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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2517/2023

DCSO/480/2023 du 09.11.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Droit de rétention du bailleur; estimation des actifs inventoriés; proportionnalité
Normes : LP.283; LP.97
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2517/2023-CS DCSO/480/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/2517/2023-CS) formée en date du 6 août 2023 par A______ SÀRL, représentée par Me Ivan HUGUET, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 13 novembre 2023
à :

-       A______ SÀRL

c/o Me HUGUET Ivan

Sautter 29 Avocats

Rue Sautter 29

1205 Genève.

- B______ ANLAGESTIFTUNG

c/o Me TAMISIER Christian

THCB Avocats

Rue Saint-Léger 8

1205 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Le 18 juillet 2023, B______ ANLAGESTIFTUNG a requis la prise d'inventaire, au sens de l'art. 283 LP, des objets se trouvant dans l'arcade de 39 m2, au 2ème étage, et du dépôt de 4.7 m2 au 4ème sous-sol à la rue 1______ no. ______ à Genève qu'elle avait remis à bail à A______ Sàrl, ce à hauteur d'un montant de 35'486 fr. 50 correspondant aux loyers et charges pour la période allant du 1er août 2022 au 30 juin 2023. Selon la requête, le contrat de bail à loyer avait été conclu le 22 octobre 2021 et résilié pour le 31 juillet 2023.

Une garantie de loyer de 21'118 fr. 50 avait été déposée par A______ Sàrl en mains de [la banque] C______.

b. Le 21 juillet 2023, un collaborateur de l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) s'est rendu sur place pour procéder à l'inventaire, en présence de D______, gérant de A______ Sàrl.

c. Par courriel du 25 juillet 2023, A______ Sàrl a communiqué à l'Office un inventaire du mobilier garnissant les locaux, avec l'indication des prix d'acquisition.

d. Le 26 juillet 2023, l'Office a complété l'inventaire puis, le lendemain, a établi le procès-verbal de prise d'inventaire. 37 lots ont été inventoriés, dont du mobilier, des électroménagers et plusieurs bouteilles de vin, d'une valeur d'estimation totale de 16'065 fr.

Le procès-verbal d'inventaire, n° 2______, a été adressé le 27 juillet 2023 par pli recommandé à A______ Sàrl, qui l'a reçu le 31 juillet suivant.

e. Par courriel du 6 août 2023, A______ Sàrl a marqué son étonnement quant à la valeur totale d'estimation retenue par l'Office et lui a communiqué des justificatifs relatifs à l'achat des objets inventoriés, lesquels pouvaient raisonnablement être estimés à 22'145 fr., l'Office étant invité à reconsidérer sa décision.

f. Le 14 août 2023, B______ ANLAGESTIFTUNG a requis la poursuite en réalisation de gage mobilier de A______ Sàrl, en validation de la prise d'inventaire, à hauteur de 35'486 fr. 50, plus intérêts à 5% dès le 1er août 2022.

B. a. Par acte expédié le 6 août 2023, A______ Sàrl a porté plainte contre le procès-verbal de prise d'inventaire du 27 juillet 2023, dont elle a requis l'annulation et la rectification, en ce sens que "les objets et leurs valeurs" devaient être estimés conformément à ce qui était indiqué "en pièce 11".

Selon A______ Sàrl, la valeur d'estimation retenue par l'Office correspondait à 27% du prix d'acquisition des biens concernés, ce qui était trop faible, alors qu'ils pouvaient être estimés à 22'145 fr. 01, soit 35% du prix d'achat.

De plus, l'Office avait inventorié plus que nécessaire. En effet, la prétention du bailleur s'élevait à 35'486 fr. 50, dont il y avait lieu de retrancher la garantie de loyer en 21'118 fr. 50, soit un découvert de 14'368 fr. En inventoriant des objets pour une valeur de 16'065 fr. l'Office avait agi de manière disproportionnée.

Enfin, l'Office avait inventorié des bouteilles de vin, ce qui entravait l'activité commerciale de A______ Sàrl, alors qu'il aurait pu saisir d'autres objets à la place.

b. Dans sa détermination du 29 août 2023, B______ ANLAGESTIFTUNG a conclu au rejet de la plainte. Elle a exposé qu'à la date du 31 juillet 2023, la dette de A______ Sàrl s'élevait à 46'159 fr. 65, hors frais et intérêts de retard. Cette dernière, qui n'avait pas contesté le congé, avait cessé son activité à cette date.

Dans l'estimation des objets inventoriés, l'Office bénéficiait d'un large pouvoir d'appréciation et devait faire preuve de prudence. La valeur retenue dans le procès-verbal d'inventaire contesté n'était pas critiquable.

Concernant la typologie des objets sélectionnés, le choix de l'Office ne prêtait pas le flanc à la critique. En particulier, il était notoire que les bouteilles de vins étaient facilement réalisables, l'argument tiré de l'entrave à l'activité commerciale n'étant pas pertinent dans la mesure où la plaignante avait cessé son activité.

c. Dans son rapport du 4 septembre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon la plaignante, la valeur d'estimation retenue correspondait à 27% du prix d'acquisition des objets sélectionnés, ce qui était généreux. En effet, l'expérience de l'Office en matière de ventes forcées montrait que le produit de réalisation pouvait se monter à environ 10% du prix d'achat. L'estimation n'était ainsi en l'occurrence pas trop faible. Concernant le montant de la créance, l'Office devait tenir compte de la créance de base, des intérêts et des frais. La valeur d'estimation de 16'065 fr. n'était ainsi pas excessive.

