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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/260/2023

DCSO/501/2023 du 09.11.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : ORFI.9.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/260/2023-CS DCSO/501/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/260/2023-CS) formée en date du 20 janvier 2023 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______

ITALIE.

- B______ SA

______
______ [VD].

-       C______
______
______
______ [GE].

- D______

______
______ [ZH].

-       CONFEDERATION SUISSE ET ETAT DE GENEVE

Administration fiscale cantonale
Service du contentieux M. O______
Rue du Stand 26
CP 3937
1211 Genève 3

 

- E______

______
______ [TI]

- F______

Domicile élu : c/o Me JEANDIN Nicolas
Fontanet & Associés
Grand-Rue 25
Case postale 3200
1211 Genève 3.

-       G______

______
______
ISRAËL.

-       ETAT DE GENEVE DF-DGFE

Service du contentieux de l'Etat
Rue du Stand 15
Case postale 3937
1211 Genève 3.

-       ETAT DE GENEVE - SERVICE DES CONTRAVENTIONS

Chemin de la Gravière 5
Case postale 104
1211 Genève 8.

-       H______

______
______ [SG].

-       I______

Domicile élu : c/o Me OBERSON Nastassia
Avenue Léon-Gaud 12
Case postale
1211 Genève 12.

-       J______

Domicile élu : c/o Me GANZONI Philipp
Avenue de Champel 4
1206 Genève.

-       VILLE DE GENEVE

Unité P______
Rue Pierre-Fatio 17
1204 Genève.

 

-       Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, aujourd'hui domiciliée en Italie, et G______, aujourd'hui domicilié en Israël, sont copropriétaires à raison d'une moitié chacun des parcelles enregistrées au Registre foncier sous feuillets nos 1______ et 2______ de la commune de K______ [GE].

La parcelle n° 1______, située no. ______, rue 3______, L______ à Genève, a une surface de 1'472 m²; une villa de huit pièces avec garage attenant (bâtiment
n° 4______) y est érigée. La parcelle n° 2______, d'une surface de 76 m², permet l'accès à la parcelle n° 1______.

b. Les parcelles nos 1______ et 2______ sont collectivement grevées – en premier rang – d'une cédule hypothécaire au porteur d'un montant nominal de 4'000'000 fr. détenue par [la banque] F______. Sur la base de cette cédule, cette dernière a engagé à l'encontre de A______ et de G______ les poursuites en réalisation de gage immobilier nos 5______ et 6______; dans le cadre de la première de ces deux poursuites, elle a requis la vente de l'objet du gage le 3 septembre 2018.

c. Les parts de copropriété appartenant à A______ (immeubles nos 1______-2 et 2______-2) sont également collectivement grevées en premier rang d'une cédule hypothécaire au porteur d'un montant nominal de 500'000 fr. détenue par I______. Sur la base de cette cédule, ce dernier a engagé à l'encontre de A______ la poursuite en réalisation de gage immobilier n° 7______, dans le cadre de laquelle il a requis la réalisation de l'objet du gage le 19 février 2019.

Tant les parts de copropriété appartenant à A______ (immeubles
nos 1______-2 et 2______-2) que celles appartenant à G______ (immeubles
nos 1______-1 et 2______-1) ont par ailleurs été saisies dans le cadre de poursuites ordinaires engagées à l'encontre de l'une ou de l'autre par des créanciers chirographaires (séries nos 8______, 9______, 10_____, 11_____, 12_____, 13_____ et 14_____ pour A______, 15_____ et 16_____ pour G______), dont plusieurs ont déjà formé des réquisitions de vente.

d. Dans le cadre de la préparation de la vente aux enchères forcées des parcelles nos 1______ et 2______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a mandaté un architecte de la place aux fins d'estimer la valeur vénale des parcelles. Dans son rapport de décembre 2018, ce dernier, sous la rubrique "Zone et perspectives de développement" (rapport p. 4), a relevé ce qui suit :

"Plusieurs parcelles du voisinage immédiat ont fait l'objet de transformations, avec adjonction d'un bâtiment supplémentaire, mais aucune restriction de prix de terrain ou de plan financier ne leur ont été imposées. Voir à ce propos, en annexe, l'échange de courriels et la position de l'Office cantonal du logement et de la planification foncière OCPLF.

