Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/1665/2021

AARP/171/2023 du 15.05.2023 sur JTDP/1240/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : FOR DE LA POURSUITE;INFRACTIONS EN MATIÈRE DE LP;DÉTOURNEMENT D'OBJETS SOUS MAIN DE JUSTICE
Normes : CP.169
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1665/2021 AARP/171/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Igor ZACHARIA, avocat, DE-BEAUMONT 3, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12,

appelant,

 

contre le jugement JDTP/1240/2022 rendu le 7 octobre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 7 octobre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 du Code pénal [CP]) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 120.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'aux frais de la procédure.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement.

b. Selon l'ordonnance pénale du 25 mai 2021, il est reproché à A______ d'avoir, du 10 octobre 2019 au 10 octobre 2020, arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie en ne respectant pas son obligation de verser à l'Office des poursuites (OP) une partie de son revenu, conformément au procès-verbal de saisie du 10 octobre 2019, série n° 1______, soit CHF 2'900.- par mois, alors qu'il connaissait l'existence et la teneur de son obligation. Il a ainsi détourné la somme totale de CHF 34'800.-, selon le procès-verbal constatant le non-versement de gains saisis du 19 janvier 2021, et causé un dommage à ses créanciers.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le procès-verbal de saisie délivré le 22 novembre 2019 par l'OP, A______ faisait l'objet de deux poursuites en faveur de l'État de Genève et de la Confédération Suisse. Une retenue mensuelle sur ses gains de CHF 2'900.- a été fixée dès octobre 2019. Le calcul de cette saisie se fonde sur un gain mensuel net de CHF 5'742.- (bénéfice net de CHF 54'554.05, résultant du compte de pertes et profits intermédiaire 2019, mensualisé) duquel sont déduites des charges s'élevant au total à CHF 2'836.80, dont CHF 336.40 pour le loyer, charges comprises.

Ce procès-verbal comporte également le rappel des conséquences pénales des art.  169 CP et 289 CP, de la possibilité de déposer plainte contre le procès-verbal de saisie et de la nécessité d'aviser sans délai l'OP de tout changement de situation et de toute modification du montant des revenus, sous la menace de l'art. 292 CP.

b. Cet avis de saisie annule et remplace celui du 10 octobre 2019 qui faisait état d'une retenue mensuelle de CHF 9'330.- sur les gains de A______ et contre lequel il avait déposé plainte, au sens de l'art. 17 de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) auprès de la Cour de justice, afin de contester le montant du gain retenu par l'OP, détaillant, pièces à l'appui, ses revenus annuels pour les années 2017 et 2018 et, s'agissant de 2019, ses revenus mensuels jusqu'au mois d'octobre.

c.a. Par un premier rappel adressé le 10 juin 2020 à A______, l'OP a constaté un retard dans le règlement des retenues pour la période d'octobre 2019 à mai 2020, soit un total de CHF 23'200.-, et a attiré une nouvelle fois l'attention de l'intéressé sur les conséquences pénales de l'art. 169 CP.

c.b. Le 19 janvier 2021, l'OP a dénoncé la situation de A______ au Ministère public (MP), produisant un procès-verbal constatant le non-versement de gains saisis entre le 10 octobre 2019 et le 10 octobre 2020, pour un montant total de CHF 34'800.-. Il est précisé que l'intéressé n'avait ni formé de plainte au sens de l'art. 17 LP, ni annoncé de modification de sa situation.

d.a. Par-devant le MP, A______ a confirmé ne pas avoir contesté l'avis de saisie du 11 novembre 2019 et ne pas avoir intenté de démarches auprès de l'OP pour modifier le montant de ladite saisie, malgré la péjoration de sa situation financière. Il avait subi ces dernières années une diminution de son chiffre d'affaires, ce qui l'avait conduit à accumuler des dettes, et il n'avait pas eu les moyens d'assumer toutes ses obligations financières. Il avait dû faire des choix s'agissant des créanciers à désintéresser et avait priorisé les charges de son Etude ainsi que celles, hypothécaires, liées à son domicile, pour ne pas se retrouver à la rue avec sa fille mineure. Au mois de mars 2020, il avait également dû rembourser un prêt de CHF  30'000.- que lui avait accordé un ami dans le but d'honorer des emprunts hypothécaires. Les rentrées d'argent s'étaient ensuite faites rares au vu de la crise sanitaire. Au deuxième semestre de l'année 2020, la situation s'était un peu améliorée, mais n'avait pas suffi pour verser le montant dû à l'OP. La saisie était désormais terminée et il faisait l'objet d'un acte de défaut de biens. Ses démarches auprès de l'Administration fiscale cantonale (AFC) pour examiner avec cette autorité la possibilité de rembourser l'arriéré en fonction de ses moyens et avec l'octroi de délais avaient échoué. Il percevait toujours un revenu d'environ CHF 7'000.-.

