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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/6752/2021

AARP/151/2024 du 07.05.2024 sur JTDP/1605/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 14.06.2024, 6B_489/2024
Normes : LJAr.130.al1.leta; DPA.2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6752/2021 AARP/151/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 mai 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1605/2023 rendu le 7 décembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

COMMISSION FEDERALE DES MAISONS DE JEU,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1605/2023 du
7 décembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de d'infractions à l'art. 130 al. 1 let. a de la Loi fédérale sur les jeux d'argent (LJAr) et condamné à une peine pécuniaire de 75 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, assortie du sursis, complémentaire à celle prononcée le 21 novembre 2019 par le Ministère public (MP), ainsi qu'à une amende de CHF 450.- à titre de sanction immédiate et aux frais de la procédure. Deux appareils de type "C______" 1______ et 2______ ainsi que leurs clés et leur télécommande ont été confisqués, et leur destruction a été ordonnée. Une créance compensatrice de CHF 200.- a été prononcée à l'encontre du condamné en faveur de la Confédération.

a.b. A______ conclut à son acquittement et à la restitution des biens confisqués, frais à la charge de l'État.

b. Selon le prononcé pénal de la COMMISSION FEDERALE DES MAISONS DE JEU (CFMJ) du 23 février 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir organisé et mis à disposition des jeux de casino sans disposer des concessions nécessaires dans l'établissement D______, sis rue 3______ no. ______, [code postal] Genève, en installant et mettant à disposition deux appareils de type "C______" 1______ et 2______ du début du mois de mai 2019 au 12 juin 2019, dans le but d'offrir accès à la plateforme de jeux "E______" proposant une offre de jeux de casino illégale dont 35 jeux automatiques.

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

a. Le 28 novembre 2017, le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN) a délivré à F______ une autorisation d'exploiter l'établissement D______, la décision précisant qu'elle était exclusivement délivrée pour l'exploitation d'un établissement de divertissement public de catégorie salon de jeux et qu'elle ne couvrait pas l'installation de tout appareil de jeux qui devait faire l'objet d’une requête en autorisation distincte.

b. Le 12 juin 2019, deux appareils de type "C______" 1______ et 2______, présentant divers jeux de la plateforme " E______", leurs clefs et télécommandes ont été saisis et séquestrés par la CFMJ. Lors de la perquisition, les machines étaient allumées et montraient une plateforme d'apparence légale qui, après manipulation de l'ingénieur de la commission précitée, a révélé l'existence de plusieurs jeux de casino.

c. À teneur des rapports de comparaison des appareils 1______ et 2______ établis par la CFMJ en date du 29 juillet 2019, chaque machine offrait 35 jeux, soit :

- les 25 jeux automatiques suivants : Devil's Fire, Frozen 7's, Royal Crown, Mystery Rings, Dolphin's Treasure, Cold Fire, Gold of Pelican, Gold of Pelican II, Poseidon's Paradise, Wanted Bullet, Wild West 27, Winning Dollars, Heroes of Egypt, Thor's Victory, Galaxy, Monkey's Dance, Super Fruits 1000, Luxury 777, Luxury Deluxe 777, XXX Reels, Hot Reels 777, Loony Fruits, Golden Cards, Burning Reels, Diamonds on Fire et Lady's Kiss, étaient de facture identique aux jeux Devil's Barbecue, Cold Sevens, Royal Jewels, Baroness of Rings, Dolphin's Paradise, Fire on Ice, Pelican's Pearl, Pelican's Pearl Deluxe, Neptun's Treasure, Hot Bullet, 27 Dollars, Lucky Dollars, Pharaoh's Book, Hammer of Thor, Planets, Jungle Dance, Deluxe 777, Triple 777, Triple X, Burning 777, Funny Fruits, Golden Aces, Sizzling Lava, Hot Diamonds and Mystery Balls qualifiés d'appareils à sous servant aux jeux de hasard au sens de l'art. 3 al. 2 aLMJ par décision n°4______ du 26 février 2014 ;