La villa existante (bâtiment n° 4______) devra être maintenue telle quelle, mais des transformations intérieures limitées seraient autorisées. Il convient à ce propos de signaler qu'une demande d'autorisation de construire (DD 17_____) pour transformation et division en 3 logements a été déposée en février 2017. L'autorisation n'a pas été délivrée à ce jour, mais sous réserve de quelques compléments, le dossier serait susceptible d'aboutir.

Parallèlement, le plan de site autorise une nouvelle construction, de gabarit limité (Rez + 2 étages) sur un périmètre de 12 x 14 mètres du côté sud-ouest de la parcelle. Une demande d'autorisation de construire (DD 18_____) pour un nouveau bâtiment de 3 logements a été déposée en mai 2017. Sur le principe, l'accueil a été favorable mais la Commission de la nature, des monuments et des sites CMNS a demandé une modification du projet avec une architecture plus "aérée". Un projet modifié est prêt à être déposé, il aurait reçu l'aval préalable du Service des monuments et des sites."

Afin d'évaluer la valeur vénale des parcelles, l'expert s'est fondé d'une part sur leur valeur intrinsèque (soit la valeur du terrain augmentée de celle des infrastructures), estimée à 3'100'000 fr., et d'autre part sur leur valeur de développement (soit la valeur à laquelle les logements réalisés lors d'une opération de transformation/construction pourraient être vendus sous déduction des coûts), arrêtée à 3'197'000 fr. Tenant compte de certaines incertitudes et réserves, il a finalement fixé à un total de 3'000'000 fr., soit 2'950'000 fr. pour la parcelle n° 1______ et 50'000 fr. pour la parcelle n° 2______, la valeur vénale estimée de ces parcelles.

Par courriers du 10 janvier 2019, l'Office a informé les parties intéressées de ce qu'il faisait sienne l'estimation de l'expert, dont le rapport était annexé. Cette décision d'estimation n'a fait l'objet, en temps utile, d'aucune plainte au sens de l'art. 17 LP ou de demande de nouvelle expertise au sens de l'art. 9 al. 2 ORFI.

e. Par courriers des 3 et 10 décembre 2019 adressés à l'Office, A______ a notamment demandé à ce qu'il soit procédé à une nouvelle estimation des parcelles nos 1______ et 2______. A l'appui de cette requête, elle a fait valoir que la délivrance de l'autorisation de transformer la villa existante pour y créer trois logements distincts, l'évolution favorable de la procédure d'octroi de l'autorisation d'ériger sur la parcelle n° 1______ un nouveau bâtiment de trois appartements, l'existence d'un projet concret de division de ladite parcelle pour pouvoir vendre séparément les deux parties et les offres d'ores et déjà formulées par des tiers pour un montant excédant celui de l'estimation de l'Office justifiaient, en application de l'art. 44 ORFI, qu'il soit procédé à une nouvelle estimation de la valeur des immeubles.

Cette demande de nouvelle expertise ayant été rejetée par l'Office, A______ a formé le 4 janvier 2020 une plainte auprès de la Chambre de céans, concluant notamment à ce qu'une nouvelle expertise des immeubles soit ordonnée au vu des éléments nouveaux apparus depuis la première.

Par décision DCSO/119/2020 prononcée le 24 avril 2020 dans la cause A/10/2020, la Chambre de céans a rejeté cette plainte, retenant d'une part que la procédure d'épuration de l'état des charges n'était pas terminée et d'autre part que, dans la mesure où l'évolution positive des procédures en obtention d'autorisations de construire et en division parcellaire avait été anticipée par l'expert, il ne s'agissait pas d'un élément nouveau justifiant l'application de l'art. 44 ORFI.

f. Après que des enchères initialement fixées au 29 septembre 2020 aient dû être annulées, l'Office les a nouvellement fixées au 29 novembre 2022.

g. Le 13 avril 2022, A______ a adressé à la Chambre de surveillance une "Requête de nouvelle estimation (ex art. 9 al. 2 cum art. 30 ORFI et art. 140 al. 3 LP)", concluant à ce que celle-ci, après avoir fait administrer une nouvelle expertise des parcelles n° 1______ et 2______, procède à une nouvelle estimation de leur valeur. Selon la requérante, la nouvelle expertise était principalement justifiée par une modification substantielle des circonstances intervenue depuis celle de décembre 2018 et la décision d'estimation du 10 janvier 2019, dès lors que d'une part le permis de construire un nouvel immeuble de trois étages sur la parcelle n° 1______ avait depuis lors été délivré et que d'autre part les prix de l'immobilier avaient augmenté de manière importante dans l'intervalle.

