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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2421/2022

DCSO/518/2022 du 16.12.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.93.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2421/2022-CS DCSO/518/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 15 DECEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/2421/2022-CS) formée en date du 25 juillet 2022 par A______, comparant en personne.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- B______

c/o Me MAURER Pascal

Keppeler Avocats

Rue Ferdinand-Hodler 15

Case postale 6090

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Par acte expédié le 4 mars 2021, B______ ont engagé à l'encontre de A______ une poursuite en validation d'un séquestre obtenu le 22 janvier 2021, à hauteur de 20'460'487 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2012, sur divers actifs censés appartenir à A______.

Le 24 décembre 2021, B______ ont requis la continuation de cette poursuite n° 1______ en conversion du séquestre en saisie définitive.

b. Dans le cadre des opérations de saisie (série n° 2______), l'Office a étendu la saisie à d'autres actifs de A______ que ceux séquestrés, notamment le 15 février 2022 aux gains générés par l'activité d'avocat qu'il exerce à titre indépendant.

c. Sur la base des informations et pièces fournies par A______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a arrêté ses charges professionnelles à 5'973 fr. 05 (TVA non comprise) et ses charges d'entretien à 10'704 fr. 05, comprenant une contribution mensuelle de 8'000 fr. à l'entretien de son ex-épouse.

d. Au vu semble-t-il de la situation professionnelle en mutation du poursuivi, l'Office paraît avoir renoncé à faire porter la saisie sur un montant mensuel fixe ou sur tout montant excédant la somme des charges professionnelles et du minimum vital du poursuivi (soit 16'677 fr. 10), préférant statuer a posteriori, au vu des justificatifs relatifs à son activité professionnelle fournis par le poursuivi, sur la quotité saisissable devant être prise en considération pour chaque mois.

Aucun procès-verbal de saisie ne paraît par ailleurs avoir été établi.

e. Par décision du 3 mai 2022, l'Office, retenant que le gain brut réalisé par A______ au cours du mois de février 2022 s'était élevé à 14'857 fr. 30, avec pour conséquence qu'après déduction de ses frais professionnels et de son minimum vital il subissait un déficit de 1'819 fr. 80, a décidé de lui restituer ce montant.

Par une seconde décision également rendue le 3 mai 2022, l'Office a retenu que le poursuivi avait réalisé en mars 2022 un revenu brut de 16'275 fr. 75 auquel devaient s'ajouter les rentes AVS pour les mois de février et mars 2022, pour un total de 4'780 fr. Il a néanmoins décidé de lui restituer, pour le mois de mars 2022, un montant de 5'973 fr. 10.

f. Sur plaintes de B______, la décision du 3 mai 2022 relative au mois de février 2022 a été confirmée et celle relative au mois de mars 2022 annulée. La quotité saisissable des revenus de A______ a été fixée à toute somme excédant 8'728 fr. 05. Compte tenu de la quotité saisissable pour le mois de mars 2022, et après imputation du montant devant être restitué au poursuivi pour le mois de février 2022, la saisie devait porter au 31 mars 2022 sur un montant de 8'117 fr. 90 (DCSO/398/2022 du 6 octobre 2022, aujourd'hui définitive).

g. Par jugement du 16 juin 2022, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de A______.

h. Par une première décision du 11 juillet 2022, reçue le 13 juillet 2022 par A______, l'Office a retenu que celui-ci avait réalisé en avril 2022 un revenu brut de 28'722 fr. 65, auquel s'ajoutait sa rente AVS de 2'390 fr. Après déduction de ses charges professionnelles et de son minimum vital, la quotité saisissable pour ce mois s'établissait à 14'435 fr. 55, montant dont il était invité à s'acquitter en mains de l'Office cantonal des faillites en application de l'art. 199 LP.

Par une seconde décision du 11 juillet 2022, elle aussi reçue le 13 juillet 2022 par A______, l'Office a retenu que ce dernier avait réalisé en mai 2022 un revenu brut de 7'335 fr. 85, auquel s'ajoutait sa rente AVS de 2'390 fr. Au vu de ses charges professionnelles et de son minimum vital, la quotité saisissable pour le mois de mai 2022 était donc nulle. Dans cette même décision, l'Office a par ailleurs refusé de prendre en considération dans le calcul des frais professionnels ou du minimum vital du débiteur la TVA dont celui-ci devait s'acquitter pour le quatrième trimestre 2021, en 11'821 fr. 10, et pour le premier trimestre 2022, en 6'707 fr. 40.

i. Par lettre du 8 juin 2022, l'Office a invité la société D______ SA à s'acquitter en ses mains du montant de 220'022 fr. 40 représentant le dividende lié aux actions de cette société appartenant à A______.