- les 9 jeux automatiques suivants : Super Fruits 1000, Hot 27, Super Liner 27, Magic Fruits, Hot fruits, Burning Fruits, Red Hot Sevens, 4 Wins et Pharao qualifiés d'appareils à sous servant aux jeux de hasard au sens de l'art. 3 al. 2 aLMJ par décision n°5______ du 17 décembre 2014 ;

- un jeu automatique Smart Roulette de facture identique au jeu American Roulette qualifié de jeu de hasard au sens de l'art. 3 al. 1 aLMJ par décision n°6______ du 24 juin 2015.

d. Entendu par la CFMJ, G______, responsable de l'établissement D______, a déclaré que les deux appareils se trouvaient dans le salon de jeu depuis le début du mois de mai 2019. A______, propriétaire des machines, les avait fournies et installées, avec son autorisation. Ils se partageaient les recettes à hauteur de 50%. Les jeux de casino n'étaient pas disponibles directement sur les appareils et s'il y avait des jeux cachés, il n'y pouvait rien. Il a d'abord dit qu'il ne connaissait pas les jeux offerts par les machines et qu'il n'avait jamais vu de jeux de casino, avant d'affirmer qu'il n'y avait pas de tels jeux sur les machines. Les clefs de ceux-ci, conservées au salon de jeu, appartenaient à A______, lequel vidait les caisses une fois par semaine, la dernière fois remontant à la semaine précédente. Les recettes équivalaient à environ CHF 50.- ou CHF 100.- par semaine pour les deux appareils et se trouvaient dans la comptabilité de l'établissement. Les télécommandes servaient à allumer les appareils et non pas à activer des jeux de casino.

e. Entendu par la CFMJ, A______ a déclaré avoir acheté les deux appareils dix ans auparavant, auprès de la même entreprise que les autres machines qui avaient été saisies dans le cadre d'autres procédures. Il avait installé les appareils début ou mi-mai 2019. Hormis ceux-ci, il n'avait pas mis en place d'autres engins après la perquisition de 2017 (ndlr : exécutée dans le cadre de la P/7______/2019). Il avait pensé que, dans l'attente d'une décision finale dans les autres procédures en cours, il pouvait continuer à placer ce type de produits puisqu'il s'agissait, d'après lui, de machines d'amusement. Il ignorait quel type de jeux était proposé car cela ne l'intéressait pas. Il pouvait seulement dire qu'elles offraient 25 à 30 jeux. On y jouait en introduisant CHF 2.- ou CHF 5.- par exemple. Cela générait des crédits, puis le client pouvait commencer à jouer. Les télécommandes servaient à faire apparaître les jeux à l'écran. Les joueurs n'étaient pas rémunérés. G______ et lui se répartissaient la moitié du bénéfice. Il avait vidé à trois reprises les caisses depuis l'installation. Les clefs servaient à ouvrir la machine pour récupérer l'argent, ce dont le précité s'occupait. Lui-même estimait les recettes mensuelles des deux appareils à CHF 300.- à CHF 400.-, soit entre CHF 150.- et CHF 200.- par personne, revenus qu'il comptait déclarer. Après l'entrée en vigueur de la LJAr, il n'avait pas trouvé la liste des jeux interdits sur le site internet de la CFMJ.

f. Lors de l'audience de confrontation du 3 septembre 2019, A______ et G______ ont répété que les automates étaient des appareils de divertissement, et non des machines à sous puisque les joueurs n'étaient pas rémunérés en argent ou en nature. A______ a ajouté qu'il n'avait jamais utilisé les télécommandes. G______ a affirmé ignorer qu'il existait des jeux interdits d'une manière générale, avant de préciser qu'il ne savait pas que de tels jeux étaient accessibles depuis les appareils.

