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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3507/2021

DCSO/375/2023 du 31.08.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 11.09.2023, rendu le 14.03.2024, CONFIRME, 5a_666/2023
Descripteurs : Séquestre; mainlevée provisoire; rejet; action en reconnaissance de dette; calcul du délai de dix jours; dies a quo; jugement de mainlevée de première instance seul l'effet suspensif a été octroyé
Normes : lp.259.al2
Résumé : Recours au TF formé par la créancière le 11 septembre 2023, rejeté par arrêt du 25 janvier 2024 (5A_666/2023).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3507/2021-CS DCSO/375/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 31 AOÛT 2023

 

Plainte 17 LP (A/3507/2021-CS) formée en date du 14 octobre 2021 par
A______, élisant domicile en l'étude de Me Christian Luscher, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- Masse successorale de feu A______, représentée par B______, représentant personnel (personal representative)

c/o Me LUSCHER Christian

CMS von Erlach Partners SA

Rue Bovy-Lysberg 2

Case postale

1211 Genève 3.

- [Clinique] C______

c/o Me JORDAN Romain

Merkt & Associés

Rue Général-Dufour 15

Case postale

1211 Genève 4.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. C______ (ci-après la CLINIQUE) a requis du Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) et obtenu, le 24 décembre 2018, l'autorisation de séquestrer des avoirs de A______, domicilié aux Bahamas, déposés auprès de la [banque] D______.

L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a exécuté le séquestre le jour même (séquestre n° 1______) et établi un procès-verbal de séquestre le 16 janvier 2019 qui a été notifié au débiteur le 11 mars 2020 et reçu le 17 novembre 2020.

b. La CLINIQUE a requis la poursuite de A______ en validation du séquestre (poursuite n° 2______).

c. L'Office a établi un commandement de payer le 6 mars 2020 qui a été notifié à A______ le 17 novembre 2020 et auquel il a fait opposition le 19 novembre 2020 auprès de l'autorité notificatrice étrangère.

Ce document a été remis à la créancière, frappé d'opposition, le
21 décembre 2020.

d. La CLINIQUE a requis du Tribunal la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer le 7 janvier 2021.

e. Le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée par jugement du 29 juin 2021.

f. La CLINIQUE a formé un recours le 12 juillet 2021 contre cette décision, sans requérir la suspension de l'effet exécutoire de la décision entreprise.

g. La Cour de justice a confirmé le jugement par arrêt du 13 septembre 2021.

h. La CLINIQUE a ouvert le 11 octobre 2021 action en reconnaissance de dette par le dépôt d'une requête en conciliation devant le Tribunal.

B. a. A______ a demandé le 3 septembre 2021 à l'Office de lever le séquestre n° 1______ au motif qu'il n'avait pas été valablement validé dans les délais prévus par l'art. 279 LP, l'action en reconnaissance de dette n'ayant pas été déposée dans les 10 jours suivant la communication du jugement refusant de prononcer la mainlevée.

b. Par décision du 4 octobre 2021, l'Office a refusé de lever le séquestre car les voies de recours n'avaient été épuisées, au sens de l'art. 280 ch. 3 LP, contre la décision de mainlevée, l'arrêt de la Cour de justice n'étant pas encore définitif. Il se fondait sur une décision de l'autorité de surveillance genevoise DCSO/240/2008 pour soutenir son argumentation.

C. a. Par acte déposé le 14 octobre 2021 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre cette décision et conclut à ce qu'il soit constaté que les effets du séquestre n° 1______ avaient pris fin et à ce que sa levée immédiate soit ordonnée.