d.b. Il a produit des pièces justificatives en lien avec sa situation personnelle, dont il ressort notamment ce qui suit :

- le bénéfice net de son activité d'avocat pour l'année 2019 s'élevait à CHF 85'003.38, après déduction des charges professionnelles, soit un revenu net d'environ CHF 7'000.-, versé douze fois l'an ;

- il remboursait un emprunt hypothécaire auprès de B______, en France, à hauteur de EUR 13'901.- par trimestre à titre d'amortissement - soit EUR  4'634.- mensuels - ainsi que EUR 328.- d'intérêts et frais accessoires en 2019, ce montant s'élevant à EUR 341.- par mois en 2020. Cela correspondait à un loyer d'environ CHF 5'000.- par mois, charges comprises, selon lui.

e. Par-devant le TP, A______ a confirmé ses déclarations, ajoutant que sa situation financière s'était encore péjorée depuis le 12 octobre 2021 et que l'AFC n'avait pas accepté son offre de remboursement échelonné. Le procès-verbal de saisie du 22 novembre 2019 ne reflétait pas la réalité, en ce sens qu'il devait payer CHF  13'900.- chaque trimestre pour rembourser sa dette hypothécaire, montant qui incluait l'amortissement, et qu'il était obligé de payer en plus des intérêts. B______ n'avait pas accepté de diminuer ce montant. Il n'avait pas contesté ce procès-verbal de saisie, se contentant de subir la situation. Il a confirmé avoir perçu un revenu net équivalant à CHF 7'000.- par mois en 2019, revenu qu'il percevait encore en 2021.

C. a. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Sa dette fiscale était strictement personnelle et il était domicilié en France au moment des faits. L'AFC n'était ainsi pas fondée à le poursuivre et les décisions rendues par celle-ci, soit les commandements de payer qui lui avaient été notifiés, étaient nulles, tout comme la saisie de gains prononcée par l'OP et le procès-verbal de saisie du 22 novembre 2019. Il ne pouvait ainsi y avoir violation de l'art. 169 CP. En outre, la condition subjective de cet article n'était pas réalisée. Il n'avait ni souhaité, ni envisagé porter préjudice à ses créanciers, souhaitant parer au plus urgent, et avait cherché des solutions auprès de l'AFC permettant le rachat des actes de défaut de biens. Le dol éventuel retenu par le premier juge devait ainsi être écarté. Si la CPAR devait retenir que les conditions objectives et subjectives de l'art. 169 CP étaient remplies, il devrait être mis au bénéfice de l'état de nécessité et ainsi acquitté. Ses charges n'avaient pas été prises en compte dans leur intégralité par l'OP. Le procès-verbal de saisie ne tenait en effet pas compte de l'amortissement de sa dette hypothécaire, du paiement des intérêts et de l'assurance-vie obligatoire, pour un montant total de CHF 4'634.-. Ses charges mensuelles s'élevaient ainsi à CHF 7'575.- alors que ses revenus mensuels étaient de CHF 7'000.-. Il se trouvait ainsi dans l'obligation de s'acquitter en priorité de ses charges pour ne pas se retrouver sans logement et sans capacité de relogement immédiate, ni en Suisse, où il faisait l'objet d'actes de défaut de biens, ni en France, où il aurait été interdit bancaire en cas de non-paiement des échéances hypothécaires. Il était en outre intervenu auprès de l'AFC pour racheter les actes de défaut de biens par des paiements mensuels en fonction de sa situation financière, en vue de pouvoir continuer à exercer en tant qu'avocat et sauvegarder une capacité de gain. L'AFC n'était pas entrée en matière et, face à cette situation inextricable, il avait été dans l'obligation de commettre la prétendue infraction, en l'absence de solution alternative.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

La créance résultait d'une dette d'impôts de A______. Il existait ainsi un rapport entre cette créance et l'établissement (son Etude d'avocats à Genève) puisqu'il exerçait l'activité générant les revenus à l'origine de ces impôts dans ledit établissement. L'intéressé indiquait que la condition subjective de l'art. 169 CP n'était pas remplie mais oubliait avoir utilisé ses gains pour payer d'autres charges et rembourser d'autres dettes privées. Enfin, en vendant son bien immobilier, il aurait pu écarter le danger représenté par des charges bien trop importantes par rapport à ses revenus, excluant ainsi l'application de l'état de nécessité.

d. A______ a répliqué, expliquant que son immeuble n'était pas réalisable immédiatement ni même rapidement. Il n'aurait ainsi pas pu disposer de liquidités à court terme, ce qui l'avait "poussé dans un état de nécessité".

e. Le TP se réfère intégralement à son jugement.