Cette requête a été déclarée irrecevable par décision DCSO/187/2022 prononcée le 18 mai 2022 dans la cause A/19______/2022, la Chambre de céans retenant en particulier qu'il appartenait en premier lieu à l'Office de statuer sur une telle requête et que celle-ci paraissait en tout état prématurée, la procédure d'épuration de l'état des charges n'étant pas encore terminée.

h. Par acte adressé le 3 juin 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a déclaré former une plainte contre la communication par l'Office de l'état des charges et des conditions de vente, intervenue le 25 mai 2022, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et, sur le fond, à ce qu'il soit procédé à une nouvelle expertise des parcelles nos 1______ et 2______.

Par ordonnance du 8 juin 2022, la Chambre de surveillance a rejeté la demande d'effet suspensif et, considérant que la plainte comportait une requête de nouvelle expertise au sens de l'art. 44 ORFI, l'a transmise à l'Office en l'invitant à statuer sur son sort au terme de la procédure d'épuration de l'état des charges.

Cette procédure de plainte (cause A/20______/2022) a par la suite été rayée du rôle par décision DCSO/417/2022 du 20 octobre 2022.

i. Par décision du 30 juin 2022, reçue le 4 juillet 2022 par le mandataire de A______, l'Office a rejeté la requête de nouvelle expertise adressée le 3 juin 2022 à la Chambre de surveillance. Relevant que la procédure d'épuration de l'état des charges s'était terminée sans qu'aucune charge ne soit écartée, il a estimé que les motifs invoqués à l'appui de la requête, soit l'existence d'autorisations de construire en force et l'évolution des prix de l'immobilier depuis l'estimation de 2019, n'étaient pas de nature à justifier une nouvelle expertise.

j. Le 13 juillet 2022, A______ a formé une plainte contre cette décision, dans le cadre de laquelle elle a réitéré sa demande qu'une nouvelle expertise des parcelles nos 1______ et 2______ soit effectuée. Elle a exposé à cet égard que, depuis la décision d'estimation du 10 janvier 2019, la situation s'était modifiée de manière importante. D'une part, deux autorisations de construire étaient en force, l'une portant sur la transformation du bâtiment 4______ et la seconde sur la construction d'un bâtiment de trois étages comportant trois logements; un projet de mutation parcellaire prévoyant la division de la parcelle 1______ en deux parcelles distinctes, chacune avec un bâtiment, était prêt. D'autre part, les prix de l'immobilier avaient augmenté de manière importante entre 2019 et 2022. Ces éléments justifiaient à son sens qu'une nouvelle expertise soit réalisée et qu'une nouvelle décision d'estimation soit rendue, de manière à ce que les participants aux enchères soient orientés sur la valeur vénale des parcelles devant être réalisées.

k. Par décision DCSO/367/2022 rendue le 22 septembre 2022, la Chambre de surveillance a partiellement fait droit à cette plainte et invité l'Office à procéder à une nouvelle estimation des parcelles enregistrées au Registre foncier sous nos 1______ et 2______ de la commune de K______.

Dans cette décision, la Chambre de céans a retenu que, depuis la décision d'estimation de janvier 2019, les circonstances avaient connu deux modifications importantes. D'une part, deux autorisations de construire auraient été définitivement délivrées, l'une portant sur la transformation du bâtiment existant en trois appartements et la seconde sur la construction d'un immeuble de trois étages comprenant trois logements. Associées à l'existence d'un projet de mutation parcellaire abouti, ces autorisations pouvaient constituer un argument de vente susceptible d'avoir une influence non négligeable sur le prix de vente des parcelles. D'autre part, les prix immobiliers avaient connu une augmentation importante depuis 2019. Il fallait donc retenir que l'estimation arrêtée en janvier 2019 par l'Office ne correspondait vraisemblablement plus à la valeur vénale actuelle des parcelles, avec pour conséquence que son indication ne permettait plus d'atteindre le but poursuivi par cette estimation, soit l'orientation des enchérisseurs potentiels sur le prix acceptable.

