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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/6214/2021

AARP/216/2022 du 22.07.2022 sur JTDP/1443/2021 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : FIXATION DE LA PEINE;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ
Normes : CP.47; CP.41; CP.66.leta.chbis
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6214/2021 AARP/216/22

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 22 juillet 2022

 

Entre

A______, sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1443/2021 rendu le 22 novembre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 22 novembre 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants pour un complexe de faits (art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants [LStup]) mais déclaré coupable de ce même chef d'accusation pour deux autres, de même que des chefs d'entrée illégale et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers [LEI]), de non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 du code pénal suisse [CP]) ainsi que de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup). Le TP a condamné A______ à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de la détention avant jugement, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 10.- l'unité, ces peines ayant été assorties du sursis (délai d'épreuve de trois ans), ainsi qu'à une amende de CHF 100.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour). Le TP a renoncé à révoquer le sursis octroyé le 29 décembre 2020 par le Ministère public (MP), mais prolongé le délai d'épreuve d'un an. Il a ordonné l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de trois ans (art. 66abis CP) tout en renonçant à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance
N-SIS). Il a ordonné la libération immédiate de A______ et l'a condamné aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'873.-.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant au prononcé d'une peine pécuniaire clémente, assortie du sursis, et à l'annulation de la mesure d'expulsion.

b. Selon l'acte d'accusation du 22 octobre 2021, les faits désormais non contestés suivants étaient reprochés à A______ :

b.a.a. Le 17 mars 2021, aux alentours de 19h55, à la rue du Prieuré, il a omis de se conformer aux injonctions des agents de police qui voulaient procéder à son contrôle, en prenant la fuite en courant et en se cachant sous une fourgonnette à la hauteur du n° ______ de la rue Antoine-Gautier, rendant ainsi plus difficile son interpellation.

b.a.b. Entre le 15 mars 2021 et le 6 avril 2021, il a régulièrement pénétré en Suisse alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, qu'il ne disposait pas des moyens financiers suffisants permettant d'assurer sa subsistance durant son séjour et ses frais de retour et qu'il était démuni de papiers d'identité valables indiquant sa nationalité.

b.a.c. Entre le 15 mars 2021 et le 12 octobre 2021, il a séjourné sur le territoire helvétique, en particulier à Genève, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires.

b.b.a. Le 12 octobre 2021, jour de sa dernière interpellation à la hauteur du n° ______ de la rue de Lausanne à Genève, il a omis de respecter la mesure d'interdiction d'entrer dans une région déterminée, soit le canton de Genève, valable à partir du 7 avril 2021 pour une durée de 12 mois, dûment notifiée le 7 avril 2021.

b.b.b. A cette même date, aux alentours de 22h30, à la hauteur du n° ______ de la rue de Lausanne, il a détenu un sachet contenant huit parachutes de cocaïne conditionnée pour la vente, pesant un poids total brut de 7.2 grammes.

b.c. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, dans le quartier des Pâquis, il a vendu à trois reprises un sachet de marijuana pour un prix de CHF 20.- à D______ (ndr: le TP a retenu que ces faits n'avaient été commis qu'à une reprise).

b.d. Il a régulièrement consommé des produits stupéfiants, soit de la marijuana.

B. A ce stade de la procédure et compte tenu des conclusions prises par A______ en appel, seuls sont pertinents les faits utiles pour la fixation de la peine et la mesure d'expulsion.

a.a. Suite à son interpellation du 17 mars 2021, A______ a expliqué avoir pris la fuite par peur, n'ayant pas ses papiers. Il a ajouté qu'il se trouvait en Suisse depuis deux jours et qu'il s'y rendait régulièrement.

a.b. A______ a encore été interpellé à Genève les 6 avril 2021 et 12 octobre 2021. Le 7 avril 2021, une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève d'une durée de 12 mois lui a été notifiée.

Devant le MP, et après l'avoir contesté, il a concédé être demeuré en Suisse durant la période pénale et ne pas avoir quitté le territoire genevois depuis la notification de ladite mesure. Aux débats de première instance, il est revenu sur ses déclarations, exposant qu'il avait en fait séjourné à Annemasse et non à Genève.

b. Le 12 octobre 2021, à la vue de la police, A______ s'est débarrassé du sachet contenant les huit parachutes de cocaïne conditionnée pour la vente, d'un poids total brut de 7.2 grammes. Il a déclaré que cette drogue était destinée à sa consommation personnelle, en contradiction avec ses propres déclarations selon lesquelles il ne consommait que de la marijuana.