g. Devant le TP, A______ a ajouté que lors de l'achat des machines, on lui avait expliqué comment elles fonctionnaient. Avant leur installation il avait vérifié que les jeux proposés ne figuraient pas dans la liste noire fournie par la CFMJ. Il avait pensé que les jeux, qui n'étaient pas interdits, étaient autorisés. Les jeux proposés ressemblaient aux jeux à la mode qui étaient disponibles sur une tablette ou un téléphone. Le but était que le client reste le plus longtemps possible en s'amusant. Il avait compris lors de la perquisition que les télécommandes permettaient d'accéder à des plateformes de jeux interdits. Il mettait à disposition les automates avec leur télécommande, mais ne les gérait pas, et les clients faisaient ce qu'ils voulaient.

h. Dans le cadre de la procédure, A______ a notamment produit :

- la liste noire des jeux en ligne non autorisés en Suisse au 3 septembre 2019 et au 17 mars 2020 ainsi que la liste des appareils qualifiés comme jeux d'adresse par la CFMJ jusqu'au 31 décembre 2018 ;

- un recours qu'il a formé par-devant le Tribunal fédéral dans la cause P/7______/2019 (ndlr : admis sur une question d'application du droit, puis renvoyée à la Chambre de céans pour nouvelle décision, la culpabilité ayant été confirmée) ;

- une note d'honoraires et frais de CHF 6'903.80, TVA comprise, pour l'activité déployée par son conseil entre le 17 juin 2020 et le 13 décembre 2021.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Les joueurs ne pouvaient obtenir le remboursement de leur gain, de sorte que les animations proposées ne correspondaient ni à la notion de jeux de casino ni de jeux d'argent au sens de la LJAr. Aucune analogie ne pouvait être faite avec la jurisprudence développée sous l'ancien droit puisque la notion de jeux de hasard ne correspondait pas aux qualifications précitées de la nouvelle loi.

c. Dans son mémoire de réponse, la CFMJ conclut au rejet de l'appel, frais de procédure à la charge de l'appelant.

La LJAr avait remplacé l'aLMJ et poursuivait les mêmes buts. La définition de jeux de hasard sous l'ancien droit correspondait matériellement aux jeux de casino de la nouvelle loi. La jurisprudence développée sous l'ancienne loi demeurait applicable aux nouvelles dispositions. Les utilisateurs avaient espéré des gains puisque la composante de divertissement des machines était nulle. Les déclarations des employés et des exploitants impliqués dans la précédente procédure en lien avec les mêmes jeux le confirmaient. L'appelant avait déjà été condamné pour des faits similaires et faisait l'objet d'une nouvelle procédure ouverte le 7 décembre 2023.

d.a. Dans un courrier de réplique, A______ persiste dans ses explications et ses conclusions, relevant que la mention par la CFMJ de l'ouverture d'une nouvelle procédure à son encontre visait uniquement à le "salir", ce qui était inadmissible.

d.b. À l'appui de ses explications, il produit un extrait du Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les jeux d'argent du 21 octobre 2015 (FF 2015 7673).

D. A______, né le ______ 1947, est ressortissant suisse. Il est marié et père de deux enfants majeurs. Il perçoit comme seul revenu une rente AVS d'environ
CHF 1'500.-, tout comme son épouse. Sa conjointe est propriétaire de leur maison. Ils sont soumis au régime matrimonial de la séparation de biens. Ses primes d'assurance maladie s'élèvent à CHF 200.- par mois. Il n'a ni dettes ni fortune.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, il a été condamné le 21 novembre 2019 par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) et à une amende de CHF 500.-, pour violation grave des règles de la circulation routière.

 


EN DROIT
:

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance
(art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Aux termes de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement, exploite, organise ou met à disposition des jeux de casino ou des jeux de grande envergure sans être titulaire des concessions ou des autorisations nécessaires.

2.1.2. Les éléments constitutifs objectifs de cette infraction sont au nombre de trois, à savoir : un jeu de casino ou de grande envergure, l'exploitation, l'organisation ou la mise à disposition, ainsi que le défaut des autorisations ou concessions nécessaires.