En substance, elle considérait que la validation du séquestre impliquait que l'action en reconnaissance de dette soit déposée dans les 10 jours suivant la notification de la décision de mainlevée de première instance, aucun effet suspensif n'ayant été restitué au recours contre cette décision. La décision DCSO/240/2008 sur laquelle l'Office avait fondé son argumentation était inapplicable car elle portait sur le caractère définitif du jugement sur l'action en reconnaissance de dette et non sur le jugement sur mainlevée.

b. Dans ses observations du 5 novembre 2021, la CLINIQUE a conclu au rejet de la plainte en soutenant que le délai pour déposer l'action en reconnaissance de dette, ensuite du rejet de la requête de mainlevée, commençait à courir uniquement lorsqu'une décision définitive avait été rendue sur le rejet de la requête de mainlevée. Elle invoquait essentiellement l'application par analogie des art. 279 al. 5 ch. 1 et 280 ch. 3 LP.

c. Dans ses observations du 5 novembre 2021, l'Office a maintenu, sans la motiver particulièrement, son opinion selon laquelle le délai pour déposer une action en reconnaissance de dette au sens de l'art. 279 al. 2 LP courait dès qu'une décision définitive était rendue sur la mainlevée provisoire.

d. Le plaignant a répliqué le 3 décembre 2021 en se référant notamment au texte du Commentaire Romand, Poursuite et faillite (Stoffel, Chabloz, n° 10 ad art. 279 LP), pour persister dans ses conclusions.

e. L'intimée a quant à elle dupliqué le 20 décembre 2021 et persisté dans ses conclusions en invoquant un arrêt du Tribunal fédéral 5A_109/2007 du
25 septembre 2007 consid. 2.

f. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
12 janvier 2022 que la cause était gardée à juger.

g. Le conseil de A______ a informé la Chambre de surveillance le 11 mars 2022 que son client était décédé le ______ 2022 aux Bahamas où il était domicilié.

h. La procédure a été suspendue le 29 juin 2022 dans l'attente de connaître les héritiers de A______.

i. La composition de la succession de A______ ayant pu être déterminée avec certitude, en application du droit des Bahamas, sur la base de deux avis de droit des 28 février et 13 juin 2023 de l'Institut suisse de droit comparé, l'ancien conseil de A______, devenu conseil de sa succession, a conclu le 19 juin 2023 à la reprise de la procédure et à la rectification des qualités de la partie plaignante qui était désormais la masse successorale de feu A______, représentée par B______, représentant personnel (personal representative).

j. La Chambre de surveillance a invité les parties, par ordonnance du
7 juillet 2023, à se déterminer dans un délai échéant le 4 août 2023 avant que la cause ne soit gardée à juger sur reprise, rectification des qualités de la partie plaignante et sur le fond.

k. Les parties n'ayant pas déposé d'observations, la cause a été gardée à juger le
4 août 2023.

EN DROIT

1. 1.1 Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3;
129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

1.2 Les qualités de la partie plaignante sont modifiées en ce sens qu'elles sont désormais la masse successorale de feu A______, représentée par B______, représentant personnel, faisant élection de domicile chez Me Christian LUSCHER.

2. 2.1.1 En application de l'art. 279 al 2 LP, si le débiteur forme opposition au commandement de payer notifié en validation d'un séquestre, le créancier doit requérir la mainlevée de celle-ci ou intenter action en reconnaissance de la dette dans les dix jours à compter de la date à laquelle l'opposition lui a été communiquée. Si la requête de mainlevée est rejetée, le créancier doit intenter action dans les dix jours à compter de la notification de cette décision.

Les effets du séquestre cessent lorsque le créancier qui agit en validation laisse s'écouler les délais qui lui sont assignés par l'art. 279 LP (art. 280 ch. 1 LP).

Le sens et le but de la procédure de validation du séquestre, qui est empreinte d'une obligation de diligence du créancier séquestrant, impose à ce dernier d'agir avec célérité (ATF 129 III 599 consid. 2.3 in fine; 126 III 293 consid. 1). A titre d'exemple, le créancier séquestrant qui ne peut s'assurer au préalable que le débiteur a ou non formé opposition au séquestre (ce qui entraîne la suspension du délai), doit donc, par précaution, entreprendre une première démarche de validation dans le délai de l'art. 279 al. 1 LP s'il ne veut pas que le séquestre devienne caduc en vertu de l'art. 280 LP (ATF 129 III 293).