D. A______, né le ______ 1959, est de nationalité suisse. Il est père de deux filles, dont l'une est née en 2004. Il est divorcé. Il vit à C______, en France, avec sa fille cadette.

Il a exercé la profession d'avocat de 1991 à ______ 2021, date à laquelle il a été radié par la Commission du Barreau en raison des actes de défaut de biens le concernant, et exerce désormais comme juriste au sein de la même Etude d'avocats, pour un salaire net d'environ CHF 7'000.- par mois, versé 12 fois l'an.

Depuis 2007, il est propriétaire de la villa dans laquelle il vit à C______, en France, et en a fait sa résidence principale en 2016. Il estime la valeur de cette villa à environ EUR  500'000.-. Il a un emprunt hypothécaire auprès de B______ en France; à cet égard, il s'acquitte mensuellement des montants de EUR 4'634.- et EUR 328.-, à titre d'amortissement, respectivement d'intérêts. Sa prime d'assurance-maladie de base s'élève à CHF 538.70 et celle de sa fille à CHF  110.-.

D'après l'extrait du casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. En principe le débiteur domicilié à l'étranger ne peut être poursuivi en Suisse. L'art. 50 al. 1 LP prévoit toutefois un for spécial en ce sens que le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse – par exemple une succursale – peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci. Deux conditions sont posées : l'existence d'un établissement en Suisse et un rapport entre la créance en poursuite et l'activité de l'établissement.

2.1.1. La notion d'établissement en Suisse est plus large que celle de succursale en droit des sociétés. Il peut s'agir d'un établissement principal comme, par exemple, une personne physique domiciliée à l'étranger qui exploite une entreprise individuelle en Suisse. Pour admettre l'existence d'un établissement et, par conséquent, l'existence d'un for, il suffit qu'une activité économique soit déployée en Suisse, quelle qu'en soit la forme (une représentation, une agence, un bureau, un magasin, etc.), de manière non transitoire, avec des moyens humains et des biens ou des services (M. OCHSNER, La poursuite contre le débiteur à l'étranger, in JdT  2014 II 3, p. 7-8).

2.1.2. En ce qui concerne le lien indispensable entre la créance déduite en poursuite et l'établissement, le texte légal est maladroit puisqu'il mentionne une dette de l'établissement. Il aurait été plus exact de mentionner les dettes découlant de l'activité de l'établissement (M. OCHSNER, op. cit., p. 10). En d'autres termes, l'art.  50 al. 1 LP concerne les dettes du propriétaire de l'établissement commercial qui proviennent de l'exploitation commerciale de ce dernier. Sur la base du texte français, le Tribunal fédéral a reconnu que ce lieu de poursuite s'appliquait également aux dettes non contractuelles et aux créances fiscales liées à l'établissement commercial (A. STAEHELIN / T. BAUER / D. STAEHELIN, Basler Kommentar Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, Art. 1-158 SchKG, 2e éd., Bâle 2021, n. 11-13 ad art. 50). Ainsi, le for spécial de l'art. 50 al. 1 LP est créé lorsqu'un frontalier, titulaire d'une raison individuelle, est poursuivi pour les dettes découlant de son exploitation (M. OCHSNER, op. cit., p. 10).

Savoir si la dette déduite en poursuite découle de l'activité de l'établissement est une question de fond que les autorités de poursuite ne peuvent pas trancher ; seul le juge de la mainlevée possède cette compétence (ATF 114 III 6 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_295/2020 du 28 décembre 2020 consid. 7.3 ). 

2.2. Dans le cas d'espèce, l'appelant ne conteste à juste titre pas la réalisation de la première condition posée par l'art. 50 al. 1 LP, à savoir l'existence d'un établissement en Suisse. Il résulte en effet des éléments du dossier qu'il exerçait au moment des faits la profession d'avocat à Genève, à titre indépendant, dans sa propre Étude.