2.2.1. L'art. 3 let. g LJAr, prévoit que les jeux de casino sont des jeux d'argent, soit des jeux qui, moyennant une mise d'argent, laissent espérer un gain pécuniaire ou un autre avantage appréciable en argent (art. 3 let. a LJAR) auxquels peuvent participer un nombre restreint de personnes (limité à 1'000 joueurs simultanés selon l'art. 3 de l'Ordonnance sur les jeux d'argent [OJAr]) et dont le gain ne dépend pas totalement ou principalement de l'adresse du joueur (art. 3 let. d LJAr a contrario).

2.2.2. Sont réputés jeux de casino tous les jeux dans lesquels un joueur joue individuellement contre l'exploitant ou auxquels ne participent que des joueurs en faible nombre ou en nombre limité. Les seules exceptions à cette règle seront les paris sportifs, les jeux d'adresse et les jeux de petite envergure. La délimitation des jeux de casino par rapport aux jeux d'adresse se fera par le biais des facteurs chance et adresse. Concrètement, les jeux de casino regrouperont notamment les jeux de table, les automates (pour autant qu'ils ne soient pas des jeux de grande envergure) et les grands tournois de poker. Les mêmes critères valent pour les jeux exploités en ligne (Message du Conseil fédéral op. cit., FF 2015 7675 et 7676).

2.2.3. Les jeux d'argent se caractérisent essentiellement par deux éléments : une mise et une possibilité de gain. Ces deux éléments doivent se présenter sous forme d'espèces ou de substitut d'argent ("mise d'argent" et "autre avantage appréciable en argent"), des valeurs en nature étant envisageables. Ces deux éléments doivent être présents cumulativement. Un jeu qui ne nécessiterait ni mise d'argent ni conclusion d'un acte juridique, ou qui n'offrirait ni gain pécuniaire ni autre avantage appréciable en argent, voire aucun de ces éléments, n'est pas un jeu d'argent. Il en est ainsi des jeux de divertissement tels que les flippers, car il manque la possibilité de réaliser un gain pécuniaire ou d'obtenir un autre avantage appréciable en argent (Message du Conseil fédéral op. cit., FF 2015 7673).

2.3. Par "mise à disposition", on entend notamment le fait de procurer des installations aux fins d'organisation ou d'exploitation des jeux d'argent (Message du Conseil fédéral op.cit., FF 2015 7732 et 7733).

2.4. L'exploitation d'une machine à sous hors d'une maison de jeu ne peut réaliser l'infraction de l'art. 56 aLMJ que si l'automate a été qualifié comme appareil à sous servant aux jeux de hasard par une décision de la CFMJ, et que le recours éventuel contre cette décision n'a pas d'effet suspensif. En l'absence d'une telle décision, il ne peut incomber au juge pénal d'examiner à titre préjudiciel si la machine doit être qualifiée comme appareil à sous servant aux jeux de hasard (ATF 138 IV 106
consid. 5.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_899/2017 du 3 mai 2018 consid. 1.9 et 6B_505/2018 du 3 mai 2019 consid. 2.5).

2.5.1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'empire de l'aLMJ, l'appareil n'a pas besoin de remettre lui-même et d'une manière automatique un gain en argent ou un autre avantage matériel pour tomber sous le coup de la loi sur les jeux d'argent. Il suffit que le joueur obtienne d'une autre manière un tel avantage par exemple au moyen d'un paiement par le personnel de l'établissement. De plus, s'il y a une différence importante entre la mise d'argent et la valeur de divertissement, on peut partir du principe que le jeu est actionné dans le but principal d'obtenir un avantage en argent avec le risque inhérent à cela qu'à court terme des sommes relativement importantes peuvent être perdues. À une valeur misée dépassant la valeur de divertissement correspondent aussi une courte durée de jeu et, chez le joueur, une habilité nécessaire très limitée. Moins les capacités du joueur sont sollicitées, plus il faut retenir qu'au premier plan - avec tous les risques inhérents - se trouve la perspective d'un gain futur, ce qui a conduit le législateur à ne permettre de tels jeux que dans une maison de jeu et non dans de simples cafés ou restaurants (arrêts du Tribunal fédéral 6B_466/2011 du 16 mars 2012 consid. 3.2.1 non publié in ATF 138 IV 106 ; ATF 131 II 680 consid. 5.2.2 et arrêt du Tribunal administratif fédéral B-307272017 du 18 avril 2018 consid. 3.4.1).