c. D______ a formellement identifié A______ comme la personne qui lui avait vendu de la marijuana. Son numéro de téléphone a été retrouvé dans le répertoire téléphonique de A______. Malgré ce qui précède, le prévenu a contesté ces faits durant toute l'instruction, avant de les reconnaître lors de l'audience de jugement.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Les infractions qui lui étaient reprochées étaient de peu de gravité étant relevé que la CPAR avait retenu par le passé que "les infractions à la LEI ne relevaient pas de la grande délinquance". Depuis sa sortie de prison, il travaillait en France en qualité de chauffeur pour l'entreprise F______ [service de taxis gérés via internet]. Il dénotait ainsi une réelle prise de conscience et une sincère volonté de se sortir de l'illégalité. Il disposait en outre désormais d'un titre de séjour portugais et d'un passeport qui l'autorisaient à travailler en Europe, ce dont le TP n'avait pas tenu compte. La peine privative de liberté de six mois était disproportionnée et entravait ses chances d'œuvrer pour son avenir. Il en allait de même de l'expulsion prononcée à son encontre ainsi que de sa durée, au vu de la peine concrètement infligée et des infractions reprochées, de très peu de gravité. Il ne représentait aucune mise en danger pour la sécurité publique.

c. Le TP et le MP ne formulent pas d'observations et concluent à la confirmation du jugement querellé.

D. A______ est né le ______ 2001 à E______ en Guinée, pays dont il est originaire. Il est célibataire, sans enfant. Il a fréquenté l'école jusqu'à l'âge de dix ans. Il n'a pas de formation. Depuis le 11 mai 2021, il est au bénéfice d'un titre de séjour portugais. Il a exposé résider et travailler en France en qualité de chauffeur F______, sans toutefois en apporter la preuve, et a fait part de son souhait de rester dans ce pays et non en Suisse.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 29 décembre 2020 par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis et délai d'épreuve durant trois ans, pour séjour illégal.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant une heure d'activité de cheffe d'étude.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Les infractions aux art. 119 al. 1 LEI et 19 al. 1 LStup sont sanctionnées d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire et celles à l'art. 115 al. 1 LEI d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

2.3. La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1).

Au sens de l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a), ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).

L'impossibilité doit être liée à la personne du condamné. Il y a donc lieu d'admettre qu'une peine pécuniaire ne peut être prononcée (art. 41 let. b CP) lorsque le condamné ne s'acquittera vraisemblablement pas des jours-amende, par exemple en présence d'un risque de fuite (FF 1999 1787 1849) ou parce qu'il ne dispose pas des moyens suffisants (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 3 ad art. 41).

2.4. La faute de l'appelant n'est pas de peu d'importance. Si les infractions à la LEI relèvent certes de la petite délinquance, il sied de rappeler que le but juridique protégé, soit le respect de la réglementation en matière de séjour et d'intégration des étrangers, est un bien juridique collectif et important. Le préjudice causé à la collectivité par de tels délits l'est également en raison de la mobilisation des nombreux acteurs appelés à les réprimer qu'ils impliquent. Par ailleurs, l'appelant a détenu et aliéné des stupéfiants, contribuant de la sorte au fléau pour la santé publique que représente le trafic de ces substances, bien que les quantités en cause soient relativement faibles. C'est à cette fin, sa présence à Genève ne trouvant aucune autre explication, qu'il a pénétré et séjourné illégalement en Suisse, qui plus est en violation de l'interdiction de se rendre sur le territoire du canton de Genève, montrant ainsi son mépris de la législation et des décisions dont il est l'objet.

Son mobile était nécessairement celui de l'appât du gain. Sa collaboration a été médiocre en cours d'instruction, au regard de ses multiples variations et dénégations malgré les éléments du dossier. En appel, il ne conteste plus les faits, ce qui constitue un élément favorable et dénote un début de prise de conscience.

La situation personnelle de l'appelant ne saurait justifier ses actes.

Ses diverses interpellations dans le cadre de la présente font immédiatement suite à sa condamnation pour séjour illégal le 29 décembre 2020, ce qui démontre encore le peu de poids qu'il porte aux sanctions dont il fait l'objet.

Si l'appelant bénéficie désormais d'un titre de séjour portugais, il n'a pas démontré qu'il travaillait effectivement et percevait des revenus de son activité de chauffeur F______ en France, ce qui aurait permis de retenir qu'il s'est en effet éloigné de la délinquance et qu'il serait en mesure de s'acquitter d'une peine pécuniaire.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, seule une peine privative de liberté entre en considération pour les infractions à la LEI et à la LStup. Il y a partant concours. Les infractions aux art. 119 al. 1 LEI et 19 al. 1 LStup étant passibles de la même sanction, il sera retenu que celle abstraitement la plus grave correspond au trafic de stupéfiants, et devrait être sanctionnée d'une peine de trois mois. L'infraction à l'art. 119 al. 1 LEI mériterait une peine équivalente, ramenée à deux mois, au bénéfice du principe d'aggravation. La peine devrait encore être aggravée pour l'entrée et le séjour illégal de deux mois (peine hypothétique de trois mois au vu de la récidive). Le verdict de première instance s'avère ainsi favorable au prévenu et doit être confirmé.