Ce montant a été versé le 21 juin 2022 à l'Office.

B. a. Par acte adressé le 25 juillet 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les deux décisions rendues le 11 juillet 2022 par l'Office, concluant à leur annulation et à ce que l'Office soit invité à émettre de nouvelles décisions "conformes au droit". Il a reproché à l'Office de ne pas avoir tenu compte des montants devant lui être restitués selon ses décisions du 3 mai 2022, de ne pas avoir pris en considération la TVA dans la détermination de ses charges professionnelles et de ne pas avoir tenu compte du montant de 220'022 fr. 40 encaissé au titre de dividende de la société D______ SA.

b. Par ordonnance du 4 août 2022, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif formée à titre préalable par le plaignant.

c. Dans ses observations du 24 août 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

d. B______ en ont fait de même par détermination du 25 août 2022.

 

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.2 La plainte a en l'occurrence été formée en temps utile par une personne atteinte ou susceptible de l'être dans ses intérêts protégés et est dirigée contre une décision pouvant être contestée par cette voie. Elle respecte les conditions de forme prévues par la loi et comporte une motivation ainsi que des conclusions.

Elle est donc recevable.

2. 2.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Les revenus d'un travailleur indépendant se déterminent en déduisant de ses revenus bruts les frais liés à l'exercice de son activité ainsi que les cotisations aux assurances sociales (ATF 112 III 19 consid. 2b; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, 3ème édition, 2021, N 52 ad art. 93 LP; Winkler, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 70 ad art. 93 LP). Seuls les frais indispensables à l'obtention du revenu peuvent être pris en considération (ATF 112 III 19 consid. 2c; 85 III 40 consid. 3).

Dans la mesure où les revenus d'un travailleur indépendant peuvent connaître des variations de mois en mois, l'office des poursuites peut organiser la saisie selon deux modalités différentes. Il peut ainsi déterminer le revenu moyen réalisé par l'intéressé sur la base d'une période de référence (en principe une année) ayant précédé la saisie et, sur cette base, déterminer la quotité saisissable qui devra être versée chaque mois en ses mains; à l'expiration de la saisie, ou plus tôt si nécessaire, l'office vérifiera si les revenus effectivement réalisés par le débiteur au cours de la saisie étaient suffisants pour couvrir son minimum vital et, dans la négative, lui remboursera le montant manquant. La seconde possibilité consiste à faire porter la saisie sur un montant variable à hauteur de tout revenu excédant le minimum vital puis à vérifier, en se fondant sur les justificatifs fournis après coup par le débiteur, si un montant doit lui être remboursé et à quelle hauteur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2011 du 2 mai 2011 consid. 2,2; Vonder Mühll, op. cit., N 52 ad art. 93 LP; Winkler, op. cit., N 70 à 72 ad art. 93 LP).

2.2 L'Office a en l'espèce choisi de fixer par décisions séparées, pour chaque mois, la quotité saisissable des revenus du plaignant au vu des pièces justificatives fournies après coup par ce dernier, ce qui est en soi admissible. L'Office paraît toutefois avoir omis de fixer (que ce soit sur la base d'un revenu moyen ou à hauteur de ce qui excédait le minimum vital) le montant devant être versé mensuellement en ses mains par le débiteur sous la menace de l'art. 169 CP, avec l'inconvénient notable – démontré par le cas d'espèce – qu'une éventuelle quotité saisissable établie plusieurs semaines voire plusieurs mois après la période de référence risque de ne plus pouvoir être encaissée, par exemple parce que le débiteur l'aura affectée à un autre usage (ou, comme en l'espèce, que sa faillite aura entretemps été déclarée).

Le plaignant, si l'on comprend bien, se plaint d'une violation de son minimum vital à trois égards.

2.2.1 En premier lieu, l'Office n'aurait pas tenu compte des montants de 1'819 fr. 80 et de 5'973 fr. 10 qui devaient lui être restitués selon ses décisions du 3 mai 2022.