2.5.2. Il n'est pas soutenable, selon l'expérience générale de la vie, qu'une personne puisse jouer à un appareil principalement (et exclusivement) pour se divertir et dépenser pour cela plusieurs francs suisses par minute. Par conséquent, on doit admettre que le motif poussant à jouer à de tels jeux consiste à rechercher un avantage en argent et non le plaisir de jouer ou le divertissement en tant que tel. Cela distingue clairement les jeux de hasard, qui tombent sous le coup de la loi sur les jeux d'argent, d'autres appareils de jeu qui, en échange de l'insertion d'argent, mettent à disposition une durée de temps substantiellement plus longue et offrent une certaine valeur de divertissement, à l'image des jeux de flipper, des jeux d'arcade ou encore des simulateurs de conduite ou de pilotage (arrêts du Tribunal fédéral 1A.22-29/2000 du 7 juillet 2000 consid. 3c ; 1A.42-49/2000 du 7 juillet 2000 consid. 3c et 1A.21/2000 du 31 mai 2000 consid. 2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral B-307272017 du 18 avril 2018 consid. 3.5.1).

2.5.3. Dans un arrêt 6B_995/2021 du 15 août 2022, le Tribunal fédéral a rappelé dans le cadre d'un cas d'application du nouveau droit sa jurisprudence rendue sous l'empire de l'aLMJ, selon laquelle pour faire la différence entre une simple machine de divertissement permettant de gagner à titre accessoire un avantage appréciable en argent et une machine proposant de véritables jeux d'argent soumis à concession, il sied d'examiner le rapport entre le montant introduit par l'utilisateur et la valeur du divertissement proposé ; s'il y a une grande disproportion entre les deux, il faut partir de l'idée qu'il s'agissait d'une machine proposant des jeux d'argent, avec le risque que de grosses sommes d'argent fussent investies et perdues en peu de temps.

2.6.1. Il est établi que l'appelant a, dès mai 2019, installé dans l'établissement, D______, dont l'exploitante ne disposait pas d'une autorisation adéquate, deux automates, dont il était le propriétaire, et il a perçu la moitié des recettes issues de ceux-ci jusqu'au 12 juin 2019, à savoir lorsqu'ils ont été saisis par la CFMJ.

2.6.2. Aucun élément n'indique que la jurisprudence développée sous l'aLMJ ne s'appliquerait pas à la mise en œuvre de la LJAr. L'entrée en vigueur de la LJAr le
1er janvier 2019 a entrainé l'abrogation de l'aLMJ et l'a remplacée dans la mesure où la nouvelle loi poursuit les mêmes buts que l'ancien texte et réprime des comportements similaires, soit, entre autres l'installation ou la mise à disposition à des fins d'exploitation, sans une autorisation adéquate de machines à sous (cf. art. 56 al. 1 let. c aLMJ et art. 130 al. 1 let. a LJAr). Du reste, le fait que le Tribunal fédéral dans l'arrêt récent op. cit. 6B_995/2021 se réfère à son ancienne jurisprudence dans un cas d'application du nouveau droit ne fait que confirmer ce qui précède.

2.6.3. Ainsi, conformément à la jurisprudence citée supra (cf. consid. 2.4). Il n'incombe en principe pas au juge pénal de se déterminer sur les caractéristiques techniques des jeux et des appareils concernés par la procédure pénale. Il lui appartient plutôt de se fonder sur les décisions de la CFMJ, autorité spécialisée.