Le sursis, acquis à l'appelant, et sa durée de trois ans, adéquate, seront confirmés, de même que la non-révocation du sursis antérieur.

3. 3.1.1. Conformément à l'art. 66abis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.

Cette mesure prévue par la loi qui, par essence, s'ajoute à la peine proprement dite, fait partie intégrante de la sanction à prononcer (ATF 143 IV 168 consid. 3.2 = SJ 2017 I 433). L'expulsion judiciaire pénale de l'art. 66abis CP – qui ne diffère pas fondamentalement de l'expulsion prescrite en son temps par l'art. 55 al. 1 aCP (ATF 123 IV 107 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.1 ; 6B_770/2018 du 24 septembre 2018 consid. 1.1) – ne contredit pas l'interdiction de la double peine qui découle notamment de l'art. 6 CEDH (AARP/202/2017 du 16 juin 2017 consid. 2.5).

Il s'agit d'une Kann-Vorschrift (G. MÜNCH / F. DE WECK, Die neue Landesverweisung, in Art. 66a ff. StGB, Revue de l'avocat 2016, p. 163 ; G. FIOLKA / L. VETTERLI, Landesverweisung nach Art. 66a StGB als strafrechtliche Sanktion, cahier spécial, Plädoyer 5/16, p. 86 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.2).

Le juge est donc libre, sans autre justification, de renoncer à l'expulsion facultative (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 98).

3.1.2. Comme toute décision étatique, le prononcé d'une expulsion non obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité ancré aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Cst. Il convient ainsi d'examiner si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse. Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l'art. 8 par. 2 CEDH concernant les ingérences dans la vie privée et familiale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_371/2018 du 21 août 2018 consid. 3.2). S'agissant d'un étranger arrivé en Suisse à l'âge adulte, l'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (ATF 139 I 145 consid. 2.4 p. 149 ; ATF 139 I 31 consid. 2.3.3 p. 34 ss ; ATF 135 II 377 consid. 4.3 p. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.4.1).

Par suite, tant l'application de l'art. 66a al. 2 CP que de l'art. 66abis CP imposent le respect du principe de proportionnalité. En d'autres termes, le juge doit faire une pesée des intérêts entre celui public à l'éloignement et la situation personnelle du condamné (G. FIOLKA / L. VETTERLI, op. cit., p. 87 ; K. KÜMIN, Darf eine Aufenthaltsbewilligung widerrufen werden, nachdem von einer Landesverweisung abgesehen wurde ?, Jusletter 28 novembre 2016, p. 14).

Concernant le premier volet, le juge doit se demander, si l'expulsion facultative est de nature à empêcher la commission de nouvelles infractions en Suisse (G. FIOLKA / L. VETTERLI, op. cit., p. 84 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.2). A cette fin, il considérera pour commencer la quotité de la peine : plus lourde sera celle-ci et plus grand sera l'intérêt public à expulser l'étranger. Ce résultat sera renforcé par le type d'infraction commise : si celle-ci atteint la vie, l'intégrité corporelle ou sexuelle, voire la santé d'un grand nombre de personne en application d'une aggravante à la LStup, l'intérêt public sera plus élevé. Quoiqu'il en soit, l'intérêt privé de l'intéressé à rester en Suisse devra s'analyser sans perdre de vue que les dispositions de la CEDH restent contraignantes, en particulier les art. 3 et 8 CEDH (ATF 139 I 16 consid. 4.2. et 5 ss ; G. MÜNCH / F. DE WECK, op. cit., p. 166 ; M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, op. cit., p. 97 et 103 ; K. KÜMIN, op. cit., p. 14 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2).

L'intégration de l'intéressé doit être examinée, indépendamment de la durée du séjour, au regard certes de l'enracinement linguistique, culturel, religieux et personnel en Suisse, mais aussi des obstacles que ce dernier rencontrerait pour sa réintégration, selon les mêmes critères, en cas de retour dans son pays d'origine. D'ordinaire, il faut que la resocialisation dans le pays d'origine paraisse en pratique impossible ou au moins nettement plus difficile qu'en Suisse. Cependant, dans le contexte d'une expulsion facultative d'un étranger pour lequel la clause de rigueur s'appliquerait, le risque de mauvaise resocialisation dans le pays d'origine pèse plus lourd dans l'analyse : des chances de resocialisation plus favorables en Suisse peuvent donc faire la différence (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, op. cit., p. 98 et 102).