B. a. Donnant suite à la décision de la Chambre de surveillance du 22 septembre 2022, l'Office a confié à M______, architecte (ci-après : le premier expert), le mandat d'estimer une nouvelle fois la valeur vénale des parcelles nos 1______ et 2______.

Dans son rapport établi le 22 décembre 2022, le premier expert a estimé à 6'330'000 fr. la valeur vénale de la parcelle n° 1______ et à 70'000 fr. celle de la parcelle n° 2______, soit 6'400'000 fr. au total.

Pour arriver à ce résultat, le premier expert a dans un premier temps écarté les critères de la valeur de rendement et de la valeur comparative, considérés comme dénués de pertinence au regard des particularités des immeubles estimés. Dans un deuxième temps, il a évalué à 4'894'000 fr., arrondie à 4'890'000 fr., la valeur intrinsèque des deux parcelles, en tenant compte d'un prix du terrain au m² de 2'000 fr. et d'une valeur à neuf des constructions de 2'019'690 fr., sous déduction d'un montant de 221'585 fr. au titre de "vétusté pondérée". Il a ensuite évalué la valeur de développement des parcelles en prenant pour hypothèse la réalisation des travaux décrits par les autorisations de construire accordées, soit la transformation de la maison existante sur la parcelle n° 1______ pour y créer trois cabinets médicaux et la construction, sur le côté sud-ouest de la même parcelle, d'un nouveau bâtiment comprenant trois appartements. Tenant compte d'un prix de 13'000 fr. par m² pour les cabinets médicaux et de 14'500 fr. par m² pour les appartements, en y ajoutant la valeur estimée des sous-sols, garages et places de parc et en déduisant les coûts de construction et de courtage ainsi qu'une marge de 15% pour "risque et bénéfice", le premier expert est ainsi parvenu à une valeur de développement de 6'907'350 fr., arrondie à 6'900'000 fr. Il a enfin procédé à l'estimation de la valeur vénale proprement dite des parcelles nos 1______ et 2______, en se fondant essentiellement sur leur valeur de développement afin d'intégrer la valorisation résultant des autorisations de construire obtenues. Cette dernière valeur ne pouvait toutefois, selon lui, être retenue dans sa totalité au titre de valeur vénale au vu des risques de marché qu'elle comportait, notamment de l'évolution des coûts de construction et de la hausse des taux hypothécaires.

b. Par courrier adressé le 11 janvier 2023 au conseil de A______, l'Office lui a indiqué faire siennes les estimations du premier expert, soit 6'330'000 fr. pour la parcelle n° 1______ et 70'000 fr. pour la parcelle n° 2______.

c. Par courrier de son conseil adressé le 20 janvier 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a requis une nouvelle estimation des immeubles au sens de l'art. 9 al. 2 ORFI.

d. Par ordonnance du 7 février 2023, la Chambre de surveillance a fixé à 2'000 fr. l'avance des frais d'expertise, a imparti à A______ un délai de dix jours pour s'en acquitter, a désigné N______, architecte, en qualité d'expert (ci-après : le second expert) et lui a confié pour mission, après avoir pris connaissance du rapport d'expertise du 22 septembre 2022, d'estimer la valeur des parcelles nos 1______ et 2______.

e. A______ s'est acquittée en temps utile de l'avance requise.

f. Dans son rapport, établi le 19 mai 2023, le second expert a estimé à 6'850'000 la valeur vénale de la parcelle n° 1______ et à 150'000 fr. celle de la parcelle n° 2______, soit un total de 7'000'000 fr.

A l'instar du premier expert, le second a commencé par calculer la valeur intrinsèque des parcelles nos 1______ et 2______, qu'il a arrêtée à un montant global de 4'860'000 fr. quasiment identique à celui de 4'890'000 fr. retenu par le premier expert. Il a ensuite lui aussi calculé la valeur de développement des immeubles, en se fondant comme le premier expert sur les autorisations de construire obtenues; retenant des valeurs au m² légèrement supérieures à celles admises par le premier expert, le second est parvenu à un résultat global de 7'000'000 fr. Comme le premier expert, il a considéré que la valeur vénale des parcelles devait correspondre sur le principe à leur valeur de développement, afin d'intégrer la valorisation résultant des autorisations de construire accordées; à l'inverse du premier expert, il a toutefois renoncé à appliquer une diminution afin de tenir compte des divers risques liés au développement effectif des parcelles et a donc admis une valeur vénale globale de 7'000'000 fr., répartie à hauteur de 6'850'000 fr. pour la parcelle n° 1______ et de 150'000 fr. pour la parcelle n° 2______.

g. Par pli du 24 mai 2023, la Chambre de surveillance a communiqué à A______ et aux intéressés le rapport établi par le second expert et leur a imparti un délai pour se déterminer.

h. Par lettre du 7 juin 2023, [la banque] F______ a indiqué ne pas formuler d'observations.