Toutefois, dans le cas d'espèce, la CFMJ a qualifié les 35 jeux concernés de jeux de hasard au sens de l'aLMJ, désignation qui n'a pas été reprise telle quelle dans la LJAr. Il convient de considérer que les jeux de hasard tels que définis sous l'ancien droit réunissent les caractéristiques d'un jeu de casino au sens de la LAJr. En effet, tant les jeux de hasard que les jeux de casino impliquent une mise initiale, l'espoir ou la création d'une chance d'obtenir un gain en argent ou appréciable en argent, l'issue de ces jeux ne dépendant pas uniquement de l'adresse du joueur et par conséquent également d'un facteur de hasard. Les ajouts de la nouvelle loi, notamment le fait que la mise initiale peut être remplacée par la conclusion d'un contrat, sont sans pertinence en l'occurrence, pour autant que le nombre de joueurs simultanés ne dépasse pas le nombre de 1'000.

Au vu de ce qui précède, les jeux qualifiés par la CFMJ de jeux de hasard et d'appareils à sous servant aux jeux de hasard sous l'égide de l'aLMJ doivent également être qualifiés de jeux de casino au sens de la LJAr, pour autant que tout au plus 1'000 personnes puissent y participer simultanément. Or, tel est le cas des appareils concernés qui s'adressent, au vu du dossier, à des joueurs individuels.

2.6.4. L'appelant plaide que les joueurs n'obtenaient aucun gain.

Or, dans la mesure où le joueur investissait une mise et que le jeu dépendait essentiellement du hasard (cf. consid. 2.6.3), la composante de divertissement faisait défaut. Dès lors, il apparaît, à l'instar de ce qu'a relevé le Tribunal fédéral, ni soutenable ni conforme à l'expérience de la vie que les joueurs n'espéraient pas obtenir un avantage pécuniaire contre leur investissement.

2.6.5. Le fait de remettre et d'installer dans le salon de jeu les deux appareils contenant des jeux illicites, comme l'a fait l'appelant, répond à la définition de les organiser et de les mettre à disposition au sens de la LJAr.

2.6.6. Au vu de ce qui précède, il est établi que l'appelant a organisé et mis à disposition des jeux de casino sans disposer des concessions nécessaires.

2.6.7. Sur le plan subjectif, l'appelant a agi avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 CP). Il était le propriétaire des machines depuis dix ans et connaissait, de son propre aveu, leur fonctionnement, depuis leur achat, ainsi que les jeux proposés. En effet, après avoir prétendu ignorer les applications qui étaient offertes par ses automates, il a soutenu les avoir comparées à des listes établies par la CFMJ. À cet égard, il ne saurait se retrancher derrière une erreur sur l'illicéité (art. 21 CP). Il avait de bonnes connaissances et de l'expérience en matière de jeux d'argent. Il lui appartenait de se renseigner, en cas de doute, auprès de la CFMJ et ne pouvait pas se fier aveuglément aux listes évoquées, d'autant moins qu'il faisait l'objet de plusieurs procédures, ce qui aurait dû l'inciter à une prudence tout particulière.

2.6.8. Partant, l'appelant doit être reconnu coupable d'infraction à l'art. 130 al. 1 let. a LJAr.

L'installation et la mise à disposition des deux appareils incriminés relèvent d'actes délictueux de même nature commis au préjudice du même bien juridique protégé (unicité d'action). Une seule infraction à la LJAr a donc été commise, contrairement à ce que retient le TP, qui fait état d'infractions à cette loi.

C'est sous cette réserve, afin de prévenir une décision illégale (art. 404 al. 2 CPP), que le jugement querellé sera donc confirmé.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP cum art. 2 Loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.2. La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1).

3.3. La culpabilité de l'appelant revêt une certaine importance. Il a durant plus d'un mois mis à disposition et récolté des recettes provenant de deux machines offrant des jeux de casino dont il connaissait l'illicéité. Certes, la période pénale est courte, mais seule l'intervention des autorités a permis de mettre un terme à ses agissements.