L'Office avait fait porter l'inventaire aussi sur des bouteilles de vins, qui étaient des objets facilement réalisables, ce qui était un critère pertinent.

d. Le rapport de l'Office et la détermination de B______ ANLAGESTIFTUNG ont été transmis à A______ Sàrl en date du 6 septembre 2023.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), à savoir un procès-verbal d'inventaire, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 283 al. 1 LP, le bailleur de locaux commerciaux peut requérir l'office des poursuites, même sans poursuite préalable, de le protéger provisoirement dans son droit de rétention, tel que prévu par les art. 268 ss CO. A réception d'une réquisition de prise d'inventaire, l'office vérifie de manière sommaire si les conditions matérielles du droit de rétention sont réalisées
(ATF 109 III 42 consid. 1). Il procède ensuite à un inventaire des objets saisissables se trouvant dans les locaux loués (art. 283 al. 3 LP), en appliquant par analogie les règles sur la saisie (Rohner, in KUKO SchKG, 2ème éd. 2014, n. 13 ad art. 283 LP) : il doit ainsi procéder à l'estimation de la valeur des objets inventoriés, si nécessaire avec l'aide d'experts (art. 97 al. 1 LP), ne peut inventorier plus d'objets qu'il n'est nécessaire pour couvrir la créance (en capital, intérêts et frais ; art. 97 al. 2 LP) et doit respecter l'ordre de la saisie prévu par l'art. 95 LP. Au contraire de la saisie, toutefois, la prise d'inventaire ne doit pas être préalablement annoncée au débiteur poursuivi, dont la présence n'est pas nécessaire (ATF 93 III 20 consid. 3). Si le débiteur est absent, l'office doit lui accorder ultérieurement la possibilité de prendre position quant au contenu de l'inventaire (Stoffel/Oulevey, in CR LP, 2005, n. 26 ad art. 283 LP).

L'estimation est principalement destinée à fixer la mesure de la couverture et à orienter le créancier sur le produit prévisible de la réalisation (ATF 112 III 75 consid. 1a). L'estimation des biens saisis doit être faite au moment de la saisie (respectivement de la prise d'inventaire). Elle devra correspondre à la valeur présumée de ces biens lors de la réalisation, soit à leur valeur vénale, et non à leur valeur de rendement ou d'exploitation ou encore à la valeur que pourrait en obtenir le débiteur en cas de vente volontaire (ATF 99 III 52 consid. 4b). S'il existe une valeur de marché, c'est elle qui sera retenue (De Gottrau, in CR LP, 2005, n. 6 ad art. 97 LP).

S'agissant de biens usuels, l'office peut les estimer lui-même et jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 2). Si le préposé ne dispose pas des connaissances spéciales nécessaires à l'estimation d'un bien saisi (ce qui vaut notamment et de manière générale pour les immeubles et les œuvres d'art), le recours à un expert s'impose en principe. Dans certains cas cependant, par exemple parce que l'expertise entraînerait des coûts disproportionnés ou prendrait trop de temps, une telle mesure peut s'avérer inutile ou déraisonnable : l'office doit alors s'en tenir à une estimation sommaire (De Gottrau, op. cit., n. 10 et 11 ad art. 97 LP).

La Chambre de céans a confirmé qu'une estimation correspondant à environ 10% de la valeur d'achat d'objets mobiliers n'était pas critiquable (DCSO/318/2021 du 19 août 2021).

2.1.2 Selon l'art. 95 al. 1 LP 1ère phrase, la saisie porte en premier lieu sur les biens meubles, y compris les créances et les droits relativement saisissables au sens de l'art. 93 al. 1 LP, soit notamment les revenus du travail. A l'intérieur de ces trois catégories, l'Office n'est tenu par aucun ordre particulier; il doit cela étant veiller à concilier autant que faire se peut les intérêts du débiteur et ceux des créanciers poursuivants (De Gottrau, op. cit., n. 1 et 6 ad art. 95 LP).

Un des buts de l'art. 95 LP est de mettre sous main de justice les actifs les plus aisément réalisables dans l'intérêt des créanciers (ATF 117 III 61 consid. 2).

2.2 En l'espèce, en ce qui concerne la valeur des actifs inventoriés, l'estimation opérée par l'Office, correspondant selon la plaignante à 27% de la valeur d'acquisition de ces biens, n'apparaît pas excessivement prudente, s'agissant en particulier de meubles et d'électroménagers, soumis à dépréciation. La plaignante n'avance à ce sujet aucune indication concrète susceptible de venir corroborer l'obtention d'un résultat plus élevé en cas de réalisation forcée de ces objets. La valeur de 22'145 fr. 01 avancée, correspondant à 35% du prix d'achat, n'est qu'une simple allégation, non étayée.

L'Office n'a pas non plus inventorié plus que nécessaire. En effet, la créance de 14'368 fr., correspondant à la prétention nominale du bailleur indiquée dans la requête de prise d'inventaire sous déduction de la garantie de loyer, doit être majorée des intérêts et frais. En inventoriant des biens à hauteur de 16'065 fr., l'Office a ainsi agi de manière proportionnée.

En ce qui concerne le choix des actifs, l'Office a inventorié les objets mobiliers qui lui paraissaient plus aisément réalisables, selon son expérience, dont des bouteilles de vin, ce qui est pertinent. Cette sélection est d'autant moins critiquable que, selon les indications de la créancière, non contestées par la plaignante, cette dernière a cessé son activité, de sorte que la saisie des bouteilles de vins ne prétérite pas son commerce.

Enfin, la plaignante, dont le gérant était présent lors du premier passage de l'Office, a pu s'exprimer sur l'inventaire.

La plainte est ainsi mal fondée et sera rejetée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 6 août 2023 par A______ Sàrl contre le procès-verbal de prise d'inventaire n° 2______, établi par l'Office cantonal des poursuites le 27 juillet 2023.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.