Par courrier adressé le 7 juin 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a conclu à l'admission "de la requête de vente des biens immobilières [sic] selon le dossier de mutation parcellaire n. 21______ déposée au Registre foncier de Genève et inscrit au plan du cadastre et de la mensuration officielle […]" et à ce que, ceci fait, il soit procédé à une nouvelle estimation de la valeur des sous-parcelles issues de cette mutation parcellaire. Admettant que les expertises de décembre 2022 et de mai 2023, "très similaires", avaient correctement tenu compte des permis de construire accordés, A______ a en effet fait valoir qu'une division des immeubles à réaliser était nécessaire afin d'en obtenir le meilleur prix lors des enchères; selon elle, le bâtiment existant pouvait intéresser des amateurs différents de celui susceptible d'être construit sur la partie sud-ouest de la parcelle n° 1______ de telle sorte qu'en proposer la vente en bloc attirerait moins d'acquéreurs potentiels que si chaque objet était proposé séparément, ce qui supposait que le projet de division parcellaire déjà préparé et déposé au Registre foncier et au cadastre soit exécuté.

Par courriers des 13 et 14 juin 2023, F______ et I______ se sont opposés à la demande de mutation parcellaire requise par A______.

Celle-ci a dupliqué par courrier du 18 juillet 2023, persistant dans les conclusions prises dans ses observations du 7 juin 2023.

Par détermination du 18 août 2023, F______ a conclu à l'irrecevabilité de la duplique du 18 juillet 2023.

i. La cause a été gardée à juger le 6 juillet 2023.

 

EN DROIT

1. 1.1 En vertu des art. 97 al. 1 LP et 9 al. 1 ORFI, l'Office des poursuites procède à l'estimation des biens immobiliers dans le cadre des opérations de saisie. Il renouvelle si nécessaire l'estimation dans le cadre des opérations de réalisation, à l'issue de l'épuration des charges (art. 140 al. 3 LP, art. 44 ORFI). En cas de poursuite en réalisation de gage, l'estimation de l'immeuble engagé a lieu suite à la réquisition de vente, ce mode particulier de poursuite ne comportant pas d'opérations de saisie (art. 155 al 1 LP qui renvoie à l'art. 91 al. 1 LP et art. 99 al. 1 ORFI qui renvoie à l'art. 9 al. 1 ORFI). Dans tous ces cas, l'Office peut s'adjoindre un ou des experts pour procéder à l'estimation (Gilliéron, Commentaire de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n° 29 ad art. 97 LP et n° 174 ad art. 140 LP; Foëx, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 17 ad art. 155 LP).

Aux termes de l'art. 9 al. 2 ORFI, applicable non seulement à l'estimation d'un immeuble saisi dans une poursuite ordinaire, mais également en matière de poursuite en réalisation de gage immobilier, par renvoi de l'art. 99 al. 2 ORFI, chaque intéressé a le droit d'exiger, en s'adressant à l'autorité de surveillance dans le délai de dix jours dès réception de l'estimation de l'Office, et moyennant avance des frais, qu'une nouvelle estimation de l'immeuble à réaliser soit faite par un expert. Le droit à une deuxième évaluation par un expert vaut également pour l'estimation révisée après l'épuration des charges au sens de l'art. 140 al. 3 LP (Gilliéron, op. cit., n° 17 ad art. 155 LP).

1.2.1 En l'espèce, après avoir eu connaissance du résultat de l'expertise réalisée par l'architecte mandaté par l'Office, la débitrice poursuivie, qui a qualité de partie intéressée, a requis de la Chambre de surveillance, dans les délai et forme prescrits par la loi, qu'une nouvelle estimation soit effectuée par un second expert. Elle s'est en outre acquittée en temps utile de l'avance de frais fixée.

Il y a donc lieu d'entrer en matière sur la demande de nouvelle expertise.

