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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14239/2018

AARP/237/2024 du 08.07.2024 sur JTDP/1572/2023 ( PENAL ) , IRRECEVABLE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14239/2018 AARP/237/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 juillet 2024

 

Entre

A______, partie plaignante, comparant par Me Hassan BARBIR, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale 1211 Genève 12,

appelante et intimée sur appel principal,

B______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Razi ABDERRAHIM, avocat, Rive Avocats, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève,

appelante et intimée sur appel principal,

 

contre le jugement JTDP/1572/2023 rendu le 4 décembre 2023 par le Tribunal de police,

et

C______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Corinne ARPIN, avocate, boulevard des Philosophes 8, 1205 Genève,

D______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Ghita DINSFRIEND-DJEDIDI, avocate, DN Avocats SNC, rue de Rive 4, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

Vu le jugement JTDP/1572/2023 du 4 décembre 2023 du Tribunal de police, dont le dispositif a été notifié le même jour aux parties et dont les motifs ont été notifiés le 22 décembre 2023 à A______ et le 27 décembre 2023 à B______, soit pour elles à leur conseil respectif, reconnaissant B______ coupable d'usure (art. 157 ch. 1 CP), la condamnant à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, peine assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'au paiement à A______ de CHF 3'500.-, avec intérêts à 5% dès le 10 août 2017, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO) ;

Vu l'annonce d'appel de B______, expédiée par courrier recommandé du 8 décembre 2023 ;

Vu l'annonce d'appel de A______, effectuée sous la plume de son conseil, ME______, par pli simple daté du 14 décembre 2023 (jeudi) mais réceptionné par le Tribunal de police le 18 décembre 2023 (lundi) ;

Vu le caractère partiellement illisible du sceau postal apposé sur l'enveloppe contenant l'annonce d'appel de A______ ;

Vu la déclaration d'appel de B______ expédiée par courrier recommandé du 15 janvier 2024 ;

Vu les "conclusions" ainsi que les "conclusions motivées" transmises par A______ à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), par courriers reçus par cette dernière en dates des 12 janvier 2024 et 12 février 2024 ;

Vu le courrier de la direction de la procédure de la juridiction d'appel du 21 février 2024, adressé aux parties, impartissant à celles-ci un délai de vingt jours pour faire parvenir leurs éventuelles observations sur la question de la recevabilité de l'annonce d'appel de A______ ;

Vu l'absence de commentaire du Ministère public, lequel s'en rapporte à justice, par courrier du 8 mars 2024 ;

Vu la détermination de B______, laquelle conclut à l'irrecevabilité de l'appel déposé par A______, par courrier du 13 mars 2024 rédigé sous la plume de son conseil ;

Vu l'absence de détermination de A______ dans le délai octroyé ;

Vu le courrier de Me Hassan BARBIR du 15 avril 2024, lequel informe la CPAR de ce qu'il a été désigné en qualité de suppléant de Me E______ par la Commission du barreau, selon décision jointe du 18 mars 2024, cette dernière relevant que Me E______ ne serait plus apte à exercer le métier d'avocat ;

Vu par ailleurs la mention, dans ledit courrier, du fait que A______ sollicite d'ores et déjà une restitution de délai afin de pouvoir déposer un appel "en bonne et due forme", si l'appel déposé par ses soins devait être déclaré irrecevable ;

Vu le courrier de B______ du 2 mai 2024 ;

Vu la copie de la procédure remise à Me Hassan BARBIR, à sa demande, le 22 mai 2024 ;

EN DROIT :

Considérant que d'après l'art. 403 al. 1 let. a du code de procédure pénale (CPP), la juridiction d'appel rend par écrit sa décision sur la recevabilité de l'appel lorsque la direction de la procédure ou une partie fait valoir que l'annonce ou la déclaration d'appel est tardive ou irrecevable ;

Qu'à teneur de l'art. 399 al. 1 CPP, la partie annonce l'appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement ;

Que, selon l'art. 91 al. 1 CPP, le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai. Aux termes de l'art. 91 al. 2 CPP, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral ;

Que le délai est sauvegardé si l'acte est remis le dernier jour du délai à minuit
(ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; 142 V 389 consid. 2.2 et les références citées). La preuve de l'expédition d'un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat. La date du dépôt d'un acte de procédure est présumée coïncider avec celle du sceau postal. La partie qui prétend avoir déposé son acte la veille de la date attestée par le sceau postal a cependant le droit de renverser cette présomption par tous moyens de preuve appropriés (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; 142 V 389 consid. 2.2 ; 124 V 372 consid. 3b p. 375) ;

Que la preuve de l'envoi en temps utile peut résulter, outre du sceau postal, du récépissé de l'envoi posté en recommandé, de l'accusé de réception obtenu au guichet postal, de la quittance imprimée par l'automate "My Post 24" ou de tout autre moyen adéquat, tel le témoignage d'une ou de plusieurs personnes (dont les noms et adresses seront inscrits sur l'enveloppe contenant le recours), voire une séquence audiovisuelle filmant le dépôt du pli dans la boîte postale (avec une possible incidence sur les frais de justice, cf.
ATF 147 IV 526 consid. 4 p. 533 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_569/2023 du 31 juillet 2023 consid.  1.1 ; 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2, publié in SJ 2023 384). En revanche, la date indiquée par une machine d'affranchissement privée (ou, pour les plus modernes, le code-barres avec justificatif de distribution) ne prouve pas la remise de l'envoi à la poste (arrêts du Tribunal fédéral 6B_569/2023 précité consid. 1.1 ; 4A_466/2022 précité consid. 2) ;