Comme rappelé ci-dessus (let. A.f), cependant, la seconde de ces décisions a été annulée et, par décision du 6 octobre 2022 aujourd'hui définitive, la Chambre de céans a arrêté à 8'117 fr. 90 le solde positif de la quotité saisissable pour les mois de février et mars 2022.

Le grief est donc sans objet.

2.2.2 Le plaignant reproche ensuite à l’Office de ne pas avoir tenu compte, dans ses frais professionnels, des montants dus au titre de la TVA.

Dans la mesure toutefois où le paiement de ces montants n'est pas indispensable à la poursuite de l'activité professionnelle du plaignant, ils n'avaient pas à être pris en considération pour arrêter le montant de ces frais. La situation de l'administration fiscale doit à cet égard être distinguée de celle des tiers fournissant à l'indépendant des prestations sans lesquelles celui-ci ne pourrait plus poursuivre son activité.

A l'instar des autres impôts (sous réserve de l'impôt à la source), la TVA ne peut pas non plus être prise en considération pour déterminer le minimum vital du plaignant (ATF 140 III 337 consid. 4.4).

Au demeurant, et même à supposer que la TVA dût être considérée comme faisant partie des frais professionnels indispensables au sens de l'art. 93 al. 1 LP, le plaignant ne pourrait en tirer argument. D'une part, seuls les impôts relatifs à la période de la saisie (soit trois mois, du 15 février au 16 juin 2022) pourraient être pris en considération, à l'exclusion de ceux relatifs à une autre période : le poursuivi ne saurait en effet diminuer son revenu saisissable en choisissant de payer ou de comptabiliser certaines charges en retard ou en avance. Sur la base du décompte TVA pour le premier trimestre 2022, qui reflète une diminution de l'activité du plaignant, c'est ainsi un montant de l'ordre de 7'000 fr. au maximum qui aurait pu être pris en considération pour toute la période de la saisie. Si l'on applique par ailleurs aux mois d'avril et mai 2022 le montant du minimum vital arrêté par la Chambre de céans dans sa décision du 6 octobre 2022, soit 2'074 fr. 05 (au lieu de 10'074 fr. 05 tel que retenu par l'Office), la quotité saisissable aurait dû s'élever à 22'384 fr. 60 (28'722 fr. 65 [revenu brut] + 2'390 fr. [rente AVS] - 8'728 fr. 05 [frais professionnels hors TVA et minimum vital]) pour le mois d'avril et à 997 fr. 80 (7'335 fr. 85 [revenu brut] + 2'390 fr. [rente AVS] - 8'728 fr. 05 (frais professionnels hors TVA et minimum vital]) pour le mois de mai. En d'autres termes, la saisie aurait dû porter au cours des mois de février à juin 2022 sur un montant total de 31'500 fr. 30 (8'117 fr. 90 + 22'384 fr. 60 + 997 fr. 80). Une prise en compte à hauteur de 7'000 fr. de la TVA ramènerait ce montant à 24'500 fr., ce qui est encore supérieur à la somme des montants de 8'117 fr. 90 et de 14'435 fr. 55 résultant de la décision de la Chambre de céans du 6 octobre 2022 et de la première décision de l'Office du 11 juillet 2022.

Le moyen est donc mal fondé.

2.2.3 Le plaignant reproche enfin à l'Office de ne pas avoir "tenu compte" du montant de 220'022 fr. 40 lui revenant au titre de dividende. Il n'explique cependant pas quelle forme cette prise en compte aurait dû revêtir ni quelle conséquence elle aurait eue sur les décisions contestées. On comprend cela étant de la plainte que le plaignant ne conteste pas la mise sous mains de justice de ce montant ni le fait qu'il doive être affecté au remboursement de ses créanciers, qu'ils participent à la saisie ou soient admis à l'état de collocation établi dans la faillite. Dans la mesure où ses autres revenus lui ont permis de couvrir son minimum vital pendant la saisie, il ne saurait pour sa part prétendre à une partie de ce montant.

Le grief est donc là aussi mal fondé, de telle sorte que la plainte doit être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 25 juillet 2022 par A______ contre les décisions rendues le 11 juillet 2022 par l'Office cantonal des poursuites dans le cadre de la saisie, série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.