Au vu du considérant 1.2.2 suivant, il n'est pas nécessaire de statuer sur la recevabilité de la duplique formée le 18 juillet 2023 par la débitrice.

1.2.2 La procédure spécifique prévue par l'art. 9 al. 2 ORFI a pour but de permettre aux intéressés de faire vérifier, et le cas échéant corriger, la valeur d'estimation retenue par l'Office à différents stades de la poursuite portant sur un immeuble. Il ne s'agit donc pas, dans ce cadre étroit, de vérifier si l'Office a correctement appliqué la loi, ou a agi de manière opportune, dans les mesures qu'il a prises tout au long de la procédure d'exécution forcée, en particulier de celles relatives aux actes de gestion de l'immeuble faisant l'objet de la poursuite ou à l'organisation de la procédure de réalisation forcée. De telles mesures – respectivement leur refus par l'office – doivent être contestées par la voie de la plainte prévue par l'art. 17 LP, dans le délai prévu par l'art. 17 al. 2 LP.

En l'occurrence, les conclusions prises par la poursuivie dans ses observations du 7 juin 2023, confirmées dans sa duplique du 18 juillet 2023, ne portent nullement sur l'estimation des immeubles à réaliser mais sur les mesures qui à son sens devraient être prises pour maximiser le produit de la vente aux enchères. Ces mesures – essentiellement la division de la parcelle principale en deux sous-parcelles – auraient pour effet de substituer à l'objet actuel de l'exécution forcée (les immeubles saisis, respectivement remis en gage) un autre objet (les immeubles issus de la mutation parcellaire préconisée par la poursuivie), avec pour conséquence que la procédure de réalisation forcée devrait être recommencée ab initio. Elles excèdent donc très largement le cadre d'un simple réexamen de l'estimation de la valeur des immeubles à réaliser. A cela s'ajoute que, à supposer que la possibilité d'initier une procédure de mutation parcellaire concernant un immeuble saisi doive être reconnue aux autorités d'exécution – ce qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici – c'est à l'Office, éventuellement saisi d'une demande en ce sens de la part d'une partie intéressée, qu'il appartiendrait d'en décider, sa décision sur ce point pouvant être déférée sur plainte à la Chambre de céans.

Il ne sera donc pas entré en matière sur les conclusions formulées par la débitrice dans ses écritures postérieures à l'expertise.

Il sera pour le surplus relevé que le comportement procédural de la débitrice est en tout état contraire à la bonne foi. C'est en effet à sa demande – et sur plainte de sa part contre une décision négative de l'Office – qu'une nouvelle expertise des parcelles devant être réalisées a été ordonnée. C'est à sa requête également qu'une seconde expertise de ces mêmes parcelles a été ordonnée par la Chambre de céans. En sollicitant aujourd'hui une mesure rendant inutiles ces deux expertises, ce qu'elle réalise parfaitement puisqu'elle requiert sans désemparer une nouvelle expertise devant porter cette fois sur les parcelles issues de la division parcellaire qu'elle préconise, la débitrice adopte un comportement procédural contradictoire qui ne saurait être protégé.

2. 2.1 Selon l'art. 9 al. 1 ORFI, l'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l'assurance contre l'incendie.

L'estimation du bien à vendre aux enchères ne révèle rien quant au produit effectivement réalisable lors celles-ci. Elle donne tout au plus aux intéressés un point de repère à propos de l'offre défendable. C'est pourquoi l'estimation ne doit pas être la plus élevée possible, mais doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble (ATF 134 III 42 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2008 et 5A_451/2008 du 18 septembre 2008, consid. 3.1). Elle doit englober tous les critères susceptibles d'influer sur le prix d'adjudication, notamment les normes du droit public qui définissent les possibilités d'utilisation du bien-fonds à réaliser (ATF 143 III 532 consid. 2.2 et 2.3 et les références). En revanche, la loi n'indique pas la méthode à suivre pour procéder à l'estimation de la valeur vénale
(ATF 134 III 42 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018, 5A_450/2008 et 5A_451/2008 du 18 septembre 2008, consid. 3.1).

