un justiciable agissant en personne.
Partant, il est recevable.
3. Le recourant reproche au Ministère public de lui avoir dénié la qualité de partie plaignante.![endif]>![if>
3.1.1. À teneur de l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil.![endif]>![if>
3.1.2. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 143 IV 77 consid. 2.2 p. 78; 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457). Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (ATF 141 IV 1 consid. 3.1 p. 5). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (arrêt du Tribunal fédéral 6B_857/2017 du 3 avril 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités). Les personnes subissant un préjudice indirect n'ont donc pas le statut de lésé et sont des tiers n'ayant pas accès au statut de partie à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1). ![endif]>![if>
3.1.3. En présence d'infractions contre le patrimoine, le propriétaire des valeurs patrimoniales lésées est considéré comme la personne lésée. Il en résulte que, lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion de ses actionnaires ou créanciers, lesquels sont atteints de manière indirecte seulement ("mittelbar betroffen", cf. ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3 p. 386 ; 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158).
3.1.4. Une personne peut être considérée comme lésée par un faux dans les titres (art. 251 CP) lorsque ces documents visent précisément à lui nuire, par exemple s’ils portent atteinte à son patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 1B_446/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.3).
3.2. L'art. 739 al. 1 CO dispose qu'aussi longtemps que la répartition entre actionnaires n’est pas terminée, la société en liquidation garde sa personnalité et conserve sa raison sociale, à laquelle s’ajoutent les mots "en liquidation".
La société garde la jouissance et l’exercice de ses droits (CC 53s.), sans restriction, et reste titulaire de tous ses droits de propriété matérielle et immatérielle. Tant que l’inscription n’est pas radiée au registre du commerce (CO 746), elle peut introduire des actions judiciaires ou administratives, ou des poursuites, comme elle peut être assignée en justice ou par-devant des autorités administratives, ou encore faire l’objet de poursuites (L. THÉVENOZ / F. WERRO (éds), Commentaire romand : Code des obligations II, 2ème éd., Bâle 2017, n. 5 ad art. 739 et la référence citée).
3.3. En l'espèce, le recourant reproche à la mise en cause d'avoir fait disparaitre le compte 3______ au nom de C______ SA, dont le solde était créditeur, et d'avoir, notamment au moyen de faux extraits de comptes bancaires, créé un solde débiteur sur les comptes n. 1______ et 2______ également détenus par ladite société, ce qui l'avait menée à la faillite. Les actes dénoncés – à supposer qu'ils soient établis – ne touchent toutefois que le patrimoine commercial de C______ SA, société de droit suisse à la personnalité juridique distincte de celle du recourant, qui est son actionnaire. En cette qualité, le recourant ne subit qu'une atteinte indirecte, insuffisante pour le faire apparaître comme lésé, étant précisé qu'il ne prétend pas que les infractions dénoncées auraient directement porté atteinte à son patrimoine personnel.
Pour le surplus, C______ SA ne peut pas non plus se voir reconnaitre la qualité de partie plaignante compte tenu de la radiation du Registre du commerce intervenue le ______ 1999.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.![endif]>![if>
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).![endif]>![if>
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/6309/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
- | CHF | |
Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9) | CHF | 900.00 |