Concernant la seconde condition, la créance objet de la saisie concerne des dettes d'impôts sur les revenus générés par l'activité de l'appelant au sein de son Étude. Il existe donc a priori un rapport entre cette créance et l'établissement en Suisse de l'appelant. L'examen du lien entre l'activité de l'établissement et la créance en question est toutefois du ressort du juge de la mainlevée et non de la Cour de céans. Pour contester ce lien, l'appelant aurait dû saisir le juge civil dans le cadre de la procédure de mainlevée, suite à la notification du commandement de payer. Il est dès lors exclu de considérer la saisie de gains prononcée par l'OP, le procès-verbal de saisie du 22 novembre 2019 et les commandements de payer comme entachés de nullité pour ce motif.

2.3. Ainsi, contrairement à ce que plaide l'appelant, il existe bien un établissement au sens de l'art. 50 al. 1 LP, qui crée un for de la poursuite à Genève, étant rappelé qu'il n'appartient pas à la CPAR, mais au juge de la mainlevée de l'opposition, de se prononcer sur la question de savoir si la dette objet de la poursuite a un rapport avec les activités de cet établissement.

3. Selon l'art. 169 CP, est punissable celui qui de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale mise sous main de justice, notamment sous la forme de saisie.

3.1.1. Le juge pénal ne doit pas examiner si les autorités compétentes en vertu de la LP ont respecté les règles. Il doit en revanche examiner si les prévisions de gains effectuées par l'autorité de poursuite qui ont conduit à la fixation du salaire ou du gain futur saisi se sont effectivement réalisées. Si tel est le cas, il doit condamner sans examiner si le calcul effectué par le préposé est correct. En revanche, si le gain effectif est inférieur, alors il examine selon ses propres calculs si, après déduction du minimum vital, l'auteur avait néanmoins les moyens d'honorer, ne serait-ce que partiellement, la saisie qui a été ordonnée. Si les gains sont irréguliers, il faut opérer une moyenne pour la période visée, en ce sens que des gains importants durant une période peuvent compenser des gains limités pendant une autre période (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., Bâle 2017,  ad art. 169 n. 16 et 17). En outre, face à des gains dérivant d'une activité indépendante, seuls les revenus nets, déduction faite des frais généraux, sont déterminants. Le débiteur doit pouvoir subvenir à son entretien minimum et satisfaire ses obligations courantes du droit de la famille. Il ne peut, en revanche, pas opposer à la saisie qu'il a choisi d'éteindre certaines dettes ou de faire certaines dépenses (sortant du cadre du minimum vital) (ATF 96 IV 11; BJP 1983 p. 26 n. 450).

3.1.2. Le comportement réprimé à l'art. 169 CP doit être intentionnel, mais le dol éventuel est suffisant. Pour être réalisée, l'infraction nécessite qu'en plus de la volonté de disposer, l'auteur ait eu le dessein d'agir au détriment des créanciers, sans pour autant que ces derniers subissent effectivement un préjudice (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, ad art. 169 CP n.  14 et 15).

3.1.3. L'art. 17 CP (état de nécessité licite) et l'art. 18 CP (état de nécessité excusable) supposent que l'auteur ait commis un acte punissable pour préserver un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers d'un danger imminent et impossible à détourner autrement. L'impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue (ATF 146 IV 297 consid.  2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1379/2019 du 13 août 2020 consid. 7.2). En d'autres termes, celui qui dispose de moyens licites pour préserver le bien juridique menacé ne peut pas se prévaloir de l'état de nécessité, la subsidiarité absolue constitue une condition à laquelle aucune exception ne peut être faite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_713/2018 du 21 novembre 2018 consid. 4.1).

Le danger est imminent lorsqu'il n'est ni passé ni futur, mais actuel et concret, soit lorsque le péril se concrétise à brève échéance, à savoir à tout le moins dans les heures suivant l'acte punissable commis par l'auteur (ATF 147 IV 297 consid. 2.3 ; 129 IV 6 consid. 3.2 p. 14 ; 122 IV 1 consid. 3a p. 5).

3.2. En l'espèce, les prévisions de gains effectuées par l'OP en se fondant sur le compte de pertes et profits intermédiaire de 2019 produit par l'appelant se sont réalisées. L'OP a en effet retenu un gain mensuel net de CHF 5'742.- alors qu'il découle des éléments au dossier que l'appelant a perçu un revenu mensuel net d'environ CHF 7'000.- en 2019 (mensualisé à partir du bénéfice net de CHF 85'003.38 de son activité d'avocat en 2019), soit un montant supérieur à celui retenu par l'OP. Concernant l'année 2020, l'appelant n'a pas produit de document permettant d'établir son bénéfice net pour cette période, se limitant à indiquer que sa situation financière s'était péjorée, en raison notamment de la crise sanitaire. Il a toutefois expliqué à deux reprises qu'en 2021, il percevait encore un salaire mensuel net de CHF 7'000.-, correspondant à celui déjà perçu en 2019. L'appelant ne conteste d'ailleurs pas le revenu retenu par l'OP dans son avis de saisie.