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'Office, de même que, sur demande de nouvelle expertise, la Chambre de surveillance s'en remettent en principe à l'avis d'un expert, pour autant que celui-ci soit dûment motivé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018 consid. 6.2.1). Il n'est d'ailleurs pas rare que deux experts aient un avis différent sur le même objet, les critères d'estimation pouvant varier considérablement de l'un à l'autre (ATF 120 III 79 consid. 2b). En présence d'estimations différentes, émanant d'experts aussi compétents l'un que l'autre, la Chambre de surveillance ne peut trancher pour un moyen terme entre les deux estimations en présence que si les deux expertises effectuées retiennent toutes deux des critères appropriés et tiennent compte des circonstances pertinentes, et qu'ainsi la fixation du montant à retenir au titre de l'estimation des biens à réaliser relève pleinement de son pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b).

2.2 Dans le cas d'espèce, les deux experts mandatés, le premier par l'Office et le second par la Chambre de céans, disposent tous deux des connaissances nécessaires. Ils se sont tous deux rendus sur les lieux et sont donc au bénéfice d'une connaissance directe et personnelle des immeubles à expertiser. Ils se sont fondés sur les mêmes données objectives (surfaces, métrés, zones, situation des parcelles, etc.) et ont en particulier tous deux tenu compte des autorisations de construire délivrées postérieurement à l'estimation initiale de décembre 2018, lesquelles avaient pour partie motivé la nécessité de réactualiser l'estimation de janvier 2019.

La valeur intrinsèque des immeubles a été évaluée à un montant quasiment identique par les deux experts (4'890'000 fr. pour le premier et 4'860'000 fr. pour le second). Tous deux ont cependant considéré qu'afin de tenir compte des autorisations de construire délivrées et du potentiel de mise en valeur qui en résulte, c'est sur la base de la valeur de développement des parcelles que leur valeur vénale devait être appréciée. La Chambre de céans se ralliera à cette appréciation des experts, qui n'a du reste été contestée par aucune des parties intéressées.

Ladite valeur de développement a été évaluée à 6'900'000 fr. par le premier expert et à 7'000'000 fr. par le second, soit une nouvelle fois des chiffres très similaires; la divergence entre ces deux montants reflète de légères divergences entre les appréciations subjectives des experts sur les prix de vente et de construction des surfaces susceptibles d'être créées selon les autorisations de construire délivrées.

La différence entre les deux valeurs vénales retenues (6'400'000 fr. au total pour le premier expert et 7'000'000 fr. au total pour le second) tient essentiellement au fait que le premier expert a appliqué à la valeur de développement qu'il avait déterminée une réduction devant tenir compte de certains risques liés au développement des parcelles, alors que le second expert s'en est tenu à la valeur de développement. La Chambre de céans se ralliera sur ce point à l'avis du second expert tant sur le montant de la valeur de développement, du fait que son intervention postérieure a pu lui permettre une meilleure appréciation des prix et coûts de construction, que sur l'absence de réduction de cette valeur en raison des risques, les deux experts ayant déjà pris en compte une marge de 15% du coût total de l'opération pour "risque et bénéfice".

La valeur de la parcelle n° 1______ sera donc arrêtée à 6'850'000 fr. et celle de la parcelle n° 2______ à 150'000 fr.

3. Les honoraires du second expert s'élèvent à 1'938 fr. 60 TTC, montant qui paraît conforme aux tarifs usuellement pratiqués dans la branche. La note d'honoraires du 19 mai 2023 peut donc être approuvée. Elle est couverte par l’avance de frais que le requérant a versée, qui reste acquise à due concurrence à l'Etat de Genève, un solde de 61 fr. 40 devant être restitué au requérant.

La procédure devant la Chambre de céans est pour le surplus gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la demande de nouvelle expertise des immeubles enregistrés au Registre foncier sous feuillets nos 1______ et 2______ de la commune de K______ formée le 20 janvier 2023 par A______.

Au fond :

Arrête à 6'850'000 fr. la valeur de l'immeuble enregistré sous feuillet n° 1______ de la commune de K______.

Arrête à 150'000 fr. la valeur de l'immeuble enregistré sous feuillet n° 2______ de la commune de K______.

Fixe à 1'938 fr. 60 les frais de la nouvelle expertise et invite l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser ce montant à l'expert N______.

Met ces frais à la charge de A______, les compense à due concurrence avec l'avance versée par celle-ci, laquelle reste dans cette mesure acquise à l'Etat de Genève, et invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à lui restituer le solde de l'avance, soit 61 fr. 40.

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Monsieur Jean REYMOND, juges ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.