2.1.2 La jurisprudence et la doctrine ne développent pas la question du dies a quo du délai de dix jours prévu à la deuxième phrase de l'art. 279 al. 2 LP, n'abordant pas la question ou se contentant de reprendre les termes de la loi (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 12 ad art. 279 LP; Kren Kostkiewiewcz, Vock, Kommentar SchKG, 2017, n° 22 ss ad art. 279 LP; Meier-Dieterle, KUKO SchKG, 2014, n° 12 et ss ad art. 279 LP; Reiser, Basler Kommentar, SchKG, 2021, ad art. 279 LP). Elles ne traitent notamment pas de la question de savoir quelle est la "décision rejetant la requête de mainlevée" marquant le départ du délai de dix jours lorsque la décision de première instance fait l'objet d'un recours en seconde instance cantonale, voire d'un recours en matière civile, subsidiairement d'un recours constitutionnel, au Tribunal fédéral. Il se pose en effet la question de déterminer si le délai court dès le prononcé d'une décision exécutoire ou d'une décision définitive, ce qui n'est pas sans incidence lorsque seules des voies de recours sans effet suspensif sont ouvertes contre la décision de première instance, ce qui est le cas pour le jugement de mainlevée provisoire (art. 309 let. b ch. 3, 319 let. a et 325 al. 1 CPC; art. 103 al. 1 et 117 LTF).

Le Commentaire Romand – certes rédigé en 2005 avant l'entrée en vigueur du CPC en 2011, mais restant d'actualité s'agissant du sens à donner à l'art. 279 al. 2 LP qui n'a pas été modifié – est l'un des seuls qui en dit un peu plus, sans toutefois donner de réponse claire, en indiquant que "si la requête de mainlevée provisoire de l'opposition est rejetée en première ou en deuxième instance (…), le créancier doit intenter action en reconnaissance de dette dans les dix jours à compter de la notification de la décision susceptible d'entrer en force" (Stoffel, Chabloz, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 279 LP).

L'intimée se réfère à un arrêt du Tribunal fédéral 5A_109/2007 du 25 septembre 2007 consid. 2 dont la teneur est la suivante : "La requête de mainlevée que C. a déposée a été rejetée par arrêt de la Cour de justice du 1er juin 2006. Il appartenait alors à cette société d'intenter action en reconnaissance de dette dans le délai de 10 jours, conformément à l'art. 279 al. 2 LP. Comme elle ne l'a pas fait, ni n'a recouru contre le rejet de sa requête de mainlevée, les effets du séquestre ont cessé, conformément à l'art. 280 ch. 1 LP". Elle considère que cette formulation de la haute Cour implique que cette dernière interprète l'art. 279 al. 2 LP comme fixant le dies a quo du délai de dix jours pour agir en reconnaissance de dette à la décision finale sur mainlevée et non pas la décision de première instance exécutoire. Il est toutefois difficile de tirer une conclusion d'un extrait provenant de la mineure du syllogisme conduit par le Tribunal fédéral et non pas de sa majeure.

L'intimée cite également l'ATF 129 III 599 qui mentionne que le délai de dix jours pour intenter l'action en reconnaissance de dette ne court que dès jugement définitif sur l'opposition. Cet arrêt n'est toutefois pas pertinent car il traite du recours contre la décision sur l'opposition au séquestre qui fait l'objet d'une réglementation spécifique à l'art. 279 al. 5 ch. 1 LP (ancien art. 278 al. 5 LP), et non pas du recours contre la décision de mainlevée de l'opposition au commandement de payer.