Ainsi, force est de constater que les gains effectifs de l'appelant durant la période pénale (soit octobre 2019 à octobre 2020) ont été à tout le moins égaux, si ce n'est supérieurs, aux prévisions de l'OP. La Cour est ainsi liée par les calculs effectués par cet office s'agissant des éléments formant le minimum vital, retenus pour fixer la saisie sur gains à CHF 2'900.- par mois.

L'appelant plaide en vain que l'amortissement de sa dette hypothécaire n'a pas été prise en compte par l'OP dans le calcul de ses charges incompressibles; il est établi par les éléments matériels du dossier et les déclarations de l'appelant qu'il n'a pas contesté l'avis de saisie du 22 novembre 2019 par une plainte pénale auprès de l'autorité de surveillance ou en avertissant l'OP de son erreur, ce qu'il aurait pourtant dû faire et qui lui avait été expressément rappelé à plusieurs reprises. Or, il n'est pas du ressort de l'autorité pénale de revoir cet élément.

En prenant la décision de ne pas honorer la saisie et de disposer de ses gains pour payer d'autres charges et rembourser d'autres dettes privées, l'appelant a, à tout le moins par dol éventuel, envisagé et accepté d'agir au détriment de ses créanciers. Au vu de sa formation professionnelle et des rappels aux conséquences pénales du non-versement de la retenue sur gains, il ne pouvait ignorer que le non-paiement de cette retenue était susceptible d'engendrer un préjudice pour ses créanciers.

L'appelant ne saurait être mis au bénéfice de l'état de nécessité. Le risque de se trouver "à la rue" en cas du non-paiement du remboursement de sa dette hypothécaire ne constituait pas un danger imminent. D'autres moyens licites s'offraient en outre à lui. À cet égard, il n'a pas démontré avoir tenté de trouver une solution auprès de sa banque française ou un autre logement, dont le loyer aurait été en adéquation avec ses revenus, et mettre sa maison en location. Il a fait le choix, en mars 2020, d'éteindre une dette privée au lieu de verser son montant, de CHF  30'000.-, à l'OP. Il n'a d'ailleurs même pas cherché à verser des sommes partielles à l'OP afin de démontrer sa volonté d'honorer la saisie.

L'appelant sera dès lors reconnu coupable d'infraction à l'art. 169 CP pour avoir omis de verser la retenue mensuelle de CHF 2'900.- d'octobre 2019 à octobre 2020 et disposé d'une valeur patrimoniale saisie, détournant ainsi la somme totale de CHF 34'800.-.

Le jugement entrepris sera confirmé.

4. 4.1.1. Celui qui enfreint l'art. 169 CP encourt une peine privative de liberté de trois ans au plus ou ne peine pécuniaire.

4.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 et 134 IV 17 consid. 2.1).

4.1.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

4.2. La faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il a, sur une période pénale d'un an, volontairement omis de verser à l'OP la retenue fixée sur ses gains. Il n'a fait preuve d'aucune volonté de satisfaire à son obligation légale, même partiellement, alors qu'il en connaissait la portée. Plutôt que de l'assumer, il a délibérément choisi de s'y soustraire, sans tenter d'y remédier, privilégiant en priorité le paiement de certaines charges et le remboursement de certaines dettes.

Sa responsabilité est entière et aucune circonstance atténuante n'est réalisée. Il sied de relever que le prévenu exerçait comme avocat au moment des faits et qu'il avait ainsi parfaitement conscience des conséquences de ses actes.

Sa collaboration est sans particularité et sa prise de conscience limitée, dans la mesure où il estime avoir agi de manière légitime.

Sa situation financière, bien que s'étant fortement péjorée au moment des faits, ne peut être qualifiée de mauvaise au vu des revenus qu'il percevait encore et ne saurait ainsi justifier ni excuser ses agissements.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires, facteur neutre pour la peine.

Compte tenu de ce qui précède, la peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 120.- l'unité pénale est appropriée, de sorte qu'elle sera confirmée. Le sursis est acquis à l'appelant et le délai d'épreuve fixé à trois ans sera confirmé.

5. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JDTP/1240/2022 rendu le 7 octobre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/1665/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'135.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 120.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 997.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

(…)

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'Etat de Genève."

Notifie le présent arrêt aux partie.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

Le greffier :

Alexandre DA COSTA

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'597.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'732.00