Son mobile est égoïste : il a agi par appât du gain en faisant fi de la législation en vigueur en matière de jeux d'argent, alors qu'il la connaissait, ainsi que de la protection des utilisateurs friands de ce type d'activités (art. 2 let. a LJAr).

Sa collaboration a été mauvaise. Il s'est montré inconsistant en évoquant dans un premier temps ignorer que de tels jeux se trouvaient sur les machines avant de soutenir s'être renseigné sur leur licéité. Sa prise de conscience n'a pas encore débuté. Il se retranche derrière le fait de s'être renseigné et que les clients ne percevaient aucune rémunération, ce qui n'est pas crédible vu les jeux concernés.

Il a un antécédent.

Sa situation personnelle, plutôt bonne, est sans lien avec les faits.

3.4. Au vu de l'ensemble des circonstances, une peine de 75 jours-amende sera prononcée.

L'installation et la mise à disposition de deux appareils relèvent d'un concours imparfait (unicité d'action) qui entraîne, contrairement à ce qu'a retenu le TP, l'inapplicabilité de l'art. 49 al. 1 CP.

Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 30.- pour tenir compte de la situation personnelle de l'appelant, soit de sa rente AVS de CHF 1'500.- et de ses charges.

Le principe du sursis et la durée du délai d'épreuve lui sont acquis (art. 391 al. 2 CPP). Une amende de CHF 450.- sera prononcée en sus à titre de sanction immédiate (art. 42 al. 4 CP ; ATF 149 IV 321 consid. 1.4.1).

L'appel sera rejeté et le jugement querellé confirmé sur ce point.

4. 4.1. Alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (art. 69 al. 1 et 2 CP cum art. 2 DPA ; art. 46 al. 2 DPA).

4.2.1. Le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d’une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (art. 70 al. 1 CP cum art. 2 DPA ; art. 46 al. 2 DPA).

4.2.2. Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent (art. 71 al. 1 CP cum art. 2 DPA).

4.3. Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de revenir sur les mesures de confiscation et de destruction ordonnées par la première juge s'agissant des deux automates ayant servi à la commission des infractions. Il en va de même du prononcé à l'encontre de l'appelant d'une créance compensatrice de CHF 200.- en faveur de l'État puisque ce montant correspond, de son propre aveu, au fruit de son délit.

5. 5.1. En dépit de la modification du dispositif susmentionnée (cf. consid. 3.3), l'appelant supportera les frais de la procédure d'appel envers l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-. La réforme est en effet de peu d'importance au sens de l'art. 428 al. 2 let. b CPP en tant qu'elle n'a aucune d'influence sur la culpabilité ou la fixation de la peine et n'a du reste pas été soulevée pas la défense.

5.2. Vu l'issue de la procédure d'appel, la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance ne sera pas revue.

6. Dans le prolongement de ce qui prévaut pour les frais (cf. supra consid. 5), les conclusions en indemnisation de l'appelant sont rejetées (art. 429 al. 1 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1605/2023 rendu le
7 décembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/6752/2021.

L'admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 130 al. 1 let. a de la Loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent (LJAr).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 75 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 450.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de quatre jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 21 novembre 2019 par le Ministère public du canton de Genève (art. 49 al. 2 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction des deux appareils de type C______ 1______ et 2______ avec leurs clés et leur télécommande, séquestrés par la Commission fédérale des maisons de jeu auprès de G______ le 12 juin 2019, mais appartenant à A______ (art. 69 CP ; art. 46 al. 2 DPA).

Prononce, à l'encontre de A______, une créance compensatrice de CHF 200.- en faveur de la Confédération (art. 71 al. 1 et 2 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance arrêtés à CHF 6'292.- par le Tribunal de police (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'395.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-, et met l'intégralité de ces frais à la charge de A______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

6'292.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'395.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

7'687.00