L'Office des poursuites s'est quant à lui référé, dans la décision entreprise, à la décision DCSO/240/2008 du 25 juin 2008 de la Chambre de céans, pour soutenir que l'Office devait attendre, pour lever le séquestre, que la procédure en mainlevée ait fait l'objet d'une décision définitive, ce que prévoyait l'art. 280 ch. 3 LP. Il n'a toutefois pas repris cette argumentation dans ses observations, s'étant vraisemblablement rendu compte que tant la décision DCSO/240/2008 que l'art. 280 al. 3 LP se référaient exclusivement à l'action en reconnaissance de dette et non pas à la procédure de mainlevée provisoire.

2.1.3 La Chambre de surveillance considère que la réponse à la question litigieuse se situe en réalité dans l'analogie qu'il convient de faire entre l'action en libération de dette à disposition du débiteur et l'action en reconnaissance de dette à disposition du créancier suite à une décision acceptant ou refusant la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer. Il s'agit en effet dans les deux cas d'une action déposée devant le juge civil, portant sur le fond de la créance en poursuite, suite à une décision sur mainlevée. La première doit être formée dans un délai de 20 jours "à compter de la mainlevée" en application de l'art. 83 al. 2 LP et la seconde dans un délai de 10 jours "à compter de la notification de la décision de rejet de la mainlevée" en application de l'art. 279 al. 2 LP. Or, la question du dies a quo du délai de 20 jours pour le dépôt de l'action en libération de dette fait l'objet d'une réponse unanime dans la jurisprudence et la doctrine.

Le délai de 20 jours court dès la notification de la décision de première instance, même si celle-ci n'est pas motivée, la notification ultérieure d'une motivation ne faisant pas courir à nouveau ce délai (ATF 143 III 38 consid. 2.3; 127 III 570 consid. 4a; 124 III 35; Staehelin, Basler Kommentar, SchKG, 2021, n° 23 ad art. 83 LP). En cas de recours contre la décision ordonnant la mainlevée de l'opposition (art. 319 let. a CPC), le point de départ du délai de 20 jours pour le dépôt de l'action en libération de dette reste la notification de la décision de première instance, sauf si l'effet suspensif a été octroyé au recours contre le jugement de mainlevée. Dans ce cas, le délai pour ouvrir l'action en libération de dette ne court qu'à partir de la communication de la décision de la juridiction supérieure, l'effet suspensif rétroagissant à la date de la décision attaquée (ATF 127 III 569, JdT 2001 II 46, SJ 2002 I 54; Staehelin, op. cit., n° 25 ad art. 83 LP; Schmidt Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 14 ad art. 83 LP).

Il se justifie d'appliquer les mêmes principes au délai de 10 jours fixé par l'art. 259 al. 2 LP pour déposer une action en reconnaissance de dette suite à la communication de la décision rejetant la mainlevée provisoire de l'opposition, compte tenu des problématiques similaires réglées par les art. 83 al. 2 et 259 al. 2 LP, ainsi que du fait qu'il est requis du créancier au bénéfice d'un séquestre de faire particulièrement diligence pour valider la mesure conservatoire dont il bénéficie.

3.2 En l'espèce, l'action en reconnaissance de dette a été déposée le 11 octobre 2021 plus de dix jours après la communication à la créancière du jugement de mainlevée du 29 juin 2021. Aucun effet suspensif n'a été requis au recours formé contre ce jugement. Les délais de l'art. 279 al. 2 LP n'ont ainsi pas été respectés et le séquestre doit être levé (art. 280 ch. 1 LP).

Partant, la plainte est fondée et l'Office sera invité à lever le séquestre litigieux.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la plainte formée le 14 octobre 2021 par A______ contre la décision de l'Office des poursuites du 4 octobre 2021 refusant de lever le séquestre n° 1______.

Rectifie les qualités de la partie plaignante qui sont "masse successorale de feu A______, représentée par B______, représentant personnel (personal representative).

Au fond :

Admet la plainte.

Invite l'Office à lever ledit séquestre.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.