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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1781/2023

DCSO/397/2023 du 21.09.2023 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : Minimum vital; devoir de collaboration
Normes : LP.93; LP.91
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1781/2023-CS DCSO/397/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 SEPTEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/1781/2023-CS) formée en date du 24 mai 2023 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 27 septembre 2023 à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______ SA

______

______ [VS]

- Etat de Genève, Service des contraventions
Chemin de la Gravière
Case postale 104
1211 Genève 8.

- Etat de Genève, Servie du contentieux de l'Etat
Rue du Stand 15
Case postale 3937
1211 Genève 3.


 

 

- C______ SA
c/o F______ SA
______
______ [VD].

- D______ SA
c/o G______ SA
______
______ [VD].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet des poursuites n° 1______, 2______, 3______ et 4______ qui participent à la série n° 5______ et dont la continuation a été requise par les poursuivants entre le 28 juin et le 12 août 2022.

b. Selon le procès-verbal de saisie établi le 10 octobre 2022 dans cette série, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a ordonné la saisie, à hauteur de 5'050 fr. par mois, pour la période du 5 février 2023 au 29 août 2023, des gains d'indépendant du poursuivi, qui exerce l'activité d'agriculteur à son compte. L'Office a retenu des revenus mensuels bruts de 7'350 fr. 25 et des charges de fonctionnement de 1'100 fr. 25, soit des revenus nets mensuels en 6'250 fr. Seul le montant de base à hauteur de 1'200 fr. a été pris en considération dans les charges du poursuivi.

c. Dans le cadre d'une série subséquente, n° 6______, à laquelle participent les poursuites n° 7______ et 8______, l'Office a établi le 16 janvier 2023 un nouveau procès-verbal de saisie qui reprend le même calcul du minimum vital du poursuivi. Les gains d'indépendant de A______ ont été saisis à hauteur de 5'050 fr. par mois, pour la période allant du 30 août 2023 au 5 décembre 2023.

B. a. Par acte posté le 24 mai 2023, A______ a porté plainte contre les deux procès-verbaux de saisie précités, reçus par lui le 12 octobre 2022 et le 18 janvier 2023. Il conteste le montant des revenus retenu par l'Office et a produit trois bordereaux de taxation relatifs aux années 2017, 2018 et 2019, ainsi qu'une ordonnance pénale du Ministère public du 14 avril 2023 le reconnaissant coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice.

b. Aux termes de son rapport, l'Office a observé que les revenus de A______ avaient été déterminés sur la base des éléments recueillis dans une série antérieure, n° 9______, en particulier sur la base des relevés bancaires obtenus directement de [la banque] E______, à la suite d'un blocage de compte. L'Office avait pris en considération des entrées de 88'203 fr. 75 et divisé ce montant en 12 mensualités. Quant aux charges, le poursuivi n'avait fourni aucun justificatif, de sorte que seul le montant de base mensuel avait été admis. Le plaignant n'avait pas retourné de déclaration fiscale en 2019 et avait donc été taxé d'office. Il vivait dans une ferme où résidaient neuf autres personnes, selon la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM). Deux de ces personnes étaient bénéficiaires de prestations de l'Hospice général, l'une d'entre elles déclarant payer un loyer de 1'300 fr. par mois. Enfin, A______ avait clôturé son compte auprès de E______ et l'Office ignorait s'il détenait d'autres comptes bancaires.

L'Office a notamment produit les relevés du compte du débiteur auprès de E______ pour la période du 1er juillet 2021 au 11 janvier 2022, un échange de courriels de juin 2023 avec l'administration fiscale cantonale, laquelle a indiqué que "pour la période fiscale 2019, le contribuable a été notifié selon les documents reçus mais aucune déclaration fiscale ne nous a été remise. Les années suivantes 2020, 2021 et 2022 n'ont pas été notifiées à ce jour" et des relevés des mouvements enregistrés par le Cercle des agriculteurs.

L'Office a aussi joint un procès-verbal d'audition de A______ du 26 juin 2023. L'intéressé a déclaré à cette occasion "être en perte de 30'000 fr." et que l'entreprise qui effectuait le travail de semence serait remboursée "sur la récolte". Il se nourrissait des légumes du jardin et les autres courses étaient payées par sa mère, tout comme son abonnement de téléphone. Il n'y avait que deux locataires, l'un payant 700 fr. par mois de loyer à la mère du débiteur, l'autre s'acquittant des frais courants à hauteur de 100 fr. par mois. Les autres personnes recensées par l'OCPM ne résidaient pas dans la ferme.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'art. 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Lorsque le débiteur entend se plaindre d'une saisie prétendument contraire aux art. 92 et 93 LP, ce délai de dix jours commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2).