Les critères déterminants mis en exergue par la jurisprudence rendue sur l'art. 8 CEDH sont applicables à la pesée des intérêts des art. 66a al. 2 et 66abis CP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_695/2016 du 1er décembre 2016 consid. 5.2 ; S. GRODECKI, Nouveautés en droit des sanctions : de la peine pécuniaire à l'expulsion, Conférence organisée par le Comité de la Société genevoise de droit et de législation, janvier 2017 ; G. MÜNCH / F. DE WECK, op. cit., p. 166 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.3).

3.1.3. L'inscription de l'expulsion dans le SIS est régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour. L'art. 21 de ce règlement prescrit qu'avant d'introduire un signalement, l'Etat membre signalant vérifie si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l'introduction du signalement dans le SIS II. Le signalement dans le SIS suppose que la présence de la personne concernée, ressortissante d’un pays tiers, sur le territoire d’un Etat membre constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale. L'art. 24 précise que tel peut être notamment le cas lorsque l'intéressé a été condamné dans un Etat membre pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an (let. a) ou lorsqu'il existe des raisons sérieuses de croire qu’il a commis un fait punissable grave, ou à l’égard duquel il existe des indices réels qu’il envisage de commettre un tel fait sur le territoire d’un Etat membre (let. b).

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une « menace pour l'ordre public et la sécurité publique ». En particulier, il n'est pas nécessaire que la personne concernée constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité. Ce n'est pas la quotité de la peine qui est décisive mais la nature et la fréquence des infractions, les circonstances concrètes de celles-ci ainsi que l'ensemble du comportement de la personne concernée. Par conséquent, une simple peine prononcée avec sursis ne s'oppose pas au signalement dans le SIS. La mention d'une peine privative d'au moins un an fait référence à la peine-menace de l'infraction concernée et non à la peine prononcée concrètement dans un cas d'espèce (ATF IV 340 consid. 4.6 et 4.8).

3.2. En l'espèce, il n'y a pas motif de renoncer à prononcer l'expulsion du prévenu. Celui-ci n'a aucun lien avec la Suisse ; il n'a traversé la frontière que pour s'adonner au trafic de stupéfiants et a lui-même expliqué souhaiter rester en France et non en Suisse. Il n'a aucun intérêt à demeurer dans notre pays. Au vu du fléau pour la santé publique que représente le trafic de drogue dans l'absolu, c'est par ailleurs en vain que l'appelant argue ne s'être rendu coupable que d'infractions de peu de gravité et ne pas représenter concrètement une menace.

Le jugement dont est appel doit donc être confirmé également en ce qui concerne la mesure d'expulsion, dont la proportionnalité de la durée paraît adéquate, ainsi que la renonciation à l'inscription dans le SIS, laquelle est acquise à l'appelant.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'Etat, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 al. 1 let e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

5. Considéré globalement, l'état de frais produit par la défenseure d'office de l'appelant satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 258.50 pour une heure d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20 % (CHF 40.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 18.50.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1443/2021 rendu le 22 novembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/6214/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'635.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 258.50, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte A______ d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants pour les faits visés sous chiffre 1.1.5b de l'acte d'accusation (art. 19 al. 1 let. c et d LStup).

Déclare A______ coupable d'entrée illégale et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b LEI), de non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants pour les faits visés sous chiffre 1.1.5a (commis à une reprise) et 1.1.5c de l'acte d'accusation (art. 19 al. 1 let. c et d LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 6 mois, sous déduction de 46 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Déclare A______ coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 10 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Déclare A______ coupable de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 29 décembre 2020 par le Ministère public de Genève, mais adresse un avertissement à A______ et prolonge le délai d'épreuve d'un an (art. 46 al. 2 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 3 ans (art. 66abis CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Renonce à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne la libération immédiate de A______.

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______, du téléphone figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ et de la drogue figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation et la dévolution à l'Etat d'un montant de CHF 20.- figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 2______ (art. 70 CP).

Ordonne la restitution à A______ du téléphone figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 3______ et du téléphone figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n° 1______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'873.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec le solde des montants figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 2______, sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ et figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n° 3______ (art. 442 al. 4 CPP).

Fixe à CHF 4'566.50 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

[ ]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-".


Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

e.r. Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 


 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'473.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'635.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'108.00