Que l'avocat qui se contente de déposer son pli dans une boîte postale n'est pas sans connaître le risque qu'il court que ce pli ne soit pas enregistré le jour même de son dépôt, mais à une date ultérieure. S'il souhaite renverser la présomption résultant du sceau postal apposé sur l'enveloppe ayant contenu un acte de procédure, on est en droit d'attendre de lui qu'il indique spontanément – et avant l'échéance du délai de recours – à l'autorité compétente avoir respecté le délai, en présentant les moyens probatoires en attestant (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_154/2020 du 16 novembre 2020 consid. 3.1.1 ; 6B_157/2020 du 7 février 2020 consid. 2.3). Ainsi, il n'est pas admissible d'indiquer à l'autorité judiciaire, pour la première fois après l'expiration du délai de recours, que le pli litigieux aurait été déposé en présence de témoins, ou encore d'affirmer qu'il avait été déposé dans les délais tout en évoquant un enregistrement vidéo tenu à la disposition du Tribunal. Cette manière de faire ne permet pas de renverser la présomption découlant du sceau postal, ni celle de la tardiveté du recours (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_157/2020 précité consid. 2.4 ; 8C_696/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.4). Les parties doivent donc produire les preuves du dépôt en temps utile avant l'expiration du délai de recours, ou à tout le moins les désigner dans l'acte de recours, ses annexes, ou encore sur l'enveloppe (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_274/2022 du 11 avril 2022 consid. 2.1 ; 6B_154/2020 précité consid. 3.1.2 ; 8C_696/2018 précité consid. 3.4) ;

Que. selon l'art. 403 al. 1 let. a CPP, la juridiction d'appel statue sur la recevabilité de l'appel lorsque la direction de la procédure fait valoir que l'annonce ou la déclaration d'appel est tardive ou irrecevable (art. 403 al. 1 let. a CPP) ;

Que l'art. 94 al. 1 CPP prévoit qu'une partie peut demander la restitution du délai si elle a été empêchée de l'observer et qu'elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable ; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n’est imputable à aucune faute de sa part. La demande de restitution, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli. L'acte de procédure omis doit être répété durant ce délai (art. 94 al. 2 CPP) ;

Que, dans sa jurisprudence, la CPAR retient qu'il est douteux qu'elle soit compétente pour statuer sur une demande de restitution de délai en lien avec une annonce d'appel (AARP/178/2021 du 4 juin 2021) ;

Que, d'après la doctrine, référence étant faite à certaines pratiques cantonales en matière de demandes de restitution de délai, il n'est pas possible d'admettre, même au regard du principe de l'économie de procédure, une compétence particulière de l'autorité de recours pour les cas où le recours ne doit pas être déposé auprès de cette dernière, mais auprès de l'autorité dont la décision est contestée. Une telle pratique est contraire au texte des art. 399 al. 1 CPP et 354 al. 1 CPP et il n'y a pas de raison suffisante de s'écarter du libellé clair de l'art. 94 al. 2 CPP. Les seules difficultés pouvant surgir à cet égard concernent l'octroi de l'effet suspensif, mais elles peuvent également être résolues sans problème (Christof RIEDO, Commentaire bâlois, 2023, n. 59a ad art. 94 CPP) ;

Qu'en l'espèce, à la suite du dispositif rendu le 4 décembre 2023 par le Tribunal de police, le délai pour annoncer appel arrivait à échéance le 14 décembre 2023 ;

Qu'il ressort du dossier que le courrier, expédié par pli simple, annonçant l'appel de A______, daté du 14 décembre 2023 (jeudi), a néanmoins été réceptionné par le Tribunal de police le 18 décembre 2023 (lundi) ;

Que cette chronologie ne démontre pas, en elle-même, que le courrier a été remis à la Poste suisse le 14 décembre 2023 ;

Que, par ailleurs, aucun élément objectif de la procédure, par exemple un récépissé postal, ne permet de retenir que tel aurait effectivement été le cas ;

Qu'au contraire, si le sceau postal figurant sur l'enveloppe en question est partiellement illisible, la partie visible dudit timbre – en particulier les traits horizontaux figurant sur le haut de la partie réservée à la date – laisse davantage penser que l'envoi a été remis à la poste suisse le 15 décembre 2023 ;

Que, pour le surplus, A______, à qui incombe la preuve de l'expédition de l'acte en temps utile, ne le démontre nullement ;

Qu'en conséquence, l'annonce d'appel de A______, manifestement tardive, doit être déclarée irrecevable ;

Que, s'agissant de la demande de restitution de délai figurant dans le courrier du 15 avril 2024, sous la plume de Me Hassan BARBIR, la Cour doit, en application des art. 94 al. 2 et 399 al. 1 CPP examinés à la lumière de la doctrine précitée, se déclarer incompétente ;

Que la compétence pour statuer sur ladite demande appartient au Tribunal de police ;

Que la procédure sera dès lors transmise à ce dernier, pour raison de compétence ;

Que l'art. 428 al. 1 CPP prévoit que les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ;

Que l'art. 136 al. 2 let. b CPP consacre l'exonération des frais de procédure pour les parties plaignantes au bénéfice de l'assistance judiciaire ;

Que A______ étant au bénéfice de l'assistance judiciaire, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État.

 

*****


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare irrecevable l'appel principal formé par A______ contre le jugement JTDP/1572/2023 rendu le 4 décembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/14239/2018.

Transmet la procédure au Tribunal de police pour raison de compétence au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Sonia LARDI DEBIEUX

 

Le président :

Christian ALBRECHT

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.