Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/2421/2023

DCSO/500/2023 du 13.11.2023 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Normes : lp.17; lp.8a.al3.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2421/2023-CS DCSO/500/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/2421/2023-CS) formée en date du 21 juillet 2023 par A______, représenté par Me Yannis Sakkas, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me SAKKAS Yannis

SAKKAS AVOCATS

Rue de la Poste 7

Case postale 935

1920 Martigny.

- B______

c/o Me GUILLET Kevin

Sigma legal SA

Rue des Terreaux 10

1003 Lausanne.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Par réquisition du 20 septembre 2019, A______ a engagé à l'encontre de B______ une poursuite ordinaire en paiement d'un montant de 1'000'000 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an, allégué être dû au titre de "Dommages et intérêts / réparation du tort moral à cause d'une atteinte à la personnalité".

b. Le commandement de payer, poursuite n° 1______, établi par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) sur la base de cette réquisition de poursuite a été notifié le 8 octobre 2019 à B______, qui a formé opposition.

A______ n'a jamais engagé aucune démarche judiciaire en vue de faire lever ou écarter cette opposition.

c. Le 20 juin 2023, B______ a formé auprès de l'Office une demande afin que la poursuite n° 1______ ne puisse plus être communiquée à des tiers, en application de l'art. 8a al. 3 let. d LP.

Par courrier du 20 juin 2023, l'Office a alors invité A______ à lui faire savoir, d'ici au 13 juillet 2023, s'il avait engagé dans le cadre de ladite poursuite une procédure de mainlevée de l'opposition ou en reconnaissance de dette, auquel cas les pièces justificatives devaient être produites, ou si le poursuivi s'était acquitté de la dette invoquée en poursuite. L'attention de A______ était attirée sur le fait que, sans réponse de sa part, la poursuite ne serait plus portée à la connaissance des tiers en application de l'art. 8a al. 3 let. d LP.

Par lettre adressée le 6 juillet 2023 à l'Office, A______ a indiqué que la poursuite n° 1______ était périmée de telle sorte que, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 147 III 544 consid. 3.4), le débiteur poursuivi ne pouvait plus se fonder sur l'art. 8a al. 3 let. d pour obtenir qu'elle ne soit plus communiquée aux tiers.

d. Par décision du 10 juillet 2023, l'Office a fait droit à la demande de non-divulgation formée par B______ au motif que le poursuivant n'avait "pas apporté la preuve qu'il a[vait] introduit une action pour annuler l'opposition ni que la créance a[vait] été payée intégralement en ses mains".

Une copie de cette décision a été adressée à A______ par pli du 10 juillet 2023.

B. a. Par acte adressé le 21 juillet 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 10 juillet 2023, concluant à son annulation et au rejet de la demande de non-divulgation de la poursuite déposée par B______. Il a fait valoir que, selon la jurisprudence
(ATF 147 III 544 consid. 3.4), une telle demande de non-divulgation ne pouvait plus intervenir après que le délai de péremption prévu par l'art. 88 al. 2 LP se fut périmé, ce qui était manifestement le cas en l'espèce.

b. Dans ses observations du 8 août 2023, l'Office, après avoir mis en doute l'existence d'un intérêt digne de protection du plaignant à former une plainte, a conclu au rejet de la plainte au motif, en résumé, que l'interprétation de l'art. 8a al. 3 let. d LP préconisée par le plaignant priverait cette disposition de son sens.

c. Par détermination du 21 août 2023, B______ a lui aussi conclu au rejet de la plainte, faisant valoir en substance que l'état de fait de la présente espèce se distinguait de celui ayant donné lieu à l'ATF 147 III 544.

d. En l'absence de réplique spontanée, la cause a été gardée à juger le 5 septembre 2023.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 La plainte, dirigée contre une décision de l'Office pouvant être contestée par cette voie, a été formée en temps utile, dans la forme écrite prévue par la loi, et comporte une motivation et des conclusions. Elle est, dans cette mesure, recevable.

1.2.1 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP constitue une condition de recevabilité qui doit être examinée d'office par l'autorité de surveillance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_494/2010 consid. 4.1). Elle est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés ou, à tout le moins, atteinte dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation
(ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1 et les références).

1.2.2 A teneur de l'art. 8a al.1 LP, toute personne peut consulter les procès-verbaux et registres des offices des poursuites et des offices des faillites et s'en faire délivrer des extraits à condition qu'elle rende son intérêt vraisemblable. Ce droit de consultation ne comprend pas seulement les procès-verbaux et les registres, mais permet de consulter tous les actes et pièces justificatives (Peter, in BSK SchKG I, 3ème édition, 2021, n. 24 ad art. 8a LP et la référence citée).

La possibilité pour les tiers de consulter le registre des poursuites répond à un intérêt public : elle permet en effet aux tiers de vérifier la solvabilité d'un partenaire en affaires actuel ou futur et d'évaluer les chances de succès de l'engagement d'une procédure d'exécution forcée; la vérification de la capacité financière du débiteur permet ainsi d'éviter des pertes et des procédures de poursuite inutiles. L'intérêt privé, relevant du droit de la personnalité du débiteur, doit en principe céder le pas devant cet intérêt public, sous réserve du respect du principe de la proportionnalité (ATF 115 III 81 consid. 3b; 135 III 503).