Le débiteur est censé avoir renoncé à se prévaloir de ce moyen s'il ne s'est pas adressé à l'autorité de surveillance dans les dix jours suivants la communication du procès-verbal de saisie. La jurisprudence a cependant tempéré cette exigence et admis, pour des raisons d'humanité et de décence, que la nullité d'une saisie peut être prononcée, malgré la tardiveté de la plainte, lorsque la mesure attaquée prive le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher. L'exception ainsi faite à la règle a été étendue aux cas où la saisie porte une atteinte flagrante au minimum vital, à telle enseigne que son maintien risquerait de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable (ATF 97 III 7, JdT 1973 II 20 ss; cf. ég. ATF 114 III 78, JdT 1990 II 162 ss).

1.2 En l'espèce, la plainte formée le 24 mai 2023 contre les procès-verbaux de saisie reçus par le plaignant le 12 octobre 2022 et le 18 janvier 2023 est tardive, car déposée bien après l'échéance du délai de plainte de dix jours.

Il convient toutefois d'examiner si les saisies portent une atteinte flagrante au minimum vital du plaignant, ce qui aurait pour effet d'entraîner leur nullité (art. 22 al. 1 LP).

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour établir le revenu brut tiré d'une activité professionnelle indépendante, l'Office doit interroger le débiteur sur le genre d'activité qu'il exerce ainsi que le volume et la nature de ses affaires. Lorsque l'instruction menée par l'Office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition.

2.1.2 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI). D'autres charges indispensables, comme les primes d'assurance maladie obligatoire (art. II.3 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, Commentaire Romand, op. cit., n° 82 ad art. 93 LP).

2.1.3 Conformément à l'obligation de renseignement qui lui incombe en vertu de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur doit fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de l'art. 93 al. 1 LP. Cette obligation doit être remplie au moment de l'exécution de la saisie déjà, et non au stade de la procédure de plainte (ATF 119 III 70 consid. 1; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, N 65 ad art. 93 LP).

2.2 En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que les saisies litigieuses porteraient atteinte de manière flagrante au minimum vital du plaignant, lequel ne démontre pas qu'il se trouverait dans une situation d'indigence absolument intolérable.

Les déclarations lacunaires du plaignant quant à sa situation financière ne sont pas convaincantes. Outre qu'il n'a produit aucun justificatif (bilan, comptes d'exploitation, facturation, contrats signés) susceptible de donner une idée précise de la nature et du volume de son activité, le plaignant n'a fourni aucune indication sur ses revenus et sa fortune. Les trois bordereaux de taxation qu'il a produits sont relativement anciens et ne sont pas significatifs, dès lors que l'administration fiscale a confirmé à l'Office, en tout cas s'agissant de l'année 2019, qu'elle n'avait pas reçu de déclaration fiscale de la part du plaignant. Ce dernier a en outre clôturé le compte auprès de E______, connu de l'Office, sur lequel entre juillet 2021 et janvier 2022 des entrées d'argent à hauteur de quelque 88'000 fr. avaient été enregistrées. Dans ces circonstances et au vu de l'absence de collaboration du plaignant, l'Office n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en retenant – sur la base des rentrées d'argent enregistrées sur son compte bancaire– que le plaignant pouvait réaliser un revenu net de 6'250 fr. par mois.

Par ailleurs, les charges prises en compte par l'Office n'ont fait l'objet d'aucune critique de la part du plaignant et correspondent à sa situation familiale, étant précisé qu'il n'a fourni aucun justificatif de paiement de primes d'assurance-maladie ou concernant ses frais de logement.

En définitive, le plaignant échoue à établir une atteinte flagrante à son minimum vital permettant de conclure à la nullité des procès-verbaux de saisie entrepris. Il suit de là que la plainte, déposée hors délai, est irrecevable.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 24 mai 2023 par A______ contre les procès-verbaux de saisie n° 5______ et n° 6______ établis le 10 octobre 2022 et le 16 janvier 2023 par l'Office cantonal des poursuites.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.