Les règles fixées par le législateur à l'art. 8a LP visent ainsi à arbitrer le conflit existant entre l'intérêt – public – à une certaine transparence du registre des poursuites dans le but que des tiers appelés à entrer en affaires avec une personne donnée puissent se renseigner sur sa capacité et sa volonté à honorer ses engagements, ou à ce que des tiers s'apprêtant à engager une procédure d'exécution puissent en évaluer les perspectives de succès, et l'intérêt – privé – des personnes faisant l'objet de poursuites à protéger leur réputation, en tenant compte du fait que le système suisse d'exécution forcée des créances pécuniaires ne connaît pas de contrôle préalable des prétentions invoquées, avec pour conséquence que certaines poursuites peuvent ne pas être justifiées
(ATF 141 III 68 consid. 2.6.1.1; Peter, op. cit., N 2 ad art. 8a LP).

1.2.3.1 La qualité du créancier poursuivant pour contester par la voie de la plainte la décision de l'office de ne plus porter une poursuite à la connaissance des tiers en application de l'art. 8a al. 3 let. d LP n'a jamais fait l'objet d'un examen approfondi par la Chambre de céans. Dans une décision DCSO/423/2022 du 20 octobre 2022, cette qualité a certes été admise mais la question n'était pas litigieuse entre les parties.

1.2.3.2 Il résulte des développements qui précèdent que le créancier dont la poursuite n'est plus portée à la connaissance de tiers ne peut se prévaloir d'aucun des intérêts dont l'art. 8a al. 1 et 8a al. 3 let. d LP assure la protection. Il ne saurait ainsi invoquer au titre d'intérêt juridiquement protégé propre l'intérêt public à la publicité des registres, n'en étant pas le titulaire. Disposant d'ores et déjà de toutes les informations utiles sur la procédure d'exécution forcée qu'il a engagée, il ne saurait par ailleurs – au contraire d'un tiers intéressé – se plaindre du caractère éventuellement incomplet des renseignements donnés par l'office en raison de l'absence de mention de la poursuite qu'il a introduite.

On ne voit pas non plus quel intérêt de fait digne de protection le créancier pourrait alléguer. Le déroulement de la poursuite n'est en effet pas influencé par le fait qu'elle puisse ou non être portée à la connaissance de tiers; une fois la poursuite terminée ou périmée, le créancier non entièrement satisfait ne pourra déduire aucun droit en sa faveur du fait que sa poursuite continuera ou non à pouvoir être communiquée aux tiers. La possibilité pour des tiers intéressés d'avoir connaissance de la poursuite qu'il a introduite n'est enfin pas de nature à lui procurer un quelconque avantage matériel. La situation juridique ou factuelle du créancier poursuivant n'est ainsi en rien modifiée par une décision de non-divulgation au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP.

En réalité, le seul intérêt concret que le maintien de la communication aux tiers de la poursuite introduite par lui-même confère au créancier poursuivant consiste dans la pression que cette communication lui permet d'exercer sur son débiteur allégué, du fait de l'atteinte à sa réputation en matière de solvabilité et de paiement qui en résulte. Il est à cet égard notoire que de nombreux partenaires contractuels potentiels (p. ex. bailleurs ou employeurs) consultent et prennent en considération avant de s'engager l'extrait du registre des poursuites de leur futur cocontractant. La simple mention d'une poursuite dans ledit extrait, même terminée ou périmée, et même frappée d'opposition, est donc de nature à péjorer les perspectives du débiteur de contracter, ou de le faire à des conditions favorables. Elle confère de la sorte un avantage au créancier allégué, qui peut notamment tenter d'obtenir de son supposé débiteur, en contrepartie d'un retrait de la poursuite au sens de l'art. 8a al. 3 let. c LP, une concession que celui-ci n'aurait autrement pas faite. Cet intérêt factuel du créancier allégué à la communication ne saurait cependant être qualifié de digne de protection au sens de la jurisprudence : totalement étranger à la ratio legis de l'art. 8a al. 1 LP, et plus largement au déroulement de la procédure d'exécution forcée tel que prévu par la loi, il n'est en rien lié au caractère justifié ou non de la prétention invoquée. Le fait que le créancier supposé puisse bénéficier de cet avantage n'est qu'un effet – non voulu par le législateur – de la publicité des registres des offices : il n'y a donc pas lieu de le protéger.

Le créancier dont la poursuite cesse de pouvoir être communiquée aux tiers en raison d'une décision de l'office fondée sur l'art. 8a al. 3 let. d ne dispose ainsi pas de la qualité pour former plainte contre cette décision, faute d'intérêt juridique ou de fait digne de protection (cf. dans ce sens Peter, Recht zum Ausschluss des Einsichtsrechts gestützt auf Art. 8a Abs. 3 lit. d SchKG, in ZZZ 57/2022,
pp. 103 ss., § B.2.e; arrêt de l'Obergericht du canton de Zoug du 3 avril 2019 BA/2019 5).

1.2.4 Dans le cas d'espèce, la plainte est dirigée contre une mesure par laquelle l'Office, se fondant sur la disposition précitée, a décidé de ne plus communiquer aux tiers la poursuite introduite par le plaignant. Comme exposé ci-dessus, ce dernier ne dispose en principe d'aucune intérêt digne de protection à obtenir la modification de la mesure contestée, et n'a donc pas qualité pour former une plainte. Il n'a par ailleurs pas expliqué pour quel motif il en irait différemment en l'espèce. Il n'a en particulier pas exposé en quoi il était concrètement touché dans sa situation juridique ou factuelle par la décision contestée.

La plainte doit donc être déclarée irrecevable.

2. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 21 juillet 2023 par A______ contre la décision de non-divulgation de la poursuite n° 1______ rendue le 10 juillet 2023 par l'Office cantonal des